Sivut kuvina
PDF
ePub

extérieurs, et la rend distincte. La voix d'un acteur que vous entendez confusément, devient distincte, lorsque vous lisez ce qu'il récite. La vue des caractères rappelle les traces des sons qui leur répondent; et ces traces se mêlant aux sons confus de la voix, les font distinguer. La peur transforme souvent de cette manière, les objets qu'une trop faible lumière ne fait pas reconnaître, en objets effrayans qui ont avec eux, ́de l'analogie. L'image de ces derniers objets, fortement retracée dans le sensoriom par la crainte, se rend propre l'impression des objets extérieurs. Il est important de se garantir de cette cause d'illusion, dans les conséquences que l'on tire d'observations de choses qui ne font qu'une impression très légère telles sont les observations de la dégradation de la lumière à la surface des planètes et des satellites, d'où l'on a conclu l'existence et l'intensité de leurs atmosphères, et leurs mouvemens de rotation. Il est souvent à craindre que des images intérieures ne s'assimilent ces impressions et le penchant qui nous porte à croire à l'existence des choses que représentent les impressions reçues par les sens.

Ce penchant remarquable, tient à un caractère particulier qui distingue les impressions venant

du dehors, des traces produites par l'imagination, ou rappelées par la mémoire. Mais il arrive quelquefois par un désordre du sensorium ou des organes qui agissent sur lui, que ces traces ont le caractère et la vivacité des impressions extérieures: alors, on juge présens, leurs objets; on est visionnaire. Le calme et les ténèbres de la nuit, favorisent ces illusions qui dans le sommeil sont complètes et forment les rêves dont on aura une juste idée, si l'on conçoit que les traces des objets qui se présentent à notre imagination dans l'obscurité, acquièrent une grande intensité pendant le sommeil.

Tout porte à croire que dans les somnambules, quelques-uns des sens ne sont pas complètement endormis. Si le sens du toucher, par exemple, reste encore un peu sensible au contact des objets extérieurs; les impressions faibles qu'il en reçoit, transmises au sensorium, peuvent en se combinant avec les images du rêve d'un somnambule, les modifier, et diriger ses mouvemens. En examinant d'après cette considération, les récits bien avérés des choses singulières opérées par les somnambules, il m'a paru que l'on pouvait en donner une explication fort simple.

Quelquefois les visionnaires croient entendre parler les personnages qu'ils se figurent, et ils ont

avec eux une conversation suivie : les ouvrages des médecins sont remplis de faits de ce genre.

Bonnet cite comme l'ayant souvent observé, son aïeul maternel, « vieillard, dit-il, plein » de santé, qui indépendamment de toute >> impression du dehors, aperçoit de temps >> en temps devant lui, des figures d'hommes, » de femmes, d'oiseaux, de voitures, de bâti» mens, etc. Il voit ces figures se donner dif>>férens mouvemens, s'approcher, s'éloigner, >> fuir, diminuer et augmenter de grandeur, >> paraître, disparaître, reparaître. Il voit les » bâtimens s'élever sous ses yeux, etc. Mais il » ne prend point ses visions pour des réalités : >> sa raison s'en amuse. Il ignore d'un mo»ment à l'autre, quelle vision, va s'offrir à » lui. Son cerveau est un théâtre qui exécute » des scènes d'autant plus surprenantes pour » le spectateur, qu'il ne les a point prévues. » En lisant l'histoire de Jeanne d'Arc, on est forcé de reconnaître une visionnaire de bonne foi, dans cette fille admirable dont l'exaltation courageuse contribua si puissamment à délivrer la France, de ses ennemis. Il est vraisemblable que plusieurs de ceux qui se sont annoncés comme ayant reçu leurs doctrines d'un être surnaturel, étaient visionnaires : ils ont d'autant

mieux persuadé les autres, qu'ils étaient euxmêmes persuadés. Les fraudes pieuses et les moyens violens dont ensuite, ils ont fait usage, leur ont paru justifiés par l'intention de propager ce qu'ils jugeaient être des vérités nécessaires aux hommes.

Un caractère particulier distingue des produits de l'imagination, les traces rappelées par la mémoire, et qui sont dues aux impressions des objets extérieurs. Il nous porte, comme par instinct, à reconnaître l'existence passée de ces objets, dans l'ordre que la mémoire nous présente. Les expériences que nous faisons à chaque instant, de la vérité des conséquences que nous en tirons pour nous conduire, fortifient ce penchant. Quel est le mécanisme qui dans cette opération du sensorium, détermine notre jugement? nous l'ignorons, et nous ne pouvons en observer que les effets. En vertu de ce mécanisme, les traces de la mémoire, quoique faibles, nous font apprécier leur intensité primitive que nous pouvons ainsi comparer aux impressions semblables d'objets présens. Nous jugeons de cette manière, qu'une couleur que nous avons vue, la veille, était plus vive que celle qui frappe maintenant notre vue.

Les impressions qui accompagnent les traces

de la mémoire, servent à nous en rappeler les causes. Ainsi, lorsqu'au souvenir d'une chose qui nous a été dite, se joint le souvenir de la confiance que nous avons donnée au narrateur; si son nom nous échappe, nous le retrouvons, en rappelant successivement les noms de ceux qui nous ont entretenus, jusqu'à ce que nous parvenions au nom qui nous a inspiré cette confiance.

Les objets présens que nous avons déjà vus, réveillent les traces des choses qui dans la première vue, leur étaient associées. Ces traces réveillent semblablement celles d'autres objets, et ainsi de suite; en sorte qu'à l'occasion d'une chose présente, nous pouvons en rappeler une infinité d'autres, et arrêter notre attention sur celles que nous voulons considérer.

Les impressions reçues dans l'enfance, se conservent jusque dans l'extrême vieillesse, et se renouvellent alors même que des impressions profondes de l'âge mûr sont entièrement effacées. Il semble que les premières impressions gravées profondément dans le sensorium, n'attendent pour reparaître, que l'affaiblissement des impressions subséquentes, par l'âge ou par la maladie; à peu près comme les astres qu'effaçait la clarté du jour, se montrent dans la nuit ou dans les éclipses de soleil.

« EdellinenJatka »