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donnés de Saint-Pétersbourg au Gouvernement prussien pour lui recommander d'agir avec prudence et modération, et de ne pas se laisser influencer par des sentiments d'irritation par suite du langage du Gouvernement et de la presse en France. M. de Wesmann espère que, si le roi de Prusse déclarait solennellement qu'il n'a pris aucune part quelconque au choix du prince Léopold ou à son acceptation aux ouvertures qui lui ont été faites, le Gouvernement français reconnaîtrait qu'il n'a aucun motif pour faire la guerre à la Prusse. Je répondis que si le Roi faisait un pas en avant, et exprimait sa désapprobation de l'acceptation par le prince Léopold de son acceptation au trône d'Espagne, ce qui pourrait survenir ensuite ne saurait alors devenir un grief contre la Prusse. Mais M. de Westmann dit que, si la France était déterminée à se venger par une guerre contre la Prusse de l'accession d'un prince de Hohenzollern à la couronne d'Espagne, elle pourrait malheureusement trouver un prétexte pour le faire, en mettant le Gouvernement prussien en demeure d'exécuter les stipulations du traité de Prague en ce qui concerne le Schleswig.

L'ambassadeur de France qui en a causé avec l'Empereur, et qui doit le voir demain de nouveau, espère que Sa Majesté pressera le Roi de Prusse d'user de sa légitime influence sur le prince de Hohenzollern pour le décider à retirer son acceptation, et il croit que si son Altesse royale se refusait de se rendre au désir bien manifesté ou à l'ordre du roi, l'avis exprimé à Madrid par la Prusse, de concert avec d'autres puissances contre une pareille élection, empêcherait cette éventualité.

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A la réception du télégramme de Votre Seigneurie, en date d'hie r, m'informant de la ligne de conduite adoptée par le Gouvernement de Sa Majesté à l'égard du différend entre la France, la Prusse et l'Espagne, je me suis rendu cette après-midi chez le comte de Beust qui m'a dit avoir déjà reçu à ce sujet des nouvelles du comte Apponyi, et qu'il sentait que dans les circonstances actuelles, le Gouvernement

de la Reine ne pouvait faire plus qu'il n'avait fait. Il m'a dit qu'il n'avait pas reçu un mot encourageant de Paris, que de Berlin il ne savait absolument rien; les retards et l'ironie avec laquelle les journaux prussiens traitaient cette affaire avaient seulement tendu à augmenter l'irritation à Paris; que le prince de Metternich semblait craindre le pire résultat, et que lui (M. de Beust) ne pouvait me cacher, que si le roi de Prusse refusait de désavouer la candidature du prince Léopold de Hohenzollern, il ne voyait aucune chance d'arriver à un compromis entre les deux Puissances; à ce moment tout paraissait sombre et désespéré. Il regrettait d'être obligé de dire, que malgré les louables efforts des autres Puissances pour empêcher une rupture, il n'y avait pour le moment aucune apparence que ces efforts eussent chance d'être couronnés de succès.

N° 83.

LE COMTE DE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

Ems, le 12 juillet, 8 heures et demie matin.

J'ai reçu votre dépêche d'hier soir six heures cinquante. J'avais compris moi-même qu'au point où en sont venues les choses, je devais tenir un langage plus ferme et me montrer plus pressant. C'est ce que j'ai fait hier, comme vous le verrez par le rapport que vous recevrez ce matin. Vous serez sans doute d'avis que je ne pouvais accentuer mes paroles plus vivement sans nuire à l'objet même de ma mission.

N° 84.

Signé BENEDetti.

LE COMTE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

Monsieur le Ministre,

Ems, le 12 juillet 4870.

J'ai reçu la nuit dernière la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser hier, à six heures cinquante du soir. En m'accusant réception de mon rapport du 9, Votre Excellence me fait remarquer

qu'au point où nous en sommes, le langage que j'ai tenu au Roi dans ma première audience ne répond plus, comme fermeté, à la position prise par le Gouvernement de l'Empereur, et vous m'invitez à l'accentuer d'avantage. J'avais pressenti vos ordres et je m'y suis conformé d'avance. Ainsi que je vous l'ai mandé par le télégraphe, j'avais, dès avant-hier, dit clairement au Roi que nous ne pouvions subir de plus longs retards, et vous verrez par la dépêche qui a dû vous parvenir ce matin, et dans laquelle je vous rends compte de la nouvelle audience qui m'a été accordée par S. M., que j'ai exactement précisé l'objet de nos demandes et nettement relevé ses objections. Je n'ai admis à aucun degré, et j'ai même vivement combattu la distinction qu'il a maintenue entre le souverain et le chef de la famille de Hohenzollern; j'ai mis une insistance énergique, sans sortir des limites qui m'étaient tracées par les convenances, pour lui représenter qu'il était en son pouvoir de prendre une résolution immédiate et de nous en donner connaissance sans autre ajournement; j'ai fermement décliné les observations qu'il a fait valoir pour justifier le nouveau délai qu'il réclamait, sans lui cacher qu'elles seraient considérées, si elles étaient publiées, comme une offense faite aux légitimes susceptibilités du sentiment public en France. Je crois donc avoir observé la juste mesure qui m'était commandée par l'objet même de ma mission, en m'exprimant à mon arrivée en termes propres à témoigner de nos dispositions conciliantes, et en graduant le ton de mon langage d'après les résistances qui m'étaient opposées. En agissant ainsi, je n'ai pas seulement donné un gage manifeste de notre modération et conservé au Gouvernement de l'Emperereur les avantages que lui assure la conduite déloyale tenue à Berlin et à Madrid, j'ai pu en outre compléter l'instruction de l'affaire et recueillir des informations et des aveux qui mettent en pleine lumière des procédés que les exigences de notre honneur et de nos plus précieux intérêts ne nous permettent pas de tolérer. Si en arrivant à Ems, j'avais en quelque sorte posé un ultimatum au Roi, j'aurais fait croire à S. M. que nous voulions la guerre à tout prix, et dès lors j'aurais vainement cherché à obtenir les éclaircissements qui m'ont été donnés, et qui nous autorisent pleinement, nous obligent même à garder l'attitude que nous avons prise.

Veuillez, etc.

Signé BENEDETtti.

N° 85.

LE DUC DE GRAMONT AU COMTE BENEDETTI, A EMS.

(Télégramme.)

Paris, le 12 juillet 1870, 2 heures 15 du soir.

Vous nous dites dans votre dépêche que le Roi réclame avec une extrême vivacité un délai bien court pour connaître les intentions du prince de Hohenzollern, et qu'il s'empresserait, dès qu'il les connaîtrait, de nous donner une réponse définitive. Il a ajouté qu'il verrait dans notre refus le désir de provoquer un conflit. Notre dessein n'a jamais été de provoquer un conflit, mais de défendre l'intérêt légitime de la France dans une question que nous n'avons pas soulevée. Aussi, tout en contestant la justesse des raisonnements du Roi et en maintenant très-énergiquement nos prétentions, nous ne pouvons refuser au Roi de Prusse le délai qu'il nous demande, mais nous espérons que ce délai ne s'étendra pas au-delà d'un jour. Nous approuvons le langage que vous avez tenu en dernier lieu.

No 86.

LE DUC DE GRAMONT AU COMTE BENEDETTI A EMS.

(Très-confidentiel.)

Paris, le 12 juillet 1870, 2 heures 15 du soir.

Employez toute votre habileté à constater que la renonciation du prince de Hohenzollern vous est annoncée, communiquée ou transmise par le roi de Prusse ou son gouvernement. C'est pour nous de la plus haute importance. La participation du Roi doit à tout prix être consentie par lui ou résulter des faits d'une manière suflisante.

No 87.

LE COMTE BENEDETTI AU DUC DE GRAMONT.

(Télégramme.)

Ems, le 12 juillet 1870, 6 heures du soir.

Le Roi vient de me dire qu'il avait reçu une dépêche télégraphique qui lui annonçait que la réponse du prince de Hohenzollern lui parviendrait indubitablement demain matin. Il a ajouté qu'il me fera demander dès qu'elle sera entre ses mains.

M. de Bismarck est attendu demain à Ems. Si tel est votre avis, je vous prie de m'autoriser à partir immédiatement dans le cas où la communication que le Roi me fera demain ne serait pas entièrement satisfaisante. Après ce que vous m'avez mandé, je ne voudrais plus accepter aucun délai, à moins que vous ne m'en donniez l'ordre. Je prie instamment Votre Excellence de me faire connaître une dernière fois ses intentions, dès qu'elle aura reçu le présent télégramme. Je reçois à l'instant votre dépêche de deux heures quinze du soir.

No 88.

LE DUC DE GRAMONT AU COMTE DE BENEDETTI, A EMS.

Paris, le 12 juillet 1870, 7 heures du soir

Nous avons reçu, dès maintenant, de l'ambassadeur d'Espagne la renonciation du prince Antoine, au nom de son fils Léopold, à sa candidature au trône d'Espagne. Pour que cette renonciation du prince Antoine produise tout son effet, il paraît nécessaire que le Roi de Prusse s'y associe, et nous donne l'assurance qu'il n'autoriserait pas de nouveau cette candidature.

Veuillez vous rendre immédiatement auprès du Roi pour lui demander cette déclaration, qu'il ne saurait refuser, s'il n'est véritablement animé d'aucune arrière pensée. Malgré la renonciation, qui est maintenant connue, l'animation des esprits est telle que nous ne savons pas si nous pourrons la dominer.

Faites de ce télégramme une paraphrase que vous pourrez communiquer au Roi. Répondez-moi le plus promptement possible.

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