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Suisse eussent été affranchis de toute prestation militaire, en application de l'art. 4 du traité d'établissement passé entre la Suisse et la France le 23 février 1882; ils auraient continué ainsi à jouir des avantages que leur accordait autrefois l'art. 5 de l'ancien traité avec la Belgique, tandis que l'on aurait refusé les mêmes immunités aux Suisses établis en Belgique. Le gouvernement actuel de la Belgique croit pouvoir mettre en question la validité de l'arrangement conclu par voie de correspondance en 1879/80, parce que cet arrangement n'a pas été soumis à la ratification des autorités législatives. Certainement nous tenons ce raisonnement pour inadmissible, car le précédent gouvernement belge s'est lié vis-à-vis de la Suisse; or, les divers gouvernements qui se succèdent dans un seul et même pays sont liés par les actes de leurs prédécesseurs et la Belgique doit accorder à la Suisse les mêmes avantages que ceux dont elle jouit dans notre pays en vertu de la prolongation des effets de l'ancien traité. Mais le simple doute émis sur l'arrangement conclu nous a démontré que nous ne pouvions plus nous y fier. Nous avons dû en conséquence proposer au gouvernement belge de conclure un nouveau traité d'établissement, qui serait affranchi de toute autre matière; nous lui avons proposé aussi de prendre pour base les dispositions correspondantes du traité de 1862 ou celles du traité conclu entre la Suisse et la France le 23 février 1882.

Se ralliant à cette dernière proposition, le gouvernement belge accepta textuellement notre traité avec la France, dont seuls les articles 2 et 7 n'ont pas trouvé place dans le traité que les plénipotentiaires respectifs se sont heureusement trouvés à même de signer après de courtes négociations le 4 juin 1887, sous réserve toutefois, cela va sans dire, de la ratification par les autorités législatives des deux pays.

L'article 2 du traité franco-suisse, que notre nouveau traité belge ne reproduit pas, dit que, pour légitimer leur établissement en Suisse, les Français doivent être munis d'un acte d'immatriculation constatant leur nationalité et qui leur sera délivré par l'ambassade de la république française, ou par les consulats et vice-consulats de France en Suisse. Le retranchement de cet article était commandé par le fait que la légation de Belgique et les consulats belges ne tiennent pas de liste des Belges domiciliés en Suisse et ne seraient pas en mesure dès lors de délivrer des actes d'immatriculation. A teneur de l'art. fer du nouveau traité, les Belges seront reçus et traités sur le même pied que les ressortissants des cantons. Les autres cantons pourront donc exiger des Belges qui veulent s'établir sur leur territoire les mêmes papiers de légitimation qu'aux ressortissants d'autres cantons. L'ancien traité de 1862 ne contenait pas non plus de disposition plus précise à ce sujet et jamais on n'en a éprouvé le besoin. La marche qu'il y aura lieu de suivre est indiquée par la circulaire de notre département de justice et police du 24 octobre 1874 (F. féd. 1874, III. 256). Quant à l'art. 7 du traité franco-suisse, qui parle des colonies françaises, il est clair qu'il ne pouvait s'appliquer à la Belgique, ce pays n'ayant pas de

colonies.

Nous ne doutons pas qu'ayant approuvé en son temps le traité avec la France, vous n'accordiez aussi, comme nous vous le proposons, votre ratification au présent traité, en adoptant le projet d'arrêté ci-joint.

Agréez, monsieur le président et messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 10 juin 1887.

FRANCE

SUISSE

Convention concernant les écoles primaires

14 décembre 1887 (1)

Le président de la République française et le Conseil fédéral suisse, également animés du désir d'assurer aux enfants des deux nations, particulièrement dans les départements français et cantons suisses limitrophes, les bienfaits de l'instruction primaire obligatoire et gratuite, ont résolu de conclure, à cette fin, une convention spéciale, et ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :

Le président de la République française, M. Emile Flourens, ministre des affaires étrengères; et le Conseil fédéral suisse, M. Charles-Edouard Lardy, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la Confédération suisse à Paris,

Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

Article premier. Les enfants de nationalité française sont traités en Suisse, en tout ce qui concerne l'obligation de l'enseignement primaire et la gratuité de l'instruction primaire publique, sur le même pied que les Suisses.

Inversement, les enfants de nationalité suisse sont traités en France, en tout ce qui concerne l'obligation de l'enseignement primaire et la gratuité de l'instruction primaire publique, sur le même pied que les Français.

Art. 2. Le frère, le tuteur, la personne qui a la garde d'un enfant soumis à l'instruction primaire obligatoire, le patron chez lequel cet enfant est placé, et, en général, les personnes responsables dudit enfant, sont en France, lorsque l'enfant est de nationalité suisse, tenus à l'observation des lois françaises, et, en cas de contravention, sont passibles, des mêmes peines que si l'enfant était de nationalité française.

Inversement, en Suisse, les personnes responsables d'un enfant de nationalité française sont soumises aux mèmes lois, et, en cas de contravention, sont passibles des mêmes peines que si l'enfant était de nationalité suisse.

Art. 3. - Si la personne responsable de l'enfant réside sur le territoire de l'autre Etat, les autorités scolaires sont réciproquement tenues de se signaler les enfants qui n'observent pas les lois sur l'obligation de l'enseignement primaire, et les autorités du lieu de la résidence de la personne responsable sont compétentes pour sévir contre cette dernière de la même manière et en appliquant les mêmes pénalités que si l'infraction avait été commise sur le territoire national.

Les rapports dressés par les autorités scolaires de l'un des deux pays feront foi jusqu'à preuve contraire, devant les autorités de l'autre. pays.

Art. 4. Les enfants suisses àgés de plus de treize ans qui seraient encore, d'après les lois de leur canton d'origine, astreints à fréquenter une école, sont admis à suivre en France, aux mêmes conditions que

1. Journal officiel de la République française, du 13 juin 1888.

les Français habitant la commune, les écoles et les cours d'enseignement complémentaire professionnel ou primaire supérieur.

Art. 5. Les autorités scolaires de chacun des deux Etats sont tenues de prêter leur concours à celles de l'autre Etat pour les renseignements sur la réelle fréquentation des écoles primaires par les enfants qu'elles se signaleraient, et de délivrer gratuitement et d'urgence telles attestations de scolarité qui leur seraient demandées par les autorités de l'autre Etat. Les demandes de renseignements peuvent également s'appliquer aux enfants désignés dans l'art. 4.

Art. 6. Pour l'exécution des articles qui précèdent, les autorités scolaires des deux pays sont autorisées à correspondre directement entre elles. A cet effet, il sera dressé tous les ans dans chacun des deux Etats une liste des fonctionnaires français et suisses autorisés à correspondre directement; cette liste sera respectivement communiquée, par la voie diplomatique, à l'autre gouvernement dans le courant du mois de juillet.

Art. 7. La présente convention demeurera en vigueur jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à partir de la date de la dénonciation qui en serait faite, par la voie diplomatique, à une époque quelconque, par l'une des parties contractantes.

La présente convention sera ratifiée et les ratifications en seront échangées à Paris dans le délai de six mois.

Elle sera exécutoire aussitôt après l'échange des ratifications.

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé la présente convention et y ont apposé leurs cachets.

fait à Paris, en double exemplaire, le 14 décembre 1887.

--

(L. S.) Signé: FLOURENS. (L. S.) Signé: LARDY.

Voici le rapport fait à la Chambre des députés par M. Philipon, au nom de la Commission chargée d'examiner la convention qui précède :

Messieurs, grâce aux relations de voisinage qui existent entre les habitants de la frontière franco-suisse, et qui font que beaucoup d'enfants résident tantôt dans un pays, tantôt dans un autre, un certain nombre de parents, soit en Suisse, soit en France, ont réussi jusqu'à ce jour à se soustraire à l'obligation de faire instruire leurs enfants.

D'autre part, certaines communes françaises, et plus particulièrement les communes urbaines, ne veulent pas accepter dans leurs écoles publiques, à cause de leur nationalité étrangère, les enfants suisses domiciliés sur leur territoire.

Dès 1883, le gouvernement helvétique s'est ému de cet état de choses. Dans le désir d'y remédier, il a fait sonder le gouvernement français sur le point de savoir s'il ne serait pas disposé à étendre aux Suisses résidant en France le bénéfice de la loi du 28 mars 1882, sur l'instruction primaire.

A l'appui de cette demande, le gouvernement fédéral faisait remarquer que, sur le territoire de la Confédération, les étrangers sont, quant aux lois scolaires, traités absolument de la mème manière que les citoyens suisses eux-mêmes.

La légation suisse à Paris, chargée de conduire ces négociations, se heurta de la part de notre Gouvernement à une fin de non-recevoir tirée de ce que, d'après l'interprétation qui semblait prévaloir devant la juridiction française, la loi du 28 mars 1882 n'avait pas le caractère de loi de police, et qu'elle n'était par conséquent applicable qu'aux seuls citoyens français.

Les choses en restèrent là jusqu'au jour où, sur les instances réitérées du conseil exécutif de Berne, le gouvernement fédéral consentit à reprendre la question, mais en l'envisageant cette fois sous un nouvel aspect: renonçant à faire prévaloir en France l'interprétation donnée par les autorités cantonales suisses aux lois scolaires, quant à leur applicabilité aux étrangers, le Conseil fédéral entama avec notre Gouvernement des négociations qui aboutirent, le 14 décembre 1887, à la conclusion d'une convention dont le but est d'assurer l'observation des lois relatives à l'instruction primaire par les enfants des deux pays résidant sur le territoire de l'autre pays.

C'est cette convention qui est aujourd'hui soumise à votre ratification. Elle constitue dans notre droit international une heureuse innovation, et peut servir de point de départ à toute une série de traités analogues avec les nations qui nous entourent.

Son effet sera de faire traiter en Suisse les enfants de nationalité française sur le même pied que les Suisses, pour tout ce qui concerne l'obligation de l'enseignement primaire et la gratuité de l'instruction primaire publique. (Art. 1er, § 1er.)

Inversement, les enfants de nationalité suisse seront traités en France, en tout ce qui concerne l'obligation de l'enseignement primaire et la gratuité de l'instruction primaire publique, sur le même pied que les Français. (Art. 1, § 2.)

Quant aux personnes responsables des enfants soumis à l'instruction primaire obligatoire, elles seront tenues à l'observation des lois en vigueur dans le pays où elles résident. Si, par exemple, il s'agit d'un Suisse domicilié en France, ses enfants seront astreints à fréquenter l'école primaire, jusqu'à l'âge de treize ans, et s'ils ne le font pas, leur père sera passible des mêmes peines que si l'enfant était de nationalité française.

A l'inverse, en Suisse, les personnes responsables d'un enfant de nationalité française seront soumises aux mêmes lois, et, en cas de contravention, passibles des mêmes peines, que si l'enfant était de nationalité suisse.

D'où il suit qu'en Suisse les écoles seront ouvertes aux enfants français domiciliés dans ce pays, non point seulement jusqu'à l'âge de treize ans, comme cela a lieu en France, mais jusqu'à quinze ans, et dans certains cantons, comme les cantons de Lucerne, de Soleure, du Tessin, de Vaud et du Valais, jusqu'à seize, dix-huit et même vingt ans.

Mais ce n'est point là pour nous un motif de plainte; tout au contraire, puisque nous recevons plus que nous ne donnons.

Pour atténuer, dans une certaine mesure, cette inégalité du traitement, toute à notre avantage, le gouvernement fédéral a fait insérer dans la convention qui vous est soumise un article aux termes duquel les enfants suisses âgés de plus treize ans, qui seraient encore, d'après les lois de leur canton d'origine, astreints à fréquenter une école, devront être admis à suivre en France, aux mêmes conditions que les Français habitant la commune, les écoles et les cours d'enseignement complémentaire professionnel ou primaire supérieur. (Art. 4.)

Cette assimilation des Français aux Suisses, quant à l'obligation et à la gratuité de l'instruction primaire, ne sera pas, nous le répétons, une nouveauté chez nos voisins, qui n'ont jamais hésité à appliquer aux Français, comme d'ailleurs à tous les étrangers résidant sur leur territoire, les différentes lois cantonales relatives à l'instruction populaire.

C'est ainsi que la loi du 17 mai 1872 sur l'instruction primaire dans le canton de Neuchâtel déclare, dans son article premier, que cette instruction «est obligatoire pour tous les enfants neuchâtelois, suisses ou étrangers domiciliés dans le canton. » La législation des autres cantons consacre, implicitement tout au moins, le même principe.

Sur ce point, il faut bien le reconnaître, la doctrine suisse est de beaucoup supérieure à celle qui semble avoir prévalu chez nous. Comment méconnaître, en effet, aux lois d'instruction populaire ce caractère de lois d'ordre

public et de police qui les rend applicables à tous ceux qui habitent notre territoire? Est-ce que l'on peut raisonnablement nier la répercussion des lois de cette nature sur la sûreté, la grandeur et la prospérité d'un pays?

D'autre part, et alors même que l'on se placerait au point de vue de ceux qui font rentrer les lois scolaires dans le domaine du droit civil, on n'en serait pas moins tenu, suivant nous, d'accorder le bénéfice de ces lois aux citoyens suisses domiciliés chez nous. Le traité d'établissement, renouvelé entre la France et la Suisse en 1882, assimile en effet, les citoyens de chacun des deux pays aux citoyens de l'autre pour tout ce qui concerne leurs personnes et leurs propriétés, c'est-à-dire, en d'autres termes, pour tout ce qui touche au droit civil lui-même.

Ce qui donne à la convention qui vous est soumise son véritable caractère d'originalité, c'est l'établissement de rapports directs entre les autorités scolaires de chacun des deux Etats.

Aux termes de l'article 5, ces autorités seront tenues de se prêter leur concours réciproque pour les renseignements sur la réelle fréquentation des écoles primaires par les enfants qu'elles se signaleraient et de délivrer gratuitement et d'urgence telles attestations de scolarité qui leur seraient demandées par les autorités de l'autre Etat. A cet effet, les autorités scolaires des deux pays sont autorisées à correspondre directement entre elles. (Art. 6.)

Cette innovation qui s'inspire d'ailleurs d'usages dès longtemps établis pour ce qui concerne le service de la justice, aura l'heureux résultat d'éviter les longueurs et la solennité des correspondances par voie diplomatique.

Telles sont les dispositions de la convention conclue avec la Suisse le 14 décembre 1887. Si on les analyse attentivement, on ne tarde pas à se convaincre qu'elles rangent les lois scolaires dans le statut réel; c'est-à-dire qu'en ce qui touche l'instruction primaire, les Suisses résidant en France sont soumis, non pas aux lois de leur pays d'origine, mais bien aux lois françaises. Il en est de même des Français résidant en Suisse.

C'est contre ce principe qu'un membre de la Commission a soulevé un certain nombre d'objections, en considération desquelles il a déposé un amendement tendant à faire renvoyer le projet de convention à la commission, afin que les articles 2 et 3 soient supprimés et que l'article 1er soit modifié en ce sens que la réciprocité stipulée, au lieu de s'appliquer à l'obligation et à la gratuíté, ne s'appliquerait plus qu'à la gratuité seulement. Votre commission a cru devoir repousser cet amendement pour un double motif.

Tout d'abord, son auteur ne semble pas s'être assez pénétré des conditions constitutionnelles dans lesquelles le droit du Parlement s'exerce en matière de traités internationaux: la Constitution donne bien aux Chambres un droit de contrôle sur les conventions de cette nature, mais ce droit ne se traduit que d'une seule manière, par le rejet ou l'approbation en bloc de l'instrument diplomatique qui leur est soumis par le Gouvernement. Demander à la Chambre de supprimer les articles 2 et 3, c'est donc en réalité se servir d'un moyen détourné pour demander le rejet de la convention.

D'autant mieux qu'il ne faut pas songer à obtenir du gouvernement helvétique qu'il renonce à appliquer les lois scolaires aux étrangers résidant sur son territoire; en premier lieu, parce que c'est là une affaire qui relève des cantons et non point de la Confédération (art. 3 et 27 de la constitution fêdérale), et ensuite, parce que nous sommes liés par la convention d'établissement passée avec la Suisse, en 1882, laquelle stipule expressément que les Français résidant en Suisse seront soumis aux lois et règlements en vigueur dans ce pays.

La protestation de l'auteur de l'amendement arrive donc trop tard: c'est en 1882, lors de la ratification de la convention d'établissement, qu'elle eût dù se produire.

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