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E631

E9

Library.

Of Califorgia.

PRÉFACE

Le développement prodigieux donné récemment au matériel de guerre, l'introduction dans les armées du canon rayé et de la poudre comprimée, l'emploi d'une artillerie plus lourde et plus destructive ont grandement aggravé les horreurs du champ de bataille et rendu plus terrible que jamais le fléau de la guerre, déjà si terrible en tout temps. Cet accroissement des forces employées à détruire est entré comme élément de calcul dans les spéculations des philanthropes, qui voudraient fixer l'époque à laquelle, la guerre devenant un fait de plus en plus exceptionnel, la paix sera la condition nor

male d'une civilisation plus juste et plus humaine. Quelque plausibles et bien fondées que puissent nous sembler ces espérances, il est douteux, après les douloureuses expériences de la grande lutte américaine et du récent conflit dano-allemand, que l'ère désirée d'une entente cordiale et d'une affection mutuelle entre les nations soit autre chose qu'un rêve et une utopie, aussi longtemps que les passions des hommes et l'antagonisme de leurs intérêts resteront ce qu'ils sont aujourd'hui. Toutefois, au milieu de ces incertitudes, un cœur bienveillant peut tirer quelque soulagement de la doctrine des compensations, qui paraît exercer dans le monde moral une influence non moins universelle que celle de la gravitation dans le monde physique. Plus les mauvaises chances de mort et de blessures, avec leur terrible cortége de tortures et d'agonies, sont devenues nombreuses et redoutables dans les batailles modernes, plus aussi se sont multipliées les sympathies publiques, plus aussi s'est développée une volonté active et intelligente pour alléger les maux inséparables de la guerre et leur porter remède: plus les afflictions ont été grandes, plus les efforts entrepris pour en diminuer l'intensité ont été nobles et ingénieux. De fait, une carrière presque entièrement nouvelle pour la

pratique de la charité chrétienne a été ouverte au monde.

Un exemple, pris dans une campagne militaire encore présente à tous les esprits, nous servira de preuve: nous voulons parler de l'expédition de Crimée. Les ressources ordinaires du service médical de l'armée russe avaient été de bonne heure à peu près épuisées par les besoins extraordinaires qu'il s'agissait de satisfaire; les efforts tentés pour subvenir à cette disette cruelle, et presque soudaine, furent absolument insuffisants, quelque bonne volonté et quelque énergie que des particuliers aient pu déployer à cette occasion. Peu de temps après l'ouverture des hostilités, la grande-duchesse Hélène Paulowna de Russie, princesse wurtembergeoise et veuve du frère de Nicolas 1", le grand-duc Michel, entreprit une œuvre admirable de charité en fondant un système d'ambulances et de secours hospitaliers qui, grâce à l'appui constant des autorités russes, rendit à l'humanité souffrante les plus précieux services. Animée d'une belle rivalité à l'égard de Miss Florence Nightingale, la grande-duchesse se rendit de Saint-Pétersbourg au théâtre de la guerre, accompagnée de trois cents personnes de son sexe qu'elle envoya aux endroits où leur activité

devait être le plus nécessaire. La présence de ces anges de compassion, que dirigeait la noble patronne, fut toujours saluée par des élans de vive admiration. A ce sujet, un éminent chirurgien de l'armée s'exprimait en ces termes :

<«< Elles étaient infatigables à soigner les blessés, non-seulement dans les hôpitaux de Sébastopol et de Simphéropol, ainsi que dans les ambulances, mais aussi dans la proximité immédiate des batteries, au milieu des plus effroyables scènes et sous le feu même de la mousqueterie et de l'artillerie. »

Pendant l'hiver de 1854 à 1855, le czar Alexandre II visita en personne les hôpitaux de la Crimée, et le spectacle des agonisants abandonnés agissant puissamment sur sa généreuse nature le détermina, probablement plus que toute autre considération, à conclure promptement la paix. Partout on voyait le manque de l'unité d'action nécessaire et d'une direction pratique dans la répartition des objets recueillis par les mains libérales des dames de Saint-Pétersbourg et des autres villes. On raconte un fait qui probablement n'est pas le seul de son espèce: nombre de ballots, remplis de charpie préparée par les femmes russes, ayant été expédiés de la capitale vers la Crimée, s'égarèrent en route et finirent par

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