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successions AB INTESTAT le caractère et les effets du droit de Dévolution combiné avec celui de mainplévie ?

Cette question et une autre qui est indiquée sous le mot Jugement, §. 3, sont traitées dans le plaidoyer suivant, que j'ai prononcé à l'audience de la cour de cassation, section des requêtes, le 12 pluviôse an 9, sur le recours exercé par Arnold Willemont, contre deux jugemens du tribunal civil du département de Sambreet-Meuse, des 14 et 27 pluviôse an 8, rendus en faveur du sieur Rasquinet:

Les jugemens dont le demandeur provoque la cassation, sont-ils, comme il le prétend, irréguliers dans la forme? Ont-ils, au fond, connu et violé les dispositions de la coutume de Liége? Telles sont les questions que vous avez en ce moment à décider.

» Le premier pas à faire, dans l'examen de ces sortes de questions, est, en général, de se bien pénétrer des faits qui leur ont donné l'ê

tre.

» Mais ici les faits sont d'une nature si singulière, qu'il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'en concevoir une idée nette et exacte, si l'on ne commence par prendre connaissance d'une partie essentielle du droit coutumier qui, avant la réunion prononcée le 9 vendémiaire an 4, du pays de Liége à la république, le régissait en matière de droits matrimoniaux et de succession, comme il a régi, jusqu'à la publication de la loi du 17 nivôse an 2, les portions de ce pays qui, sous l'ancien régime, en avaient été détachées à diverses époques, et réunies successivement au ressort du ci-devant parlement de Douay.

» A cet égard, deux choses sont principalement à remarquer : le droit de mainplévie et le droit de Dévolution.

» La coutume de Liége appelle mainplévie un droit en vertu duquel tous les biens de la femme tombent, au moment du mariage, dans le patrimoine et la libre disposition du mari, et qui, par réciprocité, fait passer à la femme, dès qu'elle est devenue veuve, tous les biens de son époux.

» Ce droit est emprunté de l'ancienne jurisprudence romaine, où les époux qui, se marient per coemptionem, par achat mutuel de leurs personnes, se rendaient, parcela seul, héritiers siens et nécessaires l'un de l'autre, ainsi que l'attestent Denis d'Halicarnasse, dans ses Antiquités romaines, liv. 2, chap. 26, et Sigonius, de antiquo jure civium romanorum, liv. 1, chap. 9.

» Quant à la Dévolution, c'est un lien qui, après la mort de l'un des époux, et dans le cas où il y a des enfans, affecte les biens du survi

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» Ce droit, qui est encore en activité dans plusieurs parties de l'empire germanique, avait lieu, avant la révolution, non seulement dans le pays de Liége, mais encore dans une portion du Brabant, dans le Limbourg, dans la Gueldre, dans le pays de Namur, dans le Hainaut, dans les coutumes d'Arras, de Bapaume et du pays de Lalleu, locales de celle d'Artois, enfin dans quelques parties de la ci-devant Alsace.

Stockmans, qui était, vers le milieu du dixseptième siècle, conseiller au conseil de Brabant, a laissé, sur la Dévolution, un traité fort étendu, et dans lequel il en a parfaitement défini la nature et développé les effets.

» Il commence par établir que la Dévolution n'est pas une succession, comme l'ont prétendu quelques praticiens, puisque nul ne peut être héritier d'un homme vivant : ce n'est, comme il le prouve, qu'une destination légale et assurée de la succession future du père ou de la mère à leurs enfans.

» Ainsi, ce ne sont pas les enfans qui sont propriétaires des biens dévolus : ils y ont, à la vérité, un droit réel; mais ce droit n'est qu'expectatif: le père et la mère ne cessent pas d'être propriétaires; mais leur propriété n'est qu'imparfaite, puisqu'elle n'est pas accompagnée de la faculté d'aliéner; aussi la nomine-t-on propriété bridée, DOMINIUM VINCULATUM.

» De là il suit que, si l'un des enfans vient à mourir avant le père ou la mère survivant, les biens frappés de Dévolution se partagent en totalité entre les enfans qui restent après la mort de celui-ci, suivant les règles des successions directes, sans qu'on puisse y adapter, pour la portion de l'enfant prédécédé, les règles des successions collatérales. La raison en est que les enfans qui restent ne succèdent pas à leur frère, mais à leur père et mère; et Stockmans rapporte un arrêt du conseil de Brabant, du 17 juin 1656, qui l'a ainsi jugé par ce motif.

» Si le fils au profit duquel la Dévolution a eu lieu, vient à mourir avant son père ou sa mère survivant, et laisse des enfans, ceux-ci succèdent au droit incertain, ou, si l'on veut, à l'expectative qu'il avait sur les biens de leur aïeul.

» Du reste, l'aliénation que fait un père de ses biens dévolus, n'est pas absolument nulle: elle ne devient telle que lorsque ses enfans lui survivent; et dans ce cas, ils recouvrent de plein droit la propriété induement aliénée par leur père. Mais s'ils meurent avant lui, sans

laisser d'enfans, l'aliénation demeure valable. C'est ainsi que, dans le droit romain et aux termes du chap. 26 de la novelle 22, les gains nuptiaux d'un premier mariage étaient, par l'effet du convol du survivant à de secondes noces, tellement affectés et réservés aux enfans du premier lit, que l'époux reinarié ne pouvait pas aliéner à leur préjudice, les biens qui s'y trouvaient compris ; et que néanmoins l'aliénation finissait par devenir valable, si tous les enfans du premier lit mouraient avant leur père ou mère remarié.

» Si le père frappé de Dévolution, ne peut aliéner ses biens, quoiqu'il en soit encore propriétaire, à plus forte raison le fils ne peut-il pas le faire, puisqu'il n'a sur ces biens que des droits expectatifs qu'une mort prématurée peut faire évanouir; ainsi, il ne peut en disposer, ni par testament, ni par acte entre-vifs, même à titre onéreux, parceque, dès qu'il meurt avant son père, celui ci recouvre la liberté pleine et entière de sa propriété. Stockmans assure que le conseil de Brabant l'a ainsi jugé par un grand nombre d'arrêts.

Du principe que l'enfant n'est pas propriétaire, tant que vit le père frappé de Dévolution, il résulte que, pendant tout ce temps, il ne peut pas être poursuivi pour le paiement des dettes contractées par celui-ci, soit avant ou pendant le mariage dont cet enfant est issu, soit pendant la viduité.

» Mais après la mort du père, le fils qui recueille les biens dévolus, se soumet à toutes les dettes qui ont été contractées avant ou pendant le mariage dont il est né; il est seulemeut affranchi de celles que le père a contractées depuis la dissolution de ce mariage; et il l'est par la raison que le père n'a pas pu obliger au paiement de ses dettes, des biens qu'il ne pouvait pas aliéner.

>> On a quelquefois prétendu assujétir le père survivant à faire inventaire des biens dévolus, comme s'il n'en eût été qu'usufruitier; mais cette prétention a été rejetée par plusieurs arrêts de la chambre impériale de Wetzlaer, dans le temps qu'elle siégeait à Spire; ils sont rapportés par Mynsingère, en ses Observationes practicæ.

» Par la même raison, l'on a jugé que le survivant ne peut, en aucun cas, être tenu de donner caution pour l'usufruit de ses biens dévolus, parceque cet usufruit est joint à une propriété qui, pour être bridée, n'en est pas moins réelle.

» Tels sont les principes qui forment le droit commun des pays de Dévolution ; et ces principes, nous les retrouvons, pour la plupart, dans la coutume de Liége

>> Ainsi, dans cette coutume, comme dans les autres contrées dont nous avons eu l'honneur de vous retracer la nomenclature (la ci-devant Alsace exceptée), la Dévolution n'affecte pas les meubles, mais seulement les immeubles; l'époux survivant ne peut plus disposer des biens dévolus ; il ne peut pas même les partager autrement que la coutume ne le prescrit, entre ceux de ses enfans à qui la Dévolution en est acquise; l'appréhension de ces sortes de biens n'oblige qu'aux dettes contractées avant ou pendant le mariage, et nullement à celles qu'a contractées le survivant depuis sa viduité. Enfin, la coutume décide expressément que le père ou la mère survivant n'est tenu, ni de faire inventaire des biens dévolus, ni de donner caution pour en jouir par usufruit.

» Mais outre ces principes, qui sont les mêmes pour tous les pays de Dévolution, la coutume de Liége renferme deux dispositions qui lui sont particulières, et qui, du premier coupd'œil, semblent déroger au droit commun des autres contrées.

>> Dans les autres coutumes de Dévolution, ce lien n'affecte que les immeubles du survivant des époux; ceux du prédécédé n'y sont pas sujets, parcequ'ils passent directement, à titre de succession, sur la tête des enfans, lesquels en deviennent, dès le moment de son décès, propriétaires absolus.

>> Dans la coutume de Liége, au contraire, la Dévolution frappe également sur les biens des deux époux. Mais dans la réalité, il n'y a là rien qui contrarie le principe adopté par les autres coutumes; car la différence entre celles-ci et la coutume de Liége, ne vient pas de ce que l'une donne plus d'extension que les autres au droit de Dévolution; elle vient uniquement de ce que, par l'effet du droit de mainplévie, tous les biens du mari et de la femme ne forment qu'une seule masse, qu'un seul patrimoine, qui passe tout entier au survivant. Ainsi le principe qui, dans les autres coutumes, fait tomber le droit de Dévolution sur tous les immeubles du survivant, doit, dans celle de Liége, le faire tomber même sur les immeubles du prédécédé, parceque les biens du prédécédé sont devenus ceux du survivant par la mainplévie.

>> Dans les autres coutumes de Dévolution les enfans, quoique assurés de posséder un jour les biens dévolus, n'en sont pas pour cela propriétaires; le père survivant ne cesse pas de

l'être.

» La coutume de Liége, au contraire, paraît ne plus regarder les parens comme propriétai res, du moment que la Dévolution est opérée ; elle les traite seulement d'usufruitiers Où il y a enfant de leur lit (dit-elle, chap. 11, art.

15), tous biens immeubles demeurent AFFECTÉS A LEURS ENFANS EN PROPRIÉTÉ, l'usufruit en demeurant au survivant, soit père ou mère.

>> Mais cette différence ne consiste que dans les mots : car la propriété, que la coutume déclare affectée aux enfans, ne réside pas pour cela sur leur tête.

» Il n'importe que, dans l'art. 16 du même chapitre, la coutume se serve des mots, biens appartenant en propriété aux enfans: ces termes peuvent s'entendre et ne s'entendent, en effet, que d'une propriété affectée, suivant l'expression de l'article précédent, et non d'une propriété actuelle.

» C'est l'observation de Sohet, dans ses Instituts de droit pour le pays de Liége, tome 1, pages 271 et 272; La propriété coutumière des enfans (dit il) est comparée à un fideicommis conditionnel, qui s'évanouit, s'ils meurent avant le parent usufruitier: alors, ils sont estimés comme FLEURS SANS FRUITS, et comme s'ils n'eussent jamais été en vie. Cette propriété (ajoute-t-il) n'est point formelle, cessible ni transmissible; au contraire, l'usufruit du parent renferme, en quelque manière, la propriété.

Mean, ad jus civile Leodiensium, obs. 70, no 14, et Heeswick, dans ses Controversia forenses, part. I, controv. 53, no 19, tiennent absolument le même langage.

» Et la coutume justifie elle-même cette doctrine de la manière la moins équivoque.

» D'abord, nous voyons par l'art. 27 du chap. 6, qu'elle considère comme incessible, de la part des enfans, la propriété qu'elle leur affecte : elle leur permet bien de l'aliéner, lorsque le père leur a abandonné ses humiers, c'est-àdire, leur a fait une remise anticipée du fidéicommis conditionnel dont il était chargé envers eux ; ce qui est parfaitement d'accord avec les principes généralement reçus en matière de fideicommis; mais hors ce cas, l'aliénation que feraient les enfans, n'aurait aucun effet, ou du moins elle ne vaudrait qu'autant que les enfans survécussent à leur père. Ne vaut aussi (porte l'article cité) transport que ferait un enfant de la propriété, sans avoir cession d'humiers, s'il décède avant son parent usufructuaire.

» De ces termes, s'il décède avant son parent usufructuaire, il résulte que l'aliénation aurait son effet comme nous venons de le dire, si l'enfant qui l'a souscrite survivait à son père; et c'est une preuve de plus de la parfaite similitude qui existe, dans cette coutume, entre la propriété affectée aux enfans et le fideicommis conditionnel; car il est très-constant, et des textes exprès du droit romain décident, que l'appelé à une substitution, qui, avant qu' u'elle

fût ouverte, aurait aliéné les biens qui en dé pendent, serait tenu, après l'ouverture de la substitution, de respecter la vente anticipée qu'il en aurait faite.

>> Nous venons de voir que, par l'abandon des humiers du père survivant, l'enfant devient habile à aliéner le bien qui lui est dévolu. C'est, en effet, ce que décide expressément l'art. 20 du chap. 6: Le père usufructuaire, ayant émancipé son enfant propriétaire, lui peut céder par devant justice ses humiers; quoi faisant, l'enfant est maitre absolu de son bien.

>> Ce n'est pas que la cession des humiers du père survivant rende encore le fils parfaitement propriétaire, tant que le père n'est pas décédé. L'art. 21 du même chapitre prouve clairement que cette cession ne lui assure qu'une propriété imparfaite : Toutefois étant par le transport des humiers à lui fait par son parent, devenu maître absolu du bien dont il était propriétaire, et venant à mourir sans enfans devant l'usufructuaire, tel bien appartient, JURE NON DECRESCENDI, à ses frères et sœurs, de même que s'il n'y eut point eu transport d'humiers, demeurant en entier les obligations faites par l'enfant propriétaire advenu des humiers.

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Ainsi, en acquérant les humiers du père frappé de Dévolution, le fils dévolutionnaire acquiert bien la liberté de vendre, d'aliéner, d'hypothéquer, d'assujétir au paiement de ses dettes, les biens que la coutume lui déclare dévolus; mais il en est si peu propriétaire de fait, quoiqu'il en ait le nom, la propriété réside si peu sur sa tête, que, par sa mort arrivée avant celle du père, ses droits passent, non pas à sa femme par droit de mainplévie, s'il était marié au moment de son décès, non pas à son père par droit de succession ab intestat, non pas même à ses frères ou sœurs considérés comme ses héritiers légitimes par exception au droit du père ; mais à ses frères et sœurs considérés comme ses co-dévolutionnaires, comme ses co-appelés au fideicommis conditionnel qui constitue la Dévolution ; et c'est tellement en cette dernière qualité que ses frères et sœurs y viennent, que la coutume qualifie de droit de non décroissement le titre en vertu duquel elle les y fait venir, droit qui suppose manifestement que, par la cession des humiers faite au fils prédécédé depuis, la propriété de sa part dans les biens dévolus ne s'est pas détachée de la masse de ces biens, et que par conséquent, le fils n'est pas devenu véritablement et réellement propriétaire, même par la cession que son père lui a faite de ses humiers.

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été fait de cession d'humiers, n'est-il, à proprement parler, propriétaire de rien, tant que vit son père.

» A la vérité, s'il meurt avant son père laissant des enfans, ceux-ci prennent sa place, mais ce n'est point par droit de succession;carn'ayant pas été saisi de la propriété, il n'a pas pu la leur transmettre; mais ils la prennent comme les enfans de l'appelé à une substitution, qui meurt avant le grevé, prennent celle de leur père, et viennent jure suo à la substitution, lorsqu'elle s'ouvre. Aussi la coutume décide-telle expressément, chap. 11, art. 33, qu'en ce cas, la femme du fils prédécédé ne peut pas, même après la mort du père, exercer le droit de mainplévie sur les biens dévolus: Le propriétaire coutumier venant à mourir, laissant sa femme et enfans, son parent usufructuaire puis après mourant ne transmet rien à laveuve, ainsi, ses enfans succèdent de plein droit à tout bien dont leur père était propriétaire, parceque HUMIER NE TOMRE SUR HUMIER.

» Et de peur qu'on ne cherche à restreindre cette décision au cas où il existe des enfans du prédécédé, de peur qu'on ne croie qu'elle n'est faite qu'en faveur des enfans, de peur qu'on ne veuille prétendre que, dans le cas où il n'y a point d'enfans, la veuve doit exercer son droit de mainplévie sur les biens qui étaient dévolus à son mari, comme sur ceux dont il avait la propriété parfaite et entière, l'art. 35 du même chapitre a soin d'avertir que l'enfant propriétaire, étant marié du vivant de son père usufructuaire, et venant à décéder avant lui sans hoirs, ou sans être advestu des humiers, ne transmet rien à sa femme.

» Nous avons déjà observé que les droits du fils prédécédé sans enfans, passent à ses frères et sœurs par droit de non décroissement; et il importe d'ajouter que, par là, ses frères et sœurs ne deviennent pas ses héritiers.

» Comment le seraient-ils en effet? La coutume, il est vrai, appelle aux biens dévolus les frères et sœurs, à l'exclusion du père survivant; et cette exclusion est si générale, quelle a même lieu en faveur des frères et sœurs nongermains. Les enfans du premier lit décédant sans hoirs (porte l'art. 37 du chap. 11), leur propriété coutumière tombe sur ceux du second, encore que les enfans du premier lit viendraient à mourir pendant le troisième mariage du père.

» Mais dans les biens dont le fils prédécédé était pleinement et parfaitement propriétaire, ce ne sont pas ses frères ou sœurs, c'est son père que la coutume lui donne pour héritier: Où toutefois (dit l'art. 38) quelque enfant serait maitre absolu et puissant de quelque

bien, ou lui serait apanagé spécialement par ses parens, lui étant laissé, comme l'on dit, par quote et masure, soit bien meuble ou im meuble, tel enfant a POUR SON HÉRITIER SON père survivant, et à faute de parent, son pèregrand ou sa mère-grande, A L'EXCLUSION DE SES

FRÈRES ET SOEURS.

» Ainsi dans les biens actuels et libres du fils, soit meubles, soit immeubles, le père survivant est héritier, véritablement héritier, et il l'est exclusivement aux frères et sœurs de son enfant prédécédé.

>> Mais dans les droits expectatifs sur les biens dévolus, les frères et les sœurs du fils prédécédé excluent le père survivant, parceque le père survivant est, par l'effet de la Dévolution, chargé envers eux d'un fideicommis, et que le grevé ne succéde jamais, à l'exclusion d'un seul des appelés aux droits des autres appelés qui peuvent mourir avant lui. Qu'arrive-t-il, si le père vient à perdre tous les enfans au profit desquels la Dévolution lui lie les mains? L'art. 36 va nous l'apprendre: Mourant l'un des enfans propriétaires, sans hoirs, est estimé comme s'il n'eût été en vie, et, comme l'on dit, une fleur sans fruit; et mourant tous, le parent survivant est fait maître absolu de tous leurs biens.

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» La coutume, remarquons-le, ne dit pas que, dans cette circonstance, le père survivant est héritier des biens qui se trouvaient dévolus à ses enfans: elle dit seulement qu'il en est fait maître absolu; c'est comme si elle disait que, par le prédécès de tous les enfans, le lien de la Dévolution est rompu, et que le père survivant recouvre la pleine liberté de sa propriété ; comme par le prédécès de tous les appelés à une substitution fideicommissaire, le grevé cesse de l'être, le fidéicommis disparaft, et les biens deviennent absolument libres.

» Tel est tout le système de la coutume de Liége sur la Dévolution; et, comme vous le voyez, cette coutume ne diffère, en aucun point essentiel, des autres coutumes qui ont également admis ce droit vraiment singulier en faveur des enfans que la mort a privés, suit de leur père, soit de leur mère.

>> Dans la coutume de Liége, comme dans les autres, le père ou mère survivant ne cesse pas d'être propriétaire, quoique sa propriété soit bridée; dans la coutume de Liége comme dans les autres, l'enfant dévolutionnaire n'a que des droits expectatifs; il n'a rien d'actuel, rien qu'il puisse céder ni transmettre; enfin, dans la coutume de Liége, comme dans les autres, le prédécès de tous les enfans dévolutionnaires dégage le père survivant de la chaî

ne qui liait dans sa main les immeubles dévolus; mais par là, il n'acquiert rien de nouveau ; il devient libre, mais non pas héritier.

» Ces notions posées, venons à la cause sur laquelle sont intervenus les jugemens que vous dénonce ici Arnold Willemont.

>> Arnold Deltour et Marie-Jeanne Leken, son épouse, avaient trois enfans: Marie-Barbe, Jean-Jacques et Jeanne Deltour.

» Arnold Deltour est mort le premier; et, par là, Marie-Jeanne Leken, sa veuve, s'est trouvée, à titre de mainplévie, propriétaire de tous les biens meubles et immeubles qui leur avaient appartenu respectivement, mais sous la charge, quant aux immeubles, de la Dévolution dont la coutume les grevait en faveur de ses trois enfans.

» Parmi ces immeubles, on remarquait deux pièces de terre qu'elle afferma pour 48 ans, par bail du 26 mars 1726, à Thomas Lesoine, bailli de la Herbaye.

» Le 18 mars 1743, Jean-Jacques Deltour, l'un des enfans dévolutionnaires, vendit ces mêmes pièces de terre à Thomas Lesoine, qui, 17 ans auparavant, les avait prises à bail.

» Cette vente était incontestablement nulle, puisque la veuve Deltour, mère de Jean-Jacques, vivait encore, et que conséquemment Jean-Jacques Deltour n'avait encore sur les deux pièces de terre qu'une expectative de propriété; et encore ne l'avait-il pas pour le tout, mais seulement pour un tiers.

» Il est même à remarquer que cette expectative ne s'est jamais convertie, pour JeanJacques Deltour, en une propriété actuelle; car il est mort sans enfans, avant sa mère; et par là, il a été estimé, pour nous servir des termes de la coutume, comme s'il n'eút jamais été en vie, comme une fleur sans fruit.

» Sa sœur Marie-Barbe était morte avant lui, et, comme lui, n'avait pas laissé d'enfans.

>> Ainsi les droits expectatifs de Marie-Barbe et de Jean-Jacques Deltour s'étaient réunis, par droit de non-décroissement, sur la tête de leur sœur Jeanne, mariée à Nicolas-Joseph

Willemont.

» Mais leur sœur Jeanne n'était pas plus propriétaire actuelle qu'ils ne l'avaient été euxmêmes; leur sœur n'avait comme eux, qu'une expectative; et cette expectative n'a pas eu plus d'effet pour leur sœur, qu'elle n'en avait eu pour eux car leur sœur est, comme eux, décédée avant leur mère; mais elle a laissé un enfant qui est ici demandeur en cassation; et cet enfant, si rien n'a dérangé l'ordre établi par la coutume, a réuni dans sa personne tous les droits expectatifs de sa mère, de son oncle et de sa tante, sur les biens qui se trouvaient

frappés de Dévolution dans les mains de la veuve Deltour, son aïeule maternelle.

» Celle-ci est morte le 13 février 1767. Le demandeur, son petit-fils, avait alors 23 ans. Devenu majeur en 1769, il a laissé écouler encore sept ans avant d'agir en revendication des deux pièces de terre vendues par Jean-Jacques Deltour en 1743, car ce n'est qu'en 1786 qu'il a intenté son action, et il l'a intentée devant les échevins de Liége.

» La veuve Rasquinet, héritière de l'acquéreur Lesoine, a défendu à cette demande; et elle y a opposé deux exceptions: l'une, qu'elle tirait du défaut prétendu de qualité du demandeur; l'autre, qu'elle fondait sur la prescription.

» Pour établir le défaut de qualité du demandeur, elle observait qu'il ne justifiait pas clairement sa filiation à l'égard de Marie-Jeanne Leken, femme d'Arnold Willemont.

» Et quant à la prescription, elle la faisait résulter d'une possession paisible de 43 ans, c'est-à-dire, de trois ans de plus que la coutume n'en exige pour prescrire la propriété d'un immeuble.

» Tel était encore l'état de la cause, lorsque, par l'effet de la réunion du territoire liégeois au territoire français, elle fut portée devant le tribunal civil du département de l'Ourthe, subrogé à la juridiction des échevins de Liége.

» La veuve Rasquinet était alors décédée; son fils, le cit. Rasquinet, a repris ses erremens; et, sans abandonner le moyen qu'elle avait puisé dans le prétendu défaut de qualité du demandeur, il s'est attaché uniquement, dans sa plaidoirie, à soutenir que la prescription devait le mettre à l'abri de toute atteinte.

» Par jugement du 5 messidor an 7, le tribunal civil du département de l'Ourthe a rejeté l'exception tirée de la prescription; et en effet, elle n'était pas soutenable, d'après le principe que la prescription ne court point contre l'enfant dévolutionnaire, tant que vit le père ou la mère frappé de Dévolution: principe reconnu par l'art. 13 du chap. 13 de l'ordonnance du 3 juillet 1572, connue dans le pays de Liége sous le nom de réformation de Groesbeck; principe confirmé implicitement par les art. 44 et 45 du chap. 7 de la coutume; principe qui n'est que le corollaire de la loi romaine, par laquelle est suspendue toute prescription contre le fidéicommissaire conditionnel, tant que la condition n'est pas accomplie ; principe enfin qui recevait une application directe et entière à la personne du demandeur, puisque sa grand'mère n'étant morte qu'en 1767, ce n'était que de cette époque qu'il avait pu agir; en sorte qu'en retranchant encore les deux années qui lui manquaient alors pour atteindre sa majorité, il ne pouvait

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