Sivut kuvina
PDF
ePub

Mais le peuple espagnol ne s'est point encore prononcé, et nous ne connaissons point encore les détails vrais d'une négociation qui nous a été cachée. Aussi une discussion ne saurait-elle aboutir à aucun résultat pratique. Nous vous prions, Messieurs, de l'ajourner.

Nous n'avons cessé de témoigner nos sympathies à la nation espagnole et d'éviter tout ce qui aurait pu avoir les apparences d'une immixtion quelconque dans les affaires intérieures d'une noble et grande nation en plein exercice de sa souveraineté; nous ne sommes pas sortis, à l'égard des divers prétendants au trône, de la plus stricte neutralité, et nous n'avons jamais témoigné pour aucun d'eux ni préférence ni éloignement.

Nous persisterons dans cette conduite. Mais nous ne croyons pas que le respect des droits d'un peuple voisin nous oblige à souffrir qu'une puissance étrangère, en plaçant un de ses princes sur le trône de Charles-Quint, puissse déranger à notre détriment l'équilibre actuel des forces en Europe, et mettre en péril les intérêts et l'honneur de la France.

Cette éventualité, nous en avons le ferme espoir, ne se réalisera

pas.

Pour l'empêcher, nous comptons à la fois sur la sagesse du peuple allemand et sur l'amitié du peuple espagnol.

S'il en était autrement, forts de votre appui et de celui de la nation, nous saurions remplir notre devoir sans hésitation et sans faiblesse.

N° 14.

LE COMTE DE BEUST AU BARON DE MUNCH A BERLIN,

Vienne, le 6 juillet 4870.

Lorsqu'il y a quelque temps les premières nouvelles arrivèrent au gouvernement impérial et royal que l'on 'songeait au prince héritier de Hohenzollern-Sigmaringen pour le trône vacant d'Espagne, nous ne crùmes pas encore qu'il y eût lieu de nous en exprimer d'aucun côté, Aujourd'hui que cette candidature est devenue un fait et déjà dans toute l'Europe est considérée comme un événement gros de conséquences, nous nous trouvons forcés d'exprimer nos vues et en quelques sorte nos pressentiments. Nous n'avons à cet égard aucun autre motif que notre souci des matières de la paix générale. L'Autriche-Hongrie a un intérêt spécial pour ne pas s'immiscer dans les

affaires espagnoles. Nous nous sommes conformés à la volonté de l'Empereur et Roi en restant spectateurs complétement désintéressés des événements qui se sont passés au-delà des Pyrénées. En conséquence, nous nous sommes bornés à entretenir avec le gouvernement qui occupe le pouvoir en Espagne des rapports amicaux, mais nous avons toujours évité toute occasion de nous immiscer dans la question de la réoccupation du trône et en particulier nous nous sommes fortement gardés de réveiller le souvenir qui s'y rapporte et qui est significatif dans les questions de ce genre qu'une série de Rois appartenant à la maison de Habsbourg a régné en Espagne. La question du trône d'Espagne ne nous intéresse aussi seulement que dans la mesure dans laquelle elle intéresse le monde civilisé en général; à savoir qu'elle n'arrrive pas à une solution qui pourrait troubler les rapports entre les grandes Puissances et jeter dans de nouveaux périls la paix européenne.

Mais la candidature du prince Hohenzollern, comme nous avons nos raisons de le croire, n'est en aucune manière exempte de celte éventualité. La nation française a réprimé les sentiments qu'avait fait naître en elle l'agrandissement de la Prusse en Allemagne, mais cette méfiance à peine surmontée non seulement serait réveillée, mais s'élèverait jusqu'à une inquiétude sérieuse, si la tentative était faite de gagner l'Espagne à l'influence prussienne en mettant sur le trône un membre d'une ligne de la famille royale de Prusse. Nos renseignements venus de France ne nous laissent aucun doute qu'une telle tentative y serait considérée comme étant dirigée contre les intérêts nationaux français, et qu'en présence de la candidature du prince Léopold l'attitude de la France serait celle d'un antagonisme décidé et d'un antagonisme qui pourrait avoir pour conséquence la guerre civile en Espagne et en Europe la plus dangereuse tension entre deux de ses grandes Puissances.

En présence d'éventualités si graves, nous avons éprouvé une certaine satisfaction à apprendre de Paris que l'empereur Napoléon a fait exposer à Sa Majesté le roi Guillaume de la façon la plus amicale la position dans laquelle la combinaison nouvelle de la candidature au trône d'Espagne mettrait le chef de la nation française, et exprimer la conviction la plus entière que la sagesse du Roi et son influence comme chef de la maison de Hohenzollern empêcheraient une combinaison si pleine de dangers. Notre désir de savoir la paix assurée est trop vif, et notre appréhension que de sérieuses complications pourraient surgir de l'accession au trône d'Espagne d'un prince de Hohenzollern est trop bien fondée pour que nous ne fassions pas entendre de notre côté notre voix dans ce sens. Votre Excellence ne cachera pas aux hommes d'État de la Prusse d'un côté que nous voyons le danger de

sérieuses perturbations dans la candidature du prince Léopold, et de l'autre elle exprimera en même temps en notre non le ferme espoir que l'amour de la paix et la haute intelligence du Roi empêcheront qu'il entre dans la politique européenne un élément nouveau de discorde si plein de périls.

Votre Excellence peut confidentiellement donner lecture des observations qui précèdent à M. de Thile et dans le cas où le secrétaire d'Etat désirerait conserver une copie de cette dépêche entre ses mains, vous êtes autorisée à la lui laisser.

Recevez etc.

Signé BEUST.

N° 15.

LE COMTE DE GRANVILLE A LORD LYONS, A PARIS.

Foreign-Office, le 6 juillet 1870.

Mylord, j'ai reçu hier soir, à la Chambre des Lords, votre télégramme daté de quelques heures auparavant, pour m'annoncer la première impression qu'a faite sur le duc de Gramont la nouvelle que la couronne d'Espagne était offerte au prince Léopold de Hohenzollern, et j'ai reçu ce matin votre dépêche de même date qui me donne un compte plus détaillé de ce qui s'est passé entre vous et Son Excellence.

A mon retour de Windsor, cette après-midi, l'ambassadeur de France est venu me voir. Son Excellence m'a tenu le même langage que celui que le duc de Gramont vous a tenu. La France, m'a-t-il dit, n'a aucun désir d'intervenir dans les affaires d'Espagne; après avoir énuméré les arguments qui rendent la possession de la couronne d'Espagne par un prince prussien dangereux pour la France, il a terminé en m'assurant que les circonstances avaient un caractère de la plus grande gravité, et qu'à son avis, le Gouvernement de l'Empereur ne pouvait pas, sous la pression de l'opinion publique, admettre un projet d'une telle nature. Il ajouta cependant qu'il n'y avait aucun motif pour qu'on n'essayât pas, par des mesures préliminaires, de détourner un aussi grand malheur que celui qui pourrait en résulter; et il s'adresssait au Gouvernement de la Reine, en s'appuyant sur les rapports amicaux existant entre l'Angleterre et la France et, sur le désir du gouvernement de Sa Majesté, de conserver la paix en Europe pour lui demander d'exercer son influence sur la Prusse et sur l'Es

pagne pour mettre fin à l'installation projetée du prince sur le trône d'Espagne.

J'ai répondu à M. de La Valette que le gouvernement de Sa Majesté avait été surpris à l'annonce de cette nouvelle; que je compre nais parfaitement l'effet fâcheux qu'une telle nouvelle devait produire en France; sans être d'accord avec lui sur toutes les raisons qu'il avait énoncées au sujet de l'importance pour une aussi grande nation que la France de l'élévation d'un prince allemand sur le trône d'Espagne et que je réservais mon opinion à l'égard de faits dont je n'avais encore qu'une connaissance imparfaite.

Je lui dis que je regrettais que des paroles aussi vives que celles que vous m'avez dit avoir été adressées au baron de Werther, aient été employées, mais j'ajoutai que c'était moins le moment d'entrer dans une discussion générale que d'aviser au plus tôt à ce qu'on pourrait faire pour donner une solution favorable à l'affaire.

Je consentais volontiers à ce que le gouvernement de la Reine usât de toute l'influence qu'il peut avoir sur la Prusse et sur l'Espagne, et sans avoir la prétention de rien imposer à l'une ou l'autre de ces Puissances, le gouvernement de la Reine les engagerait à prendre en sérieuse considération, telle que leur gravité le réclamait, toutes les faces de cette question, et je lui promis d'en référer tout aussitôt à Votre Excellence, à lord Augustus Loftus et à M. Layard. Je suis, etc.

N° 16.

Signé GRANVILLE.

LE COMTE GRANVILLE A LORD A. LOFTUS, A BERLIN.

Foreign-Office, le 6 juillet 1870.

Mylord, -M. Gladstone et moi avons été pris par surprise hier soir à la nouvelle que le gouvernement espagnol avait offert la couronne d'Espagne au prince Léopold de Hohenzollern; il paraît aussi que l'offre a été acceptée par le prince. Le gouvernement de Sa Majesté n'a aucun désir d'intervenir, de quelque façon que ce soit, dans les affaires intérieures de l'Espagne; beaucoup moins a-t-il la prétention de peser (to dictate) en pareille matière sur l'Allemagne du Nord; mais il a certainement l'espoir que ce projet qu'il avait ignoré jusqu'ici, n'a reçu aucune sanction du Roi.

Quelques-unes des plus grandes calamités du monde ont été pro

[merged small][ocr errors]

duites par des petites causes et par des erreurs insignifiantes à leur origine. Dans l'etat actuel de l'opinion en France, la possession de la couronne d'Espagne par un prince prussien produirait sûrement une grande et dangereuse irritation. Nous avons, en effet, une preuve concluante de ce fait dans le compte-rendu que nous recevons à l'instant de ce qui a été déclaré par le Ministre à la Chambre française.

En Prusse, ce peut être un objet sans importance qu'un membre de la famille de Hohenzollern occupe le trône le plus catholique de l'Europe. Il n'est pas certain qu'il recevait l'allégeance du peuple espagnol, divisé, comme l'est celui-ci, en un grand nombre de partis, dont beaucoup seraient nécessairement opposés au prince Léopold, et s'uniraient peut-être contre lui. Le succès n'ajouterait que peu de chose à la dignité de la famille royale de Prusse ou à la puissance de l'Allemagne du Nord, tandis qu'un échec ne manquerait pas d'être un pénible incident.

Ce n'est pas cependant autant sur l'importance de cette question pour l'Allemagne du Nord, ce dont le Roi et ses conseillers sont les meilleurs juges, que je désire insister, que sur le résultat qu'elle peut avoir sur le bien-être futur de l'Espagne - but que la Prusse doit avoir autant à cœur que le gouvernement de Sa Majesté. Il est de l'intérêt de la civilisation, de la paix et de l'ordre en Europe, que l'Espagne consolide ses institutions. Il est presque impossible que cela s'accomplisse si l'on y établit une nouvelle monarchie, qui exciterait la jalousie et les sentiments d'inimitié, sinon des actes hostiles, de la part de son puissant voisin immédiat.

De pareils sentiments en France ne trouveraient que trop probablement un écho parmi quelques-uns des partis à l'existence desquels, en Espagne, j'ai déjà fait allusion. Je me plais donc à espérer que le Roi et ses conseillers trouveront compatible avec leurs propres vues sur ce qui convient le mieux à l'Espagne, de décourager efficacement un projet plein de risques pour les meilleurs intérêts de ce pays. Vous ne manquerez point de faire ressortir que si ces sentiments sont justes, le roi de Prusse, dant le règne a amené un agrandissement si considérable de ce pays, a maintenant une occasion non moins signalée d'exercer une magnanimité sage et désintéressée qui aurait l'effet certain de rendre un service inestimable à l'Europe par le maintien de la paix.

Vous aurez soin de ne rien dire qui pourrait donner lieu à la supposition que le gouvernement de S. M. conteste ou même discute le droit abstrait de l'Espagne dans le choix de son souverain. Pour votre information je puis ajouter que nous n'avons admis à aucun degré que l'avénement du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne justifierait le recours immédiat aux armes, dont menace la France.

« EdellinenJatka »