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Mais pour que le témoin qui a bu et mangé avec la partie soit suspect, il faut le concours de plusieurs circonstances:

1o. Il est nécessaire que ce soit aux frais de la partie. S'être rencontré avec elle en maisontierce est une circonstance fortuite, et dès-lors indifférente, du moins en soi ce seroit autre chose si l'on prouvoit que la réunion a été ménagée pour donner à la partie la facilité de gagner le témoin et qu'elle l'a effectivement gagné; mais alors on ne l'écarte plus sur la simple présomption de partialité.

2o. Il faut que la réunion ait eu lieu dans un temps suspect, c'est-à-dire, depuis le jugement. Celle qui est antérieure ne doit compter pour rien qu'importe que la partie ait reçu le témoin à des époques où elle ne pouvoit pas prévoir qu'il seroit un jour appelé pour déposer contre elle? Si l'on s'arrêtoit à cette hypothèse, on ne trouveroit presque plus de témoins, car on ne peut savoir les faits qu'autant qu'on s'est rapproché de la partie, et il est très-ordinaire que ces rapprochemens fassent naître l'occasion de manger chez elle.

Ces mots bu ou mangé ont été substitués sur

la demande du tribunat, à ceux-ci : bu et mangé (1).

La cour d'appel de Rennes avoit aussi demandé ce changement (2). Il étoit utile pour prévenir les difficultés. Mais cela même prouve, comme je l'établirai dans la suite *, que les dispositions sur les causes de reproche sont de droit rigoureux et qu'il n'est pas permis au juge de s'en écarter.

La cour d'appel d'Orléans proposoit de restreindre davantage ce motif de reproche. Elle disoit : « l'exclusion du témoin, qui aura bu et mangé avec la partie, et à ses frais, depuis la prononciation du jugement qui a ordonné l'enquête, nous a paru bien étendue; la partie peut elle-même ignorer le jugement, qui ne seroit encore connu que de l'avoué, et le hasard la réunir avec le témoin: il sembleroit bien suffisant de ne compter que du moment de la signification du jugement » (3).

Cette proposition n'a pas été admise: la défiance de la loi doit commencer au moment où

(1) Observations des sections du Tribunat sur le projet de Code de procédure civile. — (2) Cour d'appel de Rennes, observations sur le projet de Code de procédure civile, page 17. — (3) Cour d'appel d'Orléans, ibidem.

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que

il est devenu certain telle ou telle personne sera entendue en témoignage.

Cinquième motif. Ces certificats peuvent avoir été donnés à l'instigation de l'une ou de l'autre des parties. Cependant, ils lient le témoin ils le placent précisément dans la position de celui qui apporte une déposition rédigée à l'avance *.

Sixième motif. Le serviteur est l'individu gagé pour s'appliquer aux soins de la personne ou du ménage de son maître. On appelle domestiques ceux qui vivent dans la famille pour remplir un service quelconque, comme sont, par exemple, des commis marchands, des clercs de notaires ou d'avoués. Le mot domestique comprend donc les serviteurs, mais il s'étend plus loin.

La raison, qui a toujours fait écarter le témoignage de ces personnes, lorsque la partie les reproche, c'est qu'il n'est pas possible de s'en rapporter à une déposition favorable ou défavorable qui peut avoir été dictée d'autorité par le maître idonei non videntur testes, quibus imperari potest, ut testes fiant (1).

(1) L. 6. ff. de testibus.
* Voyez ci-après §. X.

Les commissaires-rédacteurs du projet de Code de procédure s'étoient contentés de dire, dans l'art. 272 de leur projet (262 du Code), que chaque témoin déclareroit s'il est serviteur ou domestique de l'une des parties: ils n'avoient pas ajouté dans l'article 286 (283 du Code) que ces qualités rendoient le témoin reprochable.

En cela ils avoient suivi l'ordonnance de 1667. Mais il faut observer que cette loi ne fixoit pas les motifs de reproche; qu'elle laissoit au juge la liberté d'admettre tous ceux qu'il estimeroit fondés; que le système du Code, au contraire, est de donner aux juges des règles très-précises. Ainsi ce qui n'étoit pas une omission dans l'ordonnance en seroit devenu une dans notre Code de procédure.

En conséquence, les cours d'appel d'Agen (1), de Caen (2), de Colmar (3) et de Montpellier (4), demandèrent que par une disposition formelle, on autorisât la partie à reprocher les serviteurs et domestiques à gages.

La section de législation du Tribunat fit la même demande, « pour se conformer, a-t-elle

(1) Observations sur le projet de Code de procédure civile, page 18. (2) ibidem, page 7. (3) ibidem, page 9. — (4) ibidem, page 8.

dit, à l'article 262 qui veut que chaque témoin déclare, s'il est serviteur ou domestique de l'une des parties >> (1).

Cette proposition a été admise.

Cependant, la lettre de l'article 283 exclut les serviteurs et domestiques en général, sans borner l'exclusion à ceux des parties. En résulte-t-il que cette limitation soit rejetée?

:

Nullement l'article 283 se refère à l'article 262 où la limitation est expliquée. On vient de voir, en effet, que c'est comme suite, comme complément de ce dernier article que l'addition a été faite; cet article doit donc à son tour servir à l'interpréter. Dans nos mœurs, il n'y auroit pas de raison pour écarter la classe nombreuse des serviteurs et domestiques, surtout quand la dénomination de domestique s'étend si loin qu'elle convient à une foule de personnes. A la vérité, les lois romaines rejetoient indéfiniment le témoignage de l'esclave, hors le cas où l'esclave devenoit le témoin nécessaire: servi responso tunc credendum est, cum alia probatio ad eruendam veritatem non est (2), mais c'étoit parce

(1) Observations des sections du Tribunat sur le projet de ode de procédure civile. · (2) L. 7. ff. de testibus.

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