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établir que nous avions uniquement en vue de conjurer tout nouveau dissentiment et de rendre une confiance entière aux intérêts alarmés. Le Roi s'est absolument refusé à y acquiescer, et il ne m'a été que trop aisé de me convaincre que je ne réussirais pas à modifier les dispositions de Sa Majesté, qui a bientôt mis fin à notre entretien sur la promenade publique, en m'exprimant ses regrets de ne pouvoir nous faire ce qu'il a appelé une concession nouvelle et inattendue.

Je suis rentré à l'hôtel, et j'y ai trouvé votre télégramme daté de la nuit dernière à une heure quarante-cinq. J'ai pensé que si le Roi avait été exactement renseigné, et je devais le croire après ce qu'il avait bien voulu me dire, le courrier qu'il attendait de Sigmaringen arriverait avant le milieu de la journée et qu'il me manderait pour me faire part, ainsi qu'il me l'avait annoncé, de la réponse du prince de Hohenzollern, et que j'aurais l'occasion de m'expliquer de nouveau avec Sa Majesté. Le Roi a, en effet, reçu, quelques heures après, le message qui lui a été expédié; mais, prévoyant sans doute mon intention, au lieu de me recevoir, il a chargé un de ses aides de camp de m'apprendre en son nom que le prince Léopold avait retiré sa candidature, et que Sa Majesté me priait de vous télégraphier qu'elle considérait cette affaire comme définitivement terminée.

En invitant mon interlocuteur à remercier le Roi de cette communication, je lui ai fait remarquer que j'avais invariablement sollicité l'autorisation de vous transmettre, avec le désistement du prince, l'approbation explicite de Sa Majesté; je lui ai dit, en outre, que j'avais reçu un nouveau télégramme de Votre Excellence qui m'obligeait à insister sur un sujet dont j'avais eu l'honneur d'entretenir le Roi dans la matinée; que je me voyais dans la nécessité, avant de vous adresser les informations que Sa Majesté voulait bien me donner, de demander à être fixé sur ces deux points.

Ayant rendu compte au Roi du vou que je lui avais exprimé, l'aide de camp est revenu auprès de moi, et il m'a déclaré que Sa Majesté n'avait aucune difficulté à me permettre de vous mander qu'elle approuvait la renonciation du prince Léopold, et j'ai libellé, en présence de son envoyé, le second paragraphe de la dépêche que je vous ai adressée ce soir à sept heures. Dans le même télégramme, je vous dis comment le Roi a accueilli le désir que j'avais exprimé d'obtenir une nouvelle audience pour soumettre encore une fois, et développer plus complétement que je n'ai pu le faire ce matin, au sujet des assurances que nous réclamons pour l'avenir, les considérations qui légitiment notre démarche.

Tout me porte à croire, je ne saurais vous le cacher, que le Roi est fermement décidé à nous refuser cette satisfaction. Malgré l'accueil apparemment gracieux qu'Elle n'a cessé de faire à mes instances, j'ai

pu constater que Sa Majesté se résignait, avec autant de regret que de répugnance, devant notre attitude, à dénouer les difficultés qu'Elle a contribué à faire naître, et sans nul doute Elle ne se dissimule pas la gravité de l'échec auquel Elle s'est personnellement exposée.

Dans cette disposition, le Roi considère qu'il aggraverait le mécontentement que la renonciation du prince de Hohenzollern provoquera en Allemagne, et dont la responsabilité pèsera moins sur ce candidat que sur Sa Majesté elle-même, s'il souscrit à l'obligation que nous lui demandons de contracter.

Je prévois même qu'à dater de ce moment il me sera moins facile de l'aborder, et je ne doute pas qu'il n'ait voulu éviter de m'en donner l'occasion en donnant à l'un de ses officiers le soin de m'apprendre la résolution du prince de Hohenzollern. Votre Excellence peut être assurée toutefois que je ne négligerai aucun effort pour me conformer à vos instructions et aux ordres de l'Empereur, et que j'y mettrai toute l'énergie nécessaire.

Vous me permettrez de vous signaler cette situation et d'espérer que vous voudrez bien l'apprécier. J'attendrai pour quitter Ems que vous m'y invitiez, et je n'ai pas besoin de dire que je me rendrai directement à Paris si vous le jugez opportun.

Veuillez, etc.

Signé BENEDETTI.

N° 104.

COMMUNICATION DU DUC DE GRAMONT AU CORPS LÉGISLATIF,
DANS LA SÉANCE DU 13 JUILLET 1870.

Messieurs, quelles que soient en ce moment les préoccupations de la Chambre, elle entendra sans doute avec satisfaction les nouvelles que je vais commencer par lui donner au sujet des massacres de Chine. (Mouvement. - Parlez! parlez!)

Je lui apprendrai donc que les nouvelles sont arrivées de la Pointede-Galles à Londres. Par conséquent, il y a tout lieu de croire que ie télégramme qui nous a inquiétés pendant si longtemps était inexact. La malle anglaise de Chine, qui est arrivée le 10 à la Pointe-deGalles, n'a apporté aucune nouvelle de Pékin. Le journal de Hong-Kong dit que des troubles ont eu lieu à Nankin, mais que les missionnaires ont été sauvés et que l'ordre est rétabli. (Très-bien! très-bien !)

Voici maintenant les informations que je suis en mesure de donner la Chambre :

L'ambassadeur d'Espagne nous a annoncé officiellement hier la renonciation du prince Léopold de Hohenzollern à sa candidature au trône d'Espagne. (Mouvement.)

Les négociations que nous poursuivons avec la Prusse, et qui n'ont jamais eu d'autre objet, ne sont pas encore terminées. Il nous est donc impossible d'en parler et de soumettre aujourd'hui à la Chambre et au pays un exposé général de l'affaire.

N° 103.

LE DUC DE GRAMONT AU COMTE BENEDETTI, A EMS.

Paris, le 13 juillet 1870, 9 h. 45 m. soir.

J'ai reçu vos télégrammes d'aujourd'hui de midi et de une heure. Ainsi que je vous l'avais annoncé, le sentiment français est tellement surexcité, que c'est à grand'peine que, pour donner des explications, nous avons pu obtenir jusqu'à vendredi.

Faites un dernier effort auprès du Roi. Dites-lui que nous nous bornons à lui demander de défendre au prince de Hohenzollern de revenir sur sa renonciation. Qu'il vous dise: « Je le lui défendrai, »> et qu'il vous autorise à me l'écrire ou qu'il charge son ministre ou son ambassadeur de me le faire savoir, cela nous suffira. Si, en effet, le Roi ne nourrit pas d'arrière-pensée, ce n'est pour lui qu'une question secondaire; mais pour nous elle est très-importante. La parole seule du Roi peut constituer pour l'avenir une garantie suffisante. J'ai lieu de croire que les autres Cabinets nous trouvent justes et modérés.

L'empereur Alexandre nous appuie chaleureusement.

Dans tous les cas, partez d'Ems et venez à Paris avec la réponse affirmative ou négative. Il faut que je vous aie vu vendredi avantmidi. Si cela est nécessaire, prenez un train spécial. Continuez toujours à me télégraphier tout ce que vous avez à me faire connaître.

Peut-être pourriez-vous, en recevant du Roi la nouvelle de la renonciation du prince de Hohenzollern, lui dire : « Sire, Votre Majesté se porte garant de la parole du prince de Hohenzollern; car elle n'ignore point que, comme Puissance, nous n'avons pas de rapports avec le prince, et que, par conséquent, dans le pays, notre abri officiel est dans la parole du Roi. »

ARCH. DIPL. 1871-1879. - 1,

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No 106.

TÉLÉGRAMME DU GOUVERNEMENT PRUSSIEN.

Berlin, le 13 juillet 1870.

Les nouvelles de la renonciation du prince héréditaire de Hohenzollern ayant été communiquées par le Gouvernement royal espagnol au Gouvernement impérial français, l'ambassadeur de France a encore demandé à Sa Majesté le Roi, à Ems, de l'autoriser à télégraphier à Paris que Sa Majesté s'engageait pour tout l'avenir à ne jamais donner son consentement dans les cas où les Hohenzollern reviendraient sur leur candidature. Sa Majesté le Roi a refusé dès lors de recevoir de nouveau l'ambassadeur français, et lui a fait dire par son aide-de-camp de service, que Sa Majesté n'avait plus rien à communiquer à l'ambassadeur.

No 107.

RAPPORT OFFICIEL SUR CE QUI S'EST PASSÉ A EMS, RÉDIGÉ SOUS LA SURVEILLANCE DU ROI GUILLAUME.

43 juillet 4870.

Le 9 du mois courant, le comte Benedetti sollicita du Roi, à Ems, une audience qui lui fut accordée sur-le-champ. Pendant cet entretien, le ministre demanda que le Roi ordonnât au prince héritier de Hohenzollern de retirer son acceptation de la couronne espagnole.

Le Roi répondit que, comme il était intervenu dans toute cette affaire uniquement comme chef de famille et nullement comme roi de Prusse, et comme, en conséquence il n'avait point donné d'ordre pour accepter la candidature au trône, il ne pouvait pas non plus ordonner le retrait de celle-ci. Le 11, le ministre français demandait et obtenait une deuxième audience, pendant laquelle il chercha à exercer une pression sur le Roi, afin que celui-ci engageât le prince à renoncer à la couronne.

Le Roi répliqua que le prince était libre de ses résolutions, et que, quant à lui, il ne savait même pas où le prince qui se proposait, disait-il, de faire un voyage dans les Alpes, se trouvait en ce moment. A

la promenade des Sources, dans la matinée du 13, le Roi remit au ministre un numéro extraordinaire de la Gazette de Cologne, qu'il venait de recevoir lui-même, et qui contenait une dépêche télégraphique particulière de Sigmaringen sur le désistement du prince.

Le Roi ajouta que, pour sa part, il n'avait pas encore reçu de lettre de Sigmaringen, mais qu'il croyait pouvoir en attendre une dans la journée. Le comte Benedetti répondit que déjà dans la soirée de la veille il avait reçu de Paris la nouvelle du désistement. Le Roi considéra alors la question comme vidée, lorsque l'ambassadeur demanda inopinément au Roi qu'il donnât l'assurance positive de n'accorder jamais plus son consentement, si éventuellement la candidature en question revenait sur l'eau.

Le Roi refusa absolument et maintint ce refus, lorsque le comte Benedetti revint itérativement et d'une manière de plus en plus pressante sur sa proposition. Néanmoins, le comte Benedetti sollicitait, quelques heures plus tard, une troisième audience. Comme il lui fut demandé de quel objet il s'agissait, l'ambassadeur fit répondre qu'il désirait revenir sur la question qui avait été agitée dans la matinée. Par ce motif, le Roi refusa une nouvelle audience, attendu qu'il n'avait pas d'autre réponse à donner et que, à partir de ce moment, toutes les négociations devaient avoir lieu par l'entremise des ministres. Le Roi a satisfait au désir du comte Benedetti de pouvoir prendre congé de lui à son départ, en saluant le ministre le 14 à son passage par la gare, lorsqu'il allait se rendre à Coblence.

Ainsi le ministre a obtenu du Roi trois audiences qui ont eu chaque fois un caractère d'entretien particulier, le comte Benedetti ne prenant jamais le caractère de mandataire ou de négociateur.

No 108.

RAPPORT DU COLONEL RADZIWILL AU ROI DE PRUSSE SUR CE QUI S'EST PASSÉ A EMS.

Le 43 juillet 1870.

Dans la matinée du 13 juillet, à la suite d'un entretien entre S. M. le Roi et le comte Benedetti, à la promenade des Sources, S. M. me fit l'honneur de m'envoyer l'après-midi, vers les deux heures, chez le comte avec la communication suivante :

S. M. a reçu il y a une heure, par une communication écrite du prince de Hohenzollern, à Sigmaringen, la confirmation complète de

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