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Grefset.

Rentrons dans notre folitude,
Puisque l'Aquilon déchaîné
Ménace Zéphire étonné
D'une nouvelle fervitude:
Rentrons, et qu'une douce étude

Deride mon front férieux.

Vous mes Pénates, vous mes Dieux,
Ecartez ce qu'elle a de rude,
Et que les vents feditieux
N'emportent que l'inquiétude,
Et laiffent la paix en ces lieux.
Enfin je vous revois,, mes Lares,
Sous ce foyer etincellant,
A la rigueur des vents barbares
Oppofer un chêne brûlant
Je fuis enfin dans le filence;
Mon efprit libre de fes fers,
Se promene avec nonchalance
Sur les erreurs de l'Univers.
Rien ne m'aigrit, rien ne m'offence.
Coeurs vicieux, efprit pervers,
Vils efclaves de l'opulence,

Je vous condanine fans vengeance.
Coeurs éprouvés par les revers,
Et foutenus par l'innocence

Ma main, fans efpoir, vous encense;
Mes yeux fur le mérite ouverts,
Se ferment fur la récompenfe.
Sans fortir de mon indolence
Je reconnois tous les travers
De ce rien qu'on nomme Science.
Je vois que la fombre ignorance
Obfcurcit les pales éclairs
De notre foible intelligence.
Ah! que ma chere indifférence
M'offre ici de plaifirs divers!

Mes Dieux font les Rois que je fers,
Ma Maîtreffe eft l'indépendance,
Et mon étude l'inconftance.
O toi, qui dans le fein des mers

Avec l'amour a pris naiffance,
Déefle, répands dans mes vers
- Ce tour, cette noble cadence,
Et cette molle négligence
Dont tu fçais embellir tes airs.
Amant de la fimple nature,
Je fuis les traces de fes pas;
Sa main, auffi libre que fûre,
Néglige les loix du compas,
Et la plus légere parure
Eft un voile pour fes appas.
Quand la verrai-je fans emblême,
Sans fard, fans éclat emprunté
Conferver dans la pudeur même
Une piquante nudité,

Et joindre à la langueur que j'aime
Les fouris de la volupté!

Infpirez-moi, divins Pénates:

Vous même guidez mes travaux,
Verfez fur ces rimes ingrates
Un feu vainqueur de mes rivaux;
Et que mes chants toujours nouveaux,
Mêlent la raifon des Socrates
Au badinage des Saphos;
Mais qu'une fageffe ftérile
N'occupe jamais mes loifirs:
Que toujours ma Mufe fertile
Imite, en variant fon ftyle,
Le vol inconftant des Zéphirs;
Et qu'elle abandonne l'utile,"
S'il eft féparé des plaifirs.
Favorable à ce beau délire,
Grand Rouffeau, vole à mon fecours:
Pour remplir ce qu'un Dieu m'infpire,
Réunis en ce jour la lyre

Et le luth badin des Amours.
Soutiens-moi, prête-moi tes aîles;
Guide mon vol audacieux

Jufqu'à ces voûtes éternelles,

Greffer.

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Grefset. Où l'aftre qui parcourt le Cieux,
Darde fes flammes immortelles

Sur les ténebres de ces lieux.
Je lis, j'admire tes ouvrages.
L'efprit de l'Etre créateur
Semble verfer fur tes images
Toute fa force et la grandeur.
Mais ne crois pas que, vil flatteur,
Je deshonore mes fuffrages

En mendiant ceux de l'Auteur.
Vous les fçavez, Dieux domeftiques,
Mon ftyle n'eft point infecté
Par le fiel amer des Critiques,
Ni par le nectar apprêté
De longs et froids Panégyriques.
Sous les yeux de la vérité
J'adreffe au Prince des Lyriques
Cet éloge que m'ont dicté

Le goût, l'eftime et l'équité.

Rouffeau, conduit par Polymnie,

Fit paffer dans nos vers françois
Ces fons nombreux, cette harmonie
Qui donne la vie et la voix
Aux airs qu'enfante le génie:
Lui feul, avec févérité,

Sous les contraintes de la rime,'
Fit naître l'ordre et la clarté ;
Et par le concours unanime
D'une heureufe fecondité,
Unie aux travaux de la lime,
Sa Mufe, avec rapidité,
S'elevant jusques au fublime,
Vola vers l'immortalité.

Que la renommée et l'hiftoire

Gravent à jamais fur l'airain
Cet hymne digne de mémoire,
Qu Rouffeau, la flamme à la main,

Chaffe

Chaffe du temple de la gloire
Les deftructeurs du genre humain,
Et fous les yeux de la victoire
Ebranle leur trône incertain.

Tels font les accens de fa lyre.
Mais quel feu, quels nouveaux attraits,
Lorsque Bacchus et la Satyre
Dans un vin pétillant et frais
Trempent la pointe de fes traits!
En vain, de fa gloire ennemie,
La haine répand en tout lieu
Que fa Mufe enfin avilie,
N'eft plus cette Muse chérie
De Duffé, la Fare et Chaulieu.
Malgré les arrêts de l'envie,
S'il revenoit dans fa patrie,
Il en feroit encor le Dieu.
Les travaux de notre jeune âge
Sont toujours les plus éclatans:
Les Graces qui font leur partage
Les fauvent des rides du tems.
Moins la role comte d'inftans
Plus elle f'affure l'hommage
Des autres filles du printems.
Réponds-moi, célebre Voltaire
Qu'eft devenu ce coloris,
Ce nombre, ce beau caractere
Qui marquoient tes premiers écrits;
Quand ta plume vive et légere
Peignoit la joie, énfans de ris,
Le vin faillant dans la fougere
Les regards malins de Cypris,
Et tous les fecrets de Cythere?
Alors de l'heroïque épris,

Tu célébrois la violence
Des feize tyrans de Paris,
Et la généreufe clémence
Du plus vaillant de nos Henris,
Alors la fublime éloquence

Grefset.

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Greffet. Te pénétroit de les chaleurs;
Les graces et la véhémence

Se marioient dans tes couleurs;
Et par une heureufe inconftance
De ton esprit en abondance
Sortoient des foudres et des fleurs.
Mais cette chaleur eclairée
Qui fe répandoit fur tes vers,
Par tes grands travaux moderée
Semble enfin d'être evaporée
Comme un nuage dans les airs.

Tandis que ma Mufe volage,

Par un aimable egarement,
S'arrête où le plaifir l'engage,
Et donne tout au fentiment.

L'ombre defcend, le jour l'efface:
Le char du foleil qui f'enfuit,
Se joue en vain fur la furface
De l'onde qui le reproduit.
L'heure impatiente le fuit,
Vole, le preffe, et dans fa place
Fait fuccéder l'obfcure nuit.
Que dans ma retraite éclairée
Par la préfence et le concours
De Dieux enfans de Cythérée
Les plaifirs exilés de cours,
Du vin de cette urne facrée
S'enivrent avec les Amours.
Que mon toit foit impénétrable
Aux craintes, aux remords vengeurs;,
Et qu'un repos inalterable

Endorme les foucis rongeurs.

Sur ces demeures folitaires
Veillez, ô mes Dieux tutelaires,
Déja Morphée au teint vermeil,
Abbaile fes aîles legeres,
D'où la molleffe et le lommeil
Vont defcendre fur mes paupieres.

Puiffé

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