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appartenaient à l'État. En pratique, cette théorie aboutit à faire. de l'État le propriétaire de tout le Congo et à lui donner le monopole de tout commerce. Les indigènes furent astreints à l'impôtcorvée dont la mesure était laissée à la discrétion d'agents de l'État investis à la fois de fonctions administratives, judiciaires et militaires. On sait les abus auquel ce régime a donné lieu. Dénoncés par la presse britannique, dont la campagne a paru longtemps suspecte, ils n'ont pas été démentis formellement dans le rapport de la commission d'enquête envoyée par le Roi au Congo et qui était composée de trois hauts magistrats, un Belge, un Italien et un Suisse 1.

Avec les révélations sur les affaires congolaises, la question de l'annexion du Congo à la Belgique a été de nouveau agitée. Le principe de cette annexion a été discuté dans une série de grandes séances qui ont eu lieu au Parlement belge du 28 novembre au 14 décembre 1906. Le gouvernement s'est engagé à présenter le projet de rachat, qui avait été élaboré en 1901, et le confia à une commission coloniale qui eut pour mission de l'examiner et d'y apporter les modifications jugées nécessaires.

L'examen de la commission dura longtemps. Ce n'est que le 28 novembre 1907 que le traité de cession a été signé entre les plénipotentiaires de l'État du Congo et les représentants de l'État belge. Le 4 décembre, le gouvernement a déposé le traité avec de volumineux annexes sur le bureau de la Chambre des députés.

Les annexes qui complètent le rapport de la commission donnent un commentaire complet de la situation de l'État du Congo et fournissent une idée précise de la valeur considérable des territoires qu'il est proposé à la Belgique de s'annexer: 235 millions d'hectares dont l'exploitation n'est tout à fait qu'à ses débuts.

Malgré la mise en valeur récente du Congo, le mouvement commercial atteint déjà 116 millions de francs, dont plus de 76 millions de francs aux exportations et près de 30 millions aux importations.

1. Au mois de juin 1907, l'Etat libre du Congo a publié un rapport niant les mauvais traitements infligés aux indigènes.

De nombreuses lignes ferrées ont déjà été établies, et l'appel fait aux capitaux privés a été entendu.

Aujourd'hui on compte au Congo 20 grandes Sociétés titulaires de concessions dont l'importance se révèle pour l'État, qui y est intéressé, par des valeurs de portefeuille estimées à 60 millions et donnant un revenu annuel de 5 millions pour 1907. A côté de ces grandes Compagnies fonctionnent 88 autres Sociétés diverses.

L'actif du Congo est évalué en chiffres ronds à 122 millions de francs. Il comprend des propriétés sises en Belgique pour environ 30 millions, un portefeuille de 60 millions, l'armement, la flotille, le matériel de transport par terre, 15 millions; des produits non réalisés du domaine, 10 millions, des marchandises en magasin, en Afrique ou en cours de route pour 5 millions.

Le passif comprend les emprunts contractés depuis 1887 jusqu'à 1906; il s'élève en capital à 114.576.000 francs, imposant une charge annuelle de 4.150.000 francs compensée d'ailleurs par le produit annuel du portefeuille. On ne peut y ajouter l'emprunt à lots de 150.000.000 de francs autorisé en 1888 dont le service a été assuré par un fonds spécial d'amortissement et dont il ne résulte aucune charge pour l'État.

Quant au budget, il s'élève, tant pour les recettes que pour les dépenses, au chiffre global de 37 millions.

Telle est la situation. Mais bien qu'elle paraisse à première vue favorable, des controverses très âpres et très nombreuses se sont ouvertes autour du projet gouvernemental.

La question, en effet, s'est présentée sous de multiples aspects; il d'abord celui des intérêts belges que certaines personnes craignent de voir sacrifiés. On fait remarquer que la reprise du Congo par la Belgique entraînera des modifications dans le régime d'exploitation d'où résulteront des diminutions de recettes. Il faudra donc que le Trésor belge comble les déficits probables du budget congolais.

En second lieu, il y a la question du partage des pouvoirs exécutifs et législatifs, dont le roi Léopold avait eu la plénitude au Congo jusqu'à ce jour. Or, le Roi, constitutionnel en Belgique, est souverain absolu au Congo; il a essayé de retenir la plus grosse part possible de ses pouvoirs discrétionnaires, d'où une série de conflits avec la commission. Enfin, il y a eu la question

de la constitution du domaine de la Couronne. En dehors du domaine privé, comprenant presque en totalité le territoire congolais, et en dehors des nombreuses Sociétés auxquelles sont affermés de vastes territoires, le Roi a créé par décret des fondations appelées «< domaine de la Couronne » et « domaine royal », auxquelles il a attribué plus du tiers du Congo et dont les ressources doivent être affectées à des destinations spéciales, désignées par lui et gérées par des fidéicommissaires se recrutant par cooptation. Afin que la Belgique soit obligée de respecter ces fondations, le Roi, en août 1907, a constitué le domaine de la Couronne en Société anonyme congolaise; cette Société est devenue un tiers, et, selon les principes généraux du Code, il ne pourra être fait échec à ses droits.

Le Roi tient énormement à ce domaine et semble faire de la question de ce maintien une condition même de la reprise. Or, une partie de l'opinion belge est contraire à ces fondations qui seront autant d'entraves au contrôle de la Belgique. On ne saura réellement ce que deviendra le Congo qu'après la discussion, qui sera sans doute longue et épineuse, du traité de cession devant les Chambres belges1.

1. Voir l'article de M. Georges Lorand dans la Grande Revue du 10 novembre 1907 intitulé Le Congo et la Belgique, et celui de M. René Vauthier dans la Revue économique internationale de décembre 1907.

PAYS-BAS ET INDES NÉERLANDAISES

Les crises ministérielles (p. 224). Les partis politiques après la démission du ministère Kuijper, 5 juillet 1905 (p. 224). La formation du ministère Demeester, 1906 (p. 225). Le débat sur les effectifs militaires, décembre 1906 (p. 225). La crise ministérielle du 12 février 1907 et la reconstitution du ministère Demeester (p. 226). La revision de la Constitution (p. 226). Le discours du trône, 17 septembre 1907 (p. 227). Projet d'entente hollando-belge (p, 228). Les Indes Néerlandaises (p. 230).

La vie politique des Pays-Bas n'est pas exempte de difficultés depuis quelques années : les ministères manquent d'une majorité solide; une revision constitutionnelle est projetée dans un but plutôt politique que pour répondre à un pressant appel de l'opinion publique, et rencontre une vive opposition. Enfin la succession au trône commence déjà à préoccuper l'esprit public: la reine est encore très jeune1, mais elle n'a pas d'héritier, et l'on craint sérieusement qu'elle n'en ait jamais. Beaucoup de personnes pensent qu'il sera sage de régler la question en envisageant l'éventualité de l'extinction de la maison d'Orange en la personne de la souveraine, aussitôt qu'il sera possible d'examiner cette hypothèse sans risquer d'offenser la Majesté royale. On épargnera ainsi de graves difficultés qui ne sauraient manquer de se produire au cas où la reine Wilhelmine disparaîtrait brusquement. On sait, en effet, que les Hollandais sont beaucoup plus attachés, en majorité, à la maison d'Orange qu'au principe même de l'hérédité du pouvoir exécutif, et dans quelques années, il importera peut-être sérieusement à la paix du pays que la question de la forme même du gouvernement à venir soit réglée définitivement.

1. La reine Wilhelmine, née le 31 août 1880, a succédé à son père, Guillaume III, le 23 novembre 1890. Elle a épousé, le 7 février 1901, le duc Henri de Mecklembourg-Schwerin.

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Les crises ministérielles. La Hollande a subi en deux années deux crises ministérielles d'inégale importance. La première a été la démission du cabinet conservateur de M. Kuijper, le 5 juillet 1905, à la suite des élections des 16 et 28 juin précédents, qui avaient marqué une défaite de sa politique.

M. Kuijper avait opposé au bloc libéral et démocratique qu'il qualifiait d'antichrétien, voire de païen, le bloc chrétien composé des protestants piétistes et des catholiques. Il avait inauguré une politique de combat qui s'était manifestée surtout par certaines mesures d'un caractère moralisateur, telles que des lois spéciales contre le jeu, l'ivrognerie, la violation du repos dominical. Il avait favorisé l'enseignement libre ; au point de vue économique, il était partisan du système protectionniste ; au point de vue extérieur on pouvait l'accuser de tendances germanophiles. La dernière consultation du suffrage, à la Première Chambre, lui avait été favorable: il avait obtenu 31 sièges, et ses adversaires 19 seulement. Mais les élections de juin 1905, à la Deuxième Chambre, ne lui valurent pas le même succès. Les ministériels ne revinrent qu'au nombre de 48 (25 catholiques, 15 protestants orthodoxes, 8 chrétiens historiques); les antiministériels étaient au nombre de 52 (10 vieux libéraux, 24 libéraux modérés, 11 démocrates, 7 socialistes). M. Kuijper, en conséquence démissionna.

Le départ de M. Kuijper commandait un changement de politique le pouvoir passait à la coalition libérale et démocratique ; mais la majorité était faible et divisée; l'appoint des socialistes était indispensable, et il paraissait peu probable qu'il fût compatible avec le maintien des vieux libéraux (libéraux conservateurs que certaines nuances seules séparent de la droite pure) dans cette majorité. D'une part, en effet, l'état des finances nécessitait une élévation d'impôts et des centimes additionnels que la droite se proposait de combattre avec des chances de succès. D'autre part, les vieux libéraux entendaient limiter la réforme constitutionnelle qui avait été la plate-forme de la coalition libérale et démocratique aux élections, tandis que les libéraux modérés et démocrates réclamaient une revision assez étendue.

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