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révocatoire qu'intentent ces derniers, lorsqu'il a eu connaissance de la fraude pratiquée par le débiteur et le cédant? (Rés. nég.) (1) Cod. civ. art. 1167.

L'action révocatoire accordée par l'art. 1167 du cod. civ. appartient-elle même au créancier dont le titre est postérieur à l'acte qu'il attaque comme fait en fraude de ses droits?

L'action révocatoire peut-elle être exercée non seulement contre le débiteur et son complice, mais encore au préjudice d'un cessionnaire de bonne foi? (2)

SAINT-CLAIR Et Dufé, C. Griet et CourtADE.

Les sieurs Griet et Courtade, créanciers du sieur BernardSarrat, par lettres de change des 21 mars et 21 juillet 1816, obtinrent des jugements de condamnation contre leur débiteur les 16 et 21 octobre de la même année. Le 24 août précédent, Sarrat s'était constitué débiteur du sieur Calaman, son beau-père, pour une somme de 7,000 fr., par acte. passé devant notaire. Le 13 février 1817, Calaman transporta aux sieurs Saint-Clair et Duffé la créance de 7,000 fr. par acte également passé devant notaire; il leur céda en même temps l'utilité de l'inscription qu'il en avait requise intermédiairement.

Les sieurs Griet et Courtade, voulant être payés de la somme de 4,000 fr. qui leur était due par Sarrat, en vertu des lettres de change et des jugements précités, poursuivirent contre lui la vente par expropriation forcée d'une maison qu'il possédait et qui formait leur unique gage. Les sieurs Saint-Clair et Duffé s'en rendirent adjudicataires.

L'ordre des créanciers Sarrat ayant été ouvert devant le tribunal de Florac, les sieurs Saint-Clair et Duffé demandèrent à y être colloqués pour le montant de la créance à

(1) Voy. comme analogue l'arrêt rapporté au tome 2 de 1827, page 495.

(2) Ces deux dernières questions ont été résolues affirmativement par des motifs de l'arrêt attaqué, qui ont donné lieu à une vive controverse, mais dont la cour de cassation ne s'est point occupée, parce qu'elle a jugé que la décision de la cour royale avait une base suffisante soit dans les faits de la cause, soit dans les motifs du jugement de première instance adoptés par cette cour.

Tome Ile de 1827.

Feuille 6.

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eux cédée par Calaman, au rang qui leur était assigné par la date de leur hypothèque. Leur demande fut accueillie pai le juge-commissaire, qui les classa au second rang. La femme Sarrat occupait le premier pour le montant de ses reprise dotales; la créance des sieurs Griet et Courtade ne vin point en ordre utile. Ceux-ci contestèrent l'état de colloca tion; ils demandèrent le rejet de la créance des sieurs SaintClair et Duffé, attendu que tant le titre d'où elle dérivai que la cession qui en avait été consentie à ces dernier avaient été faits en fraude de leurs droits. Saint-Clair et Duffé exciperent de leur bonne foi; ils essayèrent d'établi que les actes attaqués ne présentaient aucun caractère de fraude; et ils soutinrent que, le titre de leur créance étant antérieur à ceux des créanciers contestants, il était prétendu avec peu de raison que l'acte du 24 août 1816 eût été fait au préjudice de leurs droits, puisqu'il ne leur en était acquis aucun à cette époque contre Sarrat. Cette défense ne prévalut pas; et il fut rendu le 23 janvier 1823 un jugement qui est ainsi conçu: - « Attendu qu'il n'y a contestation qu'entre Griet et Courtade et les négociants Saint-Clair et Duffé, cessionnaires de Calaman, beau-père de Sarrat, d'une créance de 7,000 fr. établie en faveur dudit Calaman contre ledit Sarrat par acte public devant Lias, notaire à Bagnères, en date du 24 août 1816; que les qualités des parties coutractantes dans cet acte, qui étaient beau-père et gendrej les grands dérangements de leurs affaires, leur état même d'insolvabilité reconnue, le choix d'un notaire étranger pour retenir ce titre, l'invraisemblance du prêt de cette somme dans la situation déplorable des affaires dudit Calaman; l'impossibilité où l'on se trouve d'assigner un emploi utile de cette somme; que, dans le cas où cette somme eût été prêtée ou fournie à différentes reprises, ainsi que l'acte le porte, Saint-Clair et Duffé n'ont pas cherché à justifier ce fait par Ta représentation des registres de commerce desdits Calaman et Sarrat, qui auraient foi entre eux de leur actif et de leur passif; que l'intelligence qui paraît exister entre lesdits SaintClair et Duffé et lesdits Calaman et Sarrat, et, par conséquent, la grande facilité qu'avaient les cessionnaires dudit Calaman de fournir ces documents à la justice; qu'enfin toutes les circonstances de la cause annoncent évidemment

que l'acte du 24 août 1816 n'est point sincère, et qu'il a été fait en fraude des droits des créanciers, en ce qui concerne le prétendu prêt de 7,000 fr., et que dès lors la cession qui en a été consentie par Calaman auxdits Saint-Clair et Duffé, par acte du 3 février 1817, est sans effet à l'égard des créanciers Griet et Courtade, qui doivent être colloqués suivant le rang de leur inscription, après la constitution dotale de la femme Sarrat;

« Le tribunal, sans avoir égard à choses dites ou alléguées par lesdits Saint-Clair et Duffé, et les en démettant, déclare l'acte du 24 août 1816 non sincère et frauduleux en ce qui concerne le prêt de la somme de 7,000 fr.; déclare nulle et de nul effet, à l'égard des créanciers Griet et Courtade, la cession de cette obligation qui a été consentie par Calaman, beau-père de Sarrat, en faveur desdits Saint-Clair et Duffé, par acte public du 3 février 1817; ce faisant et procédant à l'ordre des créanciers, ordonne qu'ils seront colloqués, pour la distribution du prix, ainsi que suit: au premier rang, la femme Sarrat, pour la somme de 2,400 fr. montant de sa constitution dotale, et pour les intérêts de droit; au second rang, Griet, pour le capital de 3,000 fr., et les intérêts de droit; au troisième rang, Courtade, pour le capital de 1,000 fr. et les intérêts de droit; rejette la demande en allocation desdits Saint-Clair et Duffé sur le prix de l'immeuble vendu sur Sarrat, quant à la somme de 7,300 fr. à eux cédée, sauf leur recours, le cas échéant, contre Calaman, leur cédant; sur le surplus des demandes des parties, les met hors d'instance, etc.... >>

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Sur l'appel qui fut émis de ce jugement par les sieurs SaintClair et Duffé, ils se plaignirent qu'il leur faisait grief en ce qu'il avait refusé d'admettre la fin de non recevoir proposée par eux, et qui était tirée de ce que Griet et Courtade n'étant devenus créanciers de Sarrat par titre ayant une date certaine qu'à une époque postérieure à l'acte d'obligation du 24 août 1816, cet acte n'avait pu nuire à des droits non existant alors, et qui ne pouvaient résulter que des jugements rendus les 16 et 21 octobre suivant. Au fond, ils combattaient les motifs dudit jugement à l'aide des moyens qu'ils avaient déjà fait valoir en première instance.Les intimés repoussaient la fin de non recevoir à l'aide des lettres de...

change formant leur titre primitif, et dont la date remontait à une époque antérieure à celle du, titre de créance des appelants; ils se retranchaient au surplus dans les motifs du jugement attaqué, qui furent adoptés par la cour royale de Pau. Toutefois elle en ajouta d'autres, en droit, qu'il est à propos de faire connaître, parce qu'ils ont donné lieu à une vive discussion. Nous allons transcrire le texte de l'arrêt que rendit cette cour le 19 février 1819: - « Considérant, y estil dit, sur la fin de non recevoir, qu'il importe peu qu'au moment de l'acte du 24 août 1816, Griet et Courtade ne fussent point créanciers, si, d'ailleurs, à l'époque de la collocation, l'acte simulé a nui à des droits qu'ils ont acquis postérieurement;

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« Au fond, adoptant, en ce qui concerne la simulation de l'acte du 24 août 1816, les motifs des premiers juges; Considérant, sur l'acte de cession, que, si quelques arrêts out consacré la doctrine que le possesseur d'un fonds acquis par contrat de vente ne peut pas être dépossédé, s'il n'a pas eu connaissance de la feintise du contrat entre son vendeur et le propriétaire antérieur, cette jurisprudence n'est pas applicable à la cause; que Griet et Courtade et la maison Saint-Clair et Duffé ont, par leurs titres, un droit égal aux fonds provenant de la vente, mais qu'ils ne sont pas nautis; que dès lors les premiers juges ont pu examiner la légitimité du titre de leur adversaire; qu'étant porteurs d'un contrat simulé dans son origine, ils représentent leur cédant, ét qu'on peut leur opposer les vices du contrat de leur cédant; qu'il serait trop dangereux pour la société d'accorder à un cessionnaire le droit d'empêcher les créanciers légitimes d'examiner la sincérité du contrat originaire, sans avoir préalablement prouvé la collusion entre le cessionnaire et le cédant dans un contrat simulé; considérant, d'après ces motifs, qu'il est inutile d'examiner le mérite du surplus des créances des parties;

« La cour, statuant en matière sommaire, disant droit de l'appel interjeté par Saint-Clair et Duffé, et sans s'y arrêter non plus qu'à toute autre chose par eux dite ou alléguée, déclare avoir été bien jugé, mal et sans grief appelé, etc.... »

Les sieurs Saint-Clair et Duffé se sont pourvus en cassation

de cet arrêt, pour fausse interprétation et fausse application de l'art. 1167 du cod. civ. Ils ont soutenu, en premier lieu, que l'action révocatoire accordée par cet article n'appartenait qu'aux créanciers existants au moment où l'acte argué de fraude avait été fait; en second lieu, qu'elle ne pouvait être exercée que contre le débiteur qui avait commis la fraude ou contre son complice, et non contre le tiers de bonne foi.

Il serait pea raisonnable, ont-ils dit, d'admettre qu'un individu pût faire fraude à des créanciers qui n'existeraient pas. Il n'y a réellement fraude et elle n'est une cause d'annulation de l'acte auquel elle est reprochée, que lorsque l'intention de la commettre se trouve réunie à la possibilité de nuire à un tiers. C'est donc à tort que la cour d'appel de Pau a décidé qu'il importait peu que le titre de créance fût antérieur ou postérieur à l'acte.

L'art. 1167 ne déterminant pas d'une manière formelle l'étendue et les effets de l'action révocatoire, c'est dans les lois romaines auxquelles il a été emprunté qu'il faut rechercher les principes sur ce point. Or ces lois ne permettent pas que le tiers de bonne foi puisse être soumis à l'action du créancier; elles ne veulent pas que celui qui n'a pris aucune

part
à la fraude et qui ne l'a point connue puisse en souffrir.
L'action révocatoire, dans ce cas, n'a d'effet et ne peut
être exercée que contre le débiteur lui-même: c'est ce qui
résulte de la loi 6, ff., quæ in fraudem creditorum, et de la
loi 9 au même titre. Godefroi, dans la note placée en marge
de cette dernière loi, ajoute: Edictum fraudatorium est
personale, non in rem scriptum. Tous les commentateurs du
droit romain sont unanimes à cet égard; ils n'accordent d'ac-
tion aux créanciers que contre le débiteur ou son complice,
mais ils la leur refusent contre le tiers de bonne foi. Telle est
aussi la doctrine professée par les jurisconsultes français qui ont
écrit sur notre ancien comme sur notre nouveau droit, notam-
ment Domat et Pothier, Merlin, Grenier, et Toullier, tom. 6,
n343 et 352. Il serait vainement objecté que l'acte origi-
uaire, étant reconnu nul, ne peut produire aucun effet, et
que le cessionnaire ne peut avoir plus de droits que son cédant.
argument pécherait par sa base. La fraude ne constituc
pas à l'égard des tiers une nullité radicale de l'acte qui la ren--
ferme dans ce cas, l'acte est simplement révocable; il n'est

Cet

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