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prêter ce serment étant différente selon les pays et les tribunaux. A Colmar, disait-il, le juif jure sur le Coscher sépher tora: on appelle ainsi un rouleau de parchemin contenant le Pentateuque; à Nismes c'est sur un exemplaire hébreu de la Bible; à Avignon c'est à l'audience; à Colmar et à Aix, c'est dans la synagogue. Mais dans ce dernier cas, qui donnera l'authenticité au serment? Sera-ce le rabin? ou bien un de MM. les conseillers se rendra-t-il au temple? Mais la synagogue ne s'ouvre qu'à certaines heures; quel magistrat voudra intimer l'ordre au rabin de faire prêter le serment? et si le rabin ne veut pas exécuter l'arrêt, qui pourra l'y contraindre ?... Adoptera-t-on la salle d'audience? Mais le rabin peut également ne pas vouloir s'y rendre. Cependant le serment more judaïco ne peut être prêté qu'en sa présence... Concluons qu'on ne doit point mêler des pratiques religieuses à des lois civiles. La loi, en disant que les Français prêteront serment, n'a renvoyé ni au Talmud, ni au Décalogue, ni à l'Évangile : dès lors, lorsqu'un Français, quelle que soit sa religion, jure, la main levée, qu'il va dire la vérité, le vœu de la loi est rempli. A l'appui de ce système l'appelant invoquait l'opinion émise par M. Favard de Langlade dans son répertoire, vo Enquête, sect. 1, § 4, 11o 2, et un arrêt de la cour de cassation du 19 mai 1826, qui a rejeté le pourvoi des nommés Ratta et Malagutti (1).

Pour la veuve Roux, intimée, on répondait : Le serment est un acte religieux par lequel on prend Dieu pour témoin

les té

(1) Les motifs de cet arrêt sont ainsi conçus : «, Attendu que moins qui professent une autre religion que la religion de l'état peuvent demander à prêter serment selon le rite de leur religion; que, si l'accusé et le ministère public peuvent requérir qu'ils soient tenus de prêter serment suivant ce rite, il ne s'ensuit nullement que les témoins qui, avant leur déposition, ont été admis au serment prescrit par la loi, n'aient pas accompli l'obligation qui leur était imposée, et n'aient pas donné à la société et à l'accusé la garantie que le législateur a voulu leur assurer en les obligeant à déposer sous la foi du serment; — Que, si, dans l'espèce, un témoin, quoique juif de religion, a prêté serment dans la forme ordinaire, sans réclamation de sa part ni de celle des accusés et du ministère public, il n'en saurait résulter une violation de l'art. 317 du cod. d'inst. crim. »

de la fidélité de ce qu'on assure ou 'de ce qu'on promet (1). s'ensuit que le serment doit être prêté suivant les rites pres crits par la religion que professe la personne assujettie au ser ment: car autrement elle ne le considérerait pas comme obli gatoire, et toute idée religieuse étant bannie du serment, ne serait plus qu'une simple affirmation. On veut soumettr tous les Français à la formule uniforme du serment ordi paire, et l'on reconnaît cependant en principe que le quake ne peut être contraint de prêter ce serment (2). La jurispru dence admet donc autant de formes différentes de serinent qu'il y a de sectes et de religious diverses.

On oppose que l'obligation imposée au juif de prêter ser ment more hebraïco détruit l'égalité devant la loi. Mais un Français ne cesse pas d'être l'éga d'un autre Français parce qu'il va adorer Dieu dans une synagogue, au lieu d'aller dans une église. De même il ne cesse pas d'être l'égal d'un chrétien lorsqu'au lieu de prêter le serment comme ce dernier, i le prête selon le rite de sa religion. C'est précisément en cela que consiste l'égalité devant la loi et la liberté des cultes. Si l tribunal avait ordonné que le sieur Carcassonne prêterait le serment qui lui était déféré selon le mode adopté pour le chrétiens, c'est alors seulement qu'il serait en droit de dire que l'on a enfreint le principe de l'égalité, que l'on a mé connu la liberté dont chacun doit jouir dans l'exercice de sa religion.

On ajoute qu'il ne faut pas subordonner nos formes judi*ciaires aux pratiques religieuses. La loi, en ordonnant le serment comme complément de preuve, a appelé à son secours un acte essentiellement religieux. Les juges, pour assurer l'exécu tion de la loi, doivent veiller à ce que les formes qui constituent cet acte soient observées. Or le serment n'est un lien religieux qu'autant qu'il est prêté selon le rite de la religion de celui à qui on le demande. C'est donc avec raison que, dans F'espèce, le tribunal a ordonné que le sieur Carcassonne, jui de religion, préterait serment selon le rite judaïque.

(1) Voy. Burlamaqui, Eléments du droit naturel; M. Toullier, tome 10, page 605; M. Delvincourt, tome 2, page 64, note 8; Pothier, Traite des obligations, tome 1o, page 75; Domat, liv. 3, tit. 6, sect. 6.

(2) Voy. arrêt de la cour de cassation, tome 2 de 1810, page 456, et nouv. édit., tome 11, page 297.

Du to janvier 1827, ARRÊT de la cour royale de Nismes, M. Fajon président, MM. Cremieux et Manse avocats, par lequel:

pres

« LA COUR, Sur les conclusions contraires de M. Guillet fils, conseiller-auditeur;-Attendu qu'en matière civile, aucune des lois qui nous régissent n'ayant déterminé des formes sacramentelles pour la ation du serment, on doit, conformément à l'usage consacré par la jurisprudence, et universellement suivi devant les tribunaux français, conidérer comme le seul mode à suivre celui qui consiste à jurer, en tenant la main droite levée, que ce qu'on affirme est l'expression de la vé rité; -Attendu que, tous les Français étant égaux devant la loi, ce serait violer les principes d'égalité consacrés par l'art. 1o de la charte contitutionnelle, que d'exiger d'un juif français un serment différent dans a forme de celui que sont tenus de prêter ses autres concitoyens; Attendu que le juif, ainsi que tout homme qui croit à l'existence d'un Dien, est religieusement lié par ces mots, Je le jure, puisqu'en les pro onçant il prend la Divinité à témoin de la vérité de ce qu'il affirme, et e soumet à toute sa vengeance s'il se rend parjure; - Par ces motifs, À Mis et MET l'appellation et ce dont est appel au néant, en ce qu'il oumet l'appelant à prêter serment more judaico; émendant quant à ce eulement, ordonne qu'il prêtera serment en la forme ordinaire.

S.

COUR D'APPEL DE NISMES.

Le droit accordé à l'héritier bénéficiaire par les art. 987 et suiv. du cod. de proc. civ., de faire vendre en justice les immeubles de la succession, est-il exclusivement attaché à sa personne comme propriétaire de ces biens? (Rés. aff.) Les créanciers de la succession peuvent-ils s'autoriser de l'art. 1166 du cod. civ., pour demander à se faire subroger à la poursuite de cette vente? (Rés. nég.)

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LOUIS ABRIEN, C. SALIN ET PIOLEN.

La dame Abrien donne au sieur Louis Abrien son fils, en le mariant, le quart de tous ses biens présents et avenir, pai preciput et hors part; elle lui avait déjà vendu, peu de jours auparavant, deus immeubles. Décès de Louis Abrien sans enfants. Sa succession se trouvant grevée de plusieurs dettes, ses frères et sœurs l'acceptèrent sous bénéfice d'inventaire. Plusieurs jugements de condamnation ayant été rendus contre eas, en leur qualité d'héritiers bénéficiaires, ils se hâtèrcit Tome III de 1827. Feuille Se

de faire vendre, dans la forme des ventes volontaires auto risées par la loi, les biens dépendant de la succession, pou payer les créanciers. Déjà on était parvenu à l'adjudicatio définitive de ces biens, lorsque des réclamations se firent en tendre. On reprocha aux héritiers hénéficiaires de n'avo pas compris dans la vente les deux immeubles vendus Louis Abrien par sa mère. Les héritiers répondirent que cet vente était simulée, et que les objets vendus ne devaient pa être considérés comme faisant partie de la succession de le frère. Dans cet état, deux des créanciers de la succession, le sieurs Salin et Piolen, citent les héritiers devant le tribun d'Uzès pour voir ordonner « que dans le délai qui sera déterminé par le jugement à intervenir, ils seront tenus condamnés à rendre compte de leur administration, et que faute par eux de satisfaire à cette obligation, ils seront com traints sur leurs biens personnels, conformément à l'art. So du cod. civ. >>

Mais incidemment à cette instance principale, ils préser tent une requête tendante, attendu qu'il existe dans succession de Louis Abrien deux immeubles qui n'ont pas é compris dans la vente, à se faire subroger aax droits des h ritiers bénéficiaires, pour faire procéder eux-mêmes à vente de ces immeubies, dans les formes déterminé par les art. 987 et suivants du cod. de proc. civ., faute p les héritiers bénéficiaires d'y avoir fait procéder dans délai d'un mois. Ces derniers se bornent à déclarer à l'at dience que les biens en question ne font pas partie de succession de leur frère, et qu'il n'y a pas lieu à e faire la vente. Le tribunal crut voir dans cette condui des héritiers bénéficiaires le dessein de ne pas liquider com plétement, et d'après leur qualité, la succession de Lou Abrien. En conséquence, considérant que, s'il est vrai qu'e thèse générale, les créanciers peuvent prendre la voie l'expropriation, pour arriver au paiement de leurs créances l'intérêt bien entendu des héritiers exigeait qu'on obtînt résultat avec le moins de frais possible; qu'ainsi la vente va lontaire qui serait la suite de la subrogation demande devait être préférée à la vente forcée; par ces motifs, il sul roge les sieurs Salin et Piolen aux poursuites déjà commen cées par les héritiers bénéficiaires, et les autorise à faire pr

céder eux-mêmes à la vente des immeubles faisant partie de la succession dudit Abrien. - Appel de la part des héritiers bénéficiaires.

La vente judiciaire, telle qu'elle est établie aux art. 987 et suiv. du cod. de proc. civ., dirent-ils devant la cour, est spécialement réservée à l'héritier bénéficiaire; c'est une vente volontaire dont le propriétaire des objets vendus peut seul faire usage, et c'est à ce titre que la loi l'accorde à l'héritier bénéficiaire. L'art. 1166 du cod. civ. n'accorde aux créanciers que l'exercice des droits qui ne sont pas exclusivement attachés à la personne du débiteur. Or il s'agit ici évidemment de droits personnels à l'héritier bénéficiaire: on ne peut donc pas admettre une subrogation quelconque à l'exercice de ces droits. Quant aux droits propres aux créanciers, ils sont assurés par plusieurs articles du code civil. L'art. 2204 permet au créancier porteur d'un titre exécutoire d'exproprier son débiteur; et l'art. 877 déclare exécutoires contre 'héritier les titres qui le sont contre le défunt, moyennant ine notification préalable. Ainsi le vœu de la loi est certain: elle accorde aux créanciers la voie de l'expropriation forcée, et cette voie est indépendante de la qualité qu'auront prise es héritiers, Les sieurs Salin et Piolen peuvent donc faire " rocéder à la saisie immobilière des biens de leur débiteur, ils le jugent convenable; mais ils sont sans qualité pour yoursuivre la vente volontaire de ces mêmes biens.

Les intimés reproduisaient les considérations qui avaient léterminé les premiers juges. Ils donnaient à l'art. 1166 du cod. civ. une interprétation autre que celle des appelants. Il fallait entendre par droits exclusivement attachés à la perjonne du débiteur ceux qui ne pourraient, en effet, être transportés à d'autres sans blesser la raison, par exemple, des droits d'usage, d'habitation, le droit de demander la séparation de corps ou de biens, etc.; mais la vente judiciaire des biens d'une succession n'était pas de ce nombre. En cousidérant l'héritier bénéficiaire comme propriétaire des biens à vendre, et par conséquent comme débiteur jusqu'à concurrence de la valeur de ces biens, on ne voyait rien ni dans le texte ni dans l'esprit de la loi qui pût rendre exclusive dans sa personne la faculté de vendre dans la forme des' ventes volontaires. Cette forme offrait toutes les garanties

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