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loirs et les escaliers de la Chambre, et se précipite dans les tribunes publiques en poussant le cri: «La déchéance! » mêlé aux cris: a Vive la France! Vive la République! >>

Douze ou quinze députés seulement sont dans la salle.

M. le comte de Palikao, ministre de la guerre, est au banc du Gouvernement.

M. le président Schneider monte au fauteuil et s'y tient longtemps debout en attendant que le calme et le silence s'établissent dans les tribunes.

M. Crémieux, s'adressant au public des tribunes. Mes chers et bons amis, j'espère que vous me connaissez tous, ou au moins, qu'il y en a parmi vous qui pourront dire aux autres que c'est le citoyen Crémieux qui est devant vous.

Eh bien, nous nous sommes engagés, nous, les députés de la gauche... (Bruit.)

Nous nous sommes engagés, les membres de la gauche et moi... Voix dans les tribunes. Vive la République.

M. Gambetta se présente à la tribune à côté de M. Crémieux, dont la voix ne parvient pas à dominer le bruit qui se fait dans les galeries.

M Gambetta. Citoyens, dans le cours de l'allocution que je vous ai adressée tout à l'heure, durant la suspension de la séance, nous sommes tombés d'accord qu'une des conditions premières de l'émancipation d'un peuple, c'est l'ordre et la régularité! Voulez-vous tenir ce contrat?... (Oui! oui!) Voulez-vous que nous fassions des choses régulières? (Oui! oui!) Puisque ce sont là les choses que vous voulez; puisque ce sont les choses qu'il faut que la France veuille avec nous, (Oui! oui!) si vous le voulez, il y a un engagement solennel qu'il faut prendre envers nous et qu'il ne faut pas prendre pour le violer à l'instant même : cet engagement, c'est de laisser la délibération qui va avoir lieu se poursuivre en pleine libertě.

Dans les tribunes. Oui! oui!

(De nouveaux groupes pénètrent dans les tribunes. Un drapeau tricolore portant l'inscription : « 73° bataillon, 6o compagnie, » est arboré par les nouveaux venus.)

M. Gambetta. Dans les circonstances actuelles il faut garder le calme. Quelques voix. Vive la République!

M. Gambetta. Dans les circonstances actuelles, il faut que chacun de vous maintienne l'ordre; il faut que chaque citoyen veille sur son voisin.

Vous pouvez donner un grand spectacle et une grande leçon. Le voulez-vous? Voulez-vous qu'on puisse attester que vous êtes à la fois le peuple le plus pénétrant et le plus libre? (Oui! oui!) Eh bien, si

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vous le voulez, je vous adjure d'accueillir ma recommandation que dans chaque tribune il y ait un groupe qui assure l'ordre pendant nos délibérations. (Bravos et applaudissements dans presque toutes les tribunes.)

M. le président Schneider. Messieurs, M. Gambetta qui ne peut être suspect à aucun de vous, et que je tiens, quant à moi, comme un des hommes les plus patriotes de notre pays, vient de vous adresser des exhortations au nom des intérêts sacrés du pays. Permettez-moi de vous faire, en termes moins éloquents, les mêmes adjurations. Croyezmoi, en ce moment la Chambre délibère sur la situation la plus grave. (Approbation mêlée de rumeurs dans les tribunes.)

M. le président Schneider. Je crois cependant pouvoir dire que j'ai donné à la liberté de mon pays assez de gages, pour qu'il me soit permis de vous adresser, du haut de ce fauteuil, les mêmes recommandations que M. Gambetta. Comme lui, je ne saurais trop vous dire qu'il n'y a de liberté vraie que celle qui est accompagnée de l'ordre... (Très-bien! Rumeurs nouvelles dans les tribunes.)

Je n'espère pas prononcer ici des paroles qui conviennent à tout le monde, mais j'accomplis un devoir de citoyen, en vous conjurant de respecter l'ordre dans l'intérêt même de la liberté qui doit présider à nos discusssions. (Assentiment dans plusieurs tribunes. Exclamations et bruit dans d'autres.)

Un député. Si vous ne pouvez obtenir le silence des tribunes, levez la séance, monsieur le président!

(En ce moment M. le comte de Palikao, ministre de la guerre, se lève et quitte la salle.

Plusieurs députés qui étaient rentrés en séance, imitent son exemple et sortent par le couloir de droite.)

M. le président Schneider se couvre et descend du fauteuil.

M. Glais-Bizoin. Messieurs, on va prononcer la déchéance; prenez patience, attendez! (Agitation en sens divers.)

M. le président Schneider, sur les instances de plusieurs députés, reprend sa place au fauteuil.

M. Girault. Je demande à dire deux mots... (Tumulte dans les tribunes.)

Vous ne me connaissez pas? Je m'appelle Girault (du Cher). Per. sonne n'a le droit de me tenir en suspicion. Le pays a sa volonté, il l'a manifestée. Les représentants qui siégent ici viennent de s'entendre; ils sont d'accord avec le pays. Laissez-les délibérer : vous verrez que le pays sera content.

Ce sera la nation tout entière se donnant la main. Le voulez-vous? Je vais aller les chercher; ils vont venir, et le pays tout entier ne fera

qu'un. Il ne faut plus de partis politiques devant l'ennemi qui s'approche. Il faut tous s'unir pour repousser l'invasion.

Voilà ce que je vous demande.

(L'agitation et le tumulte s'accroissent dans les tribunes. La séance est interrompue durant plusieurs minutes.)

MM. Steenackers et Horace de Choiseul montent auprès de M. le président et s'entretiennent quelques instants avec lui.

MM. Gambetta et de Kératry paraissent en même temps à la tribune. Plusieurs députés, MM. Glais-Bizoin, Planat, le comte d'Hesecques, Marion, le duc de Marmier, le comte Le Hon, Wilson quittent leurs places, et, du pourtour, s'adressent aux citoyens qui sont dans les galeries.

Quelques voix dans une tribune publique. Écoutons Gambetta!

M. Gambetta. Citoyens (bruit), il est nécessaire que tous les députés présents dans les couloirs et dans les bureaux, où ils ont délibéré sur la mesure de la déchéance, aient repris place à leurs bancs et soient à leur poste pour prendre la mesure.

Il faut aussi que vous attendiez, dans la modération et dans la dignité du calme, la venue de vos représentants à leur place. On est allé les chercher; je vous prie de garder un silence solennel jusqu'à ce qu'ils rentrent. Ce ne sera pas long. (Oui! oui! Applaudissements

prolongés. Pause de quelques instants.)

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Citoyens, vous avez compris que l'ordre était la plus grande des forces. Je vous prie de continuer à rester silencieux. Il y va de la bonne réputation de la cité de Paris. On délibère et on va vous rapporter le résultat de la délibération.

Il va sans dire que nous ne sortirons pas d'ici sans avoir obtenu un résultat affirmatif. (Bravos et applaudissements.)

(En ce moment, il est trois heures, un certain nombre de personnes se précipitent dans la salle par la porte qui fait face à la tribune. Des députés essayent en vain de les refouler. La salle est envahie. On crie: Vive la République ! Le tumulte est à son comble.}

M. le président Schneider. Une délibération dans ces conditions étant impossible, je déclare la séance levée.

(Un grand nombre de gardes nationaux en uniforme et sans uniforme entrent dans la salle par les couloirs de droite et de gauche et par les portes du pourtour. Une foule bruyante et agitée y pénètre en même temps, occupe tous les bancs, et remplit tous les couloirs et l'hémycicle en criant: La déchéance! la déchéance ! Vive la République!)

M. le président Schneider quitte le fauteuil et se retire. (Il est trois heures et quelques minutes.)

No 402.

TROISIÈME SÉANCE DU QUATRE SEPTEMBRE (4 HEURES 30 DU SOIR) DU CORPS LÉGISLATIF, TENUE DANS LA SALLE A MANGER DE LA PRÉSIDENCE (AU PALAIS- BOURBON(1).

Présidence de M. Alfred LE ROUX, vice-président.

Secrétaires

MM. MARTEL et JOSSEAU, secrétaires.

La séance est ouverte à quatre heures et demie.
M. Garnier-Pagès. - Je demande la parole.

Messieurs, je déplore autant que personne les événements qui viennent de se passer et qui nous privent du local ordinaire de nos séances; mais je ne peux m'empêcher de reconnaître que l'émotion qui a régné dans Paris et qui a conduit ici une foule impatiente est bien légitime. (Mouvement.) La situation qui nous est faite à tous et qui est faite au pays est épouvantable; ce n'est pas y remédier sans doute que de venir porter le trouble et la violence dans l'assemblée des représentants du pays; malheureusement les foules ne raisonnent pas, et j'aime mieux encore que les faits déplorables, dont nous avons été témoins, se soient passés que d'avoir à enregistrer une lutte, une défense pour nous protéger, qui eût fait répandre le sang du peuple. (Approbation autour de l'orateur.) Ce qui arrive, Messieurs, la gauche, vous le reconnaîtrez, avait tout fait pour le prévenir ! Vous n'avez jamais voulu écouter nos avis. La majorité a fermé l'oreille à nos avertisse

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(1) Ernest Dréolle, la Journée du Quatre Septembre, 1 vol. Paris, Amyot. M. Alfred Le Roux fűt invité à occuper la présidence, comme l'un des vice-présidents élus de la Chambre. Il accepta sur l'avis que M. Schneider, malade et alité, était incapable de descendre.

• Deux des huissiers de service se tinrent auprès du Président, assis devant une table.

⚫ MM. Josseau et Martel, secrétaires, furent invités à s'adjoindre à M. Leroux et à dresser procès-verbal de la séance.

Il manquait malheureusement des sténographes du service ordinaire. On n'aura donc jamais officiellement le compte-rendu de cette réunion. Mais des notes que je pris séance tenante, et mes souvenirs très-fidèles m'ont permis de faire ce compterendu avec une exactitude, que la sténographie seule pourrait dépasser.

Je sais qu'un court procès-verbal a été publié. Je l'ai trouvé dans le Journal des Débats du 7 septembre. C'est un travail que j'avais été chargé de faire et que je n'ai pu remettre à temps à une commission composée de MM. le comte Daru, Martel, Bufet, Josseau et moi. Je n'ai tenu aucun compte de la note du Journal des Débats, et ce qu'on va lire eut certainement obtenu l'approbation de mes collègues. ▸

ments et voté contre toutes nos propositions. Nous étions contre la guerre, elle a voulu la guerre. Nous savions que cette guerre engendrerait des malheurs. Confiants dans le ministère qui a déclaré la guerre, vous avez donné ensuite votre confiance au ministère qui lui a succédé. Eh bien! sans. méconnaître les bonnes choses qui ont été faites, je crois qu'il en a été fait de très-mauvaises, lesquelles nous réduisent à l'état ou nous sommes.

Je ne veux blesser personne; nous sommes tous ici affligés dans notre patriotisme, atteints dans nos positions respectives; notre cœur de citoyen s'émeut, et nous ne devons penser qu'à réparer les maux qui nous accablent. Mais il faut bien se le demander à qui remonte la responsabilité de ces maux? A ce gouvernement que vous avez soutenu, à l'Empereur, dont la personne engagée dans toutes les opérations stratégiques les a gênées, compromises! Une funeste influence a dominé constamment la situation. (Mouvement. - Rumeurs de divers côtés.) Mais, Messieurs, il y a des choses qu'on ne peut pas nier! Et pour ne parler que de ces dernières opérations, qui les a conseillées? Je reconnais ce qu'à pu faire le comte de Palikao, depuis qu'il est arrivé au pouvoir; mais je sais, je crois savoir que c'est lui qui a conseillé le mouvement en avant de l'armée de Mac-Mahon... C'était une folie... On nous a constamment trompés. On nous a dit que Bazaine pouvait tenir la campagne, tandis qu'il était bloqué à Metz; il fallait le laisser là. Bazaine et ses courageux soldats ont bien prouvé depuis lors qu'ils pouvaient rester seuls, qu'ils pouvaient tenir, et il fallait, en quittant Châlons, se replier sous Paris. C'est à Paris, sous ses murs, qu'on aurait dû attendre l'ennemi. Nous n'aurions pas aujourd'hui à enregistrer cette déplorable capitulation de Sedan, qui nous prive de nos meilleurs soldats, de toute notre artillerie, de nos meilleurs officiers... (Approbation.)

Mais, enfin, tout cela est fait. Ce sont des événements accomplis; il n'y a pas à revenir dessus. Il s'agit maintenant de faire face aux nécessités de l'avenir. Où en sommes-nous? Tout est à créer comme défense militaire. Paris seul est organisé, et c'est à Paris que doivent se concentrer tous nos efforts. Mais la population de Paris, cette population patriotique, ardente, qu'on a toujours tenue en suspicion, elle n'a pu rester muette, tranquille; elle s'est révoltée : vous en étonnezvous? Elle s'en est pris aussitôt à ce gouvernement qui nous a trompés, vous et nous, qui nous a trahis... et sa première pensée a été de demander que tout fut changé... (Exclamations en sens divers.)

Je me sens très à l'aise, Messieurs, pour vous parler, car je ne veux pas quoi qu'il arrive, entrer au pouvoir. J'y suis bien décidé; je ne veux pas faire partie du gouvernement qui se fondera; je l'ai dit à

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