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zollern, mais qu'il ne pouvait tarder à se trouver suffisamment renseigné.

J'ai tâché, monsieur le duc, de reproduire fidèlement le sens, sinon les termes mêmes du langage que le Roi a tenu durant notre conversation. Comme vous le voyez, S. M. a connu les pourparlers ouverts entre le maréchal Prim et le prince de Hohenzollern; elle a réfusé de s'y associer, attendu que cette négociation n'intéressait pas son gouvernement, qui ne l'a pas connue; elle n'a consenti à donner son avis que quand la question lui a été soumise en sa qualité du chef de famille, et elle s'est bornée à faire savoir qu'elle ne s'opposerait pas au désir manifesté par le prince Léopold d'accepter la couronne d'Espagne. Comme souverain et roi de Prusse, S. M. n'a pris aucune part à cette affaire, et le cabinet de Berlin n'a pas à répondre d'un arrangement qu'il a totalement ignoré. Telles sont en substance les explications que le Roi m'a données.

Quelles sont en ce moment les intentions du Roi et que devonsnous attendre de ses communications avec le prince de Hohenzollern? S. M. se propose-t-elle de laisser au prince Léopold le soin de revenir spontanément sur le parti qu'il a pris, afin de ne pas sortir de l'abstention qu'elle n'aurait cessé d'observer, et d'éviter de faire personnellement une concession qui pourrait être mal appréciée en Allemagne; ou bien se propose-t-elle uniquement de s'assurer le bénéfice du temps pour prendre des mesures militaires ou pour attendre que les choses soient plus avancées à Madrid et plus embarrassantes pour le gouvernement de l'Empereur? Je ne sais ce qu'il faut en penser. Si, d'une part, il convient de compter sur la prudence du Roi, de l'autre, il ne nous est pas permis d'oublier un instant des faits récents et qu'il serait superflu de rappeler. Le Roi m'a paru regarder le vote des Cortès comme la solution la plus désirable ou celle qui serait la plus conforme à ses vues. Veut-il, autant que les circonstauces le permettront, ajourner ses décisions jusqu'à ce moment? Je n'en serais pas surpris, et je signale cette conjecture à l'attention de Votre Excellence.

Pour moi, et en attendant les directions que vous croirez devoir m'adresser, je ne négligerai aucun effort pour obtenir de S. M. une réponse aussi prompte que satisfaisante. J'ai pensé que je ne pouvais, sans m'exposer à laisser croire que j'étais venu à Ems uniquement pour provoquer une rupture, m'abstenir de déférer au désir du Roi quand il m'a demandé d'attendre les avis du prince de Hohenzollern pour continuer notre entretien. Mais, dès ce soir, j'ai déclaré très-clairement à M. de Werther, qui en informera Sa Majesté, que les inquiétudes qu'avait suscitées l'acceptation du prince Léopold et le trouble qui en résultait pour tous les intérêts exigeaient impérieu

sement que le cabinet impérial fut renseigné sans un long retard, et que je me verrais dans la nécessité d'importuner le Roi si je n'étais mis à même de satisfaire la légitime impatience du gouvernement de l'Empereur.

J'ose penser que Votre Excellence voudra bien donner son approbation au langage que j'ai tenu et à l'attitude que j'ai prise depuis mon arrivée à Ems.

Veuillez, etc.

Signé BENEDEetti.

P. S. J'apprends que le prince Antoine de Hohenzollern était avant-hier seul à Sigmarengen, et que le prince Léopold se trouvait sur le lac de Constance; mais je suppose qu'il aura été rejoindre son père.

No 48.

LE COMTE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

(Particulière.)

Ems, le 9 juillet 1870, dans la nuit.

Mon cher duc, vous connaissez déjà mon arrivée à Ems, et les premières démarches que j'ai faites auprès du Roi. Je tiens à vous dire que je n'oublierai aucune de vos recommandations, et que je tâcherai de faire de mon mieux pour justifier votre confiance.

Je ne suis ému ni des difficultés que je rencontre ici, ni des attaques plus absurdes encore que violentes dont je suis l'objet à Paris, et je continuerai ma tâche avec autant de calme que de prudence. Vous m'approuverez, j'espère, de n'avoir pas été plus exigeant avec le Roi, et de ne rien brusquer violemment. Vous serez sans doute d'avis qu'il faut mettre, dans une juste mesure, la modération de notre côté. Je ne sais ce que je puis attendre de la sagesse de Sa Majesté, et je ne puis vous cacher qu'il nous faut peut-être compter davantage avec son habileté et son habitude de recourir à des expédients.

Il y a dans ma dépêche une omission intentionnelle que je dois réparer ici. J'ai fait seulement allusion à ce que le Roi m'a dit de votre langage devant le Corps législatif. Il a été plus explicite et plus long que je ne le raconte. Il a fort approuvé la première partie de votre déclaration, mais il ne m'a pas caché qu'il avait vivement

ressenti la seconde. Prétendant toujours que la Prusse n'avait rien à voir dans cette affaire, il ne pouvait s'empêcher de voir une appréciation mal fondée, et presque une provocation, dans les paroles que vous avez prononcées sur les vues d'une puissance étrangère.

J'ai fait remarquer à S. M. que, devant l'émotion qui s'était emparée de l'Assemblée, il était de la première nécessité de prévenir une discussion qui pourrait donner lieu à des incidents fâcheux et irréparables; que vous ne pouviez, d'un autre côté, vous abstenir, pour répondre au sentiment de la Chambre et l'apaiser, d'indiquer quelle serait la conduite du gouvernement de l'Empereur, dans le cas où les intérêts et l'honneur de la France seraient mis en péril; que le Roi, par conséquent, devait se persuader que votre langage vous avait été uniquement inspiré et qu'il vous était même commandé par votre désir de ne laisser rien compremettre, et de garantir contre toute surprise le maintien de nos bonnes relations avec la Prusse. J'ai developpé ces considérations, mais je ne crois pas avoir réussi à redresser complétement l'opinion du Roi.

Je me suis entendu avec notre consul à Cologne pour faire porter ma dépêche et cette lettre jusqu'à notre frontière.

Veuillez, etc.

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Signé: BENEDEtti.

P. S. Je n'aperçois rien ici qui puisse me donner à croire qu'on prend des mesures militaires. Le Roi n'a toujours auprès de lui que les officiers qui l'accompagnaient à son départ de Berlin. Je vous engage cependant à ne pas attacher une grande importance à cette information. On ne peut pas mobiliser même un seul corps d'armée sans que cette mesure devienne aussitôt de notoriété publique, mais on peut tout disposer dans ce but sans le laisser soupçon

ner.

No 49.

LE GÉNÉRAL FLEURY AU DUC DE GRAMONT.

(Télégramme.)

Saint-Péterbourg, le 9 juillet 1870, 7h. 50, soir.

L'Empereur Alexandre comprend tout ce que l'offre du trône au prince de Hohenzollern a de blessant pour la France, et Sa Majesté reconnaît, quelque soit le peu de valeur du candidat, que ce prince

ne deviendrait pas moins un drapeau pour la Prusse à un moment donné.

Aussi le Czar me charge-t-il de faire savoir à l'Empereur qu'il a de fortes raison de croire que cette trame ourdie par le maréchal Prim n'aboutira pas.

D'un autre côté, le ministre d'Autriche, le comte Chotek, a reçu du prince Gortschakoff l'information que le cabinet russe avait fait entendre au cabinet de Berlin le langage de la plus grande modération. L'accueil si ouvert, si libre d'arrière-pensée que l'Empereur m'a fait aujourd'hui, me donne le droit de penser que le commentaire de ses paroles sobres est qu'il a écrit au roi de Prusse pour lui donner des conseils de sagesse et d'abstention.

Je n'ai pas encore de réponse à la dépêche de Chine.

N° 50.

LE COMTE DE GRANVILLE A LORD LYONS.

Foreign-Office, le 9 juillet 1870.

Mylord, j'ai reçu et mis sous les yeux de Sa Majesté les dépêches du 7 courant de Votre Excellence relatives à la crise occasionnée en Europe par l'offre du trône d'Espagne au prince Léopold de Hohenzollern.

Vous remercierez le duc de Gramont pour la franchise avec laquelle il vous a fait sa communication et pour la confiance amicale et certainement non mal placée qu'il a montrée en faisant appel au gouvernement de Sa Majesté pour user de son influence dans le but d'écarter le danger présent.

Le gouvernement de la Reine ne saisit pas complétement que la nomination du prince de Hohenzollern au trône d'Espagne puisse être d'une telle importance pour une nation aussi grande et aussi puissante que la France, qu'elle puisse pousser à l'extrême un sentiment national de ressentiment. Mais il parait certain que ce sentiment existe, et il est probable que c'est par déférence pour cette opinion publique qu'a été tenu par les ministres de l'Empereur un langage qui tout d'abord augmente indubitablement les difficultés pour arriver à un réglement amiable de cette question.

Le gouvernement de Sa Majesté est assuré que le gouvernement impérial agira avec modération et ménagement dans la conduite de cette affaire, il espère qu'un arrangement de la question pourra être

effectué sans que la paix de l'Europe soit compromise, et sans que les rapports amicaux entre les différentes puissances plus immédiatement intéressées dans ce conflit soient interrompus.

Le duc de Gramont peut être certain qu'aucun effort ne sera négligé de notre part pour arriver à un résultat aussi désirable et d'une importance aussi capitale.

Je suis, etc.

No 51.

Signé GRANVILLE,

LE COMTE DE GRANVILLE A LORD LYONS.

Foreign-Office, le 9 juillet 1870.

Mylord, j'ai reçu ce matin la dépêche de Votre Excellence en date d'hier, contenant le récit d'une nouvelle conversation que vous avez eue avec le duc de Gramont au sujet de l'offre de la couronne d'Espagne au prince Léopold de Hohenzollern.

J'ai informé Votre Excellence, par ma dépêche du 6 courant, que lors de ma première entrevue avec l'ambassadeur de France, après réception des nouvelles, je lui avais manifesté mon regret que des termes aussi forts que ceux que vous m'avez rapportés, aient été employés à ce sujet par le duc de Gramont dans sa conversation avec l'Ambassadeur de Prusse à Paris.

Le gouvernement de Sa Majesté n'a pas cessé de regretter la teneur des déclarations successives faites dans les Chambres françaises et dans la presse, déclarations qui tendent à exciter plutôt qu'à calmer les sentiments d'irritation qui se sont manifestés en France, et ne sont que trop de nature à en provoquer de semblables en Espagne et en Allemagne. Les regrets du gouvernement de la Reine ont encore été augmentés par suite de la déclaration que vous a faite le duc de Gramont au sujets des préparatifs militaires qui vont être poussés.

Une telle attitude est calculée, nous le craignons, pour faire avorter les efforts du gouvernement de Sa Majesté en vue d'un réglement amical de la question. Elle est calculée de façon à nous faire douter sérieusement s'il convient de poursuivre ces efforts en ce moment, alors que la précipitation de la France ne peut guère manquer de les rendre vains et illusoires. Peut-être serait-il mieux de réserver notre action pour l'avenir, alors que les deux parties seront disposées à la seconder par leur modération. »

Je suis, etc.,

Signé: GRANVILLE,

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