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pendant quarante années consécutives au milieu de ces malheureux troupeaux d'esclaves noirs, lui valut d'être vraiment considéré comme l'apôtre de ceux dont il se disait lui-même et se faisait le serviteur assidu. Si les missionnaires ont soin de retracer et de reproduire en eux la charité et la patience de cet apôtre, ils deviendront assurément les dignes ministres du salut, des consolateurs, des messagers de paix, et il leur sera donné, Dieu aidant, de convertir la désolation, la barbarie, la férocité en l'heureuse prospérité de la religion et de la civilisation.

Nous sentons maintenant le besoin de diriger vers vous, Vénérables Frères, Notre pensée et Nos présentes lettres, pour vous manifester de nouveau et pour partager avec vous la grande joie que Nous éprouvons au sujet des décisions qui ont été publiquement adoptées dans l'empire du Brésil relativement à l'esclavage. Du moment, en effet, qu'il a été pourvu par la loi à ce que tous ceux qui se trouvent encore dans la condition d'esclaves aient désormais à être admis au rang et aux droits des hommes libres, non seulement cela Nous semble en soi bon, heureux et salutaire, mais Nous y voyons aussi confirmée et encouragée l'espérance d'actes dont il faut se réjouir pour l'avenir des intérêts civils et religieux. Ainsi le nom de l'empire du Brésil sera à bon droit célébré avec louange chez toutes les nations les plus civilisées, et en même temps le nom de l'auguste empereur dont on rapporte cette belle parole, qu'il ne désire rien tant que de voir promptement aboli dans ses Etats tout vestige d'esclavage.

Mais, pendant que ces prescriptions des lois s'accomplissent, Nous vous conjurons de vous dévouer activement de tout votre pouvoir et de consacrer vos soins les plus diligents à l'exécution de cette œuvre, qui doit surmonter des difficultés certes non légères. C'est à vous de faire en sorte que les maîtres et les esclaves s'accordent entre eux dans une pleine entente et en toute bonne foi, que rien ne soit violé en fait de clémence ou de justice, mais que toutes les transactions soient légitimement et chrétiennement résolues. Il est souverainement à souhaiter que la suppression et l'abolition de l'esclavage, voulue de tous, s'accomplisse heureusement, sans le moindre détriment du droit divin ou humain, sans aucun trouble public et de façon à assurer l'utilité stable des esclaves eux-mêmes dont les intérêts sont en cause.

A chacun de ceux-ci, aussi bien à ceux qui sont déjà libres qu'à ceux qui vont le devenir, Nous signalons avec un zèle pastoral et un cœur paternel quelques salutaires enseignements choisis dans les oracles du grand Apôtre des nations.

Qu'ils gardent religieusement un souvenir et un sentiment de reconnaisance et qu'ils s'efforcent de le professser avec soin envers ceux à l'œuvre et aux desseins desquels ils doivent d'avoir recouvré la liberté. Qu'ils ne se rendent jamais indignes d'un si grand bienfait et que jamais non plus ils ne confondent la liberté avec la licence des passions; qu'ils s'en servent, au contraire, comme il convient à des citoyens honnêtes, pour le travail d'une vie active, pour l'avantage et le bien de la famille et de l'Etat. Qu'ils remplissent assidument, non pas tant par crainte que par esprit de religion, le devoir de respecter et d'honorer la majesté des princes, d'obéir aux magistrats, d'observer les lois; qu'ils s'abstiennent d'envier les richesses et la supériorité d'autrui, car on ne saurait assez regretter qu'un grand nombre parmi les plus pauvres se

laissent dominer par cette envie qui est la source de beaucoup d'œuvres
d'iniquité contraires à la sécurité et à la paix de l'ordre établi. Contents
plutôt de leur sort et de leurs biens, qu'ils n'aient rien de plus à cœur,
qu'ils ne désirent rien tant que les biens célestes, pour l'obtention des-
quels ils ont été mis sur la terre et rachetés par le Christ; qu'ils soient
animés de piété envers Dieu, leur Maître et Libérateur; qu'ils l'aiment
de toutes leurs forces, qu'ils en observent les commandements en toute
fidélité. Qu'ils se réjouissent d'être les fils de son Epouse, la sainte
Eglise, qu'ils s'efforcent d'être dignes d'elle et de répondre autant qu'ils
peuvent à son amour par le leur propre.

Insistez, Vénérables Frères, pour que les affranchis soient profondé-
ment imbus de ces enseignements, afin que, comme Nous le désirons par
dessus tout et comme c'est aussi votre désir et celui de tous les bons, la
religion recueille la première et assure à jamais, dans toute l'étendue de
l'Empire, les fruits de la liberté qui est octroyée.

Afin que cela soit heureusement réalisé, Nous demandons et implo-
rons de Dieu les grâces les plus abondantes et l'aide de la Vierge Imma-
culée. Comme gage des faveurs célestes et en témoignage de Notre
bienveillance paternelle, Nous accordons affectueusement la bénédiction
apostolique à vous, Vénérables Frères, au clergé et à tout le peuple.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 5 mai 1887, en la onzième année
de Notre Pontificat.
LÉON XIII, PAPE.

CHRONIQUE

GRANDE-BRETAGNE

Le 8 août, à Mansion House, a eu lieu le banquet donné par le Lord maire en l'honneur du Cabinet.

Lord Salisbury, répondant au toast porté au ministère, dit que le Gouvernement a remporté un grand succès au Parlement en résolvant la question du Gouvernement local de manière à ne pas affecter les privilèges du Lord maire et du corps municipal, qui en seront, au contraire, augmentés aux yeux des nations étrangères.

Faisant allusion à la conversion des Consolidés, le marquis de Salisbury montre que, tandis que tous les Etats européens augmentent leur dette, l'Angleterre seule diminue la sienne et améliore son crédit.

Parlant de la question irlandaise, l'orateur dit que le Cabinet a obtenu de grands résultats.

Le mal de l'Irlande, c'est la pauvreté; il faut y remédier en facilitant aux Irlandais les moyens de s'enrichir par la protection de la liberté du travail et par le respect des contrats. Le Gouvernement a réussi à tempérer la tyrannie des associations illégales et à assurer l'observation des contrats. La continuation d'une administration ferme et raisonnée donnera la liberté complète à l'Irlande, rendra sacrés les contrats et aura pour résultat final de ramener la prospérité dans le pays.

En ce qui concerne les affaires étrangères, Lord Salisbury est heureux de constater que la tranquillité prévaut. Ce n'est pas qu'il veuille préjuger dans quelle voie la passion populaire pourrait engager les forces des nations; mais il peut répéter dans cette salle, avec plus de confiance que jamais, ce qu'il y a déjà dit, que le but poursuivi par les souverains est d'assurer la paix.

A l'heure présente, il est difficile de se rendre compte des dangers que la question égyptienne et celle de la Bulgarie ont pu faire craindre dans le passé. Aujourd'hui tout se passe en Egypte au gré de nos vœux, continue Lord Salisbury; sans doute, il y a encore sur la frontière des dangers auxquels il faut veiller. Ces dangers ne sauraient inspirer de craintes à l'Angleterre, mais ils doivent lui rappeler que l'on ne saurait diminuer les précautions prises dans l'intérieur de l'Egypte.

Les difficultés financières qui avaient paru insurmontables ont, au contraire, été vaincues par l'habileté de Sir Edgard Vincent et de ses collaborateurs; l'Egypte est maintenant classée parmi les puissances solvables; ce résultat est assurément fait pour plaire, mais il ne modifie pas l'orientation de la politique anglaise en Egypte. L'Angleterre ne vise pas à l'annexion du pays; ce qu'elle désire, c'est que l'Egypte soit en mesure de se suffire à elle-même, qu'elle soit assez forte pour maîtriser les désordres intérieurs et repousser tout ennemi du dehors.

L'Angleterre, jusqu'à ce qu'elle ait acquis la certitude que l'Egypte peut accomplir cette tâche, demeurera pour l'assister; mais elle renoncera avec joie à supporter ce fardeau peu nécessaire, aussitôt qu'elle sera convaincue que le moment est venu de l'abandonner.

Pour la Bulgarie, tout indique de ce côté que la tranquillité et la paix ne seront pas troublées. Je crois pouvoir exprimer l'espoir que peu à peu les principaux hommes d'Etat de l'Europe en viendront à considérer que la meilleure chose à faire, c'est de laisser la Bulgarie livrée à elle-même (applaudissements), de la laisser se développer au gré de ses habitants, dans la voie choisie par ceux qui ont montré un courage si grand, un caractère si haut, qui se sont montrés dignes d'être les fondateurs d'une grande nation; car cette voie est celle qui convient le mieux à l'accomplissement de sa propre destinée et au développement de la prospérité nationale. Je crois qu'une politique pareille réunira les suffrages de toutes les nations européennes. Elle conviendra à l'Angleterre qui ne désire que la liberté et l'indépendance du peuple bulgare.

Je crois qu'elle conviendra à l'Allemagne qui a constamment déclaré qu'elle se désintéresserait de la question, et à l'Autriche qui désire le maintien du statu quo territorial. Je crois que, tout bien considéré, elle conviendra aussi à la Russie, dont la seule préoccupation est de n'avoir pas vainement fait appel à la bravoure de ses soldats qui versèrent leur sang pour assurer la liberté de la Bulgarie. Il me semble que, si la Bulgarie devient prospère et heureuse, ce sera la plus haute satisfaction que puisse désirer la Russie. Le jugement de la postérité dira que, sur la valeur russe comme sur un fondement inébranlable, fut bâti l'édifice qui abrite une nation tranquille, heureuse et marchant dans la voie du progrès.

Quant à la paix et à la façon dont elle peut être affectée par les actes récents des souverains de l'Europe, je crois que l'entrevue des empereurs d'Allemagne et de Russie présente un grand intérêt.

L'orateur fait d'abord allusion à l'empereur défunt, dont il prononce l'éloge, et il ajoute :

Nous ne pouvons que reconnaitre que l'empereur actuel assume, avec un pouvoir colossal, de lourdes responsabilités; mais il y a lieu d'espérer que, fortifié par l'exemple de ses ancêtres, il sera à la hauteur de sa tâche.

Dès le commencement de son règne, il a montré qu'il comprenait la valeur de la paix, non-seulement pour l'humanité, mais aussi pour l'empire nouvellement créé, auquel la paix est absolument nécessaire et qui, sans la paix, verrait remettre en jeu les magnifiques résultats aujourd'hui obtenus.

Je regarde donc avec quelque étonnement les appréhensions sinistres qu'a fait naître l'entrevue des deux empereurs. Quant à moi, cet événement me parait avoir une tout autre portée. Je crois que rien, en ce moment, n'est plus désirable pour le monde que de voir la politique de la Russie dirigée de plus en plus dans un sens parallèle à la politique de l'Allemagne.

L'Allemagne est, comme l'Angleterre, un Etat qui a gagné tout ce qu'elle peut gagner dans les hasards terribles de la guerre et qui ne désire plus qu'une chose, poursuivre son développement moral et industriel sur la base des arrangements territoriaux existants.

C'est cet esprit qui anime et qui doit animer l'empereur d'Allemagne. Plus l'empereur de Russie aura été amené, par ses conversations personnelles avec l'empereur allemand, à adopter ces vues, plus cela contribuera à la paix de l'humanité. Je suis convaincu que les conversations de l'empereur d'Allemagne avec le tzar donneront de la force à l'empereur de Russie, qui s'est montré pendant tout son règne, non-seulement singulièrement franc et honnête, mais profondément dévoué aux intérêts de la paix.

Ces conversations lui donneront la force d'imposer sa politique à son peuple et de former une grande ligue de la paix, ligue qu'aucune puissance turbulente ne pourra rompre. Souvenez-vous que la paix entre la Russie et l'Allemagne,

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