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questions de détail et qu'il aurait fait quelques pas afin de faciliter la rencontre sur un terrain favorable à une entente.

L'écart entre les deux tarifs, que le Gouvernement français croit inadmissible, n'est peut-être pas de nature à ôter tout espoir d'une transaction équitable, et les Délégués italiens croient avoir démontré qu'ils étaient disposés à réduire la portée de cet écart.

Relativement à la concession de la clause de la nation la plus favorisée, M. Ellena fait remarquer qu'elle ne coûte rien ou presque rien à la France, tandis que toute dérogation de l'Italie au régime douanier consacré par le nouveau tarif se traduit par un sacrifice pour le Trésor et pour l'économie nationale. Le retour pur et simple au Traité de 1881 annulerait absolument tous les avantages que le pays réclamait de la réforme douanière. Toutes les concessions que l'Italie ferait à la France seraient étendues aux autres pays par la clause de la nation la plus favorisée, tandis que l'application de cette clause en faveur de l'Italie ne ferait qu'admettre l'Italie à profiter des avantages que la France a accordés, jusqu'en 1892, à presque tous les autres pays.

D'après les renseignements fournis par la presse française, la Commission des douanes s'est prononcée contre l'idée, non seulement de réduire les droits sur le bétail, mais encore de lier le régime actuel. Dans l'avantdernière séance, les Délégués d'Italie ont exposé les considérations qui les poussaient à demander, même en échange de graves sacrifices, uue réduction des droits sur le bétail à l'entrée en France. En effet, il s'agit d'une question de premier ordre pour l'agriculture italienne; toutefois, comme les autres intérêts de l'économie nationale sont encore plus considérables, M. Ellena déclare que, d'après son opinion et celle de ses collègues, la communication faite à cet égard par MM. les Représentants du Gouvernement français n'est pas de nature à faire péricliter le traité. Il faut se persuader qu'après 1881, la situation de l'exportation de l'Italie en France a été empirée par les modifications apportées au régime douanier du bétail. Evidemment l'équilibre des échanges a été rompu. Si l'Italie est disposée à ne pas insister sur ce point capital, elle doit s'attendre à ce que la France, de son côté, soit disposée à favoriser le rétablissement de cet équilibre, en admettant certaines majorations de droits, à l'entrée en Italie, représentant une évolution rationnelle du régime douanier.

En conclusion, M. Ellena exprime la pensée que la mission de MM. les Délégués français ne devrait pas être terminée tant qu'ils n'ont pas dressé une liste détaillée de leurs propositions. Pour un nombre assez considérable d'articles, l'accord est déjà fait; pour les questions en suspens et pour les autres articles à l'égard desquels la France désire des concessions ultérieures, MM. les Délégués italiens ont l'instruction d'examiner, avec bienveillance, les propositions qui leur seront présentées, afin d'arriver à un accord. Mais, avant tout, il faut connaitre avec précision jusqu'à quel point MM. les Délégués français ont l'intention de pousser leurs demandes.

L'Italie a manifesté les meilleures dispositions; elle est entrée dans les vues du Gouvernement français en accordant des concessions et en signalant des compensations nouvelles profitables à l'exportation française. MM. les Délégués d'Italie soumettent ces considérations à l'esprit conciliant de leurs Collègues de France.

M. Teisserenc de Bort, tout en reconnaissant que les droits actuels sur le bétail à l'entrée en France sont beaucoup plus élevés que ceux de 1881,

doit remarquer que les effets de cette élévation n'ont pas fait disparaître la disproportion des chiffres qui expriment en argent les résultats du commerce entre l'Italie et la France. Les statistiques du commerce extérieur démontrent que la balance commerciale n'a pas cessé de se solder en faveur de l'Italie, comme auparavant. Ce n'est pas l'augmentation des droits qui a ralenti l'introduction du bétail italien en France; si cette réduction s'est produite, on ne peut l'attribuer que dans une partie restreinte à la modification du régime douanier, car la crise économique traversée par la France et la diminution considérable de la consommation de la viande qui en est résultée expliquent surabondamment la diminution croissante dans l'importation du bétail étranger. Si la France avait besoin du bétail italien pour sa consommation, ce n'est pas un supplément de 23 fr. sur des animaux valant 400 à 500 fr. qui arrêterait l'importation. Mais, alors même que les changements apportés au régime du bétail auraient eu les conséquences qu'on leur a attribuées, les statistiques commerciales démontrent que le traité de 1881 reste toujours plus favorable à l'Italie qu'à la France.

En présence de la situation qui leur est faite par l'élévation générale du nouveau tarif italien, il n'est pas possible aux Délégués français de reprendre la discussion de détail des propositions désirée par MM. les Délégués d'Italie. Si l'Italie avait limité ses demandes d'augmentation à un nombre restreint d'articles, il aurait été plus facile de s'entendre: mais comme toutes les grandes branches de l'exportation française sont atteintes par des droits considérablement majorés, il y a impossibilité matérielle à trouver des compensations. Des concessions faites par l'Italie, la plus importante est certainement celle relative au traitement des vins français; mais la valeur de notre exportation de cet article en Italie ne représente pas une somme assez considérable pour compenser les nombreuses augmentations de droits qui affectent les produits textiles et ceux de la métallurgie.

Dans cet état de choses, M. Teisserenc de Bort n'est pas étonné que son Gouvernement se croie dans la nécessité de suspendre les négociations. C'est seulement si l'Italie accepte la proposition française de prendre pour base les stipulations de 1881, sauf à présenter des demandes d'amélioration sur des articles qui l'intéressent davantage, en offrant des réductions équivalentes sur d'autres articles, qu'elles pourront utilement se continuer.

En résumé, M. Teisserenc de Bort rappelle que, dès la première séance, il a déclaré que le Gouvernement français estime que les concessions de tarif consenties par l'Italie en 1881, en échange des avantages que la France lui a concédés à cette même époque, représentent le minimum des concessions que la France peut équitablement réclamer en échange de la jouissance de son tarif conventionnel.

M. Teisserenc de Bort se plaît à reconnaître l'esprit de conciliation dont les Délégués d'Italie ont fait preuve dans le cours de cette négociation; il est lui-même animé des mêmes sentiments, mais les difficultés sont ici plus fortes que la bonne volonté des négociateurs, car elles sont inhérentes au fond même des choses. Les instructions données par le Gouvernement français sont formelles et à moins qu'il ne soit saisi d'une proposition conçue dans les termes qu'il vient d'indiquer. M. Teisserenc de Bort doit considérer sa mission à Rome comme terminée.

M. Ellena réplique que les considérations importantes de M. Teisserenc de Bort, relatives à la balance commerciale, donneraient lieu à beaucoup de remarques et de réserves; il croit qu'il ne faut pas abuser de cet argument. Il ne répétera pas les considérations développées dès la première séance en ce qui touche les différents caractères de l'exportation française et de l'exportation italienne, Mais il doit rappeler l'attention de M. Teisserenc de Bort sur un fait très important. Il y a beaucoup de produits italiens, qui sont, par leur nature, exempts de tout droit à l'entrée en France. Ce sont des matières, comme le chanvre, la soie grège, etc., etc., qui traversent seulement la France pour alimenter l'industrie britannique; elles ne figurent pas dans la statistique comme des marchandises en transit, car la franchise des droits rend inutile toute formalité relative au commerce de transit. Cela explique en partie la différence existant entre la balance du commerce franco-italien et celle du trafic anglo-italien. D'après les statistiques commerciales, l'importation des produits britanniques en Italie est énormément plus considérable que l'exportation italienne pour l'Angleterre. Il s'ensuit que l'opinion généralement acceptée à l'égard de la balance commerciale entre l'Italie et la France n'est pas fondée.

MM. les Délégués d'Italie garderont le souvenir le plus agréable des rapports qu'ils ont eus avec leurs Collègues. Toutefois la formule avec laquelle MM. les Délégués français ont conclu leurs considérations est, peut-être, un peu trop absolue. Si l'Italie s'est déclarée disposée à faire des sacrifices très considérables en vue d'obtenir des conditions avantageuses pour l'importation de son bétail en France, cela dépend des justes réclamations des éleveurs, qui se plaignent auprès du Gouvernement de l'état de crise résultant de l'énorme réduction de leur commerce d'exportation. La France ayant refusé d'accueillir les propositions faites à cet égard, MM. les Déléqués d'Italie se trouvent dans l'impossibilité de sacrifier les intérêts des industries, sans présenter des compensations de nature à être considérées comme équivalentes. Revenir purement et simplement au traité de 1881, ce serait renoncer à tout espoir d'une évolution profitable à l'industrie nationale; mais, avant tout, ce serait déclarer que la négociation, de la part de l'Italie, a été engagée sans réflexion. Si la conclusion de la négociation avait pour résultat le maintien du traité de 1881, la dénonciation du traité et la négociation manqueraient leur but.

D'après M. Ellena, il serait utile de procéder à une étude analytique et pratique des hauts intérêts économiques qui devraient persuader les deux pays à une transaction équitable, L'Italie, pendant tout le cours de la négociation, a fait preuve de son vif désir d'arriver à un accord. La majoration des droits insérés dans l'ancien tarif ne doit pas constituer une pierre d'achoppement, car il est évident que si l'accord venait à manquer, des intérêts bien plus considérables seraient frappés par l'application du tarif général.

MM. les Délégués italiens sont donc persuadés que, si l'on se livrait à ce travail, bien des difficultés seraient écartées. En attendant, ils engagent MM. les Délégués français à bien vouloir représenter au Gouvernement de la République l'opportunité de préciser ses demandes relativement aux articles du tarif sur lesquels on n'est pas encore d'accord.

M. Teisserenc de Bort réplique que la désignation de ces articles est impossible, car les majorations du tarif italien atteignent toutes les branches de la production française.

Son Excellence M. le comte de Moüy remarque que l'Italie devrait présenter des propositions nouvelles, et fixer les articles à l'égard desquels elle peut abaisser les majorations sur les droits du tarif général.

M. Ellena, tout en faisant noter que la ligne de conduite de l'Italie a été clairement tracée dans les déclarations précédentes, n'a aucune difficulté de rapporter à son Gouvernement ces derniers voeux. Son opinion personnelle et celle de ses Collègues est, que, pour aboutir à un résultat, il est nécessaire, de part et d'autre, de faire quelques pas pour se rencontrer. MM. les Délégués français pourraient demander des instructions en ce sens à leur Gouvernement.

M. Teisserenc de Bort déclare que les instructions qu'il a reçues sont assez claires pour le mettre en mesure de connaître la répouse que ferait son Gouvernement. Un traité qui empirerait la situation actuelle ne pourrait être présenté aux pouvoirs publics avec chance de réussite.

Son Excellence M. le comte de Moüy déclare qu'en admettant que quelques modifications de forme et par voie de compensations équivalentes puissent être apportées au traité de 1881, le point capital est que la situation résultant de ce traité ne soit pas aggravée à l'égard de la France. Le Gouvernement italien pourrait présenter des propositions dans ce sens.

M. Branca doit voir une différence etre les déclarations de M. l'Ambassadeur et celles de M: Teisserenc de Bort. Si le Gouvernement italien devait présenter des propositions en vue de sauvegarder quelques intérêts plus considérables et renoncer à des majorations de droits sur les autres articles, probablement la base de l'accord serait un peu moins difficile; mais si là base de l'accord doit être le traitement fixé en 1881, sauf des modifications très restreintes, selon la pensée de M. Teisserenc de Bort, le Gouvernement italien ne pourrait que très difficilement adhérer à la demande française.

Son Excellence M, le comte de Mouy réplique que les déclarations qu'il a faites correspondent parfaitement aux vues énoncées par M. Teisserenc de Bort.

M. Teisserenc de Bort confirme cette assertion de M. l'Ambassadeur. Le nouveau Traité ne doit pas empirer la situation commerciale de la France résultant de l'ancien Traité. A cet effet, il n'est pas nécessaire que toutes les dispositions de ce Traité soient reproduites, pourvu que les modifications qu'on y introduira soient de nature à présenter des compensations réciproques, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas d'augmentations de droits sans réductions équivalentes, et que le Traité résultant des négociations assure à la France des avantages au moins égaux à ceux qu'elle trouvait dans le Traité de 1881.

Après l'engagement des Délégués des deux Parties de demander des nouvelles instructions aux Gouvernements respectifs, la séance est levée à trois heures trois quarts.

Signé: ELLENA,
LUZZATTI,
BRANCA.

Signé: DE MOUY.
TEISSERENC DE BORT,
MARIE.

ARCH, DIPL. 1888.

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2o SÉRIE, T. XXVII (89)

Procès-verbal no 8. Séance du 2 février 1888.

Etaient présents:

PRÉSIDENCE DU M. ELLENA.

MM. les Délégués et Secrétaires qui ont pris part aux précédentes réunions, à l'exception de M. Luzzatti, retenu à la Chambre pour les travaux de la Commission du budget.

Son Excellence le Comte de Moüy assistait à la séance.

Le procès-verbal no 7 est approuvé.

La séance est ouverte à deux heures et demie.

MM. les Délégués d'Italie ont eu l'honneur de rapporter à leur Gouvernement l'échange de vues qui a eu lieu dans la dernière séance. Le Gouvernement les a chargés de demander à leurs Collègues s'il n'était pas possible de mieux préciser la proposition du Gouvernement français. Il s'agirait de connaître si la demande française est de revenir purement et simplement au régime résultant du traité de 1881, ou s'il est possible d'espérer que le Gouvernement français accepte les bases déià posées de la négociation, c'est-à-dire de partir du nouveau tarif général italien et de concéder des réductions considérables pour toutes les positions qui présentent un intérêt considérable pour le commerce de la France.

MM. les Délégués français remarquent qu'ils ont toujours pris comme point de départ la situation résultant du traité de 1881, et qu'ils ne sauraient s'en éloigner. Leurs instructions sont de négocier sur la base de ce traité, de manière à ne pas aggraver la position du commerce français en Italie, comme ils ont eu l'honneur de l'énoncer dès la première séance.

MM. les Délégués d'Italie, tout en faisant les plus amples réserves relativement aux déclarations de leurs Collègues, constatent que deux propositions sont en présence: d'une part, on demande de maintenir l'ancien traité; de l'autre, on offre des réductions considérables sur le nouveau tarif général à l'égard de tous les articles qui présentent un intérêt prépondérant pour la France dans son commerce avec l'Italie, comme les soieries, les lainages, etc.

MM. les Délégués français répliquent qu'ils tiennent à ce que l'arrangement soit fait sur les bases du traité de 1881; ils ne pourraient accepter une réduction quelconque du nombre des articles inscrits à ce traité, car leur exclusion aggraverait la situation actuelle. Le but du Gouvernement français est de maintenir le régime conventionnel résultant du traité de 1881, sauf à consentir des modifications de nomenclature et de classification des articles, modifications très peu nombreuses et peu importantes concernant le taux des droits, pourvu qu'il y ait des compensations équivalentes, afin que la position ne soit pas empirée pour la France, C'est seulement à ces conditions que l'on peut espérer d'arriver à un accord.

MM. les Délégués italiens doivent constater que, d'après les déclarations de leurs Collègues, la France veut conserver toutes les positions du tarif conventionnel de 1881, et qu'elle n'est disposée à consentir que des modications dans la classification des articles du tarif et dans le taux, mais très restreintes pour le nombre et pour la mesure des droits, et sous condition de compensations équivalentes.

MM. les Délégués français déclarent que la question vient d'être parfaitement posée par leurs Collègues d'Italie. Ils ajoutent que le Gouvernement français désire connaître les droits que le Gouvernement italien

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