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mais, d'après la jurisprudence barbare que nous avons signalée, il pouvait, comme la déposition d'un témoin unique, justifier l'emploi de la torture (voy. Muyart de Vouglans, Inst. au droit crim. part. VI, chap. iv). Aujourd'hui l'importance de cet aveu doit varier suivant les circonstances. Mais c'est une grave erreur que de le considérer comme nul, ainsi que le fait M. Mittermaier (Preuve en matière criminelle, chap. XXXIV). Si c'est quelquefois un acte de légèreté ou de jactance, il y a des circonstances où apparaît évidemment l'animus confitendi.

299. Au contraire, la confession que fait l'accusé, lorsque les conséquences de sa déclaration ne peuvent lui échapper, lorsque la peine est en quelque sorte suspendue sur sa tête, semble une preuve supérieure à tous les indices et à tous les témoignages. La conscience publique proclame cette supériorité de l'aveu. Ne voit-on pas tous les jours les jurés s'enquérir avec anxiété si l'homme qu'ils ont condamné a avoué son crime? Et lorsqu'ils reçoivent une réponse affirmative, n'éprouvent-ils pas un soulagement bien sensible? Ne sententils pas s'évanouir le reste de doute qui subsistait encore au fond de leur esprit?

Malheureusement il n'y a rien de certain sur la terre, en dehors de faits d'évidence immédiate. On a vu de tout temps des aveux mensongers. Ulpien (1. 1, § 27, ff. de quæst.) nous parle d'un esclave qui se déclara faussement coupable de meurtre, pour ne pas retomber au pouvoir de son maître. Aussi le même jurisconsulte nous apprend-il (ibid. § 17, de quæst.) qu'une constitution de Septime Sévère défendit de s'attacher à un aveu que rien ne viendrait appuyer « confessiones reo<< rum pro exploratis facinoribus haberi non oportere, « si nulla probatio religionem cognoscentis instruat. »> On assure qu'en Chine, il y a des personnes qui avouent pour autrui des délits légers, afin de subir la punition au lieu et place du véritable coupable, qui les indem

nise ensuite largement. Au rapport d'anciens criminalistes (Farinacius, quest. 81, n° 30), la crainte de la torture, plus forte que celle de la mort, porta quelquefois des innocents à se reconnaître sur-le-champ coupables de crimes capitaux. Ce danger n'est plus à craindre aujourd'hui. Mais une source d'aveux mensongers qui peut se retrouver encore de nos jours, c'est le désir d'aller au-devant de sa perte par désespoir et par dégoût de la vie. Ce fut ainsi qu'un homme se déclara volontairement coupable d'avoir assassiné une veuve d'Issy, dont la disparition donnait lieu aux poursuites les plus actives; deux ans après son exécution, la veuve revint chez elle, et les juges qui avaient prononcé la condamnation furent décrétés d'ajournement par un arrêt du parlement de Paris du 22 novembre 1580. Il y a aussi dans la jurisprudence contemporaine des exemples d'aveux dont la fausseté a été matériellement démentie (Duverger, Manuel des juges d'instruction, no 330, not. 2). Il faut donc, avant d'accueillir l'aveu, rechercher avec soin: 1° si le fait est bien probable en lui-même; ainsi, dans l'espèce de la veuve d'Issy, il n'y avait pas de corps de délit constaté, et la base de l'accusation n'existait que dans la rumeur publique ; 2° si une fausse déclaration n'a pas été amenée par quelque motif extraordinaire, que l'on pourra peut-être saisir en recherchant les antécédents de celui qui s'accuse ainsi lui-même : précaution qu'il importe surtout de ne pas négliger à notre époque, où le suicide se multiplie sous toutes les formes. En ce sens, l'ancien adage nemo auditur perire volens est parfaitement raisonnable.

300. Mais on a souvent abusé de cet adage. On a été jusqu'à prétendre que l'aveu, lors même qu'il n'a rien de suspect ni d'invraisemblable, n'est pas une véritable preuve, et qu'il ne saurait suffire pour motiver une condamnation, ou du moins une condamnation capitale. Ainsi, l'ancienne jurisprudence, qui regardait le juge comme lié par la déposition de deux

témoins conformes, ne lui permettait pas de se déclarer convaincu par la confession de l'accusé. Et ces deux décisions, bien qu'opposées dans leur tendance, se conçoivent dans un système qui pesait les témoignages au lieu de les compter. L'accusé était témoin dans sa propre cause, mais il était témoin unique, si d'autres dépositions ne venaient se joindre à la sienne; dès lors son aveu, quelque sincère et quelque précis qu'il fût, ne pouvait suffire. « La règle qui a lieu à l'égard de tous les crimes publics, » dit d'Aguesseau (lettre 499), « c'est que la seule confession du coupable ne suffit pas pour mettre la justice en état de le condamner, suivant cet ancien axiome de la jurisprudence: non auditur perire volens. L'aveu de l'accusé est sans doute un grand commencement de preuve; mais il faut nécessairement que, pour achever sa conviction, on y joigne des preuves qui ne dépendent pas de sa seule reconnaisance, sans quoi il ne peut être regardé comme suffisamment convaincu, ni par conséquent justement condamné. » Cette doctrine paraît avoir été puisée dans ce passage de Quintilien (Déclam. 314): « Ea natura est omnis confessionis, ut « possit videri demens qui de se confitetur. » Mais, indépendamment du peu d'autorité qu'ont en matière judiciaire les déclamations de Quintilien, véritables exercices d'école, il s'agit dans l'espèce d'un homme véritablement fou, qui s'accuse d'avoir tué son père, et il n'y a dès lors aucune conclusion à en tirer quant à la force de l'aveu en général. Au contraire, les textes de droit mettent l'aveu au nombre des preuves les plus convaincantes. C'est ainsi que Constantin (1. 16, Cod. de poen.) donne à l'aveu la même foi qu'à la déposition de témoins concordants. (voy. aussi Valent. 1. 8, Cod. ad leg. Jul. de vi public.). Quant à la constitution de Septime Sévère (1. 1, § 17, ff. de quæst.) que nous avons citée, et qui ne veut pas qu'on s'attache à l'aveu, si nulla probatio religionem cognoscentis instruat, on doit l'entendre, pour la concilier avec les autres textes,

non d'autres preuves positives, mais simplement d'indices de nature à rendre l'aveu vraisemblable. Ce que cette constitution dit de ce mode de preuve serait vrai, à plus forte raison, de tout autre, et on ne saurait en induire, contrairement au sens commun, l'infériorité de l'aveu. 'Il n'est pas infaillible, sans doute; mais on ne saurait le rejeter sans tomber dans un système de scepticisme qui serait essentiellement dangereux pour l'intérêt social. Le cri de la conscience explique la confession de l'accusé plus naturellement qu'un dérangement d'esprit, que l'on pourrait établir d'après les circonstances de la cause, mais qui ne doit pas se supposer. Les faux aveux seront toujours infiniment plus rares que les faux témoignages.

Aujourd'hui l'intime conviction, posée en principe par l'article 342 du Code d'instruction criminelle, peut se former et se formera tout aussi bien par suite de l'aveu que par d'autres voies. Mais, supposât-on par impossible l'existence d'une règle restrictive, cette restriction n'aurait pas de sanction au grand criminel, puisque le jury ne motive pas ses décisions. On a soutenu avec un peu plus de fondement, en matière de police, là où les jugements sont motivés, que l'aveu, ne figurant pas au nombre des preuves énumérées par la loi (C. d'inst. art. 153 et 190), ne saurait à lui seul justifier une condamnation. Mais doit-on supposer que le législateur, en indiquant les modes de vérification les plus usités dans les débats, ait entendu que la décision se réglerait uniquement d'après ces modes? Il est vrai qu'un arrêt de la cour de Turin du 28 avril 1810 a annulé une condamnation correctionnelle, parce qu'elle n'était fondée que sur un aveu. Mais il ne faut voir dans cet arrêt qu'une réminiscence de l'ancienne doctrine qui, tendant à réprimer l'abus des moyens déplorables em

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Quant à l'influence des divers systèmes de procédure criminelle sur la force de l'aveu, voy. n° 320 et suiv.

ployés autrefois pour arracher une confession à l'accusé, refusait de voir dans l'aveu isolé une preuve suffisante. Si rien n'oblige les juges à se contenter de l'aveu, lorsque la culpabilité ne leur paraît point d'ailleurs suffisamment établie (rej. 15 décembre 1814), il n'est point permis de repousser l'aveu, en se fondant uniquement sur le vieil adage: nemo auditur perire volens, et c'est ce qu'a jugé la cour suprême bien des fois, et même par des arrêts de cassation (rej. 23 septembre 1837; cass. 4 septembre 1847 et 29 juin 1848). « La violation d'une maxime de jurisprudence,» dit l'arrêt de 1837, «< ne peut constituer un moyen de cassation qu'autant que cette maxime serait revêtue du caractère législatif, et aucune loi ne défend aux juges correctionnels du premier ou deuxième ressort de faire entrer dans leurs éléments de conviction l'aveu du prévenu, et ne leur impose à cet égard des règles différentes de celles qui existent pour les jurés. » Cette décision peut s'appuyer d'ailleurs sur l'article 190 du Code d'instruction, qui prescrit expressément l'interrogatoire du prévenu en police correctionnelle. Il y aurait un défaut d'harmonie choquant dans une législation qui serait plus difficile pour la preuve des délits que pour celle des crimes ou des contraventions.

301. Une question plus délicate est celle de savoir si, en matière d'adultère, l'aveu du complice de la femme peut motiver suffisamment une condamnation contre lui. En effet, l'article 338 du Code pénal n'admet d'autres preuves contre ce complice que le flagrant délit ou des pièces écrites dont il serait l'auteur. On a invoqué un arrêt de la cour de Paris, du 18 mars 1829, pour soutenir que, par application de cet article, les juges ne sont pas autorisés à condamner le complice sur son aveu. Mais il ne s'agit dans cet arrêt que d'une déclaration devant le juge d'instruction, laquelle n'avait été, suivant la cour, ni libre, ni spontanée. Quant au véritable aveu judiciaire, voyons quel a été le but

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