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En Angleterre et en Irlande le même homme lié aux idées, aux opinions, aux intérêts nationaux, de plus agriculteur renommé, annonçait son voyage et ses motifs par les gazettes, sollicitait ainsi d'avance des faits, des éclaircissemens, des lumières sur toutes les branches de l'économie publique. Il était attendu pour en donner, encore plus que pour en recevoir. Dans un pays où l'état de cultivateur est considéré et où l'on s'enrichit par lui, où une partie de la classe opulente et libérale pratique l'agriculture, dans sa patrie enfin, où il pouvait s'aider de toutes les relations de société, où les lois, les mœurs, les habitudes lui étaient familières, cet agronome devait recueillir dans ses voyages une plus riche moisson qu'en parcourant les grandes routes de France et d'Italie, distrait d'ailleurs par les premiers mouvemens de la révolution qui commençait et dont il saisissait les préliminaires peut-être avec trop de prévention et d'ardeur, pour bien remplir l'intention de ses voyages. Dans la Grande-Bretagne et l'Irlande, au contraire, il calcule toujours à froid et il' possède tous les élémens de ses calculs qu'il varie et combine presqu'à l'infini. Il emploie six mois à visiter une contrée. Le lord, le Gentlemen, le membre du Parlement, le magistrat, le ministre du culte, le propriétaire cultivateur et le fermier, lui fournissent leur contingent de faits. Aussi il n'y a point de rapports sous lesquels il n'ait considéré l'agriculture et son influence. Le simple fermier et l'homme d'Etat peuvent méditer ses ouvrages et y puiser l'un et l'autre une utile instruction. Le premier y connaîtra toutes les méthodes employées, amendées et perfectionnées, tous les essais pratiqués, leurs succès ou non succès, avec l'état des avances et des produits. Il verra comment les uns ont prospéré, et les autres se sont ruinés ou ont échoué : comment un M. Curtis conquiert 1700 acres sur une plaine réputée infertile et en fait une riche ferme : par quels moyens 2000 acres de désert, qui fournissaient à peine une chétive pâture à quelques moutons, sont devenus, en neuf années, une excellente ferme, employant 45 chevaux, 9 valets, 50 personnes, au tems de la moisson, nourrissant

24 vaches et goo moutons : comment le comté de Norfolk, si célèbre aujourd'hui par sa richesse agricole, et qui était tellement aride au nord, à l'ouest et à l'est, que ses pacages étaient loués au plus 2 sch. l'acre, est parvenu, en moins de 60 ans, au degré où on l'admire maintenant. Si l'observateur rencontre un outil, un instrument aratoire nouveaux, une nouvelle machine, il les décrit et en donne le dessin. Toutes les natures de sol il les analyse, et il fait connaître toutes les sortes d'engrais, de clôtures, tous les genres de plantations et leurs grands avantages, etc. etc. etc., car les détails sont infinis.

L'homme d'Etat de son côté y trouvera, soit traitées de nouveau, soit éclaircies, ou au moins éclairées par de nouveaux faits ou par des rapprochemens, d'importantes questions d'économie publique, dont quelques-unes peutêtre ont été plus agitées que résolues. Telles en général que l'influence du commerce sur l'agriculture et de l'agriculture sur le commerce, l'influence des manufactures la division des terres, la population, la navigation intérieure, les routes, le prix des terres, le prix du travail et des denrées comparativement, la question de savoir s'il faut hausser les salaires, ou diminuer le prix des denrées; enfin le montant de la taxe des pauvres, aussi par comparaison avec le prix du travail et des denrées. Cet article de la taxe des pauvres est bien intéressant à examiner chez une nation où la pauvreté se trouve régulièrement classée dans les dépenses publiques : c'est un thermomètre politique. Malheureusement les données qu'on trouve dans les voyages d'Arthur Young datent d'environ 30 ans. Il serait à desirer qué ses habiles traducteurs y ajoutassent, par appendice, un tableau supplémentaire de la taxe pour les dix dernières années. Quoi qu'il en soit, on sait déjà par le voyageur anglais, qu'à l'époque dont il parle la taxe des pauvres s'était rapidement et prodigieusement accrue. Dans l'Est, par exemple, elle était doublée en vingt ans, et se trouvait faire près d'un septième du montant général de la rente. Il en recherche la cause et prétend que ce n'est pas l'accroissement du

nombre des pauvres, mais bien des besoins de luxe nouveaux, principalement la consommation de thé et de sucre dont font usage, deux fois par jour, même les pauvres qui vivent de la taxe, au point qu'ils laisseraient leurs enfans souffrir de la faim, plutôt que de s'en priver.

L'on doit s'attendre qu'Arthur Young regarde l'agriculture comme la première source de la prospérité des nations. Il reproche au systême de puissance commerciale, au monopole et à l'avidité mercantile qu'il engendre, d'avoir sappé la véritable puissance de son pays. C'est, selon lui, le funeste esprit de commerce et de monopole qui a cru pouvoir gouverner de grandes nations par les mêmes principes d'après lesquels un marchand régit sa boutique, qui a séparé les Etats-Unis de l'Angleterre, qui opprimé les Indes et l'Irlande, qui a causé les guerres de 1740 et 1756, et crée la dette énorme qui pèse sur la Grande-Bretagne. Tout le mal que peut faire à son pays une législature influencée par des marchands, est, à son avis, aujourd'hui au comble en Angleterre. « Ce fut le systême commercial » qui fonda nos colonies; les profits commerciaux les ont » élevées; l'avarice commerciale les monopolisa, et l'ignorance commerciale nous engage aujourd'hui dans des » guerres dont l'objet est de recouvrer des possessions qui » ne valent pas intrinséquement les balles et la poudre » qu'on dépense à soutenir la querelle. La France et l'Espagne sont agitées de la même manie: elles épui➤ sent, comme nous leurs ressources, ruinent leurs » sujets, et tiennent dans un état déplorable de stagnation toutes les parties de leur industrie, pour le plaisir de » nous disputer les avantages éloignés, chimériques et pécuniaires du commerce colonial. »

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Jusqu'à présent ces leçons n'ont pas eu un grand effet. Mais il espère que l'excès du mal amènera le remède. «C'est » la liberté uniquement, et non le commerce, dit-il, qui a ⚫ élevé l'Angleterre à son haut degré de grandeur.Que ceux ⚫ qui gouvernent les nations donnent à leurs sujets la liberté dont jouissent les Anglais, et bientôt on verra

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» le commerce croitre et fleurir entre les rameaux de cet » arbre majestueux. ». Il prévoit que revenues de leurs faux systêmes, les nations sentiront enfin que le principe de leur prospérité existe dans la pleine culture de leur sol. La richesse provenant de cette source fomente et vivifie l'intérieur, au lieu de s'écouler au-dehors. Elle n'excite point la jalousie des nations voisines, n'enfante point de honteux monopoles, point d'injustes prohibitions, point de guerres toujours renaissantes, point de dettes exorbitantes, ni de taxes ruineuses. L'auteur ne proscrit pas pour cela le commerce et les manufactures, mais le systême d'un Gouvernement, commercial. Ces idées conviennent à la circonstance dans laquelle se trouve l'Europe. Fatiguée d'erreurs et de désastres, elle dépose les ressentimens qui aveuglent l'esprit et aigrissent les plaies; toutes les causes de ses maux vont paraître à nu, et chaque nation, chaque Gouvernement, suivant de meilleurs principes, se rapprochera du vou formé par Arthur Young. Les capitalistes, comme les Gouvernemens, ont à profiter des vues du sage agronome. Il leur enseigne à employer leurs capitaux d'une manière heureuse pour eux et pour la patrie. Mais il n'en est pas de la France comme de l'Angleterre, resserrée dans un étroit territoire dont il faudrait qu'il ne restât pas un acre inculte. Le systême des défrichemens serait désastreux chez nous. Améliorer notre agriculture vaut mieux que de l'étendre. Au reste, on trouvera, comme nous l'avons déjà observé, des notions, des principes et des méthodes pour tous les genres d'améliorations dans le Cultivateur anglais. Ce n'est pas une lecture d'agrément qu'il faut y chercher. Cet ouvrage a besoin d'être étudié, si l'on veut en retirer toute la substance. Mais les traducteurs en ont beaucoup facilité l'étude par les tableaux, les récapitulations, les notes dont ils l'ont enrichi, et en élaguant des longueurs inutilement fatigantes. Sans doute qu'ils termineront leur travail, déjà si digne d'estime, par une table générale raisonnée, dressée avec le soin dont ils sont capables.

L. B.

PHYSIOLOGI E.

NOUVEAUX ÉLÉMENS DE PHYSIOLOGIE; par Anthelme Richerand, chirurgien en chef - adjoint de l'Hôpital du Nord de Paris, professeur d'anatomie et de physiologie, etc. Un gros volume in-8° de plus de 700 pages. Prix, 6 fr.,. et 7 fr. 50 c. franc de port. A Paris, chez Richard, Caille et Ravier, lib., rue Hautefeuille, N° 11.

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L'AUTEUR de ces nouveaux élémens de physiologie, dédiés à un des savans les plus distingués de nos jours, à un de ceux qui ont le plus hâté les progrès de la chimie et qui ont su en faire une application utile (1), ne pouvait suivre en les composant un meilleur guide que l'immortel Haller. Mais depuis la publication des prima linee physiologia, les sciences naturelles et physiques, si rapidement accrues, surtout pendant la dernière moitié du dixième siècle, ont fait de la physiologie une science pour ainsi dire toute nouvelle, par la multitude de données et de résultats qu'elles lui ont fourni. En réunissant un grand nombre de faits, en ajoutant à ceux déjà connus le fruit de ses observations et de ses propres expériences, en les enchaînant par une méthode qui joint l'exactitude à la simplicité, le C. Richerand a su tenir un juste milieu entre ces livres élémentaires d'une concision voisine de la sécheresse et de l'obscurité, et ces ouvrages, dont les auteurs entrant dans les détails les plus minutieux, épuisent, en quelque sorte, leur sujet, et semblent n'avoir écrit que pour publier de nombreux et gros volumes sur des matières connues et non susceptibles d'une longue discussion.

Persuadé, avec raison, que les bons ouvrages se distinguent autant par certaines choses qui ne s'y rencontrent

(1) Le C. Fourcroy.

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