Sivut kuvina
PDF
ePub

taires, comme à celui des déserteurs proprement dits.

>> Aux termes de l'art. 19 de la loi du 10 mars 1818, les jeunes gens appelés pour le recrutement, sont inscrits sur les registres-matricules des corps de l'armée. Dès ce moment, ils deviennent soldats et sont assimilés aux militaires en congé. Ils doivent donc être réputés déserteurs, lorsqu'ils n'obéissent pas à l'ordre de départ; et tout individu qui les recèle, avec connaissance de leur désobéissance aux lois du royaume, est passible des peines prononcées contre ceux qui

recèlent un déserteur.

» En d'autres termes, recéler sciemment un jeune soldat qui ne répond pas à l'appel, c'est recéler sciemment un déserteur, et encourir l'application des art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6 et 14 de celle du 17 ventôse an 8, contre tout habitant de l'intérieur du royaume, con · vaincu d'avoir recélé sciemment la personne d'un déserteur ou d'un réquisitionnaire, ou de l'avoir soustrait, d'une manière quelconque, aux poursuites ordonnées par la loi, puisque, par le seul fait de sa désobéissance, le jeune soldat, assimilé aux militaires en congé, est réputé déserteur.

» Ce considéré, il plaise à la cour, casser et annuler, dans l'intérêt de la loi, l'arrêt rendu par la cour royale de Lyon, le 27 juillet dernier, dont expédition est ci-jointe, et ordonner qu'à la diligence de l'exposant, l'arrêt à intervenir sera imprimé, et transcrit sur les registres de

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

la loi du 24 brumaire an 6 par l'art. 12 de la Charte.

Mais la cour royale s'étant de plus fondée sur le fait que Claude Chataignier n'avait point recélé son neveu, il semble qu'avant de casser son arrêt, même dans le seul intérêt de la loi, la cour suprême aurait dû examiner si ce fait même était prouvé légalement, et que, si elle eût trouvé que la cour royale n'avait violé aucune loi en le tenant pour tel, elle aurait dû rejeter le réquisitoire de M. le procureur gé néral, en improuvant le motif prédominant de l'arrêt attaqué (1).

C'est ainsi, en effet, qu'elle a prononcé depuis sur le recours en cassation, exercé par le procureur du roi près le tribunal correctionnel de Saintes, contre un jugement de ce tribunal qui, pour acquitter le sieur Terrien de la prévention d'avoir recélé sciemment un appelé retardataire, s'était fondé sur deux motifs, l'un tiré de la prétendue abrogation de l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, l'autre puisé dans des faits desquels il résultait qu'il n'y avait eu, de la part du sieur Terrien, ni intention de recéler,

ni recèlement effectif.

Par arrêt du 24 février 1827, au rapport de M. Cardonnel, et sur les conclusions de M. l'avocat général Laplagne-Barris,

<< Attendu que l'art. 12 de la Charte, en abolissant la conscription qui n'était qu'un mode de recrutement de l'armée, n'a point aboli les lois antérieurement rendues, qui assuraient la conservation de l'armée en punissant ceux qui favorisent la Désertion; que le mode de recrutement seul est changé, et que les lois qui en protégeaient l'exécution, sont seules abrogées; que la Charte a maintenu, au contraire, les lois qui avaient pour objet de prévenir la dissolution de l'armée par la Désertion; que l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, qui a fixé les peines encourues par ceux qui favorisaient la Désertion, a conservé toute sa force, et que la loi du 10 mars 1818 en a expressément ordonné le maintien et l'exécution; que, d'après les dispositions de l'art. 25 de cette loi du 10 mars

» Vu le réquisitoire ci-dessus, les pièces join- 1818, les lois pénales existantes relatives à la tes et notamment l'arrêt dénoncé :

[blocks in formation]

Désertion, doivent continuer d'être suivies et observées, et qu'il est expressément enjoint aux tribunaux de les exécuter ; que l'art. 19 de ladite loi, relatif aux jeunes gens appelés par le recrutement, trouve évidemment sa sanction pénale dans les lois des 24 brumaire an 6 et 17 ventôse an 8; que ces jeunes soldats sont inscrits sur les registres-matricules des corps de l'armée, et assimilés aux militaires en congé; et que, d'après la combinaison de ces lois, ceux

(1) V. l'article Motifs des jugemens, §. 2, no 2. 33

qui recèlent des jeunes gens appelés, ou leurs remplaçans adinis, doivent être punis des peines qu'elles prononcent contre ceux qui recèleraient des déserteurs; qu'en jugeant le contraire, le tribunal de Saintes a commis une erreur grave et méconnu les principes de la matière, et la lettre comme l'esprit de la législation existante sur ce point;

» Mais attendu que le tribunal de Saintes a déclaré, en fait, que toutes les circonstances de la cause prouvent la bonne foi de Terrien, et que ces mêmes circonstances que le tribunal rappelle et apprécie dans ses motifs, excluent, et doivent conséquemment le faire considérer comme non coupable de ce délit; que, dans l'état des faits tels qu'ils ont été déclarés par le tribunal de Saintes, la décision de ce tribunal est devenue irréfragable;

2 La cour rejette le pourvoi...... (1) ».

§. VI 10, Qu'est-ce, en thèse générale, que recéler sciemment un déserteur?

2o Qu'y a-t-il, à cet égard, de particulier au cas où un déserteur est reçu dans une maison comme serviteur à gages?

I. Pour résoudre la première question, fixonsnous bien sur les termes de l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6: « tout habitant de l'inté>> rieur convaincu d'avoir recélé sciemment la » personne d'un déserteur ou réquisitionnaire, » ou d'avoir favorisé son évasion, ou de l'avoir » soustrait d'une manière quelconque aux pour>> suites ordonnées par la loi, sera condamné, par voie de police correctionnelle, à une » amende qui ne pourra être moindre de 500 » francs ni excéder 3,000 francs, et à un em»prisonnement d'un an ».

Il est d'abord certain que, dans cet article, le terme recélé est synonyme de caché; car on ne peut recéler une personne ou une chose, qu'en la cachant, qu'en la dérobant aux regards, aux recherches de ceux qui sont intéressés à la connaître, à la découvrir; aussi les mots caché et recélé étaient-ils employés dans l'art. 4 du tit. 3 de la seconde partie du Code pénal du 25 septembre 1791, comme exprimant deux actions dont la seconde est l'effet de la première ; et le sont-ils dans l'art. 359 du Code pénal de 1810, comme exprimant une seule et même action. « Quiconque (portait l'un) est convaincu d'avoir » caché et recélé le cadavre d'une personne ho » micidée, encore qu'il n'ait pas été complice » de l'homicide, doit être puni de la peine de

(1) Journal des Audiences de la cour de cassation, année 1827, part. 2, page 131

4 années de détention ». Quiconque (est-il dit dans l'autre) aura RECÉLÉ OU CACHÉ le cadahomicidée ou morte des vre d'une personne suites de coups ou blessures, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et d'une amende de 50 francs à 400 francs, sans prejudice de peines plus graves, s'il a participé au cr me.

Il n'est pas moins évident que, par les mots recélé sciemment un déserteur, la loi entend recélé un déserteur avec connaissance de son état de Désertion; car si le mot sciemment, au lieu de se rapporter au mot déserteur, se rapportait au mot recélé, de manière que la loi fut censée dire, recélé un déserteur avec connaissance du recèlement, la phrase ne présenterait qu'un ridicule pléonasme, puisque le recèlement n'est que l'exécution de l'intention de recéler, et que par conséquent il y a toujours connaissance du recèlement, par cela seul qu'il y a recèlement effectif.

Ainsi, le concours de deux conditions est absolument nécessaire pour qu'il y ait lieu à l'application des peines écrites dans l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6: il faut d'abord qu'il y ait eu recèlement d'un déserteur, c'est-àdire, qu'un déserteur ait été caché dans la maison où il a été recu, il faut ensuite que le recéleur ait su que l'individu qu'il recélait, se trouvait en état de Désertion.

Et vainement prétendrait-on, relativement à la première de ces conditions, qu'elle est censée remplie par cela seul qu'un déserteur a été reçu et logé dans une maison, quoique d'ailleurs il n'y ait pas été tenu caché, quoiqu'il en sortit et qu'il y ait rentré, soit tous les jours, soit fréquemment, au vu et su de tout le monde.

Je sais bien que l'on pourrait appuyer ce système sur la loi du 30 décembre 1809, qui déclarait les peines portées par les lois des 24 brumaire an 6 et 17 ventôse an 8, contre les recéteurs des déserteurs et conscrits réfractaiapplicables à tout français qui recevrait et garderait chez lui des désertcurs ou conscrits réfractaires du royaume d'Italie avec connaissance de leur désobéissance aux lois de leur pays.

res,

Mais, d'une part, il est bien difficile de ne pas sous-entendre, dans cette loi, à la suite des mots recevra et gardera chez lui, le mot clandestinement. Comment en effet supposer

que la loi veuille étendre à ceux qui, sans mystère et patamment, recevront et garderont chez eux des déserteurs et conscrits réfractaires italiens, les peines portées contre les recéleurs de conscrits réfractaires et déserteurs français, c'est-à-dire, contre ceux qui ne re

çoivent et ne gardent chez eux des déserteurs et conscrits réfractaires français, qu'avec toutes les précautions nécessaires pour les Ꭹ tenir cachés ? Comment supposer qu'elle veuille punir comme recéleurs ceux qui ne recèlent pas ?

Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en présentant le projet de cette loi au corps législatif, le 21 décembre 1809, l'orateur du gouvernement a dit et répété plusieurs fois qu'elle n'avait d'autre but que d'assimiler les recéleurs des conscrits réfractaires et des déserteurs italiens, aux recéleurs des conscrits réfractaires et des déserteurs français. Voici ses propres termes :

» La loi du 24 brumaire an 6 punit d'une amende de 300 à 3,000 francs et d'un emprisonnement d'un an, tout habitant du territoire francais qui a recélé sciemment des déserteurs ou conscrits réfractaires, et la loi du 17 ventôse an 8 a confirmé cette disposition.

>> Mais ces lois purement relatives à notre régime intérieur, n'atteignent pas le délit d'un français qui recélerait les déserteurs ou conscrits réfractaires du royaume d'Italie.

» De là il résulte que ces déserteurs ou conscrits viennent se réfugier dans les ci-devant Etats de Parme ou autres pays réunis à l'Empire français, et y trouvent d'autant plus facilement un asyle que ceux qui le leur accordent, ne sont, dans l'état présent de la législation, exposés à aucune peine.

» Si cette impunité continuait d'exister, elle deviendrait d'autant plus funeste que le voisi nage et les relations de famille rendraient chaque jour ces émigrations plus nombreuses.

» Les inconvéniens d'un tel ordre de choses ont fixé l'attention des autorités locales, et appelé la sollicitude du gouvernement.

» L'extradition des fugitifs, qui ne peut d'ailleurs avoir lieu que quand ils sont découverts, est loin de réparer tout le mal; car c'en est un déjà fort grand que la perte du temps employé à la recherche et au transport de gens qui devraient être sous leurs drapeaux. Le vrai remède en cette matière, c'est de leur fermer l'asyle, et pour obtenir ce résultat, il faut nir les français qui les RECÈLENT, ce qui n'appartient plus aux réglemens politiques ou militaires, mais à la loi même.

pu

[ocr errors][merged small]
[ocr errors]

pre patrie, devient coupable envers son gouvernement, et doit être puni, s'il a sciemment agi. » Une mesure qui le soumettra, dans ce cas, aux peines portées par les lois des 24 brumaire an 6 et 17 ventôse an 8, vous paraîtra sans doute conforme aux intérêts de l'État et de la justice (1) »

D'un autre côté, quand on irait jusqu'à supposer qu'il était dans l'intention de la loi du 30 décembre 1809, de punir comme recéleurs des conscrits réfractaires et déserteurs italiens, les français qui, sans les recéler effectivement, les recevaient et gardaient chez eux, serait-ce une raison pour traiter de même ceux qui reçoivent et gardent patemment chez eux des déserteurs et conscrits réfractaires français ? Non assurément : la loi du 30 décembre 1809 aurait, dans cette supposition, renchéri sur la sévérité des lois des 24 brumaire an 6 et 17 ventôse an 8; mais elle ne l'aurait fait que relativement à l'action de recevoir et loger chez soi des déserteurs et conscrits réfractaires italiens; elle aurait laissé l'action de recevoir et loger chez soi des déserteurs et conscrits réfractaires français, sous l'empire de ces lois. C'est la conséquence nécessaire de deux principes également incontestables: le premier, que les lois dérogatoires ne s'étendent jamais d'un cas à un autre; le second, que les lois pénales doivent toujours être restreintes à leurs termes précis.

II. Mais le concours des deux conditions re. quises par l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, pour qu'il y ait lieu à l'application des peines qui y sont écrites, est-il également nécessaire pour que ces peines soient applicables à ceux qui reçoivent et gardent chez eux des déserteurs en qualité de serviteurs à gages? En d'autres termes, pour que, par l'action de recevoir et de loger chez soi un déserteur en qua. lité de serviteur à gages, on encoure les peines portées par l'art. 4, faut-il tout à la fois et qu'on le recèle effectivement, c'est-à-dire, qu'on le tienne caché, et que l'on ait connaissance de son état de Désertion?

[ocr errors]

L'art. 5 va nous éclairer là-dessus : « Celui

qui aura reçu chez lui un déserteur ou réqui »sitionnaire fugitif, ne sera point admis à » proposer, comme excuse valable, que ledit » déserteur ou réquisitionnaire était entré chez » lui en qualité de serviteur à gages, à moins qu'il ne l'ait préalablement présenté à l'ad>> ministration municipale de son canton, pour l'interroger, examiner ses papiers et passe» ports, et s'assurer, par tous les moyens possibles, qu'il n'était point dans le cas de la » Désertion ni de la réquisition

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

».

(1) Moniteur du 22 décembre 1809, page 1412.

Cet article n'est, comme l'on voit, qu'un appendice du précédent, et il a évidemment pour objet d'appliquer les peines portées par celui-ci à toute personne qui aura reçu chez elle, en qualité de serviteur à gages, soit un déserteur, soit un réquisitionnaire fugitif, soit un conscrit réfractaire, sans avoir mis l'administration municipale à portée de le reconnaître et de le faire arrêter.

Et remarquons bien qu'il la soumet à ces peines, non pas pour avoir recélé le déserteur, le réquisitionnaire fugitif, le conscrit réfractaire, non pas même pour l'avoir reçu chez elle sciemment, en qualité de serviteur à gages, mais simplement pour l'avoir reçu chez elle en cette qualité.

De là deux conséquences.

1o De ce que, pour faire encourir à l'individu qui a reçu chez lui un déserteur à titre de serviteur à gages, sans le présenter à l'administration municipale, les peines portées par l'art. 4, la loi n'exige pas qu'il l'ait recélé, il résulte clairement que, dans l'intention de la loi, l'action de recevoir chez soi un déserteur en qualité de serviteur à gages, quoiqu'essentiellement exclusive de l'action de le recéler, équipolle cependant à un recèlement véritable et effectif.

Je dis que l'action de recevoir chez soi un déserteur en qualité de serviteur à gages est essentiellement exclusive de l'action de le recéler; et c'est une vérité qui se sent d'ellemême; car il est impossible d'employer un déserteur aux travaux d'un serviteur à gages, sans le mettre en rapport avec des tiers, le plus souvent même sans l'exposer aux regards du public, et par conséquent sans faire tout l'opposé d'un recèlement.

Pourquoi donc la loi est-elle plus sévère contre celui qui reçoit un déserteur dans sa maison en qualité de serviteur à gages, qu'elle ne l'est contre celui qui reçoit chez lui un déserteur sans exiger qu'il paie par son travail l'hospitalité qu'il lui accorde ? C'est que, sans ce surcroît de sévérité, la disposition pénale de l'art. 4 deviendrait à peu près illusoire.

à ce

En effet, il y a bien peu de déserteurs qui, par leur fortune, par leur éducation, par leurs relations sociales, soient à portée de trouver dans une maison quelconque, un asyle où ils puissent être recélés dans le sens propre mot; presque tous appartiennent à la classe laborieuse du peuple, et ne pouvant vivre que de leur travail, il est tout simple que, dans leur position critique, ils louent leurs bras à un prix moindre que s'ils étaient libres de toute crainet. Qu'arriverait-il donc si, sans s'exposer à au

cune recherche, à aucune peine, on pouvait recevoir chez soi, à titre de serviteur à gages, un déserteur qui se louerait à fort bon marché, et que l'on emploierait à des travaux exclusifs d'un recèlement proprement dit? C'est qu'il n'y aurait point de déserteur qui ne trouvât à se placer en qualité de serviteur à gages, dans des lieux éloignés de ceux où il est connu ; qu'alors sans doute, la police aurait moins de difficulté à le découvrir et à l'arrêter que s'il était véritablement recélé; mais qu'il ne laisserait pas d'échapper le plus souvent à toute investigation, parcequ'inconnu dans le pays où il se serait retiré, les travaux auxquels il s'y livrerait, ne donneraient à son existence dans ce pays qu'une notoriété très-circonscrite.

Aussi, la cour de cassation a-t-elle constamment jugé que l'application des peines portées par l'art. 4, est de rigueur dans les cas prévus par l'art. 5, non seulement quoiqu'il n'y ait pas preuve d'un recèlement proprement dit, mais encore quoiqu'il y ait preuve de non recèlement.

J'en ai rapporté deux arrêts des 30 janvier 1807 et 15 mars 1810, dans le Répertoire de Jurisprudence, aux mots Conscription militaire, §. 2, no 2; on en trouvera un troisième du 5 juin 1806, au no suivant ; et en voici un quatrième du 18 décembre 1812, que je puise dans le Bulletin criminel, tome 17, page 547 :

« Jean Constans avait été traduit au tribunal de police correctionnelle, pour avoir recu chez lui et employé à son service, aux travaux de la campagne, Pierre Durand, qu'il savait

être conscrit déserteur.

>> Le tribunal de Cahors, jugeant en police correctionnelle et sur appel, et après avoir reconnu et constaté les faits reprochés audit Constans, l'a acquitté, par jugement du 2 octobre 1812, de la plainte portée contre lui par le minis. tere public, sur le seul motif qu'en employant un conscrit Déserteur à des travaux des champs, on ne le soustrait pas aux recherches 'ordon · nées par la loi.

» Ce jugement a été cassé par les motifs énoncés dans l'arrêt dont la teneur suit:

>> Ouï le rapport fait par M. Audier-Massillon, conseiller, et M. Pons de Verdun, avocat général;

» Vu l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6; » Attendu que ceux qui reçoivent chez eux un conscrit, sachant qu'il est déserteur, et l'emploient à leur service, à des travaux soit de ville, soit des champs, se rendent coupables de recèlement de conscrit, et du délit prévu par l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6;

» Attendu qu'il a été reconnu et déclaré par le tribunal de Cahors dans son jugement du 2

octobre 1912, que Jean Constans, dit Bouldoire, avait reçu chez lui Pierre Durand, qu'il savait être conscrit déserteur; et qu'après l'avoir loué pour la moisson, il l'avait employé à d'autres travaux de la campagne jusqu'à son arrestation;

» Attendu que le tribunal de Cahors, après avoir reconnu ces faits, a néanmoins excusé Jean Constans, par le seul motif que les travaux de la campagne auxquels il avait employé Pierre Durand, le laissaient exposé aux recherches et aux poursuites ordonnées par la loi;

» Considérant qu'en admettant une excuse qui n'était pas autorisée par la loi, et en exemptant Jean Constans de la peine qu'il avait encourue, le tribunal a violé l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, ci-dessus rapporté ;

» La cour casse et annulle.... ».

2o De ce que, pour soumettre aux peines portées par l'art. 4, celui qui a reçu un déserteur dans sa maison comme serviteur à gages, sans le présenter à l'administration municipale, la loi n'exige pas, par l'art. 5, qu'il l'ait reçu sciemment, mais simplement qu'il l'ait reçu, et surtout de ce qu'elle déclare par le même article qu'il ne sera pas admis à proposer pour excuse la circonstance qu'il l'a reçu pour faire un travail salarié; il résulte non moins évidemment qu'il est dans l'intention de la loi, que ces peines soient prononcées, et contre celui qui a ignoré la qualité du déserteur, et même contre celui qui a eu des raisons plus ou moins plausibles de l'ignorer; parcequ'il ne peut pas y avoir bonne foi aux yeux de la justice, là où il y a eu négligence d'une formalité impérieusement commandée par la loi.

C'est ce que la cour de cassation a jugé par cinq arrêts des 24 floréal an 7, 24 messidor an 13, 16 janvier, 9 juin et 18 juillet 1806, rapportés dans le Répertoire de Jurisprudence, aux mots Conscription militaire, §. 1 et 2.

En voici douze autres qui ne sont pas moins positifs, et que je crois devoir retracer avec des détails qui paraîtront sans doute un peu longs, mais dont on apercevra bientôt l'utilité.

Vincent Bourcier, déserteur du 5" régiment de dragons où il était entré comme conscrit, travaillait depuis deux mois dans une tuilerie appartenant au sieur Rousseau, qui l'avait recu comme ouvrier salarié, sans le présenter à l'administration municipale, lorsqu'il y fut reconnu par la gendarmerie, et arrêté.

Le sieur Rousseau fut en conséquence traduit devant le tribunal correctionnel de Sens, comme infracteur de l'art. 5 et par suite comme ayant

[ocr errors]

encouru les peines portées par l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6.

Il se défendit en alléguant et offrant de prouver qu'il n'avait reçu Bourcier à travailler dans sa tuilerie, que sur la présentation de son maître tuilier; qu'il l'avait admis sans savoir ni même pouvoir soupconner qu'il eût été soumis à la conscription, et par suite incorporé dans un régiment; qu'en effet, ce jeune homme, domicilié dans une commune peu éloignée, celle de Nailly, y était marié depuis cinq ans et qu'il avait trois enfans issus de son mariage.

Jugement qui, avant faire droit, admet la preuve des faits articulés par le sieur Rousseau. Et cette preuve faite, jugement définitif qui l'acquitte.

Appel de la part du procureur général de la cour de justice criminelle du département de l'Yonne.

Le 11 fructidor an 13, arrêt qui, adoptant les motifs des premiers juges, et considérant que Rousseau n'a pas recélé ce conscrit sciemment, confirme le jugement attaqué.

Mais sur le recours en cassation du procureur général, arrêt du 11 brumaire an 14, au rapport de M. Liborel, par lequel,

Vu l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6; » Vu aussi l'art. 5 de la même loi. » Considérant qne François Rousseau ne s'est point conformé aux dispositions de l'art. 5 de Îa loi du 24 brumaire an 6, puisqu'avant de recevoir à son service Vincent Bourcier, déserteur du 5e régiment de dragons, il ne l'a point présenté à l'administration municipale de son canton; qu'ainsi, il avait encouru les peines prononcées par l'art. 4 ; et que la cour criminelle du département de l'Yonne a par conséquent contrevenu auxdits articles, en confirmant, par son arrêt rendu le 11 fructidor dernier, le jugement du tribunal de police de Sens, du 5 thermidor précédent, qui avait déchargé ledit Rousseau de ces peines;

>> Par ces motifs, la cour, faisant droit sur le pourvoi du procureur général près la cour de justice criminelle du département de l'Yonne, casse et annulle ledit arrêt du 11 fructidor dernier....(1)».

Le sieur Rousseau a formé opposition à cet arrêt, et a reproduit devant la cour de cassation tous les argumens qu'il avait employés devant la cour de justice criminelle, pour établir qu'il ne pouvait pas être censé avoir recélé sciemment le déserteur Bourcier.

Mais par arrêt du 10 août 1806,

(1) Bulletin criminel de la cour de cassation, tome 10, page 426. Journal des audiences de la cour de cassation, année 18c6, supplément, page 17.

« EdellinenJatka »