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de la restriction établie par cet article 338. Écoutons l'orateur du corps législatif : « Il importait de fixer la nature des preuves qui pourront être admises pour établir une complicité que la malignité se plaît trop souvent à chercher dans des indices frivoles, des conjectures hasardées, ou des rapprochements fortuits. Après les preuves de flagrant délit, de toutes les moins équivoques, les tribunaux ne pourront admettre que celles qui résulteraient des lettres ou autres pièces écrites par le prévenu, c'est dans ces lettres en effet que le séducteur dévoile sa passion, et laisse échapper son secret. » Mais y a-t-il indice frivole, conjecture hasardée, rapprochement fortuit dans une confession bien précise, articulée en justice? En permettant de s'emparer de la correspondance du prévenu, pour s'en faire une arme contre lui, le Code pénal autorise la recherche d'un aveu tacite qui pourrait être équivoque; car on a vu des amitiés exaltées emprunter le langage de la passiou. Comment aurait-il en même temps refusé toute foi à l'aveu exprès, donnant ainsi plus de force aux inductions puisées dans une déclaration extrajudiciaire, qu'à la démonstration directe que fournit la confession judiciaire? Au lieu de prêter au législateur une pareille contradiction, n'est-il pas plus simple de s'attacher à l'intention qu'il a manifestement annoncée, de protéger le prévenu contre la malignité publique? Ne doit-on pas dès lors réserver l'exclusion de l'article 338 aux modes de preuves autres que la déclaration du prévenu lui-même, qui ne peut sérieusement se plaindre d'être condamné arbitrairement, quand il ne l'est que sur son propre aveu '? Aussi

Un excès contraire à celui dans lequel tombent ceux qui ne considèrent l'aveu que comme une preuve imparfaite, c'est l'opinion qui l'estime nécessaire, pour qu'une condamnation capitale puisse être prononcée. Spón (Histoire de Genève, année 1502) parle d'un fameux voleur, « qui toujours échappa, parce qu'on ne condamnait personne, s'il n'avouait lui-même, et qu'il résistait à toutes les tortures. » Il est peu à craindre que ce système soit remis en honneur de nos jours.

la même cour de Paris, dans un arrêt plus récent (du 13 mars 1847), a-t-elle considéré comme rentrant dans les preuves écrites. autorisées par la loi l'interrogatoire, même subi devant le juge d'instruction; et la même doctrine a été consacrée par un arrêt de rejet du 13 décembre 1851. A plus forte raison, n'y a-t-il point de doute en ce qui concerne l'aveu fait à l'audience. 302. L'aveu peut-il être rétracté en matière criminelle? La règle qui interdit cette rétractation en matière civile, à moins qu'il ne soit justifié d'une erreur de fait (C. civ. art. 1356), tient à ce que l'aveu en cette matière constitue pour la partie adverse un droit acquis. Rien de pareil dans la procédure pénale. Le juge d'instruction qui a obtenu un aveu, n'en procède pas moins à la recherche de la vérité, et rien ne l'empêche d'accueillir plus tard la rétractation, si elle lui paraît sincère et en harmonie avec les documents de l'instruction. On doit donc décider avec le Code bavarois (§ 273), que, << s'il paraît hautement probable qu'au moment de l'aveu, l'inculpé n'a pas pu ni voulu dire la vérité, la rétractation doit être admise. » (Voy. M. Mittermaier, ibid. ch. xxxvii.)

303. En ce qui touche l'indivisibilité de l'aveu, le motif principal sur lequel elle est fondée en matière civile, n'existe plus ici. On ne peut pas dire qu'il faille s'en rapporter entièrement à la bonne foi de celui contre qui on ne s'est pas procuré d'autres preuves, puisqu'il est clair qu'il n'a pas ordinairement dépendu du ministère public de constater l'infraction par un acte en bonne forme. Nulle obligation dès lors d'accepter dans son entier l'aveu que les interprètes appellent aveu qualifié, c'est-à-dire dans lequel l'accusé modifie sa déclaration par l'addition de circonstances qui font disparaître, ou du moins qui atténuent sa culpabilité. Un arrêt de rejet du 23 juin 1837 reconnaît, en conséquence, au juge un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la vraisemblance des circonstances ainsi ajoutées à l'aveu. Mais, pour que

la confession du fait principal soit acquise au ministère public, il faut que ce fait se détache bien des accessoires sur lesquels porte la controverse. Ainsi, celui qui reconnaît avoir commis un meurtre, et qui ajoute qu'il ne l'a commis que dans un cas de nécessité, peut être condamné comme meurtrier, si cette nécessité n'est pas justifiée. Il en serait autrement si la restriction portait sur les circonstances constitutives du délit, ou sur les circonstances aggravantes. Ainsi, on ne pourrait condamner pour viol celui qui avouerait seulement des actes préparatoires, tels que des attouchements déshonnêtes; pour meurtre, celui qui avouerait seulement avoir blessé, etc. L'aveu ainsi qualifié n'est qu'un aveu partiel, que l'accusation est obligée de compléter, en faisant la preuve des circonstances qui n'y sont pas comprises; car, s'il peut être permis de le diviser, il est toujours impossible d'y rien ajouter (voy. sur ce point les judicieuses observations de M. Mittermaier, ibid. ch. xxxvI ).

304. Quant à la spontanéité de l'aveu, elle se rattache précisément à la question de forme, à la procédure, que nous allons aborder maintenant.

DEUXIÈME SECTION.

PROVOCATION DE L'AVEU.

305. L'aveu a une si haute importance qu'on ne doit pas attendre qu'il se produise de lui-même, ce qui sera toujours assez rare, mais bien chercher à l'amener, en interrogeant la partie. Rien de plus légitime que cet interrogatoire. Dans le type le plus simple de l'administration de la justice, dans la procédure domestique, n'est-ce pas au moyen de questions adressées aux personnes à qui tel ou tel fait est imputé, qu'on arrive souvent à la découverte de la vérité? En matière civile, deux voies peuvent être employées pour provoquer l'aveu : l'une secrète et embarrassée de

prescriptions plus nuisibles qu'utiles, l'interrogatoire sur faits et articles; l'autre publique et dégagée de formes arbitraires, la comparution des parties. En matière criminelle, l'interrogatoire n'est pas tantôt secret, tantôt public, au choix du juge. Les deux modes sont employés successivement dans les diverses phases de l'instruction, ainsi que nous avons vu qu'on le faisait pour l'audition des témoins.

PREMIÈRE DIVISION.

Provocation de l'aveu en matière civile.

306. A Athènes, il était d'usage que les plaideurs, au commencement du litige, s'adressassent, soit extrajudiciairement, soit devant un arbitre, des propositions tendant à simplifier le procès et à en accélérer la solution. Elles avaient lieu en présence de témoins, et elles étaient rédigées par écrit, afin que l'auteur de la proposition pût tirer des inductions favorables au soutien de sa cause, soit de la réponse de l'adversaire, soit de son refus de répondre. Chacune des parties pouvait également interpeller l'autre devant le magistrat chargé de la délivrance de l'action (voy. M. Cauvet, Organisation judiciaire chez les Athéniens, Revue de législation, t. XV, p. 296 et 297). A Rome, les plaideurs étaient toujours interrogés publiquement en présence l'un de l'autre, soit que l'interrogation eût lieu in jure, devant le magistrat, pour éclaircir à l'avance le point litigieux, soit qu'elle eût lieu in judicio, devant le juge, qui était spécialement chargé de recueillir la preuve des faits. La provocation de l'aveu n'était pas alors un incident, mais ressortait de la marche même de l'instance. Les parties, se trouvant toutes deux vis-à-vis du juge, étaient appelées naturellement à donner des renseignements sur les circonstances qu'il s'agissait de vérifier. Il en était de même autrefois chez nous. Les procureurs n'étaient que des mandataires volontairement choisis

par les parties, et même, dans l'origine, il fallait obtenir du roi, moyennant six sous parisis, la faculté de plaider par procureur; d'où l'ancienne maxime : nul, excepté le roi, ne plaide par procureur, maxime qui n'est plus qu'un non-sens dans notre système judiciaire (voy. nos Éléments d'organisation judiciaire, t. I, n° 299 et 519). En 1528, François Ier permit à toute personne de plaider par procureur sans lettre de grâce1. A mesure que la procédure avait revêtu un caractère plus technique, les actes écrits s'étaient substitués aux éclaircissements oraux; la comparution des parties était devenue exceptionnelle, et lorsque l'ordonnance de 1620, en instituant des procureurs à titre d'office dans la plupart des juridictions, rendit leur ministère obligatoire, elle ne fit que sanctionner ce qui avait lieu dans la pratique. Toutefois nos plus anciennes ordonnances, pour suppléer en quelque sorte à la présence des plaideurs, voulaient que leur foi fût engagée dans le litige. Enchérissant sur le serment de calumnia imposé par Justinien (1. 2, Cod. de jurej. propt. calumn.) au demandeur et au défendeur, et maintenu par le droit canonique, une ordonnance rendue par Louis XII en 1499 était ainsi conçue (art. 16): « Item ordonnons qu'après que le demandeur aura posé et affirmé par serment aux saints évangiles qu'il croit le contenu en sa demande et écri

En Angleterre, il a été permis, dès l'époque d'Édouard Ier, de plaider par procureur, sans lettres patentes du roi. Mais le ministère des hommes de loi n'a jamais été obligatoire; il est vrai que la complication de la procédure anglaise ne permet guère de se priver de leur secours.

2 En Prusse, un édit royal de 4793 avait écarté les avocats et les avoués, pour établir une procédure inquisitoriale, où le juge recherchait d'office la vérité, même en matière civile, les parties n'étant assistées que de commissaires de justice, sorte de ministère public. Cette marche, bien différente de celle que l'on suivait à Rome, s'en rapprochait en ce point que la comparution personnelle y était de droit. Aujourd'hui les lois de 4833 et de 1846 ont rétabli, en se rapprochant du droit commun allemand, la procédure réquisitoriale, où les parties peuvent se faire assister de défenseurs, et diriger elles-mêmes le procès (voy. les articles de M. Bergson sur la nouvelle législation de la Prusse, Revue de droit français et étranger, année 1847).

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