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» Quant à l'autorisation pour renoncer au rachat, il a été considéré que cette renonciation, sans laquelle il aurait été difficile que des acquéreurs se fussent présentés, ne rencontrait point l'obstacle des lois et des constitutions de ces pays, pourvu qu'elle fût provoquée par les mêmes causes de nécessité publique ou d'utilité qui autorisaient l'aliénation des biens; attendu, est-il dit dans l'édit, qu'il n'est question ni d'impôts ni de daces (gabelles), dans lesquelles consiste la dot primitive et véritable de la couronne, mais des terrains qui sont plutôt, par leur nature, destinés au patrimoine et au commerce public.

» Dans la même année 1751, le 8 février, émana un autre édit entériné par la chambre des comptes et par le sénat, le 12 du même mois, par lequel la caisse dite du dépôt, dont il est fait mention dans les édits précédens, fut supprimée; et à sa place fut établie, dans la trésorerie générale, une nouvelle caisse, qui, de l'un de ses principaux objets, savoir, des rachats, prit le nom de caisse di redenzione, et que l'on aurait bien également appelée caisse du domaine, pour que l'on y dût placer, non seulement les fonds existant dans l'ancienne caisse du dépôt, mais à l'avenir encore, non seulement les capitaux à percevoir de la vente des biens domaniaux, mais toutes les autres sommes aussi qui proviendraient tant des impôts extraordinaires que d'autres sources qui y avaient été destinées; le roi ayant au surplus déclaré son intention, que tous deniers qui entreraient dans cette caisse, ne dussent jamais en sortir que pour être employés au rachat des biens domaniaux ou au paiement des dettes contractées par la couronne pour la défense et pour la conservation de l'État, et que les revenus même des biens domaniaux, ainsi que les profits dits delle ritrattazioni, dussent être gardés dans la même caisse pour l'effet susdit.

» Les lois domaniales ont été, depuis, sous le règne de Charles - Emmanuel lui-même, insérées aux constitutions générales de 1770, liv. 6, tit. 2; elles sont parfaitement les mêines que celles qui se trouvent dans les constitutions générales de 1729, sauf qu'outre la sanction des art, 15 et 17 qui n'ont aucun trait à la contestation actuelle, l'on a consigné dans l'art. 18 la disposition ci-après, puisée dans l'édit susdit du 29 janvier 1751: L'on pourra renoncer au rachat dans les alienations des maisons, batimens, biens et autres effets qui seront vendus en alleu pour une urgente nécessité ou évidente utilité de la

Couronne.

» Trois articles du titre susdit des constitutions générales, doivent être, en l'espèce, particulièrement remarqués :

» Art. 11. Toutes les aliénations, inféodations et concessions exceptées de la susdite prohibition, devront être présentées à notre chambre des comptes dans le terme de trois mois dès la date des lettres-patentes, pour étre entérinées, ouï notre procureur genéral; autrement, elles seront nulles.

» Art. 12. Le magistrat, avant que d'admettre les dites aliénations ou inféodations, reconnaîtra si elles sont faites pour une nécessité véritablement urgente ou une évidente utilité; si le prix est juste et répond à la valeur de la chose aliénée, comme encore si le paiement en a été fait de la manière ci-dessus établie (savoir, en deniers comptant en la trésorerie royale, art. 10).

» Art. 13. Si la chambre reconnaissait que, pour les susdites ou autres raisons, le contrat fút lésif ou préjudiciable à notre patrimoine, elle ne l'entérinera pas, mais observant toujours la disposition de nos présentes lois, elle devra faire ses représenta tions au souverain, et résister.

» Or, il est encore à observer ici, afin que tout le systême de notre ancienne législation, en matière domaniale, soit complètement développé,

>>1° Que, sous l'empire tant des constitutions de 1729 que de celles de 1770, les édits foncièrement financiers de 1749 et de 1751 ci-dessus relates, ont été constamment en vigueur, en sorte que c'est à ces édits que se sont référés, en termes exprès, tous les manifestes de la chambre des comptes, qui de temps en temps ont été publiés, soit pour les inféodations, soit pour les aliénations des biens domaniaux; aussi pareille relation se trouve-t-elle dans le manifeste du 29 août 1794, où les biens acquis par Montabone, ont été com pris.

» 20 Que le même système domanial a été maintenu par le roi Victor-Amédée III, sous le règne duquel l'aliénation dont il sagit, a été faite, si ce n'est que, par ses lettres patentes du 29 février 1780, entérinées le 4 mars par la chambre des comptes, contre l'établissement d'une caisse dite di reserva,pour y retirer les revenus qui essentiellement n'étaient que des fruits de la couronne, desquels cependant il y en avait quelques-uns qui avaient été précédemment assignés à la caisse di redenzione, il déclara, par rapport à celle-ci, qu'elle ne recevrait à l'avenir d'autres fonds que les capitaux appartenant au domaine, savoir, les prix des alienations des biens do

maniaux, les emprunts faits par la couronne, et les paiemens faits aussi à son profit pour des causes où le domaine serait intéressé; et et que les sommes gardées dans la même caisse, devraient être considérées comme légitimement employées, soit que l'emploi en eût été fait au rachat des biens domaniaux eta u paiement des dettes de la couronne, soit qu'il eût pour objet toutes autres causes que la chambre reconnaîtrait justes et légitimes pour y destiner les capitaux appartenant à la cou

ronne.

» Pour ce qui est des édits de Charles-Emmanuel IV, des 7 mars et 29 juillet 1797, desquels le premier réduisit au franc-alleu tous les biens-fonds féodaux de ses États, en les assujétissant aux contributions foncières et autres charges publiques, l'autre en supprimant absolument certains droits féodaux y spécifiés, déclara allodiaux tous les autres droits féodaux, il est étranger à l'objet de la contestation actuelle, de faire une analyse exacte de leurs dispositions.

» D'après le détail dans lequel il a paru à propos d'entrer, puisqu'en réduisant la question à ses termes précis, il est a examiner si, par rapport à l'aliénation faite en 1794, à Montabone, des biens du domaine, jadis féodaux, à titre de franc-alleu et avec renonciation au rachat, le tout s'est passé conformément aux lois qui étaient en usage en Piémont avant l'époque de la réunion;

» Considerant qu'il résulte que, dans le système de notre ancienne législation, toute alienation de biens domaniaux était légitimement faite et innattaquable, lorsque des édits duement entérinés avaient permis d'en venir à l'aliénation de cette espèce de biens, et que les biens qu'il s'agisssait d'aliéner, avaient été notifiés par des manifestes de la chambre des comptes, lesquels, comme ils se repandaient dans toutes les parties de l'État,tenaient surabondamment lieu de mise des biens aux enchères; enfin, si le contrat, après avoir été concerté avec le général des finances, avait été approuvé par des lettres patentes du roi, revêtues des signatures et autres formalités requises par les lois ; si le prix des biens avait été payé dans la caisse di redenzione; et si la chambre des comptes avait duement enté rimé les lettres patentes;

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Considérant que ces conditions concourent toutes, ainsi qu'il appert du fait, dans l'aliénation dont il s'agit, faite à Montabone, à laquelle indépendamment de l'objection dont il sera parlé ci-après, l'administration elle-même n'a reproché aucun autre vice de forme ;

» Que, par rapport à l'objection élevée par la régie des domaines, qui consiste à opposer que la chambre des comptes, avant que d'entériner l'aliénation susdite, ne s'est occcupée que de vérifier la justice et la convenance du prix, sans aucune discussion aussi sur la cause d'une nécessité urgente ou d'une utilité évidente, cette difficulté se dissipe sans peine, si on considère,

» Que la chambre des comptes, à laquelle il appartenait de publier les manifestes pour la vente des biens domaniaux, était assez instruite avant leur publication, de l'état des finances par l'examen des comptes de tous les trésoriers et autres administrateurs et comptables des deniers royaux et autres effets du domaine, lesquels comptes elle devait, aux termes de l'art. 12, chap. 1, tit. 1, liv. 6, des constitutions générales, appurer et arrêter, ce qui effectivement était par elle pratiqué en connaissance de cause tous les

ans;

2

ainsi

» Qu'autant il est raisonnable que les sujets se reposassent, avec une pleine confiance, sur ce que leurs princes auraient engagé leur foi, en les assurant par des édits, que les deniers versés dans la caisse di redenzione seraient employés à des objets de véritable nécessité ou utilité de la couronne; autaut il a été prudent et sage que les édits les dispensassent de la preuve de pareil emploi, à la charge cependant, par les acquéreurs eux-mêmes de verser le prix dans la caisse susdite, qu'il leur était imperativement prescit par l'une des clauses du contrat, che dovrà pagarsi nella cassa di redenzione; car il est bien sensible que, s'il en eût été autrement établi, très-difficilement se seraient trouvés des acquéreurs des biens du domaine qui eus. sent voulu s'assujétir à une telle charge aussi onéreuse ; d'où il en serait résulté le préjudice très-grave pour le domaine, que ses biens seraient restés, de fait, véritablement inaliénables, même dans les circonstances les plus urgentes: motif qui a fait aussi autori. ser par l'édit du 29 janvier 1751, les aliénations des biens féodaux en franc-alleu, même avec renonciation au droit de rachat, droit d'ailleurs inhérent au domaine, d'après la règle générale qui n'a reçu d'exception qu'à l'égard des inféodations, conformément aux art. 15 des constitutions générales de 1729 et 17.des constitutions de 1770, titre du Domaine;

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Que, par les mêmes raisons, la chambre des comptes, dès-lors qu'elle avait reconnu et vérifié que le prix des biens domaniaux avait été effectivement versé dans la caisse

F

susdite, ce qui était constaté par la quittance du trésorier-général, que tout acquéreur des dits biens devait présenter en bonne forme, n'avait plus, pour ce qui concernait l'emploi du prix, d'autres recherches à faire, puisque les deniers une fois entrés dans ladite caisse, en surveiller et effectuer depuis la destination ou l'emploi à telle ou telle autre cause speciale et déterminée de nécessité ou d'utilité, c'était une branche d'administration financière, subordonnée à des vues d'un ordre supérieur, non comprise, suivant nos lois et réglemens anciens, dans le cercle des attributions de la chambre;

» Que d'ailleurs il est incontestable que toute somme versée dans la caisse domaniale di redenzione, pouvait bien être, par la chambre, regardée comme ayant été, au moment même de ce versement,employée comme ci-dessus pour la nécessité ou pour l'utilité de la couronne, parceque le maintien d'une caisse d'où l'on pût à l'occasion tirer d'abord de l'argent pour faire l'avantage de l'État ou pour subvenir à ses besoins, dont quelquesuns pouvaient même naître lorsqu'on s'y attendait le moins, était sans doute une mesure du gouvernement bien nécessaire et evidem ment utile ;

» Que par conséquent, lorsque le déboursement du prix dans la caisse di redenzione avait été duement vérifié devant la chambre, au moyen de la quittance du trésorier-général, et qu'il avait été en même temps reconnu, d'après les dispositions des constitutions générales, à l'art. 12, du tit. 2, liv. 6, que le prix était juste et qu'il répondait à la va· leur de la chose aliénée, accorder, dans de pareilles circonstances, l'entérinement, ce n'etait point l'effet d'une facilité outré ni d'une irrégularité, mais bien le résultat d'une juste adhésion de la part de la chambre des comptes qui ne pouvait absolument s'y refuser; attendu que, si, d'une part, elle était chargée de faire ses représentations, le cas échéant, au souverain, et de résister (art. 13 du titre susdit); d'autre part, il était également de son devoir de respecter religieusement les édits et autres lois en vigueur, et de ne pas excéder les limites dans lesquelles, par les lois elles-mêmes, ses attributions avaient été circonscrites;

» Considérant que, d'après les observations ci-dessus, les art. 12 et 13 des constitutions générales, au titre susdit, ne peuvent donner prise à aucune objection fondée; et que, sans convenir de la proposition trop absolue et générale mise avant dans le jugement dont est appel, que tout entérinement donné par

res

la chambre des comptes eût l'autorité de l'a chose jugée, capable d'elle-même, en quelque matière que ce fût, de repousser toute attaque, suivant le principe de droit, judicata pro veritate accipitur, en l'espèce, révoquer en doute que l'entérinement, de l'avis du procureur général du roi, obtenu par Montabone, en vertu, non seulement du décret rendu le 21 novembre 1794, sur sa requête, dans lequel il a été dit que le tout avait été bien considéré, mais aussi des délibérations de la même chambre des comptes consignées le même jour dans un acte à part dit ordinato, rédigé d'après l'usage, sur les représentations faites par le procureur géné ral lui-même, et existant dans les archives, n'ait été tout-à-fait régulier et conséquemment irrévocable, et hors de toute atteinte, puisque, outre que les observations qui résultent de ce dernier acte ou ordinato, à l'égard de la convenance bien considérable du prix, il å été, tant dans cet acte que dans le décret, fait mention de la quittance du 25 octobre 1794, du trésorier général Scandet, visée par Galtaldy, contrôleur assistant, enregistrée au livre 4 de la caisse di redenzione, de laquelle il résultait que Montabone y avait déboursé le prix de son acquisition; ce qui, d'après les remarques précédentes, était équipollent à une énonciation expresse touchant la cause de l'aliénation qui devait, pour légitimer celle-ci, se réunir à la considération du montant du prix ;

» Considérant que le système de la régie tendant à détruire l'aliénation faite à Montabone, malgré l'observation des formalités résultant des pièces produites en l'instance, ne peut être envisagé que comme éversif de notre ancienne législation sur la matière, et répugnant également à l'usage constant qui en vint à la suite, puisqu'il est bien certain et attesté par une infinité d'exemples, que la clause finale insérée aux lettres-patentes dont il s'agit, du 25 octobre 1794, Dichiarando intanto, seguito che sara il pagamanto nella maniera sovra espressa, pienamente liberato l'accompratore, senz'obligo di provare alcuna versione del prezzo; promettiamo per noi, e per li reali nostri successori alla corona l'evizione, loin d'être une clause particulière au contrat de Montabone, était une clause commune à toutes les aliénations et inféodations de biens domaniaux qui ont été faites depuis l'établissement de la caisse di redenzione,clause certainement non illusoire, consécutive à celle relative au mode du paiement, laquelle était ainsi conçue: E questo tutto abbiamo fatto, e facciamo per e me

diante la somma di... Che l'acquisitore dovrà pagare nella tesoreria nostra generale in manie con quittanza del tesoriere gene. rale N, N. il quale dovrà ritenerla nella cassa di redenzione per essere convertita nelle cause espresse nell'editto delli otto interinato dalla camera nostra dei centi li dodeci febrajo 1751 e successive regie providenze; Dichiarando, etc. Il est tout de même bien certain qu'aucune aliénation qui présentat les mêmes caractères que ceux de la vente passée au profit de Montabone, n'a jamais été attaquée par le procureur général du roi, tout zélé qu'il dût être, et qu'il était réellement, et sans réserve, de l'intérêt du do. maine;

» Considerant enfin que, sur l'exemple de la loi du 1er décembre 1790, art. 37, la loi du 14 ventôse an 7, loi claire et précise dont il ne s'agit, dit le ministre des finances dans son instruction du 1er germinal de la même année, que de faire une juste application, prononce textuellement, ainsi qu'il a été observé plus haut, que, dans les pays réunis à la France, les aliénations des domaines faites avant les époques respectives des réunions, seront réglées suivant les lois lors en usage. Ce qui, en d'autres termes, dans le rapport fait par M. Berlier, le 9 frimaire an 7, sur le projet de la même loi, a été expliqué ainsi qu'il suit: En l'appliquant, dit-il, parlant de l'édit de 1566 rédigé par l'immortel chancelier Lhospital, il convient pourtant d'exprimer qu'il ne s'étend aux pays réunis au territoire français qu'à dater de cette réunion, sauf, pour les temps anté rieurs, l'exécution des lois qui les régissaient.

» Que la disposition de l'art, 3 de la même loi emportant révocation de toutes les aliénations faites avec clause de retour ou rachat, n'est point susceptible d'application à l'espèce, vu que le contrat de Montabone, loin de renfermer une pareille clause, présente au contraire une renonciation en termes exprès au droit de rachat;

» Par ces considérations, la cour met l'appellation au néant, dit que ce dont est appel sortira son plein et entier effet... ».

n'é

L'administration de l'enregistrement et des domaines se pourvoit en cassation contre cet arrêt, et soutient qu'attendu que les motifs de nécessité ou d'utilité de la vente, taient pas exprimés dans l'acte du 25 octo. bre 1794, ni dans l'entérinement fait par la chambre des comptes, le 21 novembre suivant, l'aliénation faite au sieur Montabone ne pouvait subsister en opposition avec les TOME V,

art. 9 et 12, du tit. 2, liv. 6, des constitu tions du Piémont (du 7 avril 1770 ) ; et que la cour d'appel de Turin ayant méconnu l'application des articles ci-dessus, en a violé la lettre et le sens, et s'est écartée de l'art. 2 de la loi du 14 ventóse an 7, qui renvoie aux lois existantes dans les pays réu nis.

« Vous avez donc à examiner (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 11 octobre 1809) si, par le silence des lettrespatentes du 25 octobre 1794 et de l'arrêt du 21 novembre suivant qui les a entérinées, sur les motifs de nécessité ou d'utilité de la vente faite au sieur Montabone, du domaine de la Gianonera, cette vente a été entachée, dès son origine, de la nullité établie par les art. 9 et 12 du tit. 2 du liv. 6 des constitutions du 7 avril 1770, et si, en conséquence, l'arrêt de la cour d'appel de Turin qui la déclare valable, viole, comme on le prétend, l'art. 2 de la loi du 14 ventóse an 7.

» Que cette vente, si elle a été faite pour une cause autorisée et suivant les formalités prescrites par les constitutions du 7 avril 1770, soit valable et obligatoire pour le gouverne. ment français; que, dans cette hypothèse, toutes les clauses doivent en être exécutées, et qu'elle soit à l'abri de la révocation pro noncée par la loi du 14 ventôse an 7, de tous les Domaines précédemment engagés ; c'est une vérité que l'art. 2 de la loi du 14 ventôse an 7 elle-même ne permet pas de révoquer en doute: En ce qui concerne, porte cet arti. cle, les pays réunis postérieurement à la publication de l'édit de février 1566, les aliénations des domaines, faites avant les époques respectives des réunions, seront réglées suivant les lois, lors en usage, ou suivant les traités de paix ou de réunion.

» Or, que voulaient les constitutions du 7 avril 1770, liv. 6, tit. 2, pour que l'aliénation d'un bien domanial fût valable, et transférât incommutablement la propriété de ce bien?

» Elles voulaient 10, art. 9, 12 et 18, que l'alienation fût faite pour une urgente né. cessite ou une utilité évidente de la couronne, comme pour la défense et conservation ou augmentation des états, ou pour échanger ou racheter d'autres biens domaniaux pour l'avantage du patrimoine royal.

» Elles voulaient 20, art. 10, que le prix en fût payé comptant au trésor dų prince.

» Elles voulaient 30, art. 11, que les lettres-patentes qui autoriseraient l'alienation, fussent présentées, dans les trois mois de leur

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date, à la chambre des comptes de Turin pour être enterinées.

» Elles voulaient 40, art. 12 et 13, qu'avant d'entériner les lettres-patentes, la chambre des comptes s'assurât si l'aliénation était faite pour une nécessité véritablement ur. gente ou une évidente utilité; si le prix en était juste et répondait à la valeur de la chose aliénée; si le paiement en avait été fait de la manière ci-dessus établie ; et que, si elle reconnaissait que, pour les susdites ou autres raisons, le contrat fút lésif ou préjudiciable au patrimoine du roi,elle s'abstint de l'entériner, qu'observant toujours la disposition des présentes lois, elle fût tenue de fuire ses représentations au souverain, et de resis

Ler.

» De toutes ces conditions, il y en a trois qui ont été ponctuellement remplies, relativement à la vente faite au sieur Montabone, du domaine de la Gianonera.

» 10 Le prix en a été payé comptant à la caisse du trésor du prince, connue sous le nom de caisse di redenzione, ou des rachats.

» 20 Les lettres-patentes du 25 octobre 1794, qui autorisaient cette vente, ont été présentées à la chambre des comptes, longtemps avant l'expiration des trois mois qui en ont suivi la date; et la chambre des comptes les a entérinées dès le 21 novembre de la même année.

» 30 La chambre des comptes a reconnu et constaté, en les entérinant, que le domaine vendu au sieur Montabone, l'avait été à un prix qui en surpassait la valeur réelle.

» Mais ni l'arrêt de la chambre des comptes du 21 novembre 1794, ni les lettres-patentes que cet arrêt entérine, ne s'expliquent, soit sur la nécessité, soit sur l'utilité de cette vente; et dès-là, cette vente n'est elle pas nulle?

» Elle le serait incontestablement, si rien ne suppléait, dans les lettres-patentes et dans l'arrêt, non seulement à l'expression, mais même â la preuve, du fait que la vente était, ou commandée par une nécessité urgente, ou conseillée par une évdente utilité. Dans cette hypothèse, en effet, la chamdre des comptes aurait manqué, en entérinant les lettres-patentes, au devoir de résistance que lui prescrivaient les constitutions; et de même que le roi de Sardaigne, s'il était encore maître du Piémont, pourrait aujourdh'ui révoquer cet entérinement, de même aussi le gouvernement français, qui est actuellement à la place du roi de Sardaigne, pourrait appliquer à cet entérinement les dispositions

de la loi du 14 ventôse an 7, qui l'autorisent à révoquer toutes les aliénations des Domai nes que les lois des pays réunis, sous l'empire desquelles elles ont été faites, déclaraient nulles ou révocables.

» Mais si les lettres-patentes du 25 octobre 1794, si l'arrêt de la chambre des comptes du 21 novembre suivant, ne s'expliquent pas formellement sur la nécessité ou l'utilité de la vente dont il s'agit, ne trouve-t-on pas au moins, dans l'un et l'autre acte, l'équivalent de cette explication?

» L'arrêt qui vous est dénoncé, juge qu'on l'y trouve effectivement ; et voici comme il le

prouve.

» Par un édit du 8 février 1751, enregistré au sénat et à la chambre des comptes de Turin, le 12 du même mois,le roi Charles Emmanuel avait créé, dans sa trésorerie générale, une caisse qu'il avait qualifiée de cessa di reden. zione, il avait ordonné que l'on y versat tous les capitaux à percevoir de la vente des biens domaniaux, et il avait déclaré que tous les deniers qui entreraient dans cette caisse, ne pourraient jamais en sortir que pour étre employés au rachat des biens domaniaux ou au paiement des dettes contractées par la couronne, pour la défense et pour la conservation de l'Etat.

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» C'était bien annoncer en d'autres termes, c'était bien déclarer legislativement que tous les biens domaniaux qui seraient vendus à l'avenir, sous la condition que le prix en serait versé dans la caisse di redenzione, seraient de plein droit censés l'avoir été, soit pour parvenir au rachat d'autres biens de la même nature, soit pour payer des dettes contractées pour la défense et la conservation de l'État, c'est-à-dire, pour l'une des causes de nécessité urgente ou d'évidente utilité qui, suivant les constitutions de 1770 conformes en ce point à celles de 1729, suffisaient pour legitimer l'alienation des biens dépendant du domaine de la couronne.

» Si donc l'édit du 8 février 1751 était encore en vigueur au moment où le sieur Montabone a acquis du roi de Sardaigne le Domaine de la Gianorera; si donc le sieur Montabone n'a acquis ce Domaine, que sous la condition d'en verser le prix dans la caisse di redenzione, si donc il en a réellement versé le prix dans cette caisse, quelle difficulté peut-il y avoir à regarder son acquisition comme valable? Et ne devons-nous pas, dèslors, assimiler son acquisition à ce qu'elle serait, s'il était à la fois énoncé dans les lettres patentes du 25 octobre 1794, et reconnu par l'arrêt du 21 novembre suivant que le

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