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40 Si le procureur général ne s'était pas réservé, pendant les débats, la poursuite correctionnelle de ces Délits, pourrait-il encore les poursuivre correctionnellement, après l'acquittement de l'accusé?

5o Le défaut de réserve de la part du procureur général dans le cours des débats, formerait-il obstacle à de nouvelles poursuites correctionnelles, s'il s'agissait de Délits non mentionnés dans l'acte d'accusation?

60 Lorsqu'un fait porte, sous un rapport, le caractère de crime, et sous un autre le caractère de Délit, le jugement qui en acquitte le prévenu on l'accusé sous un rapport, l'en acquitte-t-il aussi sous l'autre ?

7° L'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou parun Délit, est-elle encore recevable après que l'accusé a été déclaré non coupable par la justice criminelle ?

I. La première de ces questions a été jugée par un arrêt de la cour de cassation, ainsi

concu :

« Le commaissaire du gouvernement près le tribunal de cassation expose qu'il est de son devoir de requérir l'annullation d'un jugement du tribunal criminel du département de..........., rendu le 15 thermidor an 10, sur l'appel du jugement correctionnel du tribunal civil de I' rrondissement de...., en date du 20 floréal précédent.

» Dans le fait, le 24 vendémiaire an 10, plainte du magistrat de sûreté de........, par laquelle il dénonce S.... G...., manufacturier en cette commune, failli depuis quelque temps, et le nommé S...., de Paris, comme prévenus d'avoir abusé de la crédulité de plusieurs négocians, celui-ci en créant plusieurs billets sous la date de Saint-Valery-sur-Somme, où réside un autre S..., dont il cherchai à s'approprier le crédit ; celui-là en les recevant de lui, et en les faisant circuler dans le commersachant qu'ils n'étaient pas souscrits de S..., de Saint-Valery-sur-Somme, mais bien de S... de Paris.

ce,

» Pendant l'instruction qui se fait sur cette plainte, par le directeur du jury, le magistrat de sûreté croit avoir acquis la preuve que la banqueroute faite par S.... G...., un an après la création de ces billets, était fraudulense; il rend à ce sujet une nouvelle plainte contre S.. G.., seulement, et cette plainte donre lieu à une instruction par l'effet de laquelle S... G.... se trouve prévenu de trois faits qui caractéri

sent essentiellement un banqueroutier frauduleux; savoir, supposition de créanciers, bris de scellé et soustraction de pièces.

» Le 10 ventôse an 10, le directeur du jury rend une ordonnance, par laquelle, distinguant avec la plus grande précision le Délit d'escroquerie commun à S.... G.... et à S..., qui formait l'objet de la première plainte, d'avec le crime de banqueroute frauduleuse, particulier à S.... G.... et sur lequel roulait uniquement la deuxième plainte du magistrat de sûreté, il ordonne 1o que S... G... sera traduit incessamment devant un jury spécial d'accusation, sur le fait de la banqueroute frauduleuse et les différentes branches et circonstances de ce crime...., sur l'acte d'accusation qui sera dressé...; 20 que S.... G.... et S... seront, incontinent après le procès criminel, traduits au tribunal de police correctionnelle, pour y étre jugés sur le fait de dol et escroquerie, comme auteurs ou complices.

» En conséquence, le même directeur du jury ordonne que S.... G.... et S.... seront conduits dans la maison d'arrêt; le premier, comme prévenu de dol, escroquerie, banqueroute frauduleuse et bris de scellés ; le second, comme prévenu de dol et escroquerie.

» Voilà donc deux Délits bien distincts, imputés à S.... G.... ; et encore une fois, l'un qui consiste dans un fait de dol et d'escroquerie, lui est commun avec S....; l'autre, qui porte le caractère d'une banqueroute frauduleuse, lui est absolument personnel.

>> Le magistrat de sûreté, prenant pour guide l'ordonnance du directeur du jury, commence par dresser contre S.... G.... un acte d'accusation dans lequel il ne comprend ni implicitement ni explicitement le Délit de dol et d'escroquerie, mais seulement le crime de banqueroute frauduleuse.

>> Cet acte d'accusation, daté du 22 ventőse an 10, est soumis, le 26 du même mois, à un jury spécial, qui déclare n'y avoir pas lieu.

» Les choses en cet état, il restait à exécuter. la partie de l'ordonnance du directeur du jury, du 10 ventôse, qui voulait que S.... G... et S... fussent incontinent, après le procès criminel, traduits au tribunal de police correctionnelle, pour y être jugés sur le fait de dol et escroquerie.

Et c'est ce qui a été fait. Le 20 floréal an 10, le tribunal civil de l'arrondissement de...., jugeant correctionnellement, a condamné S.... G.... et S...., conformément à l'art. 35 du tit. 2 de la loi du 22 juillet 1791, le premier à huit mois, le second à quatre mois d'emprisonne ment, et tous deux à une amende de 4,000 francs.

» S.... G.... a interjeté appel de ce jugement au tribunal criminel du département de...., et, cntre autres moyens, a soutenu qu'il y avait eu, de la part des juges de...., contravention à la règle non bis in idem.

» Il fallait pour avancer et défendre une pareille assertion, fermer les yeux au texte littéral et de l'ordonnance du directeur du jury, du 10 ventôse an 10, et de l'acte d'accusation du 22 du même mois.

» Cependant, cette assertion a été accueillie parle tribunal criminel du département de......, et ce tribunal en a fait la base du jugement par lequel il a, le 15 thermidor an 10, annulé, non seulement le jugement du tribunal de...., du 20 floréal, mais encore l'ordonnance du directeur du jury, du 10 ventôse :

» Considérant (a-t-il dit ) qu'il est de principe que nul ne peut etre poursuivi, si ce n'est sur nouvelles charges, pour un fait dont il a été légalement acquitté, ainsi qu'il résulte de l'art. 255 du Code des Délits et des peines; que, d'après les dispositions de lart. 30 de la sect. 2 du tit. 2 de la 2o partie du Code pé nal, qui répute banqueroute frauduleuse, celle qui est faite à dessein de tromper les créanciers, la négociation des billets de S.... par S.... G...., si elle eût été faite en fraude de ses créanciers portés sur son bilan, était un des élémens essentiellement constitutifs de la banqueroute, et devait servir à établir la fraude, ainsi qu'il a été reconnu par le directeur du jury dans son ordonnance du 13 fri

maire;.

» Que, dans le fait, la négociation desdits billets se trouve expressément comprise dans l'acte d'accusation, et répondue negativement par le jury d'accusation; que leur attention a été particulièrement appelée sur la fausse date des billets, puisqu'on leur a remi, toutes les pièces à l'appui de l'accusation dont plusieurs sont relatives à la fausse date, telle que notamment la plainte en banqueroute frauduleuse, les deux réquisitoires du substitut, en date des 23 frimaire et 20 nivose, et l'ordonnance de traduction;

» Que S.... G...., ainsi acquitté sur le fait de la négociation des billets de S...., et sur les circonstances qui pouvaient le faire suspecter de fraude, n'a pu être de nouveau poursuivi et jugé pour le même fait; que dès lors, toute procédure serait inutile et sans objet.

» Tels sont les motifs du jugement que l'exposant dénonce au tribunal suprême, et il est aisé de voir qu'ils sont tous marqués au coin de l'erreur.

» Le tribunal criminel du département de....

a supposé que l'acte d'accussation dressé cont.e S..... G....., portait expressément sur le Délit de dol et d'escroquerie dont celui-ci se trouvait prévenu conjointement avec S....., or cette supposition est formellement démentie par l'acte d'accusation lui-même.

» Comment d'ailleurs le magistrat de sûreté aurait-il pu faire entrer ce Délit dans son acte d'accusation, à l'effet de le soumettre au jury, tandis qu'il existait une ordonnance du directeur du jury qui, sur son propre réquisitoire, avait renvoyé la connaissance de ce Délit à la juridiction correctionnelle ?

» Et comment, d'après cela, le tribunal cri minel a-t-il pu se permettre de dire que S..... G... avait été acquitté par le jury d'accusation, sur la prévention de dol et d'escroquerie ? Le jury d'accusation n'a certainement pas pu acquitter S... G... d'une prévention sur laquelle il n'était pas consulté, sur laquelle par conséquent il n'avait pas à délibérer, sur laquelle même il lui était interdit de délibérer par l'ordonnance du directeur du jury qui la renvoyait à la police correctionnelle, et, pour dire encore plus, sur laquelle il savait que cette ordonnance lui défendait de délibérer, puisqu'il avait cette ordonnance sous les yeux.

» C'est cependant de ce que cette ordonnance était sous les yeux du jury d'accusation que le tribunal criminel a inféré que le jury d'accusation avait du prononcer, et avait en effet prononcé, sur la prévention de dol et d'escroquerie..

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L'exposant ne craint pas d'avancer que raisonner ainsi, c'est allicher, avec une scandaleuse impudeur, le dessein formé à l'avance d'acquitter à tort et à travers un prévenu.

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Qu'importe que le directeur du jury cût énoncé dans son oidonnance du 13 frimaire an 10, que le dépôt des billets négociés par S... G.... était essentiel, soit pour constater le Délit de faux, soit pour établir la fraude de la banqueroute imputée à S... G...?

» Cette ordonnance, purement préparatoire, n'a pas pu autoriser le jury d'accusation à connaitre du Délit de dol et d'escroquerie relatif aux billets de S..

» Ce qui a exclusivement fixé la compétence du jury d'accusation, c'est l'ordonnance de traduction de S... G... devant ce jury; et cette ordonnance est, comme on l'a vu plus haut, du 10 ventôse an 10, c'est-à-dire, postérieure de près de trois mois à l'ordonnance préparatoire du 13 frimaire.

» Le tribunal criminel du département de.... a donc créé un fait manifestement faux, pour trouver un prétexte d'acquitter S... G... du fait de dol et d'escroquerie qui avait motivé le ju

gement du tribunal de première instance de....

» Il a par conséquent abusé de ses pouvoirs; et il en a transgressé les bornes, pour empêcher l'exécution d'un jugement légal.

» A ces causes, et sous la réserve de faire, s'il y a lieu, auprès du gouvernement, les démarches nécessaires pour le mettre à portée de dénoncer à la section des requêtes, les membres du tribunal criminel du département de.....; l'exposant requiert qu'il plaise au tribunal de cassation, vu l'art. 88 de la loi du 27 ventôse an 8, et le §. 6 de l'art. 456 du Code des Délits et des peines, casser et annuler, pour l'intérêt de la loi, le jugement rendu par le tribunal criminel du département de...., le 15 thermidor an 10; et ordonner qu'à la diligence de l'exposant, le jugement de cassation à intervenir sera imprimé et transcrit sur les registres dudit tribunal. Signé Merlin.

» Ouï le rapport du cit. Sieyes....,

Vu l'art. 456 du Code de brumaire an 4, n° 6;

» Considérant que S.... G.... était prévenu, conjointement avec le nominé S...., de Paris, d'un premier Délit, consistant en ce que S..., pour s'approprier le crédit d'un autre S..., negociant, résidant à Saint-Valery-sur-Somme, émettait des billets signés de lui, datés de Saint-Valery-sur-Somme, , que S... G... les recevait et les faisait circuler comme étant de S... de Saint-Valery, quoiqu'il sût bien le contraire; et que, par ce dol, ils avaient abusé de la crédulité de quelques négocians, et escroque différentes sommes que, par une seconde plainte postérieure, le magistrat de sûreté exposait qu'il résultait de l'examen de différentes pièces, que S... G..., qui avait failli un an après l'émission des billets énoncés ci-dessus, avait supposé, dans différens bilans, des créances non-existantes; qu'il avait soustrait des pièces, et brisé les scelles apposés sur ses effets, ce qui constituait le Délit de banqueroute fraudufeuse; que le directeur du jury avait, en conséquence, dans son ordonnance du 10 ventôse an to, après avoir soigneusement distingué ces deux Délits par les caractères qui leur étaient propres, ordonné que celui de faillite frauduleuse serait présenté à un jury spécial d'accusation, et qu'immédiatement après le procès criminel, S... G... et S... seraient traduits à la police correctionnelle, pour y être jugés sur l'autre Délit résultant de dol et d'escroquerie; que S... G... avait été acquitté par le jury d'accusation sur celui de banqueroute qui lui était personnel, et étranger à S... ; mais qu'au tribunal de première instance, jugeant en police correctionnelle, ayant été convaincus l'un et 'autre d'escroquerie, ils avaient été condamnés

aux peines prononcées par la loi; que S... G... ayant appelé de ce jugement, il avait prétendu qu'il avait été remis en jugement pour le fait dont il avait été déjà acquitté par le jury spécial;

» Considérant que le tribunal criminel, conformément au système de défense de l'appeľant, avait annulé le jugement du tribunal civil, ensemble, l'ordonnance du 10 ventôse an 10, précitée, et mis hors de cause S.... G....; mais qu'il avait en cela fait une fausse application de l'art. 255 du Code de brumaire, et commis un excès de pouvoir; que ces deux Délits étant bien distincts l'un de l'autre, et par les faits précis énoncés dans les actes précités, et par les caractères qui leur étaient propres, il était évident que S... G..., acquitté du Délit de banqueroute, restait encore sous la prévention de celui d'escroquerie qui lui était commun avec S..., relativement à l'émission et circulation des bil.' lets ci-dessus énoncés; que ces délits étaient indépendans l'un de l'autre ;

» Considérant que le tribunal criminel a prétendu que des sommes provenant de ces billets, se trouvant portées dans les divers bilans de S... G..., il en résultait qu'elles faisaient un des élémens de la banqueroute, et que S.... G...., acquitté sur ce fait, l'était également sur toutes les circonstances de fraude qu'ils pouvaient présenter;

>> Considérant que le jury, consulté sur le Déiit de banqueroute qui faisait seul l'objet de l'acte d'accusation, n'a pu prononcer sur un Délit qui ne lui était point présenté, et qui était hors de ses attributions; que, ne pouvant considérer les faits et les actes qu'il avait sous les yeux, que sous les rapports tendant à établir si l'accusation en banqueroute frauduleuse devait être admise ou rejetée, il n'a pu les considérer et prononcer sous d'autres rapports qui pouvaient donner lieu à d'autres Délits; qu'il pouvait d'autant moins se méprendre à cet égard, qu'il voyait dans l'ordonnance qui fixait exclusivement sa compétence, la réserve expressément portée quant au Délit d'escroquerie ; ce qui, au besoin, était une prohibition absolue;

» Considérant que, pour établir son système, le tribunal criminel s'est trouvé dans une opposition directe avec les faits littéralement énoncés dans les plaintes et les autres actes de la procédure; que, par des inductions forcées, il a vu dans l'acte d'accusation les faits relatifs à l'escroquerie concernant S... et S... G..., qui n'y étaient pas présentés; et que deux Délits bien distincts par leur nature, et par les caractères qui leur sont propres, se sont trouvés confondus en un seul;

>> Par ces motifs, le tribunal, en exécution de

l'art. 88 de la loi du 27 ventôse an 8, casse et annulle pour l'intérêt de la loi, le jugement du tribunal criminel du département de..., rendu le 15 thermidor de l'an 10......

» Fait et prononcé à l'audience du tribunal de cassation, section criminelle, le 26 ventôse

an II....".

S.... G.... a formé opposition à cet arrêt. On trouvera à l'article Opposition (tierce-), §. 5, l'arrêt rendu à ce sujet, le 16 thermidor an II.

II. La seconde question qui a une grande affinité avec la première, s'est présentée dans l'espèce suivante.

Le 24 avril 1809, le nommé Jarsales, forçat évadé du bagne de Brest, fait, au musée de Rennes, un vol de médailles, de bijoux et d'autres objets d'arts en or et en argent. Le 27 du même mois, il est arrêté.

Le 2 mai suivant, le commissaire de police de la ville de Rennes trouve et saisit, chez les sieurs Leclerc, horloger, et Latouche, orfèvre, une partie des médailles volées.

Le 6 du même mois, il retourne chez les sieurs Leclerc et Latouche pour vérifier leurs registres. Il constate que le sieur Latouche n'a pas inscrit sur le sien l'achat qu'il prétend avoir fait des médailles saisies chez lui quatre jours auparavant; et à l'égard du registre du sieur Leclerc, il y trouve une note indiquant que, le 26 avril, celui-ci a acheté d'un militaire voltigeur du 70 régiment, revenant de Portugal, 29 pièces de monnaie, dont 17 en or et 12 alliées sur le cuivre et l'argent, le tout pour 10g livres. il dresse procès-verbal de ces faits et le remet au magistrat de sûreté.

De là, deux procédures différentes.

D'une part, la cour de justice spéciale du département d'Ille-et-Vilaine se saisit de la conLaissance du vol, à raison de la qualité de son auteur; elle instruit en même temps contre les sieurs Leclerc et Latouche, prévenus d'avoir acheté de lui des médailles volées, sachant qu'elles provenaient d'un vol. Elle se déclare compétente pour les juger tous trois ; et son arrêt est confirmé par la cour de cassation.

D'un autre côté, le magistrat de sûreté fait traduire le sieur Leclerc devant le tribunal correctionnel de Rennes, pour se voir condamner aux peines prononcées par les art. 74 et 75 de la loi du 19 brumaire an 6, pour n'avoir inscrit sur son registre, qu'après coup et d'une manière incomplète, l'achat qu'il a fait d'une partie des médailles volées.

L'affaire portée à l'audience du 20 mai, le tribunal correctionnel, après avoir interrogé le sicur Leclerc, ordonne l'apport des médailles dont il a fait l'achat, lesquelles se trouvent dé

posées au greffe de la cour de justice spéciale et continue la cause au 1er juin.

Le procureur général de la cour de justice spéciale, informé de ce jugement préparatoire, écrit à son substitut que les sieurs Leclerc et Latouche sont poursuivis devant cette cour, comme prévenus de complicité avec Jarsalės; que l'un des indice de leur complicité résultant de la contravention qu'ils ont faite à la loi du 19 brumaire an 6, il est à propos de surseoir à statuer correctionnellement sur cette contravention, jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par la cour de justice spéciale sur le crime dont elle est saisie; qu'en effet, si Leclerc était puni comme complice de Jarsales, il ne pourrait plus l'être pour cette contravention, la peine la plus forte absorbant toujours la moindre; mais que, si Leclerc vient à être absous de la prévention de complicité avec Jarsalès, il sera donné pleine satisfaction à la disposition du jugement du tribunal correctionnel, qui ordonne l'apport des médailles achetées par Leclerc.

Le 1er juin, nouveau jugement du tribunal correctionnel, qui, à la vue de cette lettre, surseoit aux poursuites dirigées contre Leclerc, jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par la cour de justice spéciale.

Déterminé par le même motif, le magistrat de sûreté diffère de poursuivre Latouche.

Le 20 juin, le procureur général de la cour de justice spéciale dresse l'acte d'accusation de Jarsalès, de Leclerc et Latouche ; et voici comment il s'exprime relativement à ces deux derniers :

a

Les faits sur lesquels repose la prévention de complicité qui s'est élevée contre Latouche et Leclerc, sont d'abord, à l'égard de tous les deux, qu'ils ont contrevenu aux dispositions des anciens réglemens, et notamment des art. 74 et 75 de la loi du 19 brumaire an 6, qui ordonnent à tous les fabricans et marchands d'or et d'argent ouvré ou non-ouvré, d'inscrire la nature, le nombre, le poids et le titre des objets qu'ils achèteront, avec les noms et demeures des personnes qui les vendront, et qui leur défendent d'acheter de personnes inconnucs, si elles ne leur présentent des répondans

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gent, recueillis dans ce dépôt comme monumens des sciences et arts; que ce vol a eu lieu à l'aide d'escalade, d'effraction aux clôtures extérieures et d'effraction aux clôtures intérieures ; qu'il est très-possible qu'il ait été commis par plusieurs; que Pierre-Jean-François Jarsales est un des auteurs de ce vol; que Jacques-Thomas Latouche, jeune, et jacquesEtienne Lecere ont acheté partie des objets enlevelés du musée, sachant qu'ils provenaient d'un vol.

» Il les accuse de ces Délits, et la cour aura à statuer s'il y a lieu à condamnation contre eux; réservant, à l'égard de Latouche et Leclerc, s'ils viennent à n'être pas déclarés convaincus de complicité, de les faire poursuivre comme ayant contrevenu à la loi du 19 brumaire an 6».

Le 30 du même mois, arrêt qui déclare «Que Jarsalès a commis le vol dont il s'agit,

avec effraction aux clôtures extérieures du musée; qu'il l'a commis la nuit et par réci dive;

>> Que Latouche et Leclerc sont convaincus d'avoir acheté partie des effets volés, mais qu'ils nele sont pas de les avoir achetés sachant qu'ils provenaient d'un vol;

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En conséquence, condamne Jarsales à douze années de fers avec flétrissure préalable;

Décharge Latouche et Leclerc de l'accusation portée contre eux, ordonne qu'ils seront mis en liberté, et que les bagues, médailles et autres objets d'arts antiques, déposés au greffe de la cour, comme pièces de conviction, seront rétablis au musée de cette ville».

Les choses en cet état, le magistrat de sûreté reprend ses poursuites devant le tribunal correctionnel contre le sieur Leclerc, et y fait citer en même temps le sieur Latouche.

Tous deux opposent l'art. 426 du Code des Délits et des peines du 3 brumaire an 4, et soutiennent qu'acquittés par la cour spéciale, ils ne peuvent plus être poursuivis devant le tribunal correctionel: Non bis in idem.

Le 28 et le 29 juillet, jugemens qui le décident ainsi, l'un en faveur du sieur Leclerc, l'autre en faveur du sieur Latouche.

Le procureur général appelle de ces jugemens; mais, par arrêt du 19 septembre 1809,

« Considérant que, par les jugemens des 27 et 29 juillet dernier, le tribunal de police correctionnelle de Rennes a décidé que l'art. 426 du Code des Délits et des peines, du 3 brumaire an 4, s'opposait à ce qu'il pút statuer, attendu que Jacques-Etienne Leclerc et Jacques-Thomas Latouche ne se trouvaiert traduits devant lui que pour cause des mémes faits sur lesquels

ils avaient été repris et jugés par la cour de justice criminelle spéciale;

» Considérant que, sur l'appel de ces deux jugemens, intenté par M. le procureur général, il a été présenté pour grief qu'il y avait fausse application dudit art. 426, en ce que les prévenus n'avaient point été ni pu être compétemment jugés par la cour de justice criminelle spéciale, sur les faits à eux imputés de contravention à la loi du 19 brumaire an 6;

» Considérant que les intimés, par l'organe de leur défenseur, ont soutenu que les faits sur lesquels on établit aujourd'hui contre eux la prévention de contravention, sont identiquement les mêmes que ceux qui ont servi de base, devant la cour spéciale, à l'accusation de complicité du vol commis au musée des arts de la ville de Rennes, faits sur lesquels ils ont été jugés et acquittés, après avoir subi l'épreuve d'une procédure au grand criminel;

» Considérant qu'il est exact de dire et de soutenir pour les intimés, ainsi que le tribunal dont est appel l'a exposé dans les jugemens des 27 et 29 juillet dernier, que d'abord la prévention, et en suite l'accusation de complicité élevées contre eux, de vols commis au musée, ont été (sauf les preuves ultérieures qui pourraient être administrées, et que l'arrêt définitif atteste n'avoir pas été acquises) particulièrement et essentiellement établies sur les achats faits par lesdits Jacques-Etienne Leclerc et Jacques-Thomas Latouche, de partie des effets volés avec un inconnu qui ne présentait aucun répondant, et sans inscription sur leurs registres;

» Considérant que, si ces faits d'achat avec les circonstances indiquées, n'avaient pas eu lieu, rien n'eût provoqué la mise en arrestation, en accusation et en jugement desdits Leclerc et Latouche, pour cause de vol commis au musée; et qu'il résulte de là qu'on ne peut pas maintenir avec fondement, que ces faits ne sont pas ceux sur lesquels ces deux particuliers ont été poursuivis et jugés par la cour de justice criminelle spéciale;

» Considérant qu'il est de jurisprudence constante, en cour spéciale comme en cour ordinaire, que, lorsque, par le complément de l'instruction, et par ce qui a été appris aux débats, le Délit qui a été imputé à l'accusé, change de caractère et sort même des dispositions du Code pénal, pour rentrer dans celles des lois correctionnelles, les mêmes juges sont compétens pour prononcer les peines alors applicables, conformément à l'art. 434 du Code du 3 brumaire an 4;

>> Considérant que, d'après ce principe, si, dans l'espèce, le ministère public prévoyait

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