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Sur ce sujet néanmoins vous ne devez pas entrer actuellement en communication avec le gouvernement prussien. La base des représentations que vous avez pour instruction de faire, et de celles que, dans un but analogue, le gouvernement de S. M. a adressées au gouvernement espagnol, est la prudence.

A des considérations de cette nature, je dois toutefois ajouter la réflexion que le strict secret avec lequel les négociations ont été conduites entre le ministre d'Espagne et le prince qui a été l'objet de son choix, semble inconciliable de la part de l'Espagne avec l'esprit amical et les règles internationales, et a donné, ce que le gouvernement de S. M. est bien forcé d'admettre, une juste cause d'offense, que, on pourra peut-être le prétendre, il sera impossible d'écarter tant que la candidature du prince sera maintenue.

Je suis, etc.

N° 17.

Signé GRANVILLE.

LORD LOFTUS AU COMTE DE GRANVILLE.

Foreign-Office, le 6 juillet 1870.

Mylord, Etant souffrant et ne pouvant sortir, j'ai prié M. Petre de voir M. de Thile pour lui demander s'il pouvait me donner quelques informations sur l'offre de la couronne d'Espagne faite au prince héréditaire de Hohenzollern.

M. de Thile a dit à M. Petre que le chargé d'affaires de France, M. Le Sourd, était venu le voir il y a quelques jours, et lui avait dit que la nouvelle qui était parvenue au gouverneinent français qu'une députation avait été envoyée de Madrid pour offrir au prince de Hohenzollern la couronne d'Espagne, et que cette offre avait été acceptée, avait occasionné une impression défavorable à Paris, et que le Gouvernement impérial désirait savoir quelle serait l'attitude du gouvernement prussien dans cette question.

M. de Thile répondit au chargé d'affaires de France, que le choix d'un souverain au trône d'Espagne était une question qui n'existait pas pour le gouvernement prussien et qu'en conséquence il n'était pas en mesure de donner des explications à ce sujet au gouvernement français.

Le gouvernement prussien considérait que les hommes d'État et le peuple de l'Espagne avaient le droit d'offrir la couronne à quicon

que leur convenait et qu'il ne dépendait d'accepter ou de refuser qu'à la personne à qui l'offre avait été faite.

M. de Thile assura M. Petre que c'était tout ce qui s'était passé entre M. Le Sourd et lui.

Je suis,

N° 18.

Signé A. LOFTUS,

LE DUC DE GRAMONT A M. LE SOURD, A BERLIN.

Paris, le 7 juillet 1870.

Monsieur, dans l'entretien que vous avez eu avec M. de Thile, conformément à mon télégramme du 3, vous avez reproduit fidèlement la pensée du gouvernement de l'Empereur, et j'approuve votre langage. Nous attendons avec une légitime impatience les premières explications que vous aviez à nous transmettre. Il résulte de celles qui vous ont été données par M. le sous-secrétaire d'État des affaires étrangères que, sans avoir ignoré la négociation engagée en faveur de la candidature du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne, le gouvernement prussien y serait officiellement étranger et considérerait cette affaire comme n'existant pas pour lui. En un mot, la combinaison dont il s'agit n'intéresserait que le prince Léopold personnellement.

L'opinion publique en a jugé autrement, et le gouvernement de l'Empereur a dû se demander immédiatement la conduite qu'il avait à tenir. L'Europe entière sait quelle a été notre attitude depuis deux ans en présence des événements d'Espagne. Bien loin de vouloir exercer aucune pression sur les décisions de la nation espagnole dans le choix d'un Roi, nous nous sommes au contraire abstenus scrupuleusement de toute ingérence politique dans cette affaire. Nous obéissons à la fois à notre respect pour la souveraineté d'un grand peuple, maître de régler ses destinées comme il lui convient, et aux sentiments d'amitié que nous professons pour un pays qu'aucun intérêt particulier, aucun dissentiment politique ne sépare de nous.

Nos principes restent les mêmes aujourd'hui encore, et nous protestons auprès de tous les Cabinets de notre intention de ne pas nous en écarter.

Mais lorsqu'un prince prussien se présente pour être le souverain

de l'Espagne, une telle démarche, dans l'état actuel de l'Europe, prend une signification qui est à l'instant saisie par tous les esprits. La poursuite d'un pareil plan ne paraîtrait plus qu'un moyen d'étendre l'influence de la Prusse au détriment de la France, en rompant cette longue tradition de rapports amicaux fondés autrefois sur les liens dynastiques, mais dont aujourd'hui, nous cherchons, nous, la garantie uniquement dans l'estime et le bon vouloir des peuples. Comment supposer que nous pourrions admettre un aussi grave changement dans la condition de l'équilibre européen, et souffrir que l'Espagne devint au profit de la Prusse, un point d'appui contre la France. Nous nous refusons à croire que la cour de Berlin en ait véritablement conçu la pensée.

J'ai vu M. le baron de Werther il y a trois jours, et je lui ai présenté ces considérations avec la plus entière franchise. Il m'a annoncé qu'il se rendait à Ems et il n'aura pas manqué de bien faire comprendre à son souverain toute la gravité de la détermination prise par le prince de Hohenzollern. L'émotion causée dans le pays par cette nouvelle a trouvée au sein des Chambres françaises un tel retentissement, que le Cabinet a dû donner des explications publiques. Il l'a fait avec autant de réserves que la situation le permettait; mais il est des sentiments qu'un gouvernement national comme celui de l'Empereur ne peut jamais méconnaître et dont il doit assurer la solidarité. On ne fera jamais croire à personne qu'un prince prussien puisse accepter la couronne d'Espagne sans y avoir été autorisé par le Roi, chef de sa famille. Or si le Roi l'a autorisé, que devient cette soi-disant ignorance officielle du cabinet de Berlin, derrière laquelle M. de Thile s'est retranché avec vous? Le Roi peut, dans le cas présent, ou permettre ou défendre. S'il n'a pas permis, qu'il défende. Il aura peut-être sauvé le prince, son parent, d'un grand désastre, et il dégagera l'horizon politique des graves complications qui menacent la paix générale. Il y a quelques années, dans une circonstance analogue, l'Empereur n'a point hésité: Sa Majesté désavoua hautement et publiquement le prince Murat posant sa candidature au trône de Naples. Nous regarderions une détermination semblable du Roi Guillaume comme un excellent procédé à notre égard, et nous y verrions un puissant gage du désir de la Prusse de resserrer les liens qui nous unissent et d'en assurer la durée.

Recevez, etc.

Signé: GRAMONT.

No 19.

LE DUC DE GRAMONT AU COMTE DE BENEDETTI A WILDBAD.

(Télégramme.)

Paris, le 7 juillet 1870, onze heures quarante-cinq minutes, soir.

Partez pour Ems; un attaché que je fais partir demain matin vous y portera les intructions; il arrivera à Ems à onze heures du soir. Faites prévenir le chef de gare où vous descendrez.

N° 20.

LE DUC DE GRAMONT AU COMTE BENEDETTI.

Paris, le 7 juillet 1870.

Monsieur le comte, ayant accepté l'offre que vous m'avez faite de vous rendre à Ems auprès du roi de Prusse, je crois utile de vous envoyer ci-incluses toutes les pièces qui peuvent vous mettre au courant de la situation.

Je joins donc ici :

1o Le télégramme et le rapport par lequel M. le baron Mercier me rend compte de l'entretien où le maréchal Prim lui a parlé pour la première fois de la candidature du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne;

20 Le télégramme que j'ai moi-même adressé à M. Le Sourd à la réception de cette grave nouvelle;

3o La réponse télégraphique et le rapport de M. Le Sourd, résumant les explications de M. de Thile;

4o La dépêche que j'ai adressée à notre chargé d'affaires à Berlin pour lui exposer la manière de voir du gouvernement de l'Empereur et faire appel à la sagesse et à la modération du roi de Prusse;

5o La déclaration que, pressés par le sentiment public, nous avons cru devoir porter à la tribune du Corps-Législatif;

6o Un nouveau rapport de M. Mercier qui m'est parvenu ce matin, et qui donne un aperçu de l'excitation causée en Espagne par la combinaison dont le maréchal Prim est le promoteur.

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Ces documents vous feront connaître l'état des choses et me dispenseront d'insister plus longuement sur la portée de l'intrigue que l'on nous a dérobée avec tant de soin et sur les explications que la seule révélation d'un projet aussi blessant pour notre dignité que contraire à nos intérêts était de nature à faire naître.

En résumé, le prince de Hohenzollern a accepté la candidature au trône qui lui avait été offerte par le maréchal Prim. Le cabinet de Berlin n'a pas ignoré les faits, mais il déclare y être demeuré étranger, officiellement du moins, et, d'après le langage tenu par M. de Thile, le prince de Hohenzollern serait seul engagé dans cette négociation.

Au point où la question en est arrivée, et avec le caractère qu'elle a pris par suite de l'émotion ressentie en France, il est d'un grand intérêt que la lumière se fasse avec les véritables dispositions de la Prusse, et nous attendons les plus utiles résultats de la mission dont vous êtes chargé auprès du Roi, car nous avons le ferme espoir qu'après avoir entendu de votre bouche l'exposé sincère et vrai de la situation telle qu'elle est réellement, S. M., avec sa haute raison, ne voudra pas laisser plus longtemps planer le doute sur les intentions de son gouvernement. Si le chef de la famille de Hohenzollern a été jusqu'ici indifférent à cette affaire, nous lui demandons de ne plus l'être, et nous le prions d'intervenir sinon par ses ordres, au moins par ses conseils, auprès du prince et de faire disparaître, avec les projets fondés par le maréchal Prim sur cette candidature, les inquiétades profondes qu'elle a partout suscitées.

L'agitation qui en est déjà la conséquence en Espagne, l'ardeur que montrent les partis à reprendre la lutte, annoncent que la guerre civile est certaine si l'exécution de ce plan était poursuivie, et personne ne doute que, prenant possession du trône dans de telles conditions, le nouveau souverain ne fût réduit à l'impossibilité de se maintenir en Espagne. En le détournant de la pensée de s'engager davantage dans cette négociation, en lui donnant le moyen d'en sortir honorablement, le Roi lui épargnerait les épreuves d'une entreprise qui peut faire couler beaucoup de sang espagnol, mais qui ne présenterait réellement aucune chance sérieuse de réussite après les malheurs qu'elle aurait causés.

Quant à nous, monsieur le comte, nous verrions surtout dans l'intervention du roi Guillaume pour mettre obstacle à la réalisation de ce projet, les services qu'elle rendrait à la cause de la paix et le gage de l'affermissement de nos bons rapports avec la Prusse. Le gouvernement de l'Empereur apprécierait un procédé qui, l'on n'en saurait douter, recevrait en même temps l'approbation universelle. Inspirez-vous de ces considérations, faites-les valoir auprès du

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