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N° 603.

LE COMTE DE GRANVILLE A LORD BLOOMFIELD, A VIENNE.

Foreign-Office, le 40 octobre 1870.

Mylord, le comte Apponyi m'a informé qu'il était chargé par le comte de Beust de me parler au sujet de l'opportunité d'une médiation entre la France et la Prusse et de m'expliquer les vues du Gouvernement austro-hongrois à cet égard.

Le comte de Beust avait espéré, lorsque le Gouvernement de la Reine proposa un échange de notes relatif au maintien de la neutralité, que la mesure aboutirait à un effort collectif en faveur du rétablissement de la paix ; et c'était dans ce but que l'Autriche avait suggéré l'idée d'insérer dans ces notes une clause qui empêcherait la médiation isolée d'aucune puissance. Cette idée ne fut pas accueillie favorablement et fut conséquemment abandonnée. Le Gouvernement de la Reine avait préféré que chaque puissance conservât sa liberté d'action. Depuis lors, chacune a fait des démarches timides et infructueuses pour faciliter une réconciliation entre les belligérants. L'Autriche, tout en regrettant ce résultat, n'en est pas surprise, car il n'a fait que la confirmer dans sa première opinion que l'unique chance de réussite se trouverait dans une action collective. Il était impossible pour l'Autriche de prendre l'initiative; mais les raisons qui la détournaient de le faire ne s'appliquaient pas à l'Angleterre et à la Russie, dont les rapports avec les belligérants étaient tels que leurs motifs ou leur impartialité ne pouvaient être suspects: Si les cabinets de Londres et de Saint-Pétersbourg avaient seulement manifesté le désir général de l'Europe de voir finir les hostilités, l'Autriche aurait été heureuse de se joindre à eux pour plaider la cause de la paix, dans l'intérêt de l'humanité, non moins que dans celui de la politique générale. Cela aurait été certainement un acte méritoire d'avoir saisi la première occasion d'encourager par de sages avis et des conseils prudents toutes les dispositions qui seraient témoignés en faveur de la paix. C'était à cause de son sentiment sur ce point que le comte de Beust avait suggéré l'insertion dans l'échange de notes de la réserve sur laquelle il n'avait pas cru devoir insister lorsqu'il avait trouvé que cela pourrait faire croire à un apparent désaccord entre l'Autriche et les autres puissances à un moment où elle était la plus désireuse d'amener une entente générale. Il était

néanmoins désirable de rappeler de nouveau les motifs qui lui avaient servi de guide et déclarer qu'elle était toujours prête à contribuer au rétablissement de la paix lorsque quelque démarche de la part des puissances neutres semblerait offrir quelque chance de

succès.

Si, pour ces inotifs, l'Autriche a été forcée de renoncer à l'idée de prendre l'initiative, elle n'en est pas moins pénétrée du désir de voir l'Europe sortir de l'espèce de torpeur dans laquelle elle paraît plongée par crainte d'une convulsion. Il semblait qu'on pensait à la fois à Londres et à Saint-Pétersbourg que des démarches collectives auraient moins de chances que des démarches indépendantes d'être favorablement accueillies par le conquérant. Il était impossible de vérifier la justesse de cette opinion, mais il serait bon de s'informer si un arrangement entre les puissances neutres exposé dans un esprit d'impartialité amicale, et tendant non-seulement à modérer les exigences du vainqueur, mais aussi à calmer l'irritation du vaincu, ne contiendrait pas des avantages qui pouvaient être appréciés aussi bien par la France que par la Prusse et ses alliés. Il était hors de doute que les motifs qui étaient mis en œuvre pour faire de cette guerre une guerre d'extermination ne renfermaient d'un côté que des illusions et de fausses espérances, et, de l'autre côté, indifférence et mépris pour les puissances européennes qui avaient accepté la position de spectatrices du combat; mais on ne saurait trop le répéter, si l'Autriche tentait de prendre l'initiative, ses efforts seraient mal interprétés, et tandis qu'ils serviraient d'un encouragement fatal à l'un des belligérants, ils seraient considérés par l'autre comme étant une intervention hostile.

Je fis observer que j'ignorais quelles étaient les démarches infructueuses auxquelles le comte de Beust faisait allusion, et qu'à l'exception de la transmission de messager d'un belligérant à l'autre, le Gouvernement de la Reine n'avait fait aucune démarche, si ce n'est pour recommander à chacune des parties qu'une entrevue personnelle ait lieu entre le comte de Bismarck et M. Favre; lequel conseil avait été suivi, quoique malheureusement les négociations n'aient pas pu aboutir à une solution.

Le Gouvernement de la Reine n'a rien vu qui pût le décider pour le présent, à changer d'avis, qu'offrir une médiation qui n'était pas acceptable pour les deux parties et ne renfermait pas la base d'une négociation, en toute probabilité ne ferait que du mal et rien de bon. Les déclarations du comte de Bismarck et de M. Favre, avant, pendant et depuis leur entrevue, n'offraient aucun point de départ pour de pareilles négociations.

ARCH. DIPL. 1871-1872 - II.

48

J'ai informé déjà votre Excellence par ma dépêche du 3 courant, qu'à la suite de sa communication de la circulaire du comte de Bismarck, du 13 dernier, j'ai prié le comte de Bernstorff de ne pas augurer de mon silence que je partageais toutes les opinions qui y étaient développées. Le Gouvernement de la Reine n'est pas disposé à offrir des conseils, à moins qu'il n'ait des raisons de croire qu'ils auraient de l'effet. Il paraitrait, d'après la dernière communication du Gouvernement français faite par l'entremise de lord Lyons et transmise par lui dans sa dépêche (1) que le Gouvernement français était du même avis, puisqu'il déclare que le temps des bons offices est passé et réclame le concours actif des puissances neutres pour prendre des mesures afin de donner plus de poids à leur manière de voir.

Quoique je n'aie pas été jusqu'à présent informé que le Gouvernement autrichien ait reçu une semblable communication du Gouvernement français, je supposais qu'elle avait été envoyée en même temps, et je serais heureux de savoir quelle réponse le comte de Beust a faite ou se propose d'y faire, si le comte de Beust est disposé à accueillir une pareille demande ou s'il a l'intention de recourir à l'offre de bons offices aux deux belligérants, et quel est le conseil définitif qu'il se propose d'offrir à chacun des belligérants.

Le Gouvernement de la Reine est très-anxieux de mettre fin à cette guerre; il désire ardemment la conclusion d'une paix durable qui satisferait les légitimes demandes de l'Allemagne et qu'il ne serait pas injurieux pour l'honneur de la nation française d'accepter dans les circonstances de la guerre. Il était prêt à prendre en considération toute proposition définie que pourrait faire le Gouvernement autrichien, mais il craignait beaucoup que tout conseil de modération adressé aux deux parties resterait pour le moment sans effet. Je suis, etc.

(1) N° 153.

Signé: GRANVILLE.

FIN DU DEUXIÈME VOLUME DES ONZIÈME ET DOUZIÈME ANNÉES

TABLE PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE

DES MATIÈRES

DU DEUXIEME VOLUME DES ONZIÈME ET DOUZIÈME ANNÉES

(1871-1872)

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES

RELATIFS A LA GUERRE FRANCO-ALLEMANDE 1870-1871.

4870 AOUT.

10. Allemagne.-France. Capitulation de Lichtemberg... 44. Allemagne.-France. Capitulation de Marsal.....

....

Pages.

440

441

16. Grande-Bretagne. Sir A. Buchanan au comte de Granville. Anxiété du Gouvernement russe de voir prendre un arrangement entre les puissances en vue d'une entente générale avant de se départir de la neutralité. Vues sur les conditions de paix..... 389 17. France. L'empereur Napoléon au général Trochu, pour le nommer gouverneur de Paris..... 442 47. Bavière. Ordre du jour du roi Louis, pour accorder une amnistie. 394 47. Etats-Unis d'Amérique. M. Schuyler à M. Fish. Efforts tentés à SaintPétersbourg pour faire sortir la Russie de sa neutralité. Le sentiment public en faveur de la France. Préparatifs militaires....

......

391

17. Grande-Bretagne. Le comte de Granville à sir A. Buchanan, à Saint-Pétersbourg. Le temps n'est pas encore arrivé pour une médiation..... 393 17. Grande-Bretagne. Le comte de Granville au comte Apponyi. Proposition d'un échange de notes relatif à la neutralité...... 394 48. France. Proclamation du général Trochu, gouverneur de Paris... 395 18. Confédération de l'Allemagne du Nord. Proclamation du prince royal de Prusse aux habitants de la Lorraine....

397 18. Grande-Bretagne. Lord Lyons au prince de la Tour d'Auvergne, au sujet de la notification du blocus de la mer du Nord...... 397

48. Grande-Bretagne. Sir A. Buchanan au comte Granville. Le prince Gortschakoff convient que pour le moment une médiation serait inopportune. 398 48. Grande-Bretagne. Sir A. Buchanan au comte de Granville. Vues du prince Gortschakoff au sujet d'une entente pour la neutralité.................. 398 19. France. Proclamation du général Trochu à la garde nationale de Paris, etc., etc., et à tous les défenseurs de la capitale...

399

4870 AOUT.

19. France. Le prince de La Tour d'Auvergne à lord Lyons. Réponse à sa note du 48. (No 344.)........

.... 400

19. Autriche. Le comte de Beust au comte Chotek, à Saint-Pétersbourg, l'Autriche se joint à la Russie en adoptant le principe de la proposition de l'Angleterre relative à la neutralité......

401

19. Grande-Bretagne. Lord Lyons au comte de Granville. Conversation avec le prince de La Tour d'Auvergne au sujet d'une médiation............. 404 49. Italie. Le chevalier Cadorna au comte de Granville. L'Italie accepte la proposition de neutralité de l'Angleterre...... 401 20. France. Le marquis de La Valette au comte de Granville. Quelles sont les vues de l'Angleterre au sujet de la marine volontaire autorisée par le décret prussien du 24 juillet?......

... 403

20. Autriche.-Hongrie. Message d'ouverture de la Diète de la Basse-Autriche....

405

20. Suisse. Le Conseil fédéral à tous les Etats confédérés. Recommandation d'observer la plus stricte neutralité...... ..... 406

21. États-Unis d'Amérique. M. Jay à M. Fish. Attitude de l'Autriche en vue d'une médiation.... .... 408

408

22. États-Unis d'Amérique. Proclamation du Président prescrivant la neutralité dans la guerre entre la France et l'Allemagne.... 23. Saxe. Ordre du jour du Roi au corps saxon..... 23. Autriche. Le comte de Beust au comte Apponyi, à Londres. Réponse à dépêche du 8. Traité relatif à la neutralité de la Belgique.... 443

...

412

23. Autriche. Le comte de Beust au comte Apponyi, à Londres. Échange de lettres concernant l'observation de la neutralité.....

... 413 23. Grande-Bretagne. Lord Bloomfield au comte de Granville. Conversation avec le comte de Beust au sujet de l'entente pour la neutralité.......... 445 24. France. Arrêté du général Trochu pour l'expulsion de Paris de tout individu dépourvu de moyens d'existence...... 446 24. Grande-Bretagne. Le comte de Granville au marquis de La Valette. Réponse à note du 20 août. Une marine volontaire ne forme pas une infraction à la déclaration de Paris...... 447

..... ...

.....

26. France. Procès-verbal de la conférence entre les chefs de corps d'armée et les commandants des armes spéciales de l'armée du Rhin devant Metz. 417 26. Etats-Unis d'Amérique. M. Schuyler à M. Fish. La Russie garde une stricte neutralité, armements poussés activement, opinions des journaux. 422 27. Belgique. Instructions du ministre de la Guerre au chef de l'état-major de l'armée...... 423 27. Grande-Bretagne. Le comte de Granville à sir A. Paget, à Florence. Communication du ministre d'Italie en faveur d'une médiation....... 424 28. France. Arrêté du général Trochu. Expulsion de tous les étrangers appartenant à l'un des pays actuellement en guerre avec la France....... 425 29. France. Le comte de Palikao au général de Wimpffen pour prendre le commandement de l'armée dans le cas où il arriverait malheur au maréchal Mac-Mahon....

426

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