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contraires à l'accusé, que je détermine la probabilité de cette opinion.

Ces données suffisent pour avoir l'expression générale de la probabilité que la décision d'un tribunal jugeant à une majorité connue, est juste. Dans les tribunaux où sur huit juges, cinq voix seraient nécessaires pour la condamnation d'un accusé; la probabilité de l'erreur à craindre sur la justesse de la décision, surpasserait. Si le tribunal était réduit à six membres qui ne pourraient condamner qu'à la pluralité de quatre voix; la probabilité de l'erreur à craindre, serait au-dessous de ;

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y aurait donc pour l'accusé, un avantage à cette réduction du tribunal. Dans l'un et l'autre cas, la majorité exigée est la même et égale à deux. Ainsi cette majorité demeurant constante, la probabilité de l'erreur augmente avec le nombre des juges : cela est général, quelle que soit la majorité requise, pourvu qu'elle reste la même. En prenant donc pour règle, le rapport arithmétique; l'accusé se trouve dans une position de moins en moins avantageuse, à mesure que le tribunal devient plus nombreux. On pourrait croire que dans un tribunal où l'on exigerait une majorité de douze voix, quel que fût le nombre des juges; les voix de la minorité, neutralisant un pareil nombre de voix de la majorité; les douze

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voix restantes représenteraient l'unanimité d'un jury de douze membres, requise en Angleterre, pour la condamnation d'un accusé. Mais on serait dans une grande erreur. Le bon sens fait voir qu'il y a différénce entre la décision d'un tribunal de deux cent douze juges dont cent douze condamnent l'accusé, tandis que cent l'absolvent, et celle d'un tribunal de douze juges unanimes pour la condamnation. Dans le premier cas, les cent voix favorables à l'accusé, autorisent penser que les preuves sont loin d'atteindre le degré de force qui entraîne la conviction dans le second cas, l'unanimité des juges porte à croire qu'elles ont atteint ce degré. Mais le simple bon sens ne suffit point pour apprécier l'extrême différence de la probabilité de l'erreur dans ces deux cas. Il faut alors recourir au calcul, et l'on trouve un cinquième à peu près, pour la probabilité de l'erreur dans le premier cas, et seulement 8192 pour cette probabilité dans le second cas, probabilité qui n'est pas un millième de la première. C'est une confirmation du principe, que le rapport arithmétique est défavorable á l'accusé, quand le nombre des juges augmente. Au contraire, si l'on prend pour règle, le rapport géométrique; la probabilité de Ferreur de la décision diminue, quand le

nombre des juges s'accroît. Par exemple, dans les tribunaux qui ne peuvent condamner qu'à la pluralité des deux tiers des voix; la probabilité de l'erreur à craindre est à peu près un quart, si le nombre des juges est six: elle est au-dessous de, si ce nombre s'élève à douze. Ainsi, l'on ne doit se régler, ni sur le rapport arithmétique, ni sur le rapport géométrique; si l'on veut que la probabilité de l'erreur, ne soit jamais au-dessus ni au-dessous d'une fraction déterminée.

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Mais à quelle fraction doit-on se fixer? c'est ici que l'arbitraire commence, et les tribunaux offrent à cet égard, de grandes variétés. Dans les tribunaux spéciaux où cinq voix sur huit, suffisent pour la condamnation de l'accusé, la probabilité de l'erreur à craindre sur la bonté du jugement, est ou au-dessus de 4. La grandeur de cette fraction est effrayante; mais ce qui doit rassurer un peu, est la considération que le plus souvent, le juge qui absout un accusé, ne le regarde pas comme innocent: il prononce seulement, qu'il n'est pas atteint par des preuves suffisantes pour qu'il soit condamné. On est surtout rassuré par la pitié que la nature a mise dans le coeur de l'homme, et qui dispose l'esprit à voir difficilement un coupable, dans l'accusé soumis à son jugement. Ce sentiment plus vif dans

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ceux qui n'ont point l'habitude des jugemens criminels, compense les inconvéniens attachés à l'inexpérience des jurés. Dans un jury de douze membres, si la pluralité exigée pour la condamnation est de huit voix sur douze; la probabilité de l'erreur à craindre, est 1093 ou un peu moindre qu'un huitième : elle est à peu près, si cette pluralité est de neuf voix. Dans le cas de l'unanimité, la probabilité de l'erreur à craindre est, c'està-dire, plus de mille fois moindre que dans nos jurys.

La solution du problème que nous venons de considérer, ne suffit pas pour fixer la majorité convenable dans un tribunal d'un nombre quelconque de juges. Il faut pour cela, connaître la probabilité du délit, au-dessous de laquelle un accusé ne peut être condamné, sans que les citoyens aient plus à redouter les erreurs des tribunaux, que les attentats qui pourraient naître de l'impunité d'un coupable absous. Il faut ensuite déterminer la probabilité du délit, résultante de la décision du tribunal, et fixer la majorité, de manière que ces probabilités soient égales. Mais il est impossible de les obtenir. La première est, comme nous l'avons dit, relative à la position dans laquelle la société se trouve, position variable, très-difficile à bien définir, et toujours

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trop compliquée pour être soumise au calcul. La seconde probabilité dépend d'une chose entièrement inconnue, la loi de probabilité de l'opinion de chaque juge, dans l'estimation qu'il fait de la probabilité du délit. Vu notre ignorance de ces deux élémens du calcul, quoi de plus raisonnable que de partir de la solution du seul problème que nous puissions résoudre dans cette matière, celui de la probabilité de l'erreur à craindre sur la justesse de la décision d'un tribunal? Cette probabilité me paraît trop forte dans nos tribunaux, et je pense qu'à cet égard, il convient de se rapprocher du jury anglais où elle n'est que En la fixant à la fraction, et en déterminant la majorité nécessaire pour l'atteindre, on place l'accusé dans la position où il serait vis-à-vis d'un jury de neuf membres dont on exigerait l'unanimité; ce qui me paraît garantir suffisamment, l'innocence, des erreurs des tribunaux, et la société, des maux que produirait l'impunité des coupables. Il doit être extrêmement rare alors, qu'un accusé soit condamné avec une probabilité moindre que celle qui est nécessaire à sa condamnation; car la majorité qui le condamne, déclare que la probabilité de son délit est au moins égale à cette probabilité nécessaire : la minorité qui: l'absout, déclare que la première de ces

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