Sivut kuvina
PDF
ePub

nullement entendu déroger aux règles du Code civil: « Cette disposition, » dit l'exposé des motifs au corps. législatif, «< ne saurait détruire ou changer l'article 1363 du Code Napoléon, qui porte que, lorsque le serment déféré ou référé aura été fait, l'adversaire n'est pas recevable à en prouver la fausseté..... Tel n'est pas et ne saurait être le but et le sens de la disposition qui vous est proposée; elle n'ouvre aucune nouvelle action au condamné; le Code Napoléon a irrévocablement réglé tout ce qui était relatif aux intérêts privés et à la partie civile; c'est le ministère public qui pourra, dans le seul intérêt de la société, poursuivre le parjure. » En présence d'une déclaration aussi formelle, il est difficile de ne pas reconnaître que l'article 1363 du Code civil domine toutes les juridictions, et qu'on n'a voulu laisser aucun moyen direct ou indirect de revenir sur le serment offert à l'adversaire.

357. On se demande toutefois si le ministère public, seul recevable, d'après l'intention du législateur, à poursuivre le parjure devant la cour d'assises, pourra prouver la fausseté du serment, en établissant par tous les moyens possibles que l'allégation appuyée par ce serment était mensongère, lors même qu'il s'agirait d'une valeur de plus de cent cinquante francs. Pour soutenir la négative, on se fonde sur ce principe, aujourd'hui constant en jurisprudence, et qui nous a paru parfaitement exact, que les règles les règles sur la preuve, telles qu'elles sont posées par le Code civil, sont applicables à toutes les juridictions. Dès lors, a-t-on dit, une créance d'une valeur supérieure au taux légal, qui n'est prouvée que par témoins, n'est pas légalement prouvée. Le ministère public ne saurait établir le parjure à l'aide de preuves réputées insuffisantes. Ces considérations seraient décisives, si l'action du ministère public devait ici, comme en toute autre matière, avoir de l'influence sur les intérêts civils. Et c'était dans cette pensée que la commission du corps législatif de

mandait la suppression de l'article 366 du Code pénal, comme offrant à la partie civile un moyen indirect d'éluder les lois sur la preuve testimoniale. Mais on a répondu à cette objection, ainsi qu'à celle tirée de l'article 1363 du Code civil, en faisant remarquer que l'action était attribuée exclusivement au ministère public. « On ne saurait non plus,» dit l'exposé des motifs, << abuser de cette disposition, pour éluder l'article 1344 du Code Napoléon, qui prohibe toute preuve par témoins de toutes choses excédant la somme ou valeur de cent cinquante francs, pour faire recevoir à l'appui d'une accusation criminelle une preuve irrecevable devant les tribunaux civils, et faire ainsi revivre, sous une autre forme, une action justement éteinte ou prescrite.... C'est le ministère public qui pourra, dans le seul intérêt de la société, poursuivre le parjure: celui qui aura fait un faux serment, pour s'affranchir d'une dette contractée, mais dont la preuve n'aurait pas été présentée ou admise devant les tribunaux civils, ne jouira pas en paix du fruit de son imposture; elle sera dévoilée au grand jour de la justice criminelle. »> Il semble résulter bien clairement de ces paroles qu'on n'a vu d'inconvénient à laisser toute latitude à la preuve du parjure, qu'en tant qu'il s'agirait de la partie civile; mais qu'une fois la partie civile mise hors de cause, il n'y a plus de motifs suffisants pour astreindre le ministère public à tel mode de justification; car l'exposé prévoit même le cas où la preuve n'aurait pas été admise devant les tribunaux civils, ce qui fait allusion aux prohibitions légales; et l'on veut que même alors le parjure ne demeure pas impuni. Cette doctrine se conçoit, du reste, dans la position tout exceptionnelle où l'on se trouve placé ici. En effet, l'un des principaux motifs des restrictions apportées à l'emploi de la preuve testimoniale, le danger de la corruption des témoins, disparaît complétement dans une affaire où l'action publique est seule en jeu. Reste l'in

certitude de la preuve testimoniale; mais cette incertitude existe également dans les circonstances où la nécessité oblige à admettre cette preuve. N'y a-t-il pas d'ailleurs pour le ministère public impossibilité morale de se procurer un commencement de preuve par écrit, dans un procès où il n'y a pas de partie civile? La cour de cassation s'était d'abord prononcée contre l'admission de la preuve testimoniale; puis elle est revenue sur sa première jurisprudence par un arrêt de rejet du 21 août 1834; en dernier lieu, elle a décidé, par plusieurs arrêts de cassation, à partir du 16 août 1844, que lorsqu'il s'agit d'une stipulation contractuelle dont l'objet excède la valeur de cent cinquante francs, le ministère public ne peut poursuivre le parjure, s'il n'a au moins un commencement de preuve par écrit de cette stipulation. La cour s'est fondée sur cette doctrine « qu'à l'égard des faits civils, la loi qui détermine le genre de preuve qui peut être admis étend son empire sur la procédure criminelle comme sur la procédure civile; qu'elle doit être respectée et observée par les juges criminels, même dans le cas où le fait régi par la loi civile, se liant par des rapports nécessaires et absolus au fait puni par la loi criminelle, la preuve du fait criminel ne peut être établie que par celle du fait civil, et doit en être la conséquence. » Cette doctrine est celle que nous avons toujours professée en théorie générale, et c'est une grave erreur que de soutenir avec la cour de Limoges (dans les considérants de l'arrêt contre lequel le pourvoi a été rejeté en 1834) « que la loi a tracé pour la formation des preuves en matière civile et en matière criminelle des règles distinctes qu'il importe de ne pas confondre. » Mais, en adhérant avec la conviction la plus entière au système général de la cour de cassation, nous croyons qu'elle va trop loin, en refusant de s'en écarter dans une hypothèse tout exceptionnelle, où les motifs de suspicion ne sont plus invoquables, puisque les intérêts civils ne sau

raient, directement ou indirectement, bénéficier de la décision rendue par les juges criminels.

§ 4. Refus de prêter ou de référer le serment.

358. Celui à qui le serment est déféré a le choix, ou de le prêter, ou de le référer à l'autre partie, qui ne peut se plaindre de se trouver dans la position où elle voulait mettre son adversaire. Mais, de même qu'on ne peut déférer le serment sur un fait qui n'est pas personnel à la partie qui le défère, il n'est pas permis à cette partie de le référer, quand le fait dont il s'agit lui est purement personnel (C. civ. art. 1362). Ainsi, le successible poursuivi par un créancier pour détournement d'effets de la succession, et à qui celui-ci déférerait le serment, ne serait pas reçu à le référer. Cette exception à la faculté générale de référer le serment, n'est pas la seule. Lorsque la partie interpellée de jurer est un incapable, tel qu'un mineur, qui peut faire sa condition meilleure, mais non l'empirer, cet incapable peut bien prêter lui-même le serment, qui tend à le libérer; mais il ne lui est pas permis de le référer, ce qui compromettrait singulièrement ses intérêts.

Quant au serment extrajudiciaire, nous avons vu que la délation de ce serment n'a rien d'obligatoire; il est évident qu'il doit en être de même du serment référé extrajudiciairement. Si ce serment est prêté, il en résultera une transaction, mais on ne pourra être condamné pour avoir refusé de le prêter.

(

359. Quand le serment est déféré en justice et à une personne capable, si elle refuse de le prêter ou de le référer, il y a de sa part aveu tacite; elle doit succomber dans sa demande ou dans sa défense (C. civ. art. 1361). Manifesta turpitudinis et confessionis est, nolle nec jurare, nec jusjurandum referre. (Paul., 1. 38, ff. de jurej.) Il est bien entendu cependant que cet aveu tacite n'est admissible que là où l'aveu exprès peut l'être. Ainsi, l'incapable ne pourra pas plus se

nuire en gardant le silence qu'en déférant ou en référant le serment. De même, le silence d'un coobligé ne pourra compromettre les autres obligés qu'autant qu'il aurait mandat exprès ou tacite de les représenter. Il faut se référer ici aux principes que nous établirons plus tard sur l'autorité de la chose jugée.

DEUXIÈME SECTION.

REJET DU SERMENT DÉCISOIRE EN MATIÈRE CRIMINELLE.

360. Si le serment décisoire suppose une transaction, ce serment n'est dès lors admissible, ainsi que nous l'avons reconnu, que dans les matières sur lesquelles il est permis aux parties de transiger. On ne peut donc en concevoir l'emploi au criminel que sous l'empire des législations qui laissent l'accusation entre les mains des particuliers. Dans l'antiquité, où ce système était en pleine vigueur, le serment paraît, en effet, avoir été souvent employé pour décider du résultat d'un procès criminel. A Athènes, les plaidoiries de Démosthènes offrent plus d'un exemple de cette pratique, qui paraît si singulière dans nos mœurs'. A Rome, Quintilien, qui s'occupe presque exclusivement dans ses Institutes oratoires des affaires criminelles, présente la délation du serment (liv. V, chap. vi) comme une mesure dangereuse et réprouvée par les vieux praticiens; mais, par cela même qu'il avertit d'en user avec une extrême sobriété, il est facile de voir qu'il la considère comme parfaitement admissible.

Chez les modernes, l'emploi du serment décisoire au criminel paraît avoir été promptement abandonné. D'abord, partout où le système inquisitorial a prévalu, la faculté de transiger sur les accusations, faculté sur

'C'est ainsi que l'orateur athénien déclare, dans un de ses plaidoyers (in Aphob. III, § 16), qu'il avait offert de s'en rapporter au serment que l'accusé prêterait sur la tête de sa fille; mais que celui-ci n'a voulu ni prêter ni référer le serment.

« EdellinenJatka »