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la crainte, et l'espérance, nous frappe plus qu'une probabilité supérieure, mais qui n'est qu'un simple résultat du calcul: Ajnsi nous. ne craignons point pour de faibles avantages, d'exposer notre vie, à des dangers beaucoup moins invraisemblables que la sortie d'un quine à la loterie de France; et cependant personne ne voudrait se procurer les. mêmes avantages, avec la certitude de perdre la vie, si ce quine arrivait..

Nos passions, nos préjugés et les opinions. dominantes, en exagérant les probabilités qui leur sont favorables, et en atténuant les probabilités contraires, sont des sources abondantes d'illusions dangereuses.

Les maux présens et la cause qui les fait naître, nous affectent beaucoup plus, que le souvenir des maux produits par la cause contraire: ils nous empêchent d'apprécier avec justesse, les inconvéniens des uns et des autres, et la probabilité des moyens propres. à nous en préserver. C'est ce qui porte alternativement vers le despotisme et vers l'anarchie, les peuples sortis de l'état de repos, dans lequel ils ne rentrent jamais qu'après de longues et cruelles agitations.

Cette impression vive que nous recevons de la présence des événemens,, et qui nous. laisse à peine remarquer les événemens,

contraires observés par d'autres, est une cause principale d'erreur, dont on ne peut trop se garantir.

Les rapports de quelques événemens remarquables, avec les prédictions des astrologues, des devins et des augures, avec les pressentimens et les songes, avec les nombres et les jours réputés heureux ou malheureux, etc., ont donné naissance à une foule de préjugés encore très-répandus. On ne réfléchit pas au grand nombre de non-coïncidences qui n'ont fait aucune impression, ou que l'on ignore. Cependant, il est nécessaire de les connaître, pour apprécier la probabilité des causes auxquelles on attribue les coïncidences. Cette connaissance confirmerait sans doute ce que la raison nous dicte à l'égard de ces préjugés. Ainsi le philosophe de l'antiquité, auquel on montrait dans un temple, pour exalter la puissance du dieu qu'on y adorait, les ex-voto de tous ceux qui après l'avoir invoqué, s'étaient sauvés du naufrage, fit une question conforme au calcul des probabilités, en demandant où étaient inscrits les noms de ceux qui malgré cette invocation, avaient péri. les préjugés dont je viens de parler, dépendent de causes, en partie, mécaniques qui souvent agissent fortement sur l'imagination; mais que l'on peut toujours détruire par l'expérience.

Qu'Auguste, par exemple, qui avait la faiblesse de n'oser se mettre en route le lendemain des jours de foire, eût essayé plusieurs, fois de la vaincre; la comparaison de ces voyages aux autres, l'aurait bientôt guéri de cette crainte imaginaire.

C'est principalement au jeu, qu'une foule d'illusions entretient l'espérance, et la soutient contre les chances défavorables. La plupart de ceux qui mettent aux loteries, ne savent pas combien de chances sont à leur avantage, combien leur sont contraires. Ils n'envisagent que la possibilité, pour une mise légère, de gagner une somme considérable; et les projets que leur imagination enfante, exagèrent à leurs yeux, la probabilité de l'obtenir. Ils seraient sans doute effrayés du nombre immense des mises perdues, s'ils pouvaient les connaître; mais on prend soin au contraire, de donner aux gains, une grande publicité.

Lorsqu'à la loterie de France, un numéro n'est pas sorti, depuis long-temps; la foule s'empresse de le couvrir de mises. Elle juge. que le numéro resté long-temps sans sortir, doit au prochain tirage, sortir de préférence aux autres. Une erreur aussi commune me paraît tenir à une illusion, par laquelle on se reporte involontairement à l'origine des,

événemens. Il est, par exemple, très-peu vraisemblable qu'au jeu de croix et pile, on amènera croix, dix fois de suite. Cette invraisemblance qui nous frappe encore, lorsqu'il est arrivé neuf fois, nous porte à croire qu'au dixième coup, pile arrivera. Cependant loin de nous faire juger ainsi; le passé, en indiquant dans la pièce, une plus grande pente pour croix que pour pile, rend le premier de ces événemens, plus probable que l'autre : il augmente, comme on l'a vu, la probabilité d'amener croix au coup suivant. Une illusion semblable persuade à beaucoup de monde, que l'on peut gagner sûrement à la loterie, en plaçant, chaque fois, sur un même numéro jusqu'à sa sortie, une mise dont le produit surpasse la somme de toutes les mises. Mais quand même de semblables spéculations ne seraient pas souvent arrêtées par l'impossibilité de les soutenir; elles ne diminueraient point le désavantage mathématique des spéculateurs, et elles accroîtraient leur désavantage moral; puisqu'à chaque tirage, ils exposeraient une plus grande partie de leur fortune.

J'ai vu des hommes desirant ardemment d'avoir un fils, n'apprendre qu'avec peine les naissances des garçons dans le mois où ils allaient devenir pères. S'imaginant que le rapport de ces naissances à celles des filles, devait

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être le même à la fin de chaque mois; ils jugeaient que les garçons déjà nés rendaient plus probables, les naissances prochaines des filles. Ainsi l'extraction d'une boule blanche, d'une urne qui renferme un nombre limité de boules blanches et noires dans un rapport donné, accroît la probabilité d'extraire une boule noire, au tirage suivant. Mais cela cesse d'avoir lieu, quand le nombre des boules de l'urne est illimité, comme on doit le supposer, pour assimiler ce cas à celui des naissances. Si dans le cours d'un mois, il était né beaucoup plus de garçons que de filles; on pourrait soupçonner que vers le temps de leur conception, une cause générale a favorisé les conceptions masculines; ce qui rendrait la naissance prochaine d'un garçon, plus probable. Les événemens irréguliers de la nature, ne sont pas exactement comparables à la sortie des numéros d'une loterie dans laquelle tous les numéros sont mêlés à chaque tirage, de manière à rendre les chances de leur sortie, parfaitement égales. La fréquence d'un de ces événemens semble indiquer une cause un peu durable qui le favorise, ce qui augmente la probabilité de son prochain retour; et sa répétition long-temps prolongée, telle qu'une longue suite de jours pluvieux, peut développer des causes inconnues de son

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