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d'une proposition simple en apparence, peut se rencontrer dans une proposition affirmative, telle que celle-ci : J'ai toujours porté au doigt telle bague.

40. En résumé, toute preuve d'une négative, si elle mérite le nom de preuve, suppose l'affirmation de certains faits. Ou bien ces faits sont des faits précis, directement opposés à ceux que peut invoquer l'adversaire, ce qui arrive toujours dans les négatives de droit ou de qualité; alors la négative est génératrice, elle conduit à une affirmation positive, palpable. Ou bien, ce qui arrive souvent dans la négative de fait, les faits invoqués à l'appui de la négative sont indéfinis; et alors il est vrai que la preuve sera difficile, quelquefois même moralement impossible, mais il en serait de même d'une proposition affirmative composée des mêmes éléments: non quia negativa, sed quia indefinita.

DEUXIÈME POINT.

Le fardeau de la preuve doit-il incomber dans tous les cas à celui qui affirme ?

41. Le système qui veut substituer à la maxime, que c'est au demandeur à prouver, celle que la preuve incombe, dans tous les cas, à celui qui affirme, et jamais à celui qui nie, peut se fonder sur certaines considérations abstraites et sur l'autorité de certains textes du droit romain. Essayons d'apprécier la portée des arguments qu'il emprunte à ces deux ordres d'idées.

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42. D'abord on se place sur le terrain de la logique, et on dit la preuve d'un fait négatif est à peu près impossible à administrer; celle d'une proposition affirmative est très-facile. La justice doit choisir la voie qui la conduit sûrement au but, plutôt que celle qui n'aboutit qu'à une impasse. Il est aussi conforme à la raison qu'à l'utilité pratique de toujours imposer la preuve à celui qui affirme plutôt qu'à celui qui nie. Nous avons déjà détruit la base de cette argumentation, en établissant que la preuve d'une négative est très

praticable. Mais allons plus loin; tenons pour non avenu ce que nous croyons avoir démontré jusqu'à l'évidence, que toute négative sérieuse se résout en affirmative, et retombe, par cela même, dans le domaine de la preuve; admettons un instant que l'on ne puisse prouver qu'une proposition affirmative en la forme: le système opposé obtiendra-t-il pour cela gain de cause? Nullement. La maxime que nul n'est tenu à l'impossible est parfaitement applicable quand il s'agit d'une obligation légale, que nous subissons sans aucune participation de notre volonté. Mais ne perdons pas de vue la règle fondamentale de cette matière, posée par l'article 1315 du Code civil. Celui qui réclame quelque chose en justice, veut innover, puisqu'il attaque, ou bien la possession positive de son adversaire, s'il s'agit d'un droit réel, ou bien, en matière personnelle, cette sorte de possession de sa liberté où se trouve placé tout homme dont l'assujettissement envers autrui n'est pas constaté. C'est à lui à justifier son assertion, puisque rien ne se présume en dehors des présomptions établies par la loi. Sur quoi s'appuie-t-il pour rejeter le fardeau de la preuve sur l'adversaire? Sur ce qu'il lui est impossible de prouver ce qu'il soutient? Mais alors pourquoi vientil entretenir la justice de sa réclamation? Comment! il reconnaît en principe que c'est à lui à établir son droit, et parce qu'il ne saurait y parvenir, il voudrait imposer le rôle actif dans la procédure à l'autre partie, qui ne réclame que le maintien du statu quo! A ce compte, les propositions les plus insoutenables seraient les plus commodes à alléguer, puisque l'impossibilité même de les prouver mettrait la preuve du contraire à la charge du défendeur! Il faut vraiment toute la force des traditions et de la routine pour que l'on puisse concevoir que de pareils arguments aient fait quelque impression sur des esprits sérieux.

45. Insoutenable aux yeux de la raison, le système qui dispense le demandeur de prouver une négative,

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est-il au moins fondé à invoquer l'autorité des jurisconsultes romains? Il a été, dit-on, formulé par Paul, dans la loi 2, ff. de probat. : Ei incumbit probatio qui dicit, non qui negat. Mais d'abord, les prétendues règles de droit, posées par Tribonien, ne sont souvent que des observations isolées des anciens jurisconsultes, auxquelles on prête une portée exagérée, en les détachant de ce qui précède et de ce qui suit. Et même, en prenant le texte de Paul pour général, il ne signifie pas nécessairement que le demandeur n'est tenu de prouver qu'en tant qu'il énonce une proposition affirmative. Il peut vouloir dire simplement que la preuve incombe à celui qui émet une proposition, et non pas à celui qui se contente de la dénier ce qui rentrerait dans la règle générale, qui impose la charge de la preuve à quiconque, soit dans la demande, soit dans la défense, allègue un fait nouveau. Et cette interprétation est d'autant plus fondée que tel est le sens manifeste d'un autre texte invoqué à contre-sens par l'opinion vulgaire. Qui n'a entendu répéter cet adage: Factum negantis probatio nulla est, comme expression de l'impossibilité de prouver une négative? Eh bien ! cet adage se retrouve, en effet, dans le Corpus juris, mais avec un tout autre sens que celui qu'on lui prête communément. Un rescrit de Dioclétien et de Maximien, qui forme la loi 23, au Code, de probationibus, est ainsi conçu: « Actor, quod adseverat probare « se non posse profitendo, reum necessitate monstrandi «< contrarium non adstringit, quum per rerum naturam « factum negantis probatio nulla sit. » S'agit-il ici d'un fait négatif, dont le demandeur rejetterait la preuve sur la partie adverse? pas le moins du monde. Le rescrit a pour but, au contraire, de protéger le défendeur contre les prétentions d'un demandeur qui, désespérant de prouver, voulait en imposer l'obligation à l'adversaire. Et quel est le motif de cette décision? C'est que celui qui se borne à dénier les allégations produites contre lui n'a rien à prouver. Les empereurs décident donc que c'est au de

mandeur à faire la preuve, quelque difficile qu'elle soit. Ainsi, bien loin d'adopter le système qui autorise l'intervention des rôles, ils consacrent de la manière la plus formelle le principe qui oblige le demandeur à justifier de son droit. Factum negantis probatio nulla est signifie évidemment ici qu'on n'est pas tenu de prouver, quand on se renferme dans une simple dénégation. Or, quand est-il permis de se renfermer dans une simple dénégation? Quand on se tient sur la défensive, c'est-à-dire quand on est défendeur, soit à la demande, soit à l'exception. C'est probablement aussi tout ce que voulait dire le texte de Paul: Onus probandi incumbit ei qui dicit, non qui negat.

Il est vrai qu'il y avait un cas à Rome où celui qui aurait dû prouver une négative, était autorisé à rejeter la preuve sur l'adversaire. C'était celui où, poursuivi en vertu d'un écrit ou d'une stipulation d'où naissait directement l'obligation de payer une certaine somme, le défendeur invoquait l'exception non numeratæ pecuniæ. Bien que le défendeur par cette exception se constituât demandeur, il avait droit d'exiger du prétendu créancier la preuve de la numération des espèces. Mais c'est là une décision toute spéciale, tout exceptionnelle, qui tient à deux causes en premier lieu, à la fréquence de ce genre de fraude à Rome, fréquence attestée par le grand nombre de textes qui en font mention; en second lieu, à la tendance de la jurisprudence romaine à se dégager des formes rigoureuses de la stipulation et de l'obligation littérale (voy. Explication historique des Instituts, par M. Ortolan, au titre de litterarum obligatione). Ces deux motifs sont tout à fait inapplicables aujourd'hui. Aussi cette doctrine a-t-elle été depuis longtemps rejetée en France: « Exception d'argent non « nombré n'a point de lieu, dit Loisel.» (Inst. cout., livre V, titre 11, § 6.) Du reste, ce cas était le seul où l'on intervertît à Rome les principes de la preuve. La règle qui la met dans tous les cas à la charge du de

mandeur se trouve nettement formulée par Africain dans la loi 15, ff. de op. nov. nuntiat. Après avoir supposé que la partie actionnée refuse de se défendre, soit dans une action confessoire, soit dans une action négatoire, le jurisconsulte dit, sans distinguer : « Hac«tenus is, qui rem non defenderet, punietur, ut jure << suo probare necesse haberet : id enim esse, petitoris << partes sustinere. » Ainsi, soit qu'il s'agisse d'une affirmation, soit qu'il s'agisse d'une négation, on force la partie qui ne vient pas se défendre, à jouer le rôle de demanderesse, c'est-à-dire à prouver. Le demandeur doit donc faire la preuve, même dans une action négatoire '.

44. Mais comment établir qu'il n'existe pas de servitude sur le fonds que je possède? C'est là une négative indéfinie, qui échappe à la démonstration. Dans des espèces semblables, il est un tempérament adopté par les partisans de la doctrine que nous soutenons ici; tempérament qui consiste à obliger le défendeur, non pas à prouver son droit, mais à alléguer le titre auquel il le rattache, par exemple une donation, un testament. La question se trouvera alors placée sur un terrain positif, et il sera possible au demandeur d'établir que ce titre n'existe pas. S'il n'y réussit pas, il sera débouté de sa prétention. Si, au contraire, il y réussit, la présomption sera en sa faveur, et ce sera au défendeur, qui aura succombé une première fois, à justifier, s'il le peut, de l'existence d'un autre titre. Ce tempérament n'est pas seulement une affaire de pratique; il est parfaitement conforme aux principes que nous avons posés dans la première partie de cet article. Nous avons reconnu que, dans le cas où une proposi

« Attendu, dit l'arrêt du 21 novembre 1826, cité plus haut, que l'impossibilité même de prouver ne dénature point les qualités des parties, et ne fait pas tomber sur le défendeur l'obligation d'une preuve, qui, formant la base de la demande, est essentiellement à la charge du demandeur: « Frustra veremini, me ab eo, qui lite pulsatur, probatio exi«gatur.» (Loi 8 du Code, de probat.)

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