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pays. Sans doute, l'art. 14 du cod. civ. lui offrait comme option de saisir les tribunaux étrangers ou les tribunaux français à son gré; mais la question de savoir si l'option, même consommée par le jugement d'un tribunal étranger, le dépouillait de son droit d'être jugé de nouveau par les tribunaux français, était grave. Elle était plutôt une question de droit public qu'une question de droit privé. C'était ainsi du moins que l'avaient pensé les rédacteurs de l'ordonnance de 1629, lorsqu'ils avaient disposé (art. 121) « que les jugements rendus ès royaumes et souverainetés étrangères, pour quelque cause que ce soit, n'auront exécution en notre royaume....; et nonobstant lesdits jugements, nos sujets contre lesquels ils ont été rendus pourront de nouveau débattre leurs droits comme entiers par-devant nos officiers. » En effet, la justice est une délégation de l'autorité souveraine; c'est pour les sujets, pour les régnicoles, qu'elle s'exerce dans toute sa plénitude : c'est donc pour eux seuls qu'a véritablement lieu l'autorité de la chose jugée. Mais comment invoquer utilement contre eux cette autorité lorsqu'elle résulte d'une décision rendue par les juges d'un souverain étranger qui n'exerce aucune puissance, aucun droit sur eux. Elle est évidemment comme si elle n'existait pas. Voilà pourquoi il est de principe constant, parmi nous, que les jugements rendus par des juges étrangers ne reçoivent d'exécution en France qu'après avoir été soumis de nouveau à l'examen des juges du pays.Ce principe de notre ancien droit n'a été rapporté par aucune disposition des lois nouvelles : il subsiste donc dans toute sa force. Quant à la distinction faite par quelques auteurs (entre autres Boullenois, Traité des statuts réels et personnels, tome 1er, page 646), et qui consiste à établir que principe s'applique seulement au cas où le Français agit comme défendeur devant le tribunal étranger, et non à celui où il agit comme demandeur, elle est sans fondement. Elle est surtout discrtement repoussée par les termes mêmes de l'ordonnance de 1629, qui, dans leur généralité, embrassent tous les cas qui, par suite et d'après les motifs déjà dévelop pés, n'admettent pas la possibilité d'une distinction. Enfin, ces divers principes avaient été consacrés de la manière la plus formelle par un arrêt de la cour de cassation, du 18 plu viôse an 12 (8 février 18047.

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Le 29 juillet 1826, ARRÊT de la cour royale de Paris, troisième chambre, M. Lepoitevin, conseiller, faisant fonctions de président, MM. Colmet d' Aage et Mérilhou avocats, par dequel:

« LA COUR, — Sur les conclusions de M. Bérard-Desglajeur, substitut de M. le procureur-général; — Considérant que Delamme, né en France, n'a perdu sa qualité de Français ni par une naturalisation en règle, ni par un établissement dans les Pays-Bas, sans esprit de retour;

» Mais que Delamme, Français, avait, aux termes de l'art. 14 du cod. civ., la faculté de traduire Heymans, étranger, soit devant les tribunaux de France, soit devant ceux des Pays-Bas, et que, DEMANDeur, il a fuimême saisi et épuisé volontairement la juridiction étrangère;

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MET l'appellation au néant, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet. » A. M. C.

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COUR D'APPEL DE PARIS.

Les droits d'habitation, de pêche et de chasse, doivent-ils étre rapportés COMME FRUITS ET INTÉRÊTs de la chose sujette à rapport, aux termes de l'art. 856 du cod. civ.? (Rés. aff.)

Le donataire peut-il, du moins, se défendre de ce rapport en justifiant que l'habitation n'était pas susceptible d'étre louée, qu'il n'en a pas joui, et que les droits de pêche et de chasse n'étaient que des droits d'agrément, et non des droits utiles? (Rés. nég.)

VEUVE REY, C. FEMME DUMOUTIER.

Le sieur Rey étant mort, sa succession se trouva dévolue à ses deux enfants, l'un,la dame Dumoutier, issu du premier mariage, l'autre, eucore mineur, issu du second. La dame Dumoutier avait reçu de son père, à titre de donation, avant sa mort, une ferme sise à Provins. Cette ferme se trouva sujette à rapport. Elle avait été louée par la donataire, qui s'était réservé le droit d'habitation dans une petite maison en dépendant, ainsi que les droits de pêche et de chasse.

Lors de la liquidation, la veuve Rey, dans l'intérêt de son fils, exigea le rapport non seulement du corps de l'immeuble donné, mais encore des droits d'habitation, de pêche et de chasse que s'était réservés la dame Dumoutier par son bail;

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elle prétendit que ses droits faisaient partie des fruits ou intérêts dont parlait l'art. 856 du cod. civ. Le 1er février 1826, jugement du tribunal civil de la Seine qui écarte cette prétention par les motifs suivants : « Attendu, quant aux droits d'habitation, de chasse et de pêche, qu'ils ne peuvent être réputés un produit de location; que la maison n'était pas destinée à être louée, et que ces objets forment un droit dout le propriétaire de la réserve pouvait user ou ne pas user; que rien n'établit d'ailleurs que la dame Dumoutier ait joui au préjudice de la succession, etc. »*

Appel de la veuve Rey.

Elle réclame devant la cour l'application des principes généraux en matière de partage, et spécialement ceux posés dans l'art. 856 du cod. civ.

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Selon les premiers, le donataire doit rapporter les objets donnés, du jour de l'ouverture de la succession: c'est done de ce jour qu'il en doit aussi les intérêts et les fruits, termes de l'art. 856. Jusqu'à cette époque, la donation à pa obtenir ses effets, de manière à attribuer au donataire la propriété et les fruits des objets donnés ; mais cette propriété, résolue par la mort du donateur, rentre, 'dès ce moment, avec tous ses fruits et accessoires, dans la masse de la succession, et le donataire doit compte des uns comme des autres à ses cohéritiers.

Les droits d'habitation, de chasse et de pêche sont incoutestablement des fruits, dans le sens de l'art. 856; ce sont des accessoires de l'immeuble, productifs ou susceptibles de produire des revenus, et dont la succession doit profiter. Le donataire ne saurait les conserver à aucun titre. Dessaisi de la propriété, à l'époque de l'ouverture de la succession, il n'a pas plus de droit que ses cohéritiers aux fruits de l'immeuble rapporté. Il importe peu qu'en fait, il n'ait pas joni de l'habitation réservée; qu'il n'ait retiré aucune utilité du droit de chasse et de pêche. Il suffisait, en principe, que ces droits pussent se résoudre en fruits ou revenus. C'était à lui de veiller à ce soin, et il en était comptable envers ses cobéritiers. Au reste, dans l'espèce, la réserve faite au bail dont il s'agit avait nécessairement influé sur le prix de ce bail, et le donataire en avait ainsi indirectement profité.

L'intimée reproduisait les motifs du jugement. La préten

due maison d'habitation réservée n'était qu'un simple piedà-terre non susceptible d'être loué. Elle n'avait jamais été habitée depuis la mort du père commun. Les droits de chasse et de pêche étaient de simples droits d'agrément. Ils n'avaient jamais été cómpris au nombre des droits utiles; et il était impossible d'admettre que ces termes de l'art. 856, fruits et intérêts, s'étendissent jusqu'à eux. En fait, la donataire n'en Avait ni joui ni profité.

Du 6 juillet 1826, ARRET de la cour royale, troisième chambre civile, M. Lepoitevin faisant fonctions de président, MM. Devesvres et Parquin avocats, par lequel:

« LA COUR, - Sur les conclusions de M. Berard-Desglajeux, substitut de M. le procureur-général; — Considérant que les objets exceptés des rapports par les premiers juges y sont sujets, aux termes de la loi; — MET l'appellation et le jugement dont est appel au néant, quant andit chef; — Emendant au principal, ordonne que les objets en litige seront compris dans la liquidation de la succession Rey, comme valeurs en dépendant, pour la somme de 25 fr. par an, à laquelle la cour les arbitre d'office.

A. M. C.

COUR D'APPEL DE NISMES.

Un juif français peut-il étre contraint de préter le serment judiciaire selon le rite judaïque ? (Rés. nég.)

LE SIEUR CARCASSONNE, C. LA VEUVE ROUX.

Dans une contestation existante entrè le sieur Carcassonne et la veuve Roux, le tribunal de première instance de Nismes avait ordonné que le sieur Carcassonne, juif de religion, affirmerait par serment prêté selon le rite judaïque qu'une vente à lui consentie par un sieur Roche était sincère et exempte de simulation.

Le sieur Carcassonne a appelé de ce jugement, qui le soumettait à prêter serment selon le rite judaïque. La loi, disaiton pour l'appelant, ne connaît pas de distinction de classes, de cultes, de sectes; tous les Français sont égaux devant elle; lorsqu'on soumet l'un d'eux à un mode de serment qu'on n'impose point aux autres, on détruit cette égalité, on méconnait le principe proclamé par l'art. 1er de la charte constitutionnelle. En vain on dirait que, la loi n'indiquant pas de quelle manière le serment devra être prêté, les juges peuvent

l'ordonner dans la forme qui leur paraît convenable: L'art. 31 du cod. d'instr. crim. dispose que les jurés prêteront sermen en levant la main et en disant : Je le jure; et quoique cett disposition se trouve dans le code d'instruction criminelle elle n'est pas moins applicable au serment prêté en matièr civile, ainsi que l'atteste un usage constant. La forme du ser ment est donc réglée par la loi. Les juges ne peuvent dès lor obliger un juif français à prêter serment dans une autre for me: ce serait détruire à son égard l'égalité garantie à tou les Français.

Mais, dit-on, le serment étant un acte religieux, le jui ne se croira pas religieusement engagé s'il ne le prête pas selo sou rite particulier. Ici l'avocat de l'appelant a donné lecture d'une décision rendue par les grands rabbins du consistoire de Paris, qui porte: « Nous déclarons, au nom et en hommage de la vérité, que, d'après nos dogmes et nos rites, le serment judiciaire prêté par un israélite, dans quelque cas et dans quelque lieu que ce soit, en prononçant ces paroles, Je jure, selon la forme généralement en usage en France, est pour lui un acte religieux qui a toute la force et la rigueur du serment, et qui l'oblige en conscience à dire la vérité, et ce, sans qu'aucune intervention, aucune formalité ni céré monie quelconque, soient nécessaires. >>

seur,

L'obligation imposée à mon client, continuait le défenest en outre contraire à la liberté des cultes, assurée par l'art. 5 de la charte. Personne n'a le droit de me demander quelle est la religion que je professe: c'est un compte que je ne dois qu'à Dieu seul ; je ne le dois pas même à la loi. La loi, en effet, ne me demande pas de quelle religion je suis; elle me laisse libre; quand je parais devant elle, elle ne voit qu'un citoyen qui réclame ses bienfaits. La loi ne reconnaît ni juif, ni protestant, ni catholique; elle ne connaît que des Français. Cependant, si vous me demandez de quelle religion je suis, afin de m'imposer une forme de serment particulière, vous portez atteinte à ma liberté religieuse; vous me forcez à devoiler un secret que mille motifs humains peuvent me commander de cacher; vous me mettez dans le cas de nier que je suis chrétien ou israélite. L'avocat faisait ressortir les inconvénients qu'il y aurait à soumettre les juifs au serment more judaïco, la manière de

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