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vingt ans. C'est peut-être là la raison pour laquelle la Russie veut être assez forte en Pologne. Les grandes crises en France éclatent ainsi tous les 18 ou 20 ans, et personne ne niera qu'un changement de la forme gouvernementale en France pourrait aboutir à une crise, qui imposerait à toute puissance intéressée le désir de pouvoir agir avec son plein poids; je parle d'une action diplomatique, mais conduite par une diplomatie qui s'appuie sur une armée forte et placée à proximité de la frontière.

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Si c'est là l'intention de la Russie et le jugement technique-diplomatique que m'inspire mon expérience me le fait supposer en dépit des menaces et des gasconnades des journaux alors nous n'avons aucune raison pour broyer du noir plus que nous ne l'avons fait depuis quarante ans. La crise vraisemblable qui peut éclater, c'est la crise orientale. Si elle éclate, nous n'y sommes pas engagés au premier plan. Sans manquer à aucun engagement, nous pouvons attendre que les puissances intéressées dans la Méditerranée ou dans le Levant prennent leur décision et se décident à un compromis ou à une guerre avec la Russie. Nous ne sommes pas appelés à prendre l'initiative dans un sens ou dans l'autre. Toute puissance qui cherche à peser, à agir sur la politique des autres pays, et à diriger les choses, périclite en dehors du territoire que le bon Dieu lui a assigné; elle ne fait pas une politique d'intérêts; mais elle est à la chasse du prestige. Nous ne ferons rien de pareil; dans le cas où une crise orientale viendrait à éclater, nous attendrons l'attitude que prendront les puissances plus intéressées, avant de fixer notre attitude à nous.

Il n'y a donc pas lieu de croire que c'est la situation actuelle qui nous engage à procéder à la formidable augmentation de nos forces armées proposée par le projet de loi. Je voudrais que la question de l'établissement de l'arrière-ban et celle des crédits fussent détachées de la question de savoir quelle est notre situation actuelle. Il ne s'agit pas d'un établissement momentané, mais d'une institution destinée à renforcer l'Empire d'Allemagne d'une façon permanente.

Il ne s'agit pas d'une mesure momentanée : ce sera clair, si nous passons en revue les dangers de guerre que nous avons eus depuis quarante ans, sans être jamais tombés dans une inquiétude nerveuse.

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En 1848, lorsqu'on vit se briser les digues qui avaient assigné leur cours à bien des eaux, nous avions deux grosses questions: la question polonaise et la question du Schlesvig-Holstein. Après les journées de mars, le premier cri était « Guerre à la Russie pour le rétablissement de la Pologne! » Bientôt après ce fut la question du Schlesvig-Holstein qui menaçait fort de provoquer une grande guerre européenne. Je n'ai pas besoin de rappeler que la convention d'Olmutz en 1850 empêcha une grande conflagration, une guerre du même genre. Puis nous eûmes deux années de paix, remplies d'appréhensions. Je fus alors pour la première fois délégué à Francfort. En 1853, on pressentait déjà la guerre de Crimée, qui a duré de 1853 jusqu'en 1856; pendant toute la durée de cette guerre nous nous trouvâmes au bord je ne dirai pas de l'abime, mais de la pente sur laquelle nous pouvions être entraînés dans la guerre. Je me rappelle que pendant cette période de 1853 à 1855, j'étais forcé à des allées et venues incessantes comme un pendule -entre Berlin et Francfort, puisque feu le roi, étant donné la confiance qu'il m'accordait, m'utilisait comme l'avocat de sa politique indépendante toutes les fois que les puissances occidentales le pressaient trop de déclarer à son tour la guerre à la Russie et que la résistance de ses ministres faiblissait. Que de fois avons-nous vu jouer la pièce, dans laquelle je fus cité pour rédiger une dépêche plus russophile. Sur quoi M. de Manteuffel donna sa démission, après quoi, la dépêche une fois partie, je sollicitai de Sa Majesté la mission de rejoindre M. de Manteuffel à la campagne ou ailleurs pour l'amener à reprendre son portefeuille. Mais tout le temps la Prusse était sur le point d'avoir une grande guerre d'un côté, elle était exposée à l'hostilité de l'Europe non russe tout entière, pour le cas où elle refuserait de se joindre

aux puissances occidentales; d'un autre côté, elle eût rompu avec la Russie pour longtemps, puisque le coup de la Prusse eût été peut-être le plus sensible à la Russie.

Nous étions donc sous le coup d'une menace constante pendant la guerre de Crimée, laquelle nous valut, au Congrès de Paris, une sorte de Canossa, dont je n'aurais pas assumé la responsabilité et que j'ai déconseillé en vain. Nous n'avions point besoin de jouer une puissance plus grande que nous ne l'étions et de signer les traités. Mais nous étions dans les antichambres pour ètre admis à signer. Cela ne nous arrivera plus.

C'était en 1856. L'année suivante ce fut la question de Neuchâtel qui nous menaça d'une guerre. Ceci est resté moins connu. Feu le roi m'envoya, au printemps de 1857, à Paris, pour négocier avec l'Empereur Napoléon la permission pour les troupes prussiennes de passer en vue d'une marche sur la Suisse. Chacun comprendra que cela eût pu devenir un conflit avec la France et avec d'autres puissances. L'Empereur Napoléon était disposé à nous donner la permission. Mes négociations à Paris eurent un terme, puisque, entretemps, Sa Majesté le Roi s'était arrangé à l'amiable avec l'Autriche et la Suisse. Mais le danger n'en a pas moins existé. Je puis dire que, lors de ce séjour à Paris, je vis en l'air la guerre italienne, qui a éclaté une année après et qui a failli nous entrainer dans une grande guerre de coalitions européennes. Nous en étions à la mobilisation et nous aurions sans doute commencé la guerre, si l'Autriche n'avait pas conclu la paix de Villafranca, trop précipitamment à son point de vue, mais juste à propos au nôtre, puisque nous aurions fait la guerre dans des conditions peu favorables; de cette guerre italienne nous aurions fait une guerre franco-prussienne, dont la conclusion, la fin et la paix, eût tenu plutôt à nos amis et à nos ennemis. Nous arrivions jusqu'à l'année 1862, sans que les nuages de guerre se fussent dissipés pour une seule année.

En 1863, nous avons eu un grand danger que le public a presque ignoré et qui n'exercera son impression que lorsque les archives secrètes seront livrées à la publicité. Vous vous rappelez l'insurrection polonaise. Jamais je n'oublierai les visites matinales d'alors de Sir Andrew Buchanan, l'ambassadeur anglais, et de M. de Talleyrand, le représentant français, qui me reprochaient violemment l'attitude russe inqualifiable de la politique prussienne et qui tenaient un langage assez comminatoire. Aux heures de midi des mêmes jours, j'eus l'agrément d'entendre à la Diète, les mêmes arguments et les mêmes attaques que m'avaient fait entendre dans la matinée les deux ambassadeurs étrangers.

J'aurais enduré cela avec quiétude, mais le czar Alexandre perdit patience, et, en présence des chicanes des puissances occidentales, il voulait dégaîner. Vous vous rappelez que l'armée française était alors engagée dans les projets américains et mexicains, de sorte qu'elle n'aurait pu agir avec toutes ses forces. Le czar de Russie ne voulait plus tolérer les intrigues polonaises des autres puissances, et il était prêt à se lier avec nous pour faire face aux événements. Vous savez que la Prusse était alors dans une situation délicate, que les esprits en Allemagne étaient en ébullition et qu'on se préparait au congrès de Francfort. On peut admettre que, pour notre Souverain, la tentation était grande pour mettre fin à la críse intérieure en s'engageant dans une grande guerre, et, certes, nous aurions eu la guerre de la Prusse et de la Russie alliées contre les puissances qui protégeaient et soutenaient le soulèvement polonais; mais Sa Majesté s'effrayait à la pensée de résoudre les difficultés intérieures allemandes et prussiennes, avec l'aide de l'étranger, et nous avons tacitement refusé sans faire valoir les motifs de notre procédé, vis-à-vis des projets hostiles d'autres gouvernements allemands.

La mort du roi de Danemarck a inspiré à tous les intéressés d'autres pensées. Mais il n'eût fallu qu'un oui, au lieu d'un non, prononcé à Gastein par Sa Majesté le roi, et la grande guerre des coalitions eût éclaté dès 1863. Un autre ministre, non allemand, eût conseillé le oui, pour des raisons d'utilité

et par opportunisme, en vue de résoudre les difficultés intérieures; mais notre peuple et l'étranger n'ont pas idée de ce sentiment national et de ce sentiment consciencieux du devoir qui inspirent les souverains et les ministres des pays allemands.

L'année 1864 nous apporta un nouveau danger de guerre. Depuis le moment où nos troupes passèrent la frontière, je m'attendais chaque semaine à une ingérence de la coalition européenne dans l'affaire danoise et vous conviendrez que cette ingérence était fort probable. Nous pùmes voir dès lors qu'il n'était guère facile à l'Europe d'attaquer la Prusse et l'Autriche unies et cependant la confédération germaniqne d'alors était loin d'avoir l'importance militaire qu'elle a aujourd'hui. On l'a vu déjà alors; mais le danger de la guerre était le même.

En 1865, le danger venait d'ailleurs et on put voir les prodrômes de la guerre de 1866. Je rappellerai seulement le conseil des ministres prussiens qui eut lieu, en 1865, à Regensbourg, au sujet du vote des crédits, sujet qui fut vidé par la convention de Gastein. En 1866, la guerre éclata et nous courûmes le danger - qui ne fut écarté que par la mise à profit prudente des circonstances de voir ce duel austro-prussien dégénérer en une grande guerre européenne, où il se serait agi de notre existence.

C'était en 1866; en 1867 nous avions la question du Luxembourg; il n'aurait fallu qu'une réponse un peu plus ferme de notre part et nous l'aurio s peut-être donnée si nous avions été assez forts pour être sûrs du succès pour que la grande guerre française éclatât dès lors.

Depuis ce temps, en 1868, en 1869 et en 1870, nous avions les craintes de guerre constantes à la suite des pourparlers engagés par M. de Beust à Salzbourg, et ailleurs entre la France, l'Italie et l'Autriche et qu'on supposait engagés à nos frais. Les craintes de guerre étaient si intenses que j'eus alors, comme président du conseil, la visite de bon nombre de commerçants et d'industriels qui me disaient : « Cette incertitude est insupportable, mais cognez donc, car nous préférons la guerre à la pression qui pèse sur les affaires ! >>

Nous avons tranquillement attendu qu'on nous attaquât, et je crois que nous avons bien fait de nous arranger de façon à ce que nous fussions les attaqués et non pas les assaillants.

Et maintenant, cette grande guerre faite, je vous demande si une seule année s'est passée sans que nous ayons eu le danger de la guerre. A peine étions-nous revenus qu'on se demandait déjà A quand la prochaine guerre? A quand la revanche? D'ici avant cinq ans au plus tard, n'est-ce pas?

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On nous disait alors la question de savoir si nous devons faire la guerre et si nous la ferons avec succès c'était un député du centre qui me disait cela au Reichstag ne dépend aujourd'hui que de la Russie, c'est elle qui domine la situation. Peut-être reviendrai-je encore sur cette question. Maintenant je veux parfaire le tableau de ces quarante ans, en mentionnant qu'en 1876 les nuages s'amassaient de nouveau au midi. Nous eûmes en 1877 la guerre balkanique, mais, grâce au congrès qui s'est réuni à Berlin, cette guerre n'a pas abouti à une guerre générale, et après le congrès, nous étions en face d'une nouvelle situation, puisque la Russie nous en voulait de notre attitude au congrès. J'y reviendrai encore si mes forces me le permettent. Il se produisit une certaine action des relations intimes entre les trois Empereurs et pendant un certain temps nous pouvions envisager l'avenir avec plus de tranquillité; mais dès les premiers symptômes de l'incertitude des relations des Empereurs, dès l'expiration de leur entente, notre opinion fut de nouveau saisie de cette agitation nerveuse et, je crois, exagérée, contre laquelle nous avons lutté pendant plusieurs années et que nous croyons particulièrement peu justifiee à l'heure qu'il est.

Je suis loin d'en conclure que l'augmentation de notre force armée n'est pas nécessaire, au contraire."

Voilà pourquoi j'ai déroulé ce tableau de 40 ans qui ne vous a peut-être pas égayés; mais si j'avais omis une seule de ces années que vous avez traversées frémissants, on n'aurait pas eu cette impression que l'état de crainte de grosses complications, de prévision de coalitions impossibles à calculer d'avance est un état permanent auquel nous devons nous habituer une fois pour toutes. Aussi devons-nous être, sans égard à la situation du moment, assez forts pour que nous ayons la fierté d'une grande nation, assez puissante pour diriger elle-même son sort et pour envisager avec calme toute coalition avec la confiance en nous-mêmes et en Dieu qu'inspirent notre force et la justice qui sera toujours de notre côté.

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Nous devons être aussi forts que se peut faire, et nous avons la possibilité d'être plus forts que toute nation du monde d'un nombre égal au nôtre. Ce serait un crime que de ne pas tirer parti de ce moment. Si nous n'avons pas besoin de notre force armée, nous n'avons qu'à ne pas l'appeler sous les drapeaux. Il s'agit de la question financière qui n'est pas très forte; mais je rappellerai que la République française à dépensé, pendont ces trois dernières années, trois milliards pour augmenter sa force armée, tandis que nous n'en avons dépensé que un milliard et demi, y compris ce que nous vous demandons maintenant. Mais je m'en remets pour cette question à M. le ministre de la guerre.

Si je dis que nous devons toujours tendre à être de taille à faire face à toutes les éventualités, je veux dire que, en raison de notre situation géographique, nous devons faire plus d'efforts que les autres nations. Nous sommes au centre de l'Europe. On peut nous attaquer de trois côtés, tandis que la France peut être attaquée à l'Est seulement et la Russie à l'Ouest. Nous sommes, mieux que toute autre nation, exposés aux coalitions en raison du développement historique, de la situation géographique et du peu de cohésion que nous avons eue. Dieu nous a mis dans une situation telle que nos voisins nous empêchent de devenir paresseux et de nous engourdir. Il a mis près de nous la nation la plus belliqueuse, la plus remuante, la nation française; en Russie, il a fait grandir des velléités belliqueuses qui n'existaient pas autrefois. Nous sommes donc éperonnés de deux côtés et contraints à des efforts que nous n'aurions peut-être pas faits. Les brochets dans le vivier européen nous empêchent d'ètre des carpes, en nous faisant sentir dans nos deux flancs leurs éperons. Ils nous forcent même à l'union, tout à fait contraire à notre nature, qui penche vers la discorde. Mais le pressoir russofrançais nous impose l'union et la pression augmentera notre force de cohésion jusqu'à ce que nous soyons aussi difficiles à déchirer que les autres nations. Mais il faut que nous obéissions à la Providence, en nous faisant si forts que les brochets puissent tout au plus nous tenir en éveil.

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Dans le bon vieux temps de la Sainte-Alliance - je me rappelle ici une vieille chanson américaine que j'ai apprise de mon ami Motley: In good old colonial times, when we lived under a King nous avions des balustrades et des digues qui nous protégaient contre les flots impétueux européens. Il y eut la Confédération germanique, qui était au service et sous la protection de la Sainte-Alliance. Nous pouvions nous appuyer sur la Russie et l'Autriche et nous avions, comme garantie, notre timidité, qui nous empêchait de dire notre opinion tant que les autres n'avaient pas parlé.

Tout cela, c'est fini, et nous devons nous aider nous-mêmes. La SainteAlliance a échoué dans la guerre de Crimée sans notre faute. La Confédération germanique, nous l'avons détruite, puisque la situation qu'on nous y faisait était intolérable pour nous et pour le peuple allemand. Toutes les deux ont trépassé. Après la dissolution de la Confédération germanique, la Prusse d'alors ou l'Allemagne du Nord eût été isolée si nous avions dù compter que personne ne nous pardonnerait les grands succès obtenus par nous; les autres voisins ne voient jamais avec plaisir les succès de leurs voisins.

Nos relations avec la Russie n'avaient pas été troublées par les événements

de 1866. En 1866, le souvenir de la politique du comte Buol, le souvenir de la polilique autrichienne pendant la guerre de Crimée était trop vivant pour qu'on ait pu avoir la pensée de secourir l'Autriche contre l'attaque prussienne et de refaire la campagne de 1849.

Le plus naturel pour nous, c'était encore de nous appuyer sur la Russie, politique qui avait pris sa naissance très légitime dans la politique de l'Empereur Alexandre I. La Prusse lui devait de la reconnaissance. Il aurait pu, en 1813, tourner les talons à la frontière polonaise et faire sa paix; il aurait pu abandonner la Prusse. Notre rétablissement, nous en étions redevables à la bienveillance du czar, ou, si vous voulez être sceptiques, politique russe dont la Prusse avait besoin.

à la

Cette gratitude était la pensée dominante de Frédéric-Guillaume III. Le solde que la Russsie avait en compte chez la Prusse a été exploité pendant le règne du tsar Nicolas par l'amitié, on pourrait dire la servilité de la Prusse et il a été liquidé à Olmutz. Ici le tsar Nicolas ne prit point le parti de la Prusse; il ne nous protégea point contre certaines humiliations, puisque le tsar penchait en somme plutôt du côté de l'Autriche que du côté de la Prusse. La pensée que nous devions à la Russie une certaine reconnaissance est une légende historique.

Toutefois nous n'avons pas été, du vivant du czar Nicolas, infidèles à nos traditions envers la Russie; pendant la guerre de Crimée nous nous sommes tenus du côté de la Russie, en dépit des dangers et des menaces dont j'ai parlé plus haut. Sa Majesté le roi n'était pas disposé à jouer un rôle décisif, ce qui eût été possible, je crois. Nous avions conclu des traités qui nous obligeaient à réunir, à un certain moment, une armée de 100,000 hommes. Je disais alors à Sa Majesté : Réunissons, non pas 100,000 hommes, mais 200,000 hommes; plaçons-les à cheval pour les diriger soit à gauche, soit à droite, et votre Majesté décidera du sort de la guerre de Crimée. Mais le roi n'était pas disposé à des entreprises guerrières, et le peuple ne peut que lui en savoir gré. J'étais alors plus jeune et moins expert qu'aujourd'hui. Nous n'avons pas vengė la défaite d'Olmutz et nous sommes sortis de la guerre de Crimée en amis de la Russie. A l'époque où j'étais ministre de Prusse à Saint-Pétersbourg, cette amitié m'a vasu un excellent accueil à la cour et dans la société. Pendant la guerre d'Italie, nous primes le parti de l'Autriche, ce qui n'était pas du goût du cabinet russe; mais cela ne tirait pas à conséquence. Notre guerre de 1866 fut même regardée avec une certaine satisfaction; on se réjouissait en Russie de la défaite de l'Autriche. En 1870, nous eûmes la satisfaction de rendre à la Russie un service dans la mer Noire, tout en refoulant l'agression. Les signataires du traité de Paris auraient à peine livré la mer Noire, si l'armée allemande victorieuse ne se fût pas trouvée à proximité de Paris. Si nous avions été battus, la Russie aurait eu plus de difficulté d'aboutir à la conférence de Londres. La guerre de 1870 nous laissa donc en bonne entente avec la Russie.

Je cite ces faits pour vous exposer la genèse du traité conclu avec l'Autriche-Hongrie et publié il y a quelques jours et pour justifier la politique de Sa Majesté contre le reproche qu'elle augmente les chances de guerre pour l'Empire d'Allemagne, en ajoutant les chances que l'Autriche-Hongrie pourrait courir contre sa volonté.

Je vais maintenant vous exposer comment il s'est fait que les relations traditionnelles entre nous et la Russie, que j'ai personnellement toujours cultivées avec prédilection, ont pris une tournure telle que nous avons été amenés à la conclusion du traité que nous avons publié avant-hier.

Les premières années après la guerre de France se sont passées encore dans la meilleure intelligence. En 1875 se produisit pour la première fois chez mon collègue russe, le prince Gortschakoff, la disposition à rechercher de la popularité en France plus que chez nous et de mettre à profit certaines constellations artificiellement créées en vue de faire croire au monde, au moyen de l'adjonction d'un télégramme, que nous aurions eu en 1875 une

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