Sivut kuvina
PDF
ePub

partagé par quart entre les quatre héritiers, et que le quart revenant à Amé Bourdon, serait par lui employé en acquisitions d'autres fonds, ou en constitution de rentes, pour tenir même nature que ledit fief.

[ocr errors]

Pourquoi cette obligation imposée particulièrement à Amé Bourdon, de remployer sa part du fief qu'on allait vendre! Pour en trou ver le motif, il faut remonter aux dispositions des chartes générales de Hainaut.

>> Suivant l'art. 8 du chap. 94 de ce Code, l'homme qui a fils du mariage précédent, dépareillé de sa première femme, ne pourra áliéner ses fiefs PATRIMONIAUX, c'est-à-dire, provenant

de succession directe, encore qu'ils lui fussent échus en viduité ou mariage; et plusieurs autres articles qu'il serait aussi long qu'inutile de rappeler, établissent qu'entre enfans de divers mariages, les fiefs patrimoniaux appartiennent au fils du premier lit, privativement aux enfans de secondes et ultérieures noces.

» Ainsi, en considérant Amé Bourdon comme devenu (par la mort d'Amé Bourdon, premier du nom, son grand-père, et de Catherine Lecouffe, sa grand-mère) propriétaire du quart du fief d'Onain-Maugré et Puvinage, on devait, par une suite nécessaire, le considérer comme incapable d'aliéner: car il était, en 1747, dépareillé de sa première femme, qui lui avait laissé un fils nommé Anselme-Albéric-François, et déjà même, à cette époque, il était engagé dans les liens d'un second mariage.

» C'est donc à raison de cette incapacité d'aliéner, qu'Amé Bourdon a été charge, par la convention de 1747, de remployer le quart du prix du fief d'Onain, en acquisition de fonds ou en constitution de rentes, pour tenir méme nature que ce fief, c'est-à-dire, afin qu'Anselme-Albéric-Francois Bourdon, son fils du premier lit, conservât, sur l'objet qui serait ainsi acquis par remploi, l'expectative qu'il avait de succéder au fief même, à l'exclusion des enfans du second lit.

• Il paraît que le remploi n'a pas été effectué. Il y a plus, il n'est même pas prouvé qu'Amé Bourdon ait touché le quart du prix de la vente du fief; et l'on voit, par un compte que le jugement du tribunal d'appel énonce lui avoir été signifié le 10 juillet 1753 par François Bourdon-d'Haucourt, que celui ci réclama alors, en sa qualité d'aîné, la totalité du fief, et par suite la totalité du prix qui en était pro

venu.

» Quoi qu'il en soit, Amé Bourdon mourut le 29 mai 1775, dans la ville de Cambray, lieu de son domicile.

» Sa succession se trouva dévolue à ses trois enfans, Anselme-Albéric-François Bourdon,

qui depuis épousa la demanderesse, FrançoisNorbert-Joseph Bourdon, et Marie-FrançoiseEsther Bourdon, épouse du cit. Franqueville,

» Nous avons déjà dit qu'Anselme-AlbéricFrançois Bourdon était né de son premier mariage: c'est ici le moment d'observer que François-Norbert-Joseph Bourdon et la dame Franqueville devaient le jour au second.

>> La dame Franqueville était, par le testament d'Amé Bourdon, instituée héritière universelle de ses meubles et effets mobiliers ; et en cette qualité, elle devait, d'après les dispositions particulières de la coutume de Cambray, acquitter toutes les dettes de la succession, et en décharger ses co-héritiers.Elle devait même faire face aux créances que ceux-ci pouvaient avoir à exercer sur l'hérédité de leur père com

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

» Avant de mourir, il avait fait, avec la demanderesse, ce que la coutume d'Arras, lieu de son domicile, appelle un entravestissement par lettres, espèce de don mutuel, qui transmet au survivant des deux époux l'universalité des meubles, effets et droits mobiliers du prédécédé.

» La demanderesse s'est fait, de cette donation, un titre pour répéter contre la dame Franqueville le quart non remployé du prix du fief d'Onain-Maugré et Puvinage; et la convention du 14 août 1747 à la main, elle a soutenu qu'il ne pouvait y avoir aucune difficulté à lui adjuger sa demande.

[ocr errors]

Cependant le tribunal de Cambray l'en a débouté, sur le fondement (c'est elle-même qui nous l'apprend dans son mémoire) que l'obligation du remploi qu'Amé Bourdon avait promis par l'acte du 14 août 1747, était nulle

comme contractée sans cause.

» Et le tribunal d'appel de Douay a confirmé cette décision par deux motifs tout différens.

Le premier motif est qu'Amé Bourdon ayant hérité de son aïeul, le quart du fief d'Onain, il n'avait pas pu le vendre, même à la charge de remploi; qu'ainsi, la vente qu'il en avait faite, était nulle, d'une nullité absolue; que par conséquent son fils Anselme-Albéric-François, mari de la demanderesse, n'avait pas laissé dans sa succession une action en remploi du prix de cette vente, mais bien une action en nullité de

la vente elle-même, action qui, étant réelle et immobilière,n'avait pas été transmise à sa veuve par l'entravestissement ou don mutuel dont celle-ci se prévalait.

» Le second motif est que, par le compte signifié à Amé Bourdon, le 10 juillet 1753, il paraît que François Bourdon-d'Haucourt avait réclamé, comme aîné, l'intégralité du prix du fief vendn en 1746; que rien, d'après cela, ne peut justifier qu'Amé Bourdon ait touché le quart de ce prix ; que c'est sans doute par cette raison, qu'il n'a pas fait le remploi auquel il s'était obligé, et que sa succession ne peut pas être changée envers celle de son fils aîné, d'un remploi auquel il n'a pas été tenu lui-même.

» Ce second motif, nous nous hâtons de le dire, n'est rien moins que satisfaisant.

» Il est constaté par l'acte du 14 août 1747, que le fief d'Onain a été vendu sous la condition formellement consentie par François Bourdon-d'Haucourt, que le prix en serait par tagé par quart, entre lui et ses trois co-héritiers; et cette condition, on doit, jusqu'à la preuve du contraire, présumer qu'elle a été remplie.

» Peu importe que François Bourdon-d'Haucourt ait cherché, en 1753, à en éluder l'accomplissement. La prétention qu'il a élevée à cet égard, peut n'avoir pas eu de suite; elle ne prouve conséquemment pas l'inaccomplissement de la condition du partage par quart. La présomption de droit est donc que ce partage a eu lieu; et qu'Amé Bourdon a réellement touché la portion qui lui revenait dans le prix du fief d'Onain.

» A l'égard du premier motif du jugement attaqué, la demanderesse le combat par des raisons extrêmement spécieuses.

>>D'abord, dit-elle, il est impossible que mon mari ait laissé dans sa succession, une action en nullité de la vente du quart du fief d'Onain. Cette action, à la vérité, lui appartenait au moment du décès de son père, arrivé en 1775, mais il n'aurait pu l'exercer qu'en renonçant à la succession de celui-ci. Héritier de son père, il est devenu garant de ses faits; et l'acquéreur, s'il l'eût poursuivi en revendication de son quart, aurait repoussé victorieusement sa réclamation par la maxime, quem de evictione tenet actio, eundem argentem repellit excep

tio.

» En second lieu, la vente du fief d'Onain n'était pas nulle, même pour la portion appartenant dans ce fief à Amé Bourdon. A la vérité, Amé Bourdon n'aurait pas pu seul en faire l'aliénation; mais rien ne l'empêchait de le vendre par licitation, concurremment avec ses trois co-héritiers. La vente par licitation n'est qu'un

mode de partage; et en Hainaut comme ailleurs, l'incapable d'aliéner a toujours été capable de partager.

>> Troisièmement enfin, continue la demanderesse, l'action en remploi est certainement mobilière en succession; et quand le droit d'intenter cette action contre l'héritier de son père, aurait concouru dans la personne de mon mari avec le droit de revendiquer en nature le quart du fief d'Onain, toujours est-il vrai que mon mari pouvait préférer le premier au second; or, s'il a pu agir en remploi contre l'hérédité de son père, je le puis donc également, puisque, par notre entravestissement, il m'a transmis tous ses droits mobiliers.

» Reprenons chacune de ces objections, et examinons-les successivement à la lumière des lois et des principes,

» Sans doute, par le droit commun, le mari de la demanderesse n'aurait pas pu, en se rendant héritier de son père, conserver le droit de revendiquer un bien aliéné à son préjudice par celui-ci, Il serait devenu, par sa qualité d'héritier, garant de la vente qu'il aurait prétendu attaquer; et c'est un principe constant, que l'on n'est pas recevable à agir contre un acte dont on doit la garantie.

» Mais il est ici question d'un fief régi par les chartes générales de Hainaut; et ces lois ont, en matière de garantie, une règle diametralement opposée au droit commun.

» Obligation de garant, disent-elles, chap. 109, art. 19, n'empêchera d'intenter en propriété, quoique les poursuivans soient sujets à l'obligation de garant, en vertu de laquelle les acheteurs pourront poursuivre l'effet d'icelui pardevant juges compéten s.

» La raison fondamentale de cette disposition est qu'en Hainaut, les obligations personnelles non réalisées, soit par une des héritance émanée d'un propriétaire capable d'aliéner, soit par un avis de père et de mère en bonne forme, ne sont exécutoires que pour l'équivalent du bienfonds qu'elles ont pour objet. Ainsi, lorsque, dans un contrat de mariage, il est stipulé que l'un des deux époux aura, en cas de survie, certains immeubles en propriété ou en usufruit, cette stipulation ne produit qu'une action personnelle; et les héritiers de celui des époux qui s'est engagé à laisser ces immeubles à l'autre, ne sont tenus, si le contrat de mariage n'a pas été duement réalisé, qu'à lui en fournir l'équivalent. Promesse de mariage pour biens immeubles, disent les chartes, chap. 29, art. 4, ne sera entendu qu'en action personnelle, n'est qu'icelle soit réalisée par avis de père et de mère ou déshéritance.

» Parla même raison, celui qui, par son propre contrat de mariage,a renoncé à la succession future de son père et de sa mère, n'en conserve pas moins le droit de prendre sa part en nature dans cette succession; et il est seulement obligé de payer l'équivalent de cette part à celui de ses co-héritiers au profit duquel il a renoncé. C'est ce qu'établit l'art. 22 du même chapitre: Promesse et devise de renonciation à future succession de père et de mère en traité de mariage, moyennant part et récompense, auront lieu et exécution en essence d'action personnelle, au profit de celui ou ceux déclarés audit

traité.

» Par la même raison encore, si un père et une mère, en mariant leur fille, veulent corriger en sa faveur et au préjudice de leur fils, la disposition de la loi qui ne lui donne, dans leur succession, qu'une demi-part dans les immeubles appelés mainfermes, ils lui assurent bien par là le droit de demander à son frère l'équivalent du préciput légal de celui-ci; mais le frère n'en demeurera pas moins, après leur mort, saisi et propriétaire incommutable des trois quarts des biens en nature: La devise en traité de mariage, que la fille aura ès-biens immeubles de ses pere et mère, égale part et portion à son frère, sera valable et exécutoire en action personnelle, pour avoir l'équivalent, Ce sont les termes de l'art. 23 du chapitre cité,

» Et c'est justement pour cela, dit Raparlier dans ses Observations sur le chap. 109, que l'obligation de garant n'empêche pas d'intenter en propriété, c'est-à-dire, d'agir en revendication, parcequ'elle ne peut engendrer qu'une obligation personnelle.

» On ne peut, au surplus. douter que cette disposition du chap. 109 n'ait été religieusement observée dans tout le Hainaut. Le président Dubois d'Hermanville, dans son recueil d'arrêts du parlement de Flandre, §. 2, dit que la coutume de Hainaut, chap. 109, art. 9, rejette la règle de droit QUEM DE EVICTIONE TENET ACTIO, etc., et établit une disposition contraire; et il rapporte fort au long l'espèce d'un arrêt rendu en révision, chambres assemblées, au mois d'octobre 1688, par lequel il a été déclaré n'y avoir erreur dans un arrêt précédent de la même cour, qui avait admis un héritier à revendiquer un chef de l'aliénation duquel il était

garant.

» Il résulte clairement de tous ces détails, que, si la vente faite en 1747, par Amé Bourdon, était nulle, le mari de la demanderesse avait, au moment de sa mort, et nonobstant l'acceptation qu'il avait faite de l'hérédité de père, une action efficace pour la revendication

du quart du chef d'Onain; et que par conséquent il était alors saisi légalement de la pro priété du quart de cet immeuble.

» Mais la vente faite en 1747 par Amé Bourdon, était-elle véritablement nulle? Oui, si Amé Bourdon avait réellement hérité de son grand-père et de sa grand-mère la propriété du quart du fief d'Onain : la nullité de cette vente était prononcée par l'art. 8 du chap. 94 des chartes générales, qui déclare tout homme dépareillé de sa première femme, et ayant un fils d'elle, incapable d'aliéner ses fief's patrimoniaux.

» Et en vain a-t-il stipulé, dans l'acte préparatoire de la vente, qu'il ferait le remploi du prix du quart du fief qu'il vendait. On pouvait bien, dans la coutume d'Artois, aliéner ses fiefs patrimoniaux, en remployant le prix que l'on en retirait, à d'autres acquisitions qui leur étaient subrogées de droit; mais cette manière d'aliéner n'a jamais été reçue en Hainaut pour les fiefs; les chartes générales n'en disent pas un mot, et l'usage immémorial de cette contrée l'a invariablement proscrite. C'est un point constaté par le jugement du tribunal d'appel de Douay; et si notre témoignage personnel pouvait ajouter quelque poids à l'assertion qui en est consignée dans son jugement, nous ne craindrions pas d'affirmer devant vous, que l'usage était effectivement tel.

» D'ailleurs, même en Artois, la validité de la vente d'un fief patrimonial, avec la stipulation de remploi, n'était pas assurée par cette stipulation seule. Elle était subordonnée à l'exécution du remploi même; et si le remploi promis par le vendeur, n'avait pas été effectué, son héritier pouvait revendiquer le bien qui, par là, se trouvait aliéné illégalement.

» Mais, dit la demanderesse, la vente faite en 1747 par Amé Bourdon, n'était point, de sa part, un acte volontaire; c'était un acte forcé, c'était une vente par licitation, à laquelle ses co-héritiers pouvaient le contraindre, comme étant le seul moyen de sortir de l'indivision dans laquelle aucun d'eux ne pouvait être obligé de rester malgré soi, et sans doute ce mode de partage avait lieu en Hainaut comme ailleurs.

» Oui, la vente par licitation avait lieu en Hainaut, et (en suivant toujours le fil d'une suppositon à laquelle nous nous sommes livrés jusqu'à présent avec la demanderesse et même avec le tribunal dont elle attaque le jugement, mais dont il nous faudra bientôt revenir) nous admettrons pour un moment qu'elle y avait lieu pour les fiefs comme pour les autres biens.

» Mais à quelles règles y était-elle soumise,

[ocr errors]

dans le cas où l'un des co-partageans n'avait pas la capacité requise par la loi pour aliéner, ou, en d'autres termes, lorsqu'il s'agissait de liciter un immeuble provenant d'une succession directe, et que l'un des co-partageans se trouvait en état de viduité ou de second mariage avec des enfans d'un premier lit? Suffisait-il pour lever l'incapacité de celui-ci, d'alléguer que le bien indivis entre lui et ses co-héritiers, n'était pas susceptible d'un partage en nature, et que la licitation était le seul moyen de le partager fictivement?

D

Non; il fallait que l'un des co-héritiers présentât au juge une requête que l'on appelait plainte impartable; que, sur cette plainte, le juge constatât l'impossibilité physique ou morale du partage en nature, et qu'il la déclarât par un jugement qui permettait en conséquence la vente par licitation.

» Ce n'était pas tout : il faillait qu'en exécution de ce jugement, et d'après la clause expresse qu'il en renfermait toujours, le bien indivis fût après affiches posées à des intervalles réglés, adjugé à l'audience du juge, au plus offrant et dernier enchérisseur.

» Et remarquez que le prix de cette adjudication ne pouvait être stipulé payable comptant, qu'à concurrence de ce qui en était dû à ceux des héritiers qui étaient capables d'aliéner. Quant à la portion qui en était due aux incapables, l'adjudicataire était obligé de la retenir à titre de rente; et il ne pouvait s'en libérer, comme il ne pouvait en général rembourser une rente due à un incapable d'aliéner, que par la voie de la consignation judiciaire.

[ocr errors]

Tel était l'usage constant du Hainaut en cette matière: il nous est attesté par l'art. 16 du chap. 52 des chartes préavisées du cheflieu de Mons, lequel porte: Sera au pouvoir des héritiers de mettre (à la vente par licitation) telles devises et conditions, que par mutuel consentement, ils trouveront convenir....... ; sauf qu'ils ne pourront recevoir les derniers des capitaux desdits rachats, ne soit qu'ils soient puissans de ce faire, suivant la loi de ce pays de Hainaut.

» Et c'est à cet usage que fait allusion l'art. 18 du chap. 122 des chartes générales, lorsqu'il dit que tous deniers de rachat d'héritages et

rentes NANTIS EN MAINS DE JUSTICE, A CAUSE QUE L'HÉRITIER NE SERAIT PUISSANT DE LES RECEVOIR, devront être remployés pour tenir même nature et condition de l'héritage ou rente rachetée; et n'étant remployés, devront étre réputés pour héritages tenant la même nature

et essence.

» Or la vente à laquelle a concouru Amé Bourdon, en 1747, a-t-elle été faite avec toutes

ces formalités, avec toutes ces précautions? A-t-elle été précédée d'un jugement qui a constaté la nécessité morale d'une licitation? A-telle été faite en justice et aux enchères ? A-telle été faite à la charge qu'Amé Bourdon ne toucherait point le quart qui lui revenait dans le prix ? Rien de tout cela. Elle a été faite purement et simplement pardevant notaires; elle a été faite comme une vente ordinaire, par François Bourdon-d'Haucourt, qui seul a paru dans le contrat, parceque, comme aîné, il était seul ostensiblement propriétaire du sief d'Onain; et elle a été faite comme si le fief d'Onain n'eût appartenu qu'à François Bourdon-d'Haucourt; elle a été faite sans que le mot même de licitation fût prononcé dans l'acte.

» La nullité de cette vente ne peut donc pas avoir été couverte par le prétexte qu'elle avait pour objet un bien indivis, et que les incapables d'aliéner pouvaient en Hainaut concourir à une vente par licitation.

» Et si cette vente a été, dès son principe, frappée de la nullité prononcée par l'art. 8 du chap. 94 des chartes générales, il est évident que le mari de la demanderesse, au préjudice duquel elle a été faite, a conservé jusqu'à sa mort le droit de revendiquer le quart du chef d'Onain, puisque, d'une part, ce droit n'avait été ouvert en sa faveur que par la mort d'Amé Bourdon, son père, en 1775 ; et que, de l'autre, de l'année 1775 à l'année 7792, date du décès du mari de la demanderesse, il ne s'était pas écoulé 21 ans, seul espace de temps par lequel son action réelle eût pu être prescrite par l'acquéreur, aux termes de l'art. 1 du chap. 107 des chartes générales.

» Mais nous voici arrivés au principal argument de la demanderesse. Soit, dit-elle: mon mari avait, en mourant, le droit de revendiquer le quart du fief d'Onain; mais il pouvait aussi s'en tenir à l'action en remploi qu'il avait contre la succession de son père. Or, cette action était mobilière, et c'est tout ce qu'il me

faut.

» Suffit-il donc qu'une action mobilière en remploi ait, pour raison d'un même objet, concouru, dans la personne d'un défunt, avec une action en revendication d'un héritage, pour que le représentant mobilier du défunt puisse se dire saisi de la première ? Non, et la raison en est aussi simple que tranchante: c'est que, s'il en était ainsi, l'héritier immobilier serait par là exclu de la seconde.

>> Car observons bien que les deux actions ne peuvent pas être exercées à la fois ni même successivement; et que, si le représentant mobilier intente et amène à fin l'action en rem

ploi, l'héritier immobilier ne pourra plus revendiquer l'héritage de l'aliénation illégale duquel procède cette action. Prétendre le contraire, ce serait vouloir que l'auteur de l'aliénation, qui, par là même, se trouverait débiteur du remploi, pût être forcé de payer deux fois la même chose. En effet, il paierait d'abord au représentant mobilier le montant du remploi; et il faudrait ensuite que, par l'effet de l'éviction que l'héritier immobilier ferait éprouver à l'acquéreur, il indemnisât celui-ciˇtant en principal qu'en dommages-intérêts. Or : il est évident qu'il ne peut pas exister, pour raison d'un même objet, un cumul d'actions tel qu'il en résulte, pour l'auteur d'une aliénation illégale, l'obligation de payer deux fois la même chose; et de cela seul que cette obligation serait la conséquence inévitable d'un pareil cumul, il suit de toute nécessité qu'un pareil cumul ne peut pas avoir lieu.

» Mais si ce cumul ne peut pas avoir lieu, qui est-ce qui sera préféré, ou de l'héritier immobilier pour l'exercice du droit de revendication, ou de l'héritier mobilier pour l'exercice de l'action en remploi?

» Ou, pour parler plus juste, quelle est celle des deux actions qui, comme principale, doit, non seulement prévaloir à l'autre, mais l'attirer à soi, mais l'absorber totalement?

» Sans contredit, c'est le droit de revendication; pourquoi ? Parceque ce droit résidait émi nemment dans la personne du défunt ; parceque, saisi par la loi de l'héritage vendu illégalement, il en est demeuré propriétaire jusqu'à sa mort; parceque l'action en remploi du prix de cet héritage, n'était pour lui qu'une ressource subsidiaire; parcequ'elle ne pouvait naître que de l'abdication de son droit de revendiquer, et qu'elle ne pouvait être qu'une conséquence de cette abdication; parceque, n'ayant pas renoncé au droit de revendiquer, il l'a transmis à son héritier immobilier dans toute sa plénitude, et tel qu'il l'avait lui-même; parce que l'action en remploi, qui, de son vivant, n'était pour lui qu'une action éventuelle et accessoire, ne peut pas être devenue, par sa mort, une action actuelle et principale; enfin, parcequ'en décider autrement, ce serait donner à l'héritier mobilier le droit d'empêcher l'héritier immobilier de rentrer dans une propriété que la loi lui a conservée.

» Ces idées sont peut-être un peu abstraites, mais elles sont exactes, et un exemple va les rendre sensibles.

» Un particulier à qui je n'avais donné aucun pouvoir de disposer de mes biens-fonds, a pris sur lui d'en vendre un, en se faisant fort de ma ratification; et il en a touché le prix.

» Très-certainement cette vente ne m'a pas exproprié; et si je ne ratific pas la vente qui a été faite de mon bien, je pourrai le revendiquer quand il me plaira, sauf le recours de l'acquéreur contre le particulier avec lequel il a traité. Mais aussi je pourrai, en ratifiant la vente, ou, ce qui est la même chose, en renonçant au droit d'évincer l'acquéreur, poursuivre le particulier qui a vendu en mon nom, et le contraindre à me remettre le prix qui en a été versé entre ses mains.

>> Voilà donc deux actions qui, pour raison d'un même objet, concourent dans ma personne. Mais de ces deux actions, quelle est celle que l'on doit considérer comme principale ? Quelle est, en conséquence, celle que l'on doit regarder comme accessoire à l'autre ?

» Assurément l'action principale est ici celle que j'ai pour rentrer dans mon bien indûment vendu. Elle m'appartient éminemment, parce. que la vente illégale de mon bien ne m'a pas dessaisi de mon bien même; et tant que je n'y renonce pas, l'action que j'ai contre le vendeur pour la restitution du prix de cette vente, n'existe pas encore, à proprement parler; elle n'est pour moi qu'une action éventuelle, puisqu'elle est subordonnée à une renonciation que je suis maître de ne pas faire, et qu'il n'est même pas probable que je fasse.

» Si donc je viens à mourir avant d'avoir effectivement renoncé à mon droit de revendiquer, et que je laisse deux héritiers, l'un des meubles, l'autre des immeubles, qu'arriverat-il? Mon héritier mobilier pourra-t-il s'emparer de l'action en restitution du prix de la vente, sous le prétexte que cette action tend à une chose mobilière? Et sous ce même prétexte, privera-t-il mon héritier immobilier du droit de revendiquer mon bien contre l'acquéreur qui l'a acheté a non domino? Non, certainement non. Mon héritier immobilier étant, comme je l'étais moi-même, saisi de la propriété de mon bien, pourra en exercer la revendication, comme j'aurais pu le faire, comme vraisemblablement je l'aurais fait, si la mort ne m'eût pas prévenu ; et si, à ce parti il préfère celui de ratifier la vente, ce sera à lui qu'en appartiendra le prix, parcequ'en ratifiant la vente, il sera censé vendre lui-même, parceque la vente ne datera, à l'égard de ma succession, que du jour dé la ratification qu'il en aura faite, parceque le prix de cette vente ne différera en rien pour lui du prix de la vente qu'il aurait pu faire de tout autre immeuble provenant de mon hérédité.

» Eh bien! C'est ici la même chose. Le mari

de la demanderesse est mort saisi de la propriété du quart du fief d'Onain; il a donc trans'mis cette propriété à son héritier immobilier.

« EdellinenJatka »