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blable solution, mais il ne peut s'empêcher de craindre que la précipitation des efforts du gouvernement français ne rende tous les efforts négatifs.

M. de Gramont a répondu que, dans cette affaire, les ministres français ne faisaient que suivre et non pas diriger la nation. L'opinion publique ne leur permettrait pas de faire moins qu'il n'ont fait.

Quant aux préparatifs militaires, la prudence ordinaire commande qu'ils ne soient point retardés. Au milieu d'un calme profond et alors que le cabinet français et les Chambres françaises s'occupent de réduire le budget militaire, la Prusse a fait éclater une mine qu'elle avait préparée dans le secret. Il est nécessaire que la France soit au moins aussi avancée que la Prusse dans ses préparatifs militaires.

M de Gramont me dit ensuite qu'il allait m'expliquer exactement la position de la question. Le roi de Prusse avait dit la veille au soir à M. Benedetti qu'il avait, en effet, consenti à ce que le prince de Hohenzollern acceptât le trône d'Espagne et que, ayant donné son consentement, il lui était maintenant difficile de le retirer. Sa Majesté avait ajouté, toutefois, qu'elle donnerait une réponse définitive à la France après son entretien.

Ainsi, a fait observer M. de Gramont, deux choses sont claires, c'est que le roi de Prusse est partie consentante à l'acceptation de la Couronne par le prince, et, en second lieu, que la décision du prince à persister dans son acceptation ou à la retirer sera prise de concert avec Sa Majesté. Ainsi donc, dit M. de Gramont, l'affaire est maintenant, sans conteste, une affaire entre la France et le Roi.

Le gouvernement français voudrait, continua M. de Gramont, différer encore un peu, pendant 24 heures par exemple, ces grands et ostensibles préparatifs de guerre, tels que le rappel de la réserve, qui ont pour effet d'enflammer la France. Tous les préparatifs ostensibles doivent cependant être faits sans retard. Les ministres français seraient imprudents s'ils couraient le risque de permettre à la Prusse de gagner du temps par des prétextes dilatoires.

En terminant, M. de Gramont me dit que je pouvais annoncer à Votre Seigneurie que si le prince de Hohenzollern, sur le conseil du roi de Prusse, consentait à retirer son acceptation de la couronne d'Espagne, toute l'affaire serait finie.

M. de Gramont, toutefois, ne me cacha pas d'autre part, que si le prince, après en avoir conféré avec le Roi, persistait à se poser comme candidat au trône d'Espagne, la France déclarerait immédiatement la guerre à la Prusse.

J'envoie ce soir copie de cette dépêche confidentiellement au mi

nistre de Sa Majesté à Madrid par le courrier de cabinet, capitaine Bagge.

N° 68.

(Extrait.)

M. LAYARD AU COMTE DE GRANVILLE.

Madrid, le 10 juillet 1870.

J'ai pensé mieux remplir le but des instructions contenues dans votre télégramme du 7 courant en faisant ressortir à Son Altesse, dans des termes aussi énergiques que je me croyais en droit de le faire, l'immense gravité de la situation où se trouve placée l'Espagne, l'anxiété ressentic à ce sujet par le gouvernement de la Reine et le très-ardent désir de Votre Seigneurie que des mesures compatibles avec la dignité de l'Espagne soient trouvées pour abandonner l'intention de proposer la couronne au prince de Hohenzollern, intention qui a si offensé la France et pourrait même amener la guerre.

Dans mes communications avec le général Prim et M. Sagasta j'ai fait de mon mieux, en obéissance à vos instructions, pour ne pas exercer la moindre pression qui pourrait offenser le gouvernement espagnol, et en même temps je ne leur ai pas caché l'inquiétude du gouvernement de Sa Majesté et son désir que le gouvernement espagnol trouve moyen de renoncer au projet Hohenzollern. Les représentations que j'ai faites ont été reçues d'une façon amicale et j'ai toute raison de le croire, n'ont occasionné aucun sentiment d'offense.

N° 69.

LE DUC DE GRAMONT AU COMTE BENEDETTI, A EMS.

Télégramme.)

Paris, le 11 juillet 1870, 4 heure du matin.

Vous ne pouvez vous imaginer à quel point l'opinion publique. est exaltée. Elle nous déborde de tous côtés, et nous comptons les heures. Il faut absolument insister pour obtenir une réponse du Roi. négative ou affirmative. Il nous la faut pour demain; après- demain serait trop tard.

Le régent d'Espagne, après une conférence, a décidé d'envoyer au prince quelqu'un qui sera autorisé à voir le Roi et même M. de Bismarck pour demander le retrait de la candidature; ce sera le général Dominguez ou M. Silvela. Vous pouvez vous servir de cette information si vous le jugez nécessaire au succès de vos efforts; mais il serait bien préférable pour le gouvernement de devoir le retrait de la candidature à la seule intervention du Roi.

Si vous réussissez, télegraphiez de suite et venez à Paris apporter vous-même les détails de la négociation.

No 70.

LE COMTE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

(Télégramme.)

Ems, 14 juillet, 4 h. 30 m. du soir.

Je quitte le Roi. Durant une audience que j'ai prolongée pendant une heure. j'ai invoqué tous les arguments imaginables pour déterminer S. M. à me permettre de vous annoncer qu'elle invitera le prince de Hohenzollern à renoncer à la couronne d'Espagne, sans lui cacher cependant que je considérais ce conseil comme un ordre. Le Roi s'y est refusé, me déclarant qu'il devait laisser à son parent la plus entière liberté après comme avant son acceptation. Restant sur le terrain où il s'est placé, le Roi a prétendu qu'il sortirait du rôle d'abstention qu'il s'est tracé depuis l'origine en déférant à ma demande, et il m'a donné constamment à entendre que l'initiative de la renonciation devait venir du prince Léopold, qui a pris l'initiative de l'acceptation. J'ai combattu cette manière de voir en représentant au Roi nos nécessités intérieures. Je lui ai parlé de la défiance et de l'irritation des esprits en France, de l'obligation où nous sommes de donner publiquement des explications attendues avec impatience, des dangers nouveaux que créait chaque heure de retard, de la gloire qu'il recueillerait personnellement en interposant son autorité pour prévenir de terribles calamités. Sa Majesté a maintenu sa résolution. Après me l'avoir plusieurs fois demandé dans le cours de l'audience, le Roi, avant d'y mettre fin, m'a vivement engagé à vous télégraphier en son nom qu'il croyait recevoir ce soir ou demain une communication du prince Léopold, qui a dû rejoindre son père à Sigmaringen, et qu'il s'empresserait de me donner une réponse définitive. Vous jugerez de l'importance qu'il faut donner à cette déclaration du Roi, et de la mesure dans laquelle il peut nous convenir d'en tenir compte

Pendant que j'insistais sur la nécessité d'adopter une prompte résolution, il a échappé au Roi de me dire : « Je n'ignore pas les pré

paratifs qui se font à Paris, et je ne dois pas vous cacher que je prends mes précautions pour ne pas être surpris.» S. M. a cherché ensuite à atténuer la portée de ces paroles.

Je n'ai pas fait usage des informations qui vous sont parvenues de Madrid. Vous savez déjà que le Roi prétend que nous sommes uniquement fondés à demander au gouvernement espagnol de revenir luimême sur la combinaison qu'il a conçue, et S. M. n'aurait pas manqué de prendre prétexte de ce que je lui aurais dit pour insister

dans ce sens.

Votre dernier télégramme est daté de cette nuit à 1 heure.

No 71.

LE COMTE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

Ems, le 11 juillet 1870.

Monsieur le duc, ainsi que je vous l'ai mandé par le télégraphe, je n'ai cessé, depuis la première audience qui m'a été accordée par le Roi, de lui faire représenter qu'il était absolument urgent de ne pas perdre un temps précieux, et de prendre un parti sans plus de retard. Comme je vous l'ai fait savoir également, j'ai eu l'honneur, hier au soir, de rencontrer le Roi, et S. M. m'ayant arrêté pour m'apprendre qu'elle n'avait encore reçu aucune réponse du prince Léopold et m'en exprimer ses regrets, j'ai pris la liberté de lui dire que nous touchions au moment où le gouvernement de l'Empereur ne pourrait plus ajourner les explications qu'il doit aux Chambres, et je lui ai demandé de lui soumettre les nécessités impérieuses de la situation qui nous était faite. Le Roi a daigné me recevoir ce matin, et je viens de vous rendre sommairement compte, dans un télégramme, de l'entretien que j'ai eu avec S. M.

Me conformant à vos directions, je me suis appliqué à obtenir du Roi une résolution qui fût de nature à nous satisfaire pleinement sans autre délai, et je lui ai demandé de m'autoriser à vous annoncer qu'il inviterait le prince de Hohenzollern à renoncer à sa candida. ture. Ce prince, ai-je dit, ne pouvant se dispenser de déférer à l'avis du Roi, nous serions dès à présent en mesure de calmer toutes les appréhensions. >>

Pour déterminer S. M. à accueillir favorablement le vœu que je lui exprimais, je ne lui ai caché ni les défiances ni l'irritation du sentiment public en France. Je lui ai fait part de l'impatience du Sénat

et du Corps législatif, et de l'obligation où se trouvait le gouvernement de l'Empereur d'y satisfaire, des périls de cet état de choses et des dangers nouveaux que créait chaque jour de retard. Je lui ai répété qu'en prenant elle-même la résolution de dénouer de si graves difficultés, elle acquerrait des droits précieux à la reconnaissance du monde entier.

Le Roi m'a souvent interrompu pour m'opposer les objections qu'il avait déjà fait valoir dans ma précédente audience, et je ne reproduirai ici que ce qu'il importe que je vous en dise aujourd'hui. S. M. a surtout insisté sur le titre auquel elle est intervenue, celui de chef de la famille, titre qui ne saurait engager, à son avis, ni le souverain de la Prusse, ni son gouvernement.

Je ne me suis pas borné cette fois à répliquer que cette qualité ne serait pas comprise, j'ai ajouté qu'elle était inadmissible à tous les points de vue; que le Roi était le chef de la famille parce qu'il était le souverain, et qu'il devenait dès lors impossible de séparer, dans le cas actuel, ces deux qualités, et que le prince de Hohenzollern lui devait une obéissance absolue, uniquement parce que S. M. réunissait l'une et l'autre en sa personne; qu'on ne pouvait pas considérer les choses autrement, et qu'il était par conséquent facile de comprendre pourquoi l'avénement du prince Léopold était considéré en France comme la Restauration de l'empire de Charles-Quint.

Le Roi a contesté cette appréciation, prétendant que l'élection du prince Léopold ne créerait aucun lien national entre l'Espagne et la Prusse. Après avoir demandé à S. M. de souffrir que je m'expliquasse en toute franchise et sans aucune réserve, je lui ai répondu que les relations dynastiques qui s'établiraient d'un pays à l'autre suffisaient pour nous imposer le devoir de conjurer une pareille éventualité.

<«< Est-il constant, ai-je continué, qu'en cas d'un dissentiment entre le gouvernement de Votre Majesté et celui de l'Empereur, nous devrions observer notre frontière des Pyrénées et par conséquent diviser nos forces Personne ne le nierait. Notre conduite nous est donc tracée par les exigences de notre propre sécurité, et nous ne saurions, en cette occasion, être exposés au reproche de soulever volontairement un conflit. >>

Selon le Roi, j'exagérais la portée d'une combinaison que, pour sa part, il n'avait jamais désirée. Il lui était d'ailleurs impossible, et les termes dans lesquels il s'est exprimé m'ont porté à croire qu'il considère comme incompatible avec sa dignité souveraine de modifier son attitude et d'exiger du prince Léopold qu'il renonce à la couronne d'Espagne, après lui avoir déclaré qu'il ne lui interdisait pas de l'accepter.

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