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de la légalité duquel elle forme la condition. Dans la première hypothèse, il faut bien, par la nature même des choses, que l'observation de la formalité se présume de plein droit. zi Ainsi, le Code des délits et des peines du 3 brumaire an 4 prescrivait bien aux jurés de jugement, pour l'ordre de leurs délibérations et le recensement de leurs votes, de nombreuses formalités qu'ils devaient remplir, sous peine de nullité, les unes entre eux, les autres devant un juge du tribunal criminel. Mais il ne chargeait ni eux ni le juge, d'en constater l'observation par un procès-verbal; ou plutôt il était censé, par son silence, le leur défendre, parceque cela aurait entraîné des longueurs excessivement fatigantes ; il ne les chargeait pas non plus d'en certifier l'observation au tribunal en rentrant à l'audience; et par cette double raison, la cour de cassation jugeait constamment qu'ils étaient toujours présumés les avoir remplies exactement, par cela seul qu'ils annonçaient publiquement, par l'organe de leur chef, quel était le résultat de leur délibération.

Ainsi, la loi du 20 septembre 1792 chargeait bien les parens ou amis de l'époux demandeur en Divorce, de lui faire toutes les représenta tions propres à le réconcilier avec l'époux dé. fendeur; mais il ne les obligeait ni même ne les autorisait à constater, soit par un acte concomi tant, soit par une déclaration postérieure, qu'ils les avaient faites suivant le vœu de la loi ; et par cette raison, l'arrêt de la cour de cassation, du 26 fructidor an 10, a dû juger, comme il l'a fait, que, par cela seul que leur assemblée s'était terminée sans conciliation, ils devaient être présumés avoir rempli la mission que la loi leur imposait.

Dans la seconde hypothèse, c'est tout autre chose. Les fonctionnaires publics par qui ou en présence desquels doit être remplie une formalité fugitive dont l'omission emporterait la nullité de l'acte dont ils s'occupent, ont qualité pour en constater l'observation; et dès qu'ils peuvent la constater, il faut bien qu'ils la constatent en effet; car ils savent que leur acte serait nul si elle était omise ; et il est de leur de voir de faire, pour assurer la validité de cet acte, tout ce qui est en leur pouvoir.

Mais de là même il résulte que, dans mes conclusions du 19 fructidor an io, je me suis étrangement trompé en disant que, sous le Code du 3 brumaire an 4, dont l'art. 184 voulait, à peine de nullité, que, dans chaque affaire correctionnelle, les pièces et les procès-verbaux relatifs au délit, fussent lus publiquement, le défaut de mention de cette lecture n'emportait pas la présomption que la lecture n'en avait pas été faite. C'est comme si j'eusse dit que,

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sous le même Code, le défaut de mention des conclusions du ministère public n'empêchait pas de présumer que le ministère public avait donné les conclusions qui étaient prescrites par le même article; assertion qui assurément n'eût pas été soutenable.', tie

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Il résulte encore de là que je me suis également trompé dans les mêmes conclusions, et que la cour de cassation s'est également trompée comme moi, dans son arrêt, en assimilant le silence des procès-verbaux dont il s'agissait, sur le fait que l'officier municipal s'était retiré après la formation des comités conciliateurs, au silence des mêmes actes sur le fait que les parens ou amis, dont s'étaient composés ces comités, avaient employé tous leurs efforts pour concilier les parties. En effet, autant il était évident que, dans cette espèce, les parens et amis n'avaient eu aucun moyen de constater qu'ils avaient rempli leur ministère, et que, par cela même, ils devaient être présumés l'avoir rempli, autant il était clair. que l'officier municipal avait pu et dû constater par ses procèsverbaux, qu'après la formation de chacun des trois comités conciliateurs, il s'était retiré.

§. III. Sous la loi du 20 septembre 1792, pouvait-on, après la mort de l'époux qui avait provoqué et obtenu le Divorce pour incompatibilité d'humeurs, demander la

nullité de l'acte qui l'avait prononcé ?

On le pouvait sans contredit, dans le cas où Ja nullité du Divorce dérivait du défaut de notification valable à l'époux défendeur, soit des actes préparatoires du Divorce même, soit de l'acte par lequel le Divorce avait été prononcé.

1

Et c'est ce qu'a décidé l'arrêt de la section des requêtes de la cour de cassation, du 14 vendémiaire an 10, dont l'espèce est rapportée cidessus, §. .

Clotilde Dardenne, au nom de son fils mineur, invoquait les lois romaines qui décident, et que le jugement rendu en faveur de l'état d'une personne pendant sa vie, ne peut pas être réformé après la mort de cette personne, et que même, sans jugement, l'état en possession duquel une personne est décédée, ne peut plus être attaqué après les cinq ans qui ont suivi ce décès.

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» Que l'application de ces lois n'aurait pu être provoquée que dans le cas où l'action aurait été intentée plus de cinq ans après la mort dù cit. Davignon, ou dans l'hypothèse que l'acte de Divorce aurait été attaqué et maintenu par jugement, du vivant du divorcé; mais que, dans l'espèce, il n'y a pas eu de semblable jugement; et que la demande à fin d'annullation du Divorce a été formée dans le six mois du décès du cit. Davignon....;

» Que la loi du 19 vendémiaire an 4 n'a donné à aucun des huissiers qu'elle a conservés le pouvoir d'instrumenter hors du département auquel il est devenu spécialement attaché: d'où il résulte que l'huissier Odot, immatriculé pour le département de l'Aisne, était, comme les juges l'ont décidé, sans caractère et sans pouvoir pour exercer ses fonctions à Beurnonville, qui est situé dans le département de l'Oise;

» Qu'abstraction faite de la question de savoir quel lieu constituait le domicile de la demoiselle Preaudeau, où l'on pouvait légalement lui faire les significations relatives au Divorce, il est de fait et déclaré par les juges, que les deux significations des 21 ventôse et 22 fructidor an 6, dont la dernière est d'autant plus importante, que c'est elle qui indiquait le jour pour la prononciation du Divorce, n'ont été faites ni à la personne ni à un domicile quelconque de la demoiselle Preaudeau;

» D'où il suit que les poursuites préparatoires du Divorce, et, par suite, l'acte même de prononciation du Divorce étaient infectés de nullités radicales ». "

§. IV. La dispense des formalités préalables au Divorce, accordées par l'art. ... 15 du §. 2 de la loi du 20 septembre 1792, pour le cas où les époux étaient séparés de corps avant cette loi, avait-elle lieu, lorsque leur séparation n'avait pas été prononcée par jugement, mais seulement consentie paracle devant notaires ?

L'art. 15 du §. 2 de la loi du 20 septembre 1792 se réfère expressément à l'art. 5 du §. 1, qui ne parle que des époux maintenant séparés de corps, par jugement exécuté ou en der nier ressort, On ne peut donc pas étendre sa disposition aux époux séparés par un acte volontaire.

Cependant Clotilde Dardenne soutenait le contraire dans l'espèce rapportée ci-devant, §. I.

« En supposant (disait-elle) que toute irrégularité, dans un acte de Divorce, emporte nullité, y avait-il eu des irrégularités dans le Divorce dont il s'agit ici ? Y avait-il des formes

à observer? Les parties étaient séparées depuis 33 ans, par acte public. L'art. 5 du §. 1 de la loi du 20 septembre 1792 n'ordonnait-il pas, en ce cas, le Divorce sans aucune formalité préalable. A la vérité, dans l'espèce, la séparation était par transaction et non par jugement; mais entre les parties, une transaction n'a-t-elle pas l'effet d'un jugement? L'art. 14 de la loi du 12 brumaire an 2 semble le dire ainsi: S'il s'agit (porte t-il) de la succession des personnes séparées de corps par JUGEMENS ON ACTES AUTHENTIQUES, leurs enfans nés hors du mariage exerceront tous les droits de successibilité énoncés dans l'art. 1, pourvu que leur naissance soit postérieure à la demande en séparation.

»

Puisque la successibilité des enfans tient à ce que leur père soit ou ne soit pas libre au moment de leur naissance (art. 13 de la méme loi), les mêmes règles doivent s'appliquer à la dissolution du lien des parties, et à la successibilité des enfans.

» Donc, dans notre espèce, la séparation consentie pár acte public, équivalait à une séparation ordonnée par jugement ».

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Ce moyen n'a fait ni dû faire aucune impression sur la cour de cassation, et l'arrêt du 14 vendémiaire an 10 l'a expressément rejeté, « attendu qu'il n'y a nulle induction à tirer des règles qui ont été établies pour le cas de Di» vorce fondé sur une séparation de corps pro» noncée par jugement; non seulement parce» que, dans l'espèce prétendue, il n'y a jamais » eu qu'une séparation volontairement stipu »lée entre les époux Davignon, mais encore >> parceque leur Divorce n'a été provoqué que » pour cause d'incompatibilité d'humeurs ».

§. V. La disposition de l'art. 6 du §. 3 de la loi du 20 septembre 1792, qui déclarait éteints et sans effet, dans tous les cas de Divorce, les droits matrimoniaux emportant gain de survie, étaitelle applicable au cas où le Divorce avait été prononcé à la demande de l'un des époux, sur la représentation d'un ̧ jugement de séparation de corps et de biens rendu sous l'ancien régime?

V. l'article Douaire, §. 2.

§. VI. Un Divorce prononcé légalement entre deux époux, peut-il être attaqué par des tiers, comme frauduleux et simulé? Peut-on, en conséquence, décla. rer non-recevable à agir en justice comme personne libre, la femme divorcée qui continue de vivre en communauté

avec son ci-devant mari, et de contracter sous son autorisation? Le pouvait on surtout, avant le Code civil, lorsque l'acte de Divorce n'avait pas été préalablement enregistré an greffe de la juridiction domiciliaire des deux époux ?

Telles sont (ai-je dit à l'audience de la cour de cassation, section civile, le 1er messidor an 11) les quetions que vous offre la demande de Marie Brandi, en cassation d'un jugement du tribunal d'appel de Limoges.

» Dans le fait, le 5 nivôse an 2, Francois Goursault-Dumazé et Marie Brandi, son épouse, encore mineure (tous deux domiciliés alors comme aujourd'hui, et dès le moment de la célébration de leur mariage, sous l'empire de la coutume de Poitou), ont vendu solidairement à Judes Larivière, une métairie située dans la commune de Champagniat, départe ment de la Haute-Vienne.

» Il est énoncé dans le contrat, que cette métairie était échue à Marie Brandi, venderesse, par le décès de Jean Brandi, son père, dont elle est seule héritière; ce qui signifie en d'autres termes qu'elle était propre à Marie Brandi. ́ » Aussi l'acquéreur est-il chargé par l'acte, d'en employer le prix à éteindre des dettes personnelles à Marie Brandi.

» La vente avait été faite sans aucune des formalités prescrites pour l'aliénation des biens des mineurs ; et Marie Brandi a profité de cette circonstance pour en demander la nullité.

» Elle a formé cette demande en l'an 3, sous l'assistance et l'autorisation de son mari; mais bientôt après, elle l'a abandonnée, sans doute par ce qu'elle ne voulait pas laisser son mari exposé à l'action récusoire que l'acquéreur

aurait eue contre lui.

» En l'an 7, le mari s'est pourvu, de son propre chef, contre la même vente ; il a demandé qu'elle fût rescindée pour lésion d'outre moitié ; mais il paraît qu'il n'a pas pu parvenir à la preuve de cette lésion; ce qu'il y a du moins de constant, c'est qu'il n'a donné aucune suite à sa demande.

» Le 8 brumaire an 8, le Divorce des deux époux a été prononcé, de leur consentement mutuel.

» Marie Brandi s'est alors pourvue contre l'ac quéreur, et a renouvelé seule, comme maîtresse absolue de ses droits, l'action en nullité qu'elle avait intentée en l'an 3, de concert avec son mari.

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» Sur cet incident, jugement du tribunal civil de l'arrondissement de Rochechouart, du 8 fructidor an 8, qui déclaré le Divorce bon et valable, et ordonne aux parties de plaider au fond.

» Le 14 du même mois, second jugement par défaut qui annulle le contrat de vente du 5 nivôse an 2; condamne Judes Larivière à délaisser la métairie de Champagniat à Marie Brandi, à la charge par celle-ci de lui en restituer le prix d'après l'échelle de dépréciation du papier-monnaie au temps du contrat; et déclare nulle l'inscription hypothécaire prise par Judes Larivière, sur les autres biens de Marie Brandi.

» Judes Larivière se rend appelant de ces deux jugemens au tribunal d'appel de Limoges. » Là, sans abandonner les moyens qu'il avait fait valoir en première instance contre l'acte de Divorce, il en emploie un nouveau : il soutient que cet acte est simulé, ét pour le prou ver, il articule deux faits dont Marie Brandi est forcée de convenir:

» Le premier, que Marie Brandi continue de vivre avec Goursault-Dumazé, comme avant son prétendu Divorce;

» Le second, que, depuis ce prétendu Divorce, elle avait passé plusieurs actes sous l'autorisation de Goursault-Dumazé.

>> Combinant ensuite ces deux faits avec les efforts que Marie Brandi et son mari ont précédemment employés pour faire annuler la vente, il en conclud que le Divorce n'est rien moins que sérieux, qu'il n'a été imaginé que pour créer, en faveur de Marie Brandi, un prétexte d'attaquer de nouveau le contrat du 5 nivôse an 2; qu'ainsi, même en supposant le Divorce valable dans la forme, Marie Brandi doit toujours être déclarée non-recevable,

» Marie Brandi combat ce nouveau moyen, et par une fin de non-recevoir, comme présentant une demande nouvelle, par conséquent comme étant hors de la sphère des pouvoirs du tribunal d'appel, et comme mal fondé en soi.

» Sur ces défenses respectives, jugement du 26 messidor an 9, qui, en infirmant ceux du tribunal de première instance, déclare Marie Brandi non-recevable,quant à présent, dans sa demande, et cela par cinq motifs ;"

» Le premier, que deux époux qui continuent de vivre ensemble, qui contractent ensemble, qui réunissent leurs soins pour l'administration de leurs biens, ne peuvent pas être supposés avoir véritablement eu l'inten tion de rompre le lien qui les unissait ;

» Le second, que, suivant l'art. 11 du §. 3 de la loi du 20 septembre 1792, tout acte de

Divorce est sujet aux mêmes formalités d'enregistrement et de publication, que l'étaient les jugemens de séparation;

Le troisième, que le Divorce ne doit produire, à l'égard des créanciers des époux, que les mêmes effets que produisent les séparations de corps ou de biens; et que, comme la réunion des époux qui avaient été séparés de corps et de biens, faisait cesser l'effet de cette séparation, il suffisait que Marie Brandi continuat de vivre avec Goursault-Dumazé, pour qu'il ne lui fut pas permis d'opposer à un tiers l'acte de Divorce qu'elle emplo e, quand même le Divorce serait d'ailleurs valable par rapport aux deux époux ;

» Le quatrième, qu'en supposant Marie Brandi habile à réclamer contre la vente du 5 nivóse an 2, le remboursement à faire par clle à Judes Larivière, ne devrait pas être réglé par l'échelle départementale, mais qu'il devrait consister, d'uprès l'art. 11 de la loi du 11 frimaire an 6, dans la restitution intégrale en numéraire des valeurs nominales employees par Judes Larivière au paiement des créanciers de Marie Brandi, aux droits desquels il était subrogé;

» Le cinquième, que Marie Brandi n'avait pas pu, sans une tentative spéciale de conciliation, former, pendant l'instance, une deman le en nullité de l'inscription hypothécaire annulée par les premiers juges.

» Marie Brandi vous demande la cassation du jugement ainsi motivé, et elle vous la demande par deux moyens dans lesquels elle ne met vrai semblablement pas une égale confiance.

» Elle tire le premier de l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2, qu'elle prétend avoir été violé, en ce que le tribunal d'appel de Limoges, en jugeant le Divorce simulé, a, suivant elle, accueilli une demande dont n'avait pas été frappée l'oreille du tribunal de première instance, demande qui par conséquent était nouvelle, et sur laquelle il était interdit au juge supérieur de statuer.

» Mais il ne faut pas confondre les moyens avec les demandes. En première instance, Judes Larivière avait conclu à ce que Marie Brandi fût déclarée non-recevable, et il y a également conclu en cause d'appel, il n'y a même pas conclu à autre chose. Ainsi, en cause d'appel, point de nouvelle demande de sa part.

» 11 est vrai qu'en cause d'appel, Judes Larivière a employé, à l'appui de la demande qu'il avait formée en première instance, un moyen qu'il fait résulter de la prétendue simulation du Divorce; et que ce moyen, il l'a ajouté aux moyens de nullité qu'il avait inutilement pro

posés aux premiers juges. Mais où est la loi qui le lui défendait? Ce n'est certainement pas la loi du 3 brumaire an 2.

>> C'est donc bien vainement que Marie Brandi cherche dans cette loi, une ouverture de cassation qui n'y est pas, et qui n'y pourrait pas être, sans blesser souverainement la raison et la justice.

» Mais Marie Brandi soutient que le jugement du tribunal d'appel de Limoges viole et applique à faux plusieurs dispositions de la loi du 20 septembre 1792, sur le Divorce. Et en effet, il les viole certainement dans son premicr motif.

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» L'art. 1er du §. 1er de cette loi porte que le mariage se dissoud par le Divorce. » L'article suivant ajoute que le Divorce a lieu par le consentement mutuel des époux. Ainsi, toutes les fois qu'un Divorce est prononcé du consentement mutuel du mari et de la femme, le mariage est dissous; le mari et la femme ne sont plus, respectivement l'un à l'autre, que des personnes étrangères; il n'existe plus entre eux aucun lien légal.

» Et c'est ce que déclare expressément l'art. I du troisième paragraphe de la même loi : Les effets du Divorce, par rapport à la personne des époux, sont de rendre au mari et à la femme leur entière indépendance, avec la faculté de contracter un nouveau mariage.

>> Ainsi, nul doute que Marie Brandi n'ait acquis, par son Divorce, la pleine et libre disposition de ses droits, le plein et libre exercice de ses actions. Nul doute par conséquent que la loi ne soit violée par le premier motif du jugement qui, tout en reconnaissant Marie Brandi pour divorcée en bonne forme, la déclare néanmoins, quant à présent, non-recevable dans sa demande contre Judes Larivière.

» Qu'importe que Marie Brandi continue de vivre avec Goursault Dumazé, qu'elle ait, depuis son Divorce, passé quel jues actes sous son autorisation, et qu'elle lui laisse administrer ses propres biens?

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» Si, avant leur mariage, ils avaient vécu ensemble de cette manière, aurait-on pu les considérer pour cela comme mariés? Non assurément. On ne peut donc pas, sous le niême prétexte, les considérer comme tels depuis que leur mariage est dissous.

» Ce n'est point la co-habitation, dit une célèbre loi romaine, c'est le consentement qui forme le mariage: nuptias non concubitus, sed consensus facit. Inutilement donc un homme et une femme habiteront-ils ensemble; inutilement n'auront-ils qu'une table, qu'un lit; inutilement confondront-ils leurs revenus et même leurs fonds en une seule masse; s'ils n'ont

pas manifesté, dans la forme prescrite par la loi, un consentement exprès à se prendre réciproquement pour époux, il n'y aura point de mariage entre eux; et par la même raison, le mariage contracté entre eux cessera absolument, s'ils ont manifesté, dans la forme prescrite par la loi, un consentement mutuel à n'être plus mariés.

» Cela est si vrai que, si, depuis la prononciation de leur Divorce, il naissait des enfans de leur co-habitation prolongée, ces enfans ne seraient pas légitimes.

» Et l'on voudrait que Marie Brandi ne fût pas devenue, par son Divorce, maîtresse de ses actions, elle qui, dans son état actuel, ne pourrait plus donner le jour qu'à des bâtards (1)! Un système aussi bizarre a de quoi étonner; et sûrement vous ne le sanctionnerez pas.

» La loi est si éloignée de regarder comme cessant d'être divorcés, les ci-devant époux qui vivent ensemble dans leur intimité primitive, qu'elle leur a expressément permis (§. 3, art. 2) de se remarier l'un avec l'autre; permission qui amène nécessairement cette conséquence, qu'à défaut de nouveau mariage, la co-habitation de deux époux divorcés les place absolument au niveau d'un garçon et d'une fille vivant ensemble.

» Et remarquez avec quelle force cette faculté de se remarier s'élève contre toute idée de simulation et de fraude de la part de Marie Brandi.

» Sans doute, Marie Brandi, en se constituant en dot la métairie vendue le 5 nivôse an 2, s'était mise dans l'impuissance de revendiquer ce domaine, tant qu'elle serait mariée et non séparée de biens par l'autorité de la justice.

» Mais si demain il plaisait à Marie Brandi et à son ci-devant époux de se remarier, qui est-ce qui empêcherait Marie Brandi de ne se constituer rien en dot; de stipuler entre elle et son mari une séparation absolue de biens, et de se réserver l'exercice personnel et exclusif de tous les droits, de toutes les actions qui peuvent lui appartenir? Et si elle le faisait, quel est le tribunal qui oserait lui dénier qualité pour intenter contre Judes Larivière, la revendication de sa métairie ?

» Disons donc que le premier motif du jugement attaqué n'a pas l'ombre de fondement, et qu'en considérant comme simulé le Divorce de Marie Brandi, ce jugement a fait violence à la loi comme à la raison.

» Le quatrième et le cinquième motifs ne sont ni plus conséquens ni mieux fondés.

(1) V. l'article Légitimité, S. 7.

» D'une part, le tribunal d'appel de Limoges aurait pu infirmer le jugement de première instance, en ce qu'il avait, suivant lui, restreint à des valeurs trop modiques, le remboursement à faire par Marie Brandi, à Judes Larivière, et en ce que, suivant lui encore, il avait mal à propos annulé, sans tentative préalable de conciliation, l'inscription hypothécaire prise par celui-ci sur les biens de celle-là. Mais ce n'était pas une raison pour déclarer Marie Brandi non-recevable, quant à présent, à revendiquer la métairie de Champagniat, et c'est peut-être la première fois que vous voyez un tribunal d'appel réformer un jugement de première instance dans sa disposition principale, sous le prétexte qu'il s'est glissé des erreurs dans ses dispositions accessoires.

» D'un autre côté, Judès Larivière n'était point dans le cas de l'art. 11, mais bien dans le cas de l'art. 10 de la loi du 11 frimaire an 6; et dès-là, le tribunal de Rochechouart avait bien jugé en réglant son remboursement d'après l'échelle départementale.

» Enfin, Marie Brandi, en concluant devant les premiers juges, à la nullité de l'inscription prise sur ses biens par Judes Larivière, n'avait pas formé une demande principale; ces conclusions ne présentaient de sa part qu'une demande incidente, qu'une conséquence, qu'un accessoire nécessaire de son action originaire. Elle était donc en règle, par cela seul que son action originaire avait été précédée d'une citation devant le bureau de paix, et d'un procès-verbal de non-conciliation.

» Mais si le premier, le quatrième et le cinquième motifs du tribunal d'appel de Limoges ne peuvent pas justifier sa décision, en est-il de même des deux autres, c'est-à-dire, du second et du troisième?

» Le second est tiré, comme vous l'avez vu, de la disposition de l'art. 11 du troisième paragraphe de la loi du 20 septembre 1792, par laquelle les actes de Divorce sont assujétis aux mêmes formalités d'enregistrement et de publication que l'étaient les jugemens de séparation.

» En se fondant sur cette disposition, le tribunal d'appel de Limoges a évidemment supposé que l'acte de Divorce de Marie Brandi n'était pas encore, soit publié, soit enregistré, dans la forme que devaient l'être précédemment tous les jugemens de séparation de corps ou de biens; et Marie Brandi vous a prouvé elle-même que cette supposition n'était rien moins que gratuite.

» Elle vous l'a prouvé, en produisant un procès-verbal dressé le 24 ventôse an 9, par les juges du tribunal de première instance de Ro

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