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Arménien protégé allemand, Takwoor Agopian. Autour de ces ministres gravitent, dans les différentes administrations, 1671 fonctionnaires étrangers. L'immense majorité de ces derniers et la totalité des officiers anglais ne parlent point la langue du pays. L'auteur fait remarquer à ce sujet que la France a été mieux inspirée en Tunisie: tous ceux qui ont eu un emploi dans ce pays justifiaient leur connaissance de la langue arabe. Nubar Pacha, en prenant pour lui le ministère de la justice, s'est adjoint comme sous-secrétaire d'Etat le cophte Boutrous, de sorte que six millions de Musulmans voient l'administration de la justice dirigée par deux chrétiens, et encore ces deux chrétiens ont-ils voulu introduire d'importantes modifications dans la loi musulmane; ils n'ont été arrêtés que par la résistance du Khédive, que la Sublime-Porte soutenait énergiquement en cette circonstance. En effet, le Cheick-ul-Islam de Constantinople et le corps des ulémas consultés s'étaient prononcés contre les innovations projelées. L'auteur constate que, si l'expédition du Soudan a échoué, c'est parce que le moude musulman ne lui a pas prêté l'appui moral qui lui était indispensable. Les mahdistes eux-mêmes se seraient séparés, ou tout au moins divisés en deux camps, si l'armée égyptienne eùt été commandée par des officiers musulmans.

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Selim Farès critique vivement la police qui a un budget de cinq millions de francs pour l'entretien de 5,000 agents, ce qui fait à peu près 1. fr. 30 c. par jour pour chaque agent, tandis que les Anglais touchent l'inspecteur général, 54,000 fr.; le sous-inspecteur d'Alexandrie, 25,000 fr.; celui d'Assiout, 25,000 francs; l'inspecteur anglais au Caire, 15,000 fr.; un autre à Assiout, 15,500 fr.; trois autres fonctionnaires anglais, 15,500 fr. chacun; en somme 180,000 fr. quand les employés égyptiens meurent de faim. L'auteur insiste sur le fait que Nubar Pacha, Arménien de Smyrne, est le chef d'un parti occulte de plus en plus nombreux qui aspire à fonder l'indépendane ou tout au moins l'autonomie de l'Arménie. Bien que âgé de soixante-dix ans, Nubar Pacha nourrit le rêve de s'asseoir sur le trône restauré des Arméniens et, dans l'espoir d'être aidé par les Anglais, il leur livre l'Egypte. Selim Farès rend pleine justice à Mouktar Pacha qui a su calmer les esprits et ramener dans le pays une tranquillité relative. Il déclare, en terminant ce chapitre, que jamais une amitié sincère ne pourra exister entre la Turquie et l'Angleterre si les Anglais ne règlent la question égyptienne en tenant compte des susceptibilités et des légitimes réclamations des Musulmans. De la politique de l'Angleterre en Egypte dépend la question de savoir si la Turquie sera, dans l'avenir, l'alliée de la Russie ou celle des Anglais. Ces derniers ont proclamé cette idée : « l'Egypte aux Egyptiens; » il faut que cette idée devienne une vérité.

Dans son chapitre II, l'auteur loue particulièrement le prince de Bismarck d'avoir compris que l'empire ottoman est un grand empire militaire capable de jouer un rôle important dans les conflits qui peuvent surgir. Il a voulu certainement, après le traité de Berlin, consolider l'élément ottoman en Afrique et en Asie, afin que ce dernier pût compenser les pertes qu'il avait subies en Europe. Ç'a été exactement le contraire de la politique anglaise de cette époque. Lorsque les troubles éclatèrent en Egypte, M de Bismarck conseilla aux Turcs d'y envoyer leurs troupes. Plus tard, il leur conscilla de coopérer avec les Anglais; mais la Porte fit répondre par son ambassadeur, Sadouliah Pacha, que les Musulmans ne verraient pas d'un bon œil celte coopération, et que les troupes du Sultan pouvaient être exposées à des vexations de la part des populations, par suite de leur contact avec des soldats chrétiens. «Bien que les Turcs n'eussent point suivi son avis qui était sincère, ajoute l'auteur, M. de Bismarck ne cessa de témoigner un vif intérêt pour tout ce qui se passait en Turquie. » Il raconte que, lorsque le maréchal Ali-Nizami Pacha fut envoyé à Berlin pour féliciter l'empereur Guillaume à l'occasion de son 90e anniversaire, il gagna rapidement les sympathies du chancelier. Un jour, la conversation tomba sur la question égyptienne : « Que puis-je faire pour vous, mon cher Pacha? dit le prince; une fois, je vous ai conseillé d'envoyer vos troupes seules;

vous avez refusé; une autro fois, je vous ai engagé de marcher avec les Anglais, vous n'avez pas encore voulu; vous auriez pu à cette époque faire de l'Egypte une seconde Brousse ?... »

On se rappelle qu'un jour au Parlement lord Granville, ministre des affaires étrangères, affirma que M. de Bismarck avait conseillé à l'Angleterre de s'emparer de l'Egypte. L'irritation fut grande à Berlin. Le chancelier dut s'expliquer au Reichstag el fit connaitre qu'il avait dit simplement au ministre anglais que, s'il était membre du Cabinet de la reine, il aurait voulu agir dans la question égyptienne de concert avec le Sultan. « Quoi qu'ait pu dire autrefois M. de Bismarck, dit Selim Farès, il est certain qu'aujourd'hui il cherche à fortifier la Turquie en Asie et en Afrique, et cela parce qu'il convient à sa politique de semer la discorde entre la Russie et l'Angleterre d'une part, entre la France et l'Angleterre de l'autre. » L'auteur termine ce chapitre, après de longues considérations sur l'armée turque, par ces paroles du chancelier à Ali-Nizami Pacha: «La Turquie doit montrer à l'Europe qu'elle est capable de vivre par ellemême, et pour cela il faut qu'elle soit bien armée. »

Dans le chapitre III, l'auteur expose que tout observateur impartial doit reconnaitre que le prestige de l'Angleterre a singulièrement décliné pendant ces dix dernières années non seulement en Turquie et en Egypte, mais encore sur les côtes de la mer Rouge, de Suez à Zanzibar, dans l'Arabie, en Perse, dans l'Asie centrale et dans son propre empire indien. La cause en est, dit-il, dans les revers subis par la Turquie et par l'arrivée des troupes du tzar aux portes de Stamboul, que l'Angleterre, dans ses proclamations à ses sujets musulmans, s'était engagée à défendre; dans la marche en avant des Russes dans l'Asie centrale. Malgré toutes ses promesses de défendre le territoire ottoman, l'Angleterre a laissé l'Autriche s'emparer de la Bosnie-Herzégovine. Elle a toléré que tous les voisins de la Turquie se soient enrichis aux dépens de cette dernière. Elle-même n'a pas reculé devant la confiscation de l'île de Chypre. Les Musulmans l'avaient donc bien jugée et appréciée. Elle acheva de se perdre en organisant cette expédition du Soudan. Le jour où Kartoum et Gordon tombèrent entre les mains du Madhi, c'en fut fait du prestige du nom anglais. Or, presque dans le même moment, surgit la fameuse querelle de Penjdeh entre la Russie et l'Angleterre. Tout le monde comprit que la Russie profitait des embarras de l'Angleterre pour avancer dans l'Asie centrale; et, en effet, on apprit, un beau jour, que le général Kauffmann avait fait tomber sous les balles de ses soldats 500 Afghans. L'Angleterre se prépara à la guerre; le Cabinet obtint un crédit de 11 millions de livres sterling. La Turquie, de son côté, s'empressa de déclarer qu'elle voulait rester neutre et qu'elle fermerait les détroits à tout vaisseau de guerre. Ce fut une véritable humiliation pour l'Angleterre, quand les princes indiens, assemblés au fameux durbar de Rawl Pindi, apprirent l'échec subi par les Afghans. Le prestige de la Russie grandit aussitôt dans tout l'Orient. Tous les regards des Musulmans se tournèrent vers son côté; ils suivirent avec la plus grande attention tous ses mouvements, croyant qu'ils avaient à la fin, rencontré une puissance ayant la force et la volonté de les venger de toutes les avanies et des injustices dont les avaient abreuvés les Anglais, de l'invasion de l'Eygypte, du bombardement d'Alexandrie. La Russie s'arrêta à Penjdeh; mais c'était pour se préparer à un nouveau mouvement en avant; elle semblait reculer pour prendre un nouvel élan, et, en attendant, elle poursuit toujours cette fameuse frontière scientifique qu'elle veut donner à son empire asiatique. Elle la poursuit en ouvrant des routes, en construisant des chemins de fer, en élevant des casernes et surtout en gagnant les sympathies des populations musulmanes qu'elle traverse sur sa roule victorieuse, en se familiarisant avec leurs mœurs, leurs coutumes, leurs idées, leur langage, leurs besoins, leurs ambitions. Voilà une politique habile, une politique d'éminent savoir-faire. C'est elle qui assurera les progrès de la Russie en Asie centrale, si cette grande puissance continue à tenir compte de la foi des races, si elle continue à faire respecter par ses autorités civiles et militaires la

religion, les mœurs des peuples qu'elle a subjugués, Aucune barrière, aucun obstacle ne l'empêcheront d'atteindre son but. Les officiers russes ne sont pas seu lement de braves soldats et d'habiles ingénieurs, ils sout aussi d'adroits diplomates. C'est celte diplomatic qui fait la force de la Russie; un proverbe arabe dit avec raison que mille ours conduits par un lion valent mieux que mille lions conduits par un ours. Une bonne diplomatic est l'avant-garde de la Russie. L'auteur rappelle qu'en 1725 la Russie ne possédait que 4 millions de milles carrés anglais en Asic; aujourd'hui elle en a 14 millions..... Selim Farès énumère alors les principaux griefs des Indous. Il les cite d'après des rapports confidentiels qu'il a reçus et d'après des documents émanant d'un des écrivains indiens des plus sûrs, Mohammed Mahfuz, aly de Kakori. En voici quelquesuns: «Les Anglais nous ont fermé l'accès de tous les emplois publics et nous ont enlevé ainsi les moyens d'existence. Ils ont ruiné notre commerce et nos industries locales; ils nous ont accablés d'impôts et de taxes. La procédure de leurs tribunaux nous a ruinés et nous a fait perdre nos biens et nos foyers. Les Anglais nous ont réduits à l'abjecte condition de fendeurs de bois ou de porteurs d'eau ».............

Les Musulmans, tant de fois bernés et trompés par l'Angleterre, ne croient plus à sa sincérité; ils ne veulent plus d'une alliance sentimentale. Il leur faut une alliance qui tienne compte des intérêts matériels; ils sont persuadés que la triste situation de la Turquie est le résultat direct ou indirect de la politique anglaise, et ils n'ignorent pas que cette dernière est profondément égoïste. L'Angleterre a besoin, pour sa politique dans les Indes, de l'alliance avec la Turquie, car il est incontestable qu'il se prépare en Europe et en Asie centrale de graves évènements où l'élément musulman doit jouer un rôle important. Il est donc urgent pour le Cabinet britannique de calmer les susceptibilités que l'administration anglaise a suscitées en Egypte; c'est par son attitude dans cette question, c'est, en un mot, au Caire que doit être le point de départ de la nouvelle politique anglaise, si elle veut se rapprocher des Musulmans.

Le chapitre IV est des plus intéressants; je le résumerai brièvement. Il fait ressortir d'une façon saisissante l'étroite solidarité qui relie les Musulmans du monde entier entre eux. Les 100,000 pèlerins qui se réunissent chaque année sur le mont Arafal y représentent 170 millions de Musulmans.

Le pèlerinage n'a pas seulement un caractère religieux, il a un but à la fois humanitaire, social et commercial; humanitaire, parce qu'il oblige dans le monde islamique chaque Musulman à tuer à cette époque-là, qui est le Courban-Baïram, un mouton et à le donner aux pauvres; politique, car il réunit dans les cités saintes, que chaque croyant doit visiter au moins une fois en sa vie, de véritables Assises de l'islam, un immense Parlement musulmun dans Jequel prennent part des hommes instruits et influents. Le pèlerin de l'Asie centrale y rencontre son coreligionnaire du Maroc, l'Afghan tend la main à l'Egyptien, le Turcoman fraternise avec l'Arabe de l'Asie, le Turc de Constantinople, le nègre du Soudan et le Malais de Bourou. Les pèlerins peuvent discuter tous les sujets; ils s'entretiennent du passé, du présent et de l'avenir, et peuvent se former une idée de ce que la politique sera l'année suivante et jusqu'à quel point l'Islam y sera intéressé. Il en résulte que le Musulman qui est resté chez lui saura par son voisin, qui revient de la Mecque, ce qui s'y est dit, ce qui s'y est décidé. Cette année, par une curieuse coincidence, le jour du Courban-Bairam est tombé juste le jour où S. M. le Sultan, sur les conseils de la France, a refusé de signer la convention égyptienne que voulait lui imposer l'Angleterre. Le pèlerinage a donc eu, cette année, une influence extraordinaire, car jamais les Musulmans n'avaient pris un intérêt aussi vif aux graves questions du moment : les provinces que la Turquie a perdues, la présence des Anglais sur le Nil, l'avortement de la convention égyptienne, Massaoua et les vues ambitieuses de l'Italie sur la Tripolitaine. Il y avait à la Mecque des pèlerins de Caboul, de Merv, de la tribu des Ghilzais qui auront expliqué plus d'un fait délicat à leurs coreligionnaires. Les pèlerins des Indes auront exposé à

leurs frères leurs vues sur la question égyptienne et le rôle que jouent les Anglais dans le pays qu'ils occupent, le peu de sympathie que l'on éprouve pour eux, et combien on est las de leur domination. En un mot, tous ces Musulmans ont été, pour ainsi dire, unis de cœur et d'esprit au foyer de l'islamisme et, à leur retour, ils feront connaitre leur opinion, et cette dernière exercera une grande influence sur les évènements d'un avenir peu éloigné, je veux parler du jour où infailliblement la Russie et l'Angleterre se rencontreront dans l'Asie centrale. Les Anglais n'y retrouveront plus leur ancien prestige et s'apercevront du déclin de leur influence.

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Les chapitres V et VI renferment, comme je le disais, des faits connus on certains détails qu'ils est inutile de citer pour ne pas allonger cette étude sur l'œuvre de Selim Farès.

Il est bon de connaître l'opinion d'un publiciste musulman, fanatique de sa religion qu'il croit appelée à jouer encore un grand rôle en pays arabe et en Asie, et dont les écrits périodiques ont incontestablement une grande influence sur ses coreligionnaires de tous pays qui les lisent avec avidité depuis plus de vingt années.

Le Droit d'Auteur. Organe officiel du Bureau de l'Union internationale pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, journal mensuel paraissant à Berne le 15 de chaque mois, 1er numéro, 15 janvier 1888. Nous sommes heureux de saluer la publication de ce journal qui servira de lien entre les pays qui ont conclu à Berne, le 9 septembre 1886, une Union

pour la protection de la propriété littéraire et artistique, Union destinée, nous en avons la ferme conviction, à comprendre dans un avenir prochain la plus grande partie des Etats civilisés. Ce journal peut rendre les plus grands services, et il ne manquera pas de les rendre sous la direction éclairée de l'administration suisse.

Voici quelles seront les matières traitées par ce journal:

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Discussions ou exposés se rattachant à des questions d'int 'rêt général pour l'Union. Publication de la convention et de tout ce qui concerne son exécution, des lois et règlements, ainsi que des conventions internationales, se rapportant aux objets pour lesquels l'Union est constituée. Nouvelles officielles relatives à la protection des œuvres littéraires et artistiques. Données statistiques de diverse nature. Bibliographie, Jurisprudence des tribunaux.

Faits divers.

Il est à souhaiter que la tâche du Bureau international soit facilitée par le concours empressé des diverses administrations des pays contractants.

Le Droit de la Guerre, par le Professeur Emile Acollas, 1 vol. in-32, Paris, 1888, librairie Ch. Delagrave.

M. Acollas s'est proposé, dans une série de petits volumes, de mettre le droit à la portée de tout le monde. Ce n'est pas une tâche facile que d'être à la fois bref et non superficiel, clair et précis; l'auteur s'en est acquitté avec grand talent. Ici nous ne voulons qu'attirer l'attention sur sa dernière publication qui rentre directement dans l'objet de nos études; dans ce livre de 160 pages, M. Acollas a trouvé le moyen d'exposer tout ce qu'il est essentiel de connaître relativement à la guerre et il a fait un excellent manuel, au meilleur sens du mot. Après quelques idées générales sur le droit des gens et quelques notions historiques, il arrive aux conflits entre les Etats et aux moyens, autres que la guerre, de les résoudre; puis dans 13 chapitres, il parcourt successivement la théorie générale du droit de la guerre, la déclaration de guerre et ses effets, les moyens de nuire à l'ennemi, etc., les clauses des traités de paix et les coutumes particulières à la guerre maritime. Un appendice est consacré à la neutralité. Sur chaque point, l'auteur indique la pratique admise et les objections qui peuvent y être faites au nom des principes du droit. Ses tendances sont caractérisées par les dédicaces placées en tête de son livre qui sont adressées l'une à Jean-Jacques qui, en proclamant que la guerre ne se fait que d'Etat à Etat, en a fondé la théorie juridique nouvelle, et a essayé d'en restreindre les désastres et les horreurs ; l'autre à Jean-Jacques, à Condorcet, à Kant, à Bentham, à tous les cœurs pleins de l'amour de l'humanité et à tous les hauts esprits qui ont prophétisé et préparé l'avenement de la paix entre les nations.

Histoire de l'Europe pendant la Révolution française, par H. de Sybel, trad. de l'allemand par Me Dosquet, Tome VI; Paris, 1888, librairie Félix Alcan.

C'est le dernier volume de l'ouvrage de l'illustre directeur des Archives royales de Prusse. Il comprend les guerres de la seconde coalition, la fin du Directoire, le coup d'Etat du 18 brumaire, le Consulat, Marengo, le Concordal, les négociations de Lunéville, et se termine avec la paix de 1801.

Nous rappelons que la traduction de cet ouvrage du Directeur des Archives royales de Berlin, est due à Me Dosquet.

Abstraction faite de l'opinion préconçue de l'auteur sur le rôle de la nation française pendant la Révolution et sur la Révolution elle même, tous les critiques sont d'accord pour constater que ce grand ouvrage, outre qu'il est le fruit d'une profonde érudition, est appuyé sur un grand nombre de documents nou

veaux.

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