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laquelle repose la délation de ce serment, a été abolie. Et même dans les pays qui, comme l'Angleterre, ont conservé le système des accusations privées, on n'admet guère dans la pratique cette conséquence extrême, devant laquelle l'antiquité n'avait pas reculé. On n'y voit plus, comme à Athènes et à Rome, l'accusateur et l'accusé se provoquer respectivement au serment. Le bon sens du jury se refuse à faire dépendre d'un mode de preuve aussi dangereux le sort d'une accusation capitale. On peut donc considérer le serment décisoire comme ayant complétement disparu chez les peuples modernes en matière criminelle.

TROISIÈME MODE DE PREUVE ORALE.

DÉCLARATION DU DEMANDEUR.

361. Autant il est naturel de s'en rapporter au témoignage de tiers désintéressés dans le litige, ou à l'aveu du défendeur lui-même, autant il paraît étrange de s'en rapporter à l'affirmation du demandeur, ainsi appelé à se donner gain de cause par son propre témoignage. Lorsque certaines législations barbares, sous l'influence d'un sentiment exagéré de la moralité humaine, ont permis de s'en rapporter en toute matière à la déclaration du demandeur, cette faculté a donné naissance à d'énormes abus. C'est ainsi que, chez les Lombards, dans l'origine, il suffisait à celui qui présentait la charte d'un héritage, s'il s'élevait quelque contestation, de jurer sur les Évangiles la vérité de cette charte, et sans aucun jugement préalable, il se rendait maître de l'héritage. Ainsi, les parjures étaient sûrs d'acquérir (voy. loi des Lombards, liv. II, tit. 55, chap. XXXIV). La réaction qui eut lieu dans l'opinion contre ces scandales', paraît même avoir puissamment contribué à propager l'usage du combat judiciaire.

«<<

<< Ab Italiæ proceribus est proclamatum, ut imperator sanctus, mu<< tata lege, facinus indignum destrueret. » (Loi des Lomb. ibid.)

362. Aujourd'hui la déclaration du demandeur, sans avoir une autorité aussi exorbitante, est encore assez fréquemment invoquée, du moins en droit civil, et nous verrons que ce mode de preuve, souvent attaqué à juste titre, est, dans certaines hypothèses, justifiable, quelquefois même nécessaire.

Une distinction importante domine la matière. Tantôt c'est la loi qui désigne exclusivement l'une des parties, habituellement le demandeur, pour trancher le débat par sa déclaration; tantôt on laisse au juge la faculté de s'en rapporter à la déclaration de l'une ou de l'autre des parties, à son choix, et c'est alors qu'intervient le serment supplétif, dont nous nous occuperons en dernier lieu.

PREMIÈRE SECTION.

CAS OU LA LOI ATTACHE UNE FOI EXCLUSIVE A LA DÉCLARATION DE L'UNE DES PARTIES.

363. Deux sortes de motifs ont pu déterminer la loi à s'en rapporter uniquement, pour certaines questions, à la déclaration de l'une des parties, et même ordinairement du demandeur1. Quelquefois c'est la qualité de la personne qui la fait juger digne de confiance; d'autres fois la position toute particulière du demandeur fait que lui seul est à même de donner des renseignements sur le fait en litige.

364. La qualité de la personne a déterminé le législateur à s'en rapporter exclusivement à l'une des parties, lorsqu'il veut que le locateur en soit cru sur son serment, au cas de contestation sur le prix d'un bail verbal dont l'exécution est commencée (no 136), au cas où il n'existe point de quittance (C. civ. art. 1716). Cette disposition est tempérée par la faculté accordée

Il est bien entendu que nous appelons ici demandeur celui à qui incombe la preuve du fait à l'appui duquel sa propre déclaration est invoquée, quand même sa prétention viendrait se présenter incidemment dans une procédure où il serait défendeur.

au locataire de demander l'estimation par experts, sauf à supporter les frais de l'expertise, si l'estimation excède le prix par lui déclaré (même art.). Elle n'a point été l'objet de critiques sérieuses comme contraire à l'égalité démocratique, car il arrive fréquemment dans le bail à loyer que la position sociale du locataire est plus élevée que celle du locateur.

365. Il n'en est pas de même de l'article 1781 du Code civil, aux termes duquel, en ce qui touche le louage des domestiques et ouvriers, le maître en est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le payement du salaire de l'année échue, et pour les à compte donnés pour l'année courante lorsque le domestique ne produit point d'écrit. Cet article, empreint d'un esprit peu démocratique, semble une réminiscence du vieil adage coutumier en grande pauvreté n'y a pas grande loyauté. L'expression même de maître a quelque sorte de malsonnant pour des oreilles républicaines. Aussi l'abrogation de cet article a-t-elle été vivement sollicitée depuis la révolution de 1848. La proposition de modifier le Code civil en cette matière a été prise en considération par le pouvoir législatif, mais on n'a pu s'entendre sur le meilleur système à adopter pour remplacer l'article 1781. Dans la dernière discussion sur ce point, à la séance du 9 mai 1851 (Monit. du 10 mai), on a reconnu qu'il était impossible de revenir au droit commun, sans autoriser, dans les cas très-fréquents où la valeur du litige n'excède pas cent cinquante francs, une foule de petites enquêtes ; ce qui est contraire, soit à l'esprit de notre législation, soit même à l'égalité bien entendue, puisque le maître ne pourrait faire entendre pour témoins d'autres domestiques (C. de proc. art. 283), tandis que les domestiques pourraient se prêter respectivement témoignage. Fallait-il dès lors introduire pour les domestiques et pour les ouvriers des campagnes le livret, au moins facultatif? Cette institution, qui, pour les ouvriers proprement dits, donne

déjà lieu à de graves difficultés, eût eu peu de succès surtout dans les campagnes, où souvent aucune des parties ne sait écrire. Une idée beaucoup plus simple, admise à l'unanimité par le comité de législation de l'assemblée constituante en 1848, consistait à permettre au juge de déférer le serment à celle des parties qu'il estimerait le plus digne de foi, ainsi que cela se pratique en matière de contestations commerciales. Le motif qui a fait repousser cette idée en 1851, et maintenir le statu quo, c'est la crainte que, suivant l'esprit des localités, le serment ne soit systématiquement déféré, tantôt à l'ouvrier, tantôt au maître. Cette supposition nous paraît injurieuse pour la magistrature; et nous pensons qu'il eût mieux valu lui laisser un pouvoir discrétionnaire, dont il n'est pas à croire qu'elle eût abusé au profit des domestiques.

Quoi qu'il en soit, pour en revenir à la loi existante, il est à remarquer qu'elle suppose le maître tantôt défendeur, tantôt demandeur. Il est défendeur', lorsqu'il s'agit de la quotité des gages qu'on réclame contre lui; il est demandeur, au contraire, en vertu de la règle reus excipiendo fit actor, lorsque, la quotité des gages une fois prouvée, il allègue à son tour un payement total ou partiel. Dans l'une et l'autre hypothèse, son affirmation fait foi. Mais que faut-il entendre par cette affirmation? Quelques-uns pensent qu'il suffit de la simple déclaration du maître, la loi n'ayant pas exigé le serment, comme elle l'a fait expressément, lorsqu'il s'agit du louage des choses (ibid. art. 1716). Mais le mot affirmation se prend souvent dans le sens de déclaration assermentée; et c'est ainsi notamment que s'entend l'affirmation qui vient sanctionner la vérification des

Il est rare que la loi s'en rapporte à la déclaration du défendeur, assez protégé par sa position, qui lui assure gain de cause, par cela seul qu'il y a doute. Mais ici on a voulu, pour tarir la source des procès, empêcher que le domestique ne pût invoquer la preuve testimoniale, même pour les valeurs qui n'excéderaient pas cent cinquante francs.

créances, en matière de faillite (C. de comm. art. 497). Et en laissant de côté la difficulté grammaticale, pour aborder la question au fond, y a-t-il quelque motif raisonnable pour refuser au domestique toutes les garanties désirables de la sincérité d'une déclaration qu'il est obligé d'accepter? Si la loi oblige le bailleur d'un héritage à prêter serment, bien que le preneur ait la faculté d'administrer la preuve contraire au moyen d'une expertise (même art. 1716), le domestique, auquel cette ressource a été réfusée, vis-à-vis duquel l'affirmation du maître est péremptoire, doit, à plus forte raison, être autorisé à faire un appel solennel à la conscience de son adversaire.

Au surplus, la foi accordée ainsi au maître repose sur des relations purement personnelles. Si donc il vient à mourir, on pourra peut-être s'en rapporter à la déclaration de la veuve et des enfants habitant avec lui; mais il sera certainement impossible d'attribuer la même prérogative aux héritiers étrangers, vis-à-vis desquels le domestique restera dans les termes du droit commun, qui autorise la preuve testimoniale de la créance, si elle ne dépasse pas cent cinquante francs, et qui oblige le défendeur à justifier des payements par lui allégués. Ce qui est moins douteux, c'est que l'article 1781 du Code civil doit être strictement borné à ce qui concerne les gages seul point pour lequel le domestique est censé avoir suivi la foi du maître. Pour tout le reste, et par exemple, s'il réclamait des effets personnels, on ne saurait lui refuser le droit de faire la preuve d'après les règles ordinaires.

366. On peut encore citer comme motivée par la qualité de la personne la disposition du Code de procédure (art. 133), qui autorise l'avoué de la partie gagnante à réclamer la distraction des dépens à son profit, en affirmant qu'il a fait la plus grande partie des avances. La position de l'officier ministériel ne permet pas de supposer qu'il veuille compromettre son

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