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Le Conseiller Privé de Staal au Secrétaire d'Etat de Giers.

(Reçu le 6 avril 1885)

EXTRAIT D'UNE LETTRE CONFIDENTIELLE

Londres, le 3/15 avril 1885.

Lord Granville m'ayant déclaré à notre entrevue du 9 avril qu'il se trouvait dans l'impossibilité de continuer notre négociation tant que l'incident d'Ak-Tépé n'était pas élucidé, et ce temps d'arrêt me paraissant préjudiciable, j'ai cru devoir saisir l'occasion qui s'est offerte à moi de reprendre confidentiellement le fil interrompu de nos pourparlers. J'ai été dans le cas de faire parvenir à la connaissance des Ministres Anglais les points. suivants, qui me paraissaient de nature à servir de base à un arrangement. J'ai eu soin de les entourer de toutes les réserves possibles en relevant expressément qu'ils n'engageaient pas mon Gouvernement. Je tenais uniquement à les communiquer aux Ministres de Sa Majesté la Reine pour savoir si, le cas échéant, ils seraient acceptés par le Cabinet Britannique.

J'ai l'honneur de joindre ici ce projet, tel que je l'avais sommairement ébauché.

J'ai pensé qu'en proposant le retrait provisoire de nos troupes du terrain contesté contre l'engagement que les troupes afghanes en seraient également exclues, je ne formulais pas une concession excessive, si, à ce prix, nous pouvions nous assurer l'acceptation de toute notre ligne du 16 janvier (1).

A peine Lord Granville eut-il reçu ma notice qu'il m'écrivit un petit mot pour me prier de passer chez lui.

Il commença par mettre hors de cause le caractère entièrement privé et confidentiel de notre entretien, et s'étendit sur la nécessité de s'entendre au plus vite pour ne pas laisser aux événements et à l'entraînement des passions le temps d'entraver l'œuvre de la paix. Passant ensuite aux détails de mon aide-mémoire, il déclina tout d'abord l'article 7 qui équivalait, selon lui, à l'acceptation pure et simple de notre ligne. Cette condition lui semblait inconciliable avec la dignité du Gouvernement Anglais. Le principal Secrétaire d'Etat me passa ensuite une notice dans laquelle il avait consigné ses contre-propositions, et dont je me fais un devoir de joindre ici une copie. Lord Granville finit par me prier de revenir le lendemain et d'amener M. Lessar pour qu'il pût discuter quelques détails géographiques avec Lord Kimberley, qui devait également être du rendez-vous.

Nous nous retrouvâmes, en effet, dans la journée d'hier, dans l'appartement privé de Lord Grauville. Notre entretien ayant été assez prolongé, je tâcherai de le résumer ici le plus succinctement possible afin de ne combler que les quelques lacunes de mon télégramme du 2 avril (2).

1. Ayant débuté par émettre l'opinion que, du moment où les Ministres Anglais considéraient l'acceptation en bloc de notre ligne comme inadmissible, je n'avais qu'à retirer, de mon côté, la proposition de l'évacuation de la zone; je rencontrai la plus vive opposition de la part de Lord Granville.

(1) V. le document sub no 46. (2) V. le document sub no 84.

Selon lui, cette mesure est une des conditions essentielles, si l'on veut aboutir à une solution pacifique. Une déclaration émanée de l'initiative spontanée et généreuse de l'Empereur, et ayant pour objet d'écarter la possibilité d'un nouveau conflit sanglant, ne saurait atteindre la dignité du Souverain. Au contraire, elle en rehausserait le prestige et serait acclamée, nou-seulement en Angleterre, mais dans l'Europe entière, comme une garantie de paix. Dans la pensée de Lord Granville, on parviendrait, peutêtre, à franchir ainsi un terrain que les faits accomplis, le sang versé et les froissements d'amour-propre rendaient tous les jours plus brûlant.

2. Four la question de la ligne frontière à définir, c'est Lord Kimberley qui prit la parole. Dans son idée, le principe servant de base à nos revendications est celui des nécessités ethnographiques et économiques. Pour le Gouvernement Anglais, ce sont les considérations stratégiques qui l'emportent. Or, à ce point de vue, Zoulfagar est une localité de grande importance pour l'Angleterre. Son incorporation dans l'Afghanistan serait le sine qua non de toute entente sur la question de frontière. En revanche, Pendidé offre des avantages nombreux au point de vue de l'alimentation de la tribu qui l'habite et de sa concentration. C'est une oasis assez étendue, pourvue d'eau et admettant le perfectionnement de la culture. Sa position répondrait donc à nos convenances, et une transaction au sujet de ces points semblerait ne pas être impossible entre les deux Gouvernements. Lord Kimberley n'a pas négligé, néanmoins, de faire suivre ses paroles de toutes les réserves voulues pour les dépouiller de tout sens d'un engagement définitif.

Je n'ai pu que prendre toutes ces questions ad referendum en accentuant l'entière liberté de décision du Cabinet Impérial.

Veuillez agréer, etc.

ANNEXE A

STAAL.

Notice du Conseiller Privé de Staal.

1. Puisque la marche en avant des troupes russes sur le territoire en litige a été motivée par l'occupation du Pendjdé par les troupes afghanes, et que cette Occupation a cessé aujourd'hui, le Gouvernement Impérial, dans son désir d'écarter toute possibilité de nouveaux conflits militaires, propose le retrait des troupes russes des territoires contestés taut que dureront les négociations relatives à la délimitation.

2. Le nombre des troupes nécessaires pour l'escorte de la Commission russe altendra l'arrivée du Commissaire à Pouli-Khatoun.

3. Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique s'engage à ce que le territoire en contestation reste libre de toute occupation afghane.

4. Afin de mettre fin à l'état d'incertitude actuellement existant, le Cabinet Impérial propose que les Commissaires se réunissent sans retard pour commencer leurs travaux sur la base des propositions contenues dans le télégramme de M. de Giers du 7 avril/26 mars 1885 (1).

5. Les deux Commissaires auraient à être munis d'instructions identiques, conformes à celles adressées à Sir P. Lumsden et communiquées au Cabinet Impérial en date du 23 juillet/6 août 1884 (2), savoir que les Commissaires

en définissant la juridiction de l'Emir, doivent être guidés par les relations politiques des tribus qui occupent le pays; mais tout en reconnaissant tous les droits légitimes de l'Emir, la Commission devrait songer à l'importance, pour

(1) V. le document no 71. (2) V. le document no 18.

réduire au minimum les risques de complications futures, de ne pas lui imposer d'obligations qu'il refuserait de contracter ou qu'en fait il ne pourrait remplir. >>

6. Il serait dit dans ces instructions qu'eu égard à l'importance particulière se rattachant aujourd'hui à la partie du tracé entre le Hériroud et le Mourghab et l'urgence de la fixer le plus tôt possible, ces Commissaires termineront avant tout la démarcation de la ligne entre ces deux rivières. Dans le cas d'une divergence d'opinions entre les Commissaires, la question sera immédiatement déférée à la décision des Gouvernements respectifs. Il serait entendu, ainsi, que la délimitation définitive de cette partie ne serait pas remise jusqu'à l'achèvement des travaux de démarcation jusqu'à Khodja-Saleh.

7. Une proposition sur les bases ci-dessus ne saurait être soumise au Cabinet Impérial que si elle était accompagnée de la certitude que le Gouvernement Britannique, en acceptant de son côté cet arrangement, y ajouterait la promesse verbale suivante: en cas de divergence d'opinions entre les Commissaires quant à la fixation de la frontière entre le Mourghab et le Hériroud, le Gouvernement de Sa Majesté Britannique considérerait la surveillance et la possession du territoire au nord de la ligne désignée dans le memorandum russe du 16 janvier (1) comme une des charges (obligations) définies dans les instructions identiques aux Commissaires comme imposant à l'Emir des devoirs qu'il ne se trouverait pas en mesure d'accomplir.

ANNEXE B

Observation du Comte Granville.

J'entends dire qu'en ce qui touche le territoire jusqu'au nord de la ligne russe, si les Commissaires ne pouvaient tomber d'accord, le Gouvernement de Sa Majesté s'occupera d'agir d'après le principe émis dans les instructions auxquelles il est fait un renvoi approbatif dans le no 2.

Il est entendu que l'arrangement du 17 mars est pleinement reconnu des deux côtés comme engageant les deux Gouvernements depuis la date de sa conclusion, et leurs fonctionnaires depuis la date de sa réception, que des deux côtés on fera tous ses efforts pour jeter la lumière sur les fails relatifs au récent conflit, et que, une fois la lumière faite, ils seront jugés d'après l'arrangement du 17 mars et que justice sera faile en conséquence.

Les forces russes seront sur-le-champ retirées du territoire contesté (points sur lesquels il faut s'entendre) et les Afghans ne devront pas s'avancer à nouveau, aux termes du n° 4 de M. de Staal (2).

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Le Conseiller Privé de Staal au Secrétaire d'Etat de Giers. (Télégramme.)

Londres, le 7 (19) avril 1885.

Je viens de recevoir de Lord Granville la lettre suivante :

M. Gladstone et moi, nous avons promis de faire au Parlement des déclarations ayant trait aux votes qui devront être demandés demain matin ou mardi. Dans l'intérêt de l'arrangement amical que les deux gouvernements ont déclaré désirer sérieusement, il est urgent que le gouvernement britannique ne soit exposé à aucune erreur quant aux intentions du Cabinet Impérial. Je suppose que je n'ai pas à conclure, de votre récente communication, que le gouvernement Impérial ne consent pas au retrait de ses

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troupes, tandis que les négociations continuent sur les bases mentionnées dans nos conversations de la semaine dernière, et qu'il décline de concourir avec le gouvernement britannique à l'examen des faits de l'incident d'AkTépé. »

Les votes auxquels fait allusion Lord Granville devant avoir pour objet l'appel des réserves et, le cas échéant, des crédits extraordinaires, je crois de mon devoir, avant de répondre au Ministre britannique, d'en référer encore une fois au gouvernement Impérial. STAAL.

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Le Conseiller Privé de Staal au Secrétaire d'Etat de Giers. (Télégramme.)

Londres, le 7 (19) avril 1885.

Je viens de recevoir de Lord Granville une nouvelle lettre dans laquelle il m'annonce que les rapports du général Lumsden, reçus à l'instant même. et qui seront communiqués au gouvernement Impérial, sont entièrement contradictoires avec les données fournies par le général Komarow.

Il se montre, en conséquence, vivement désireux d'obtenir de nous la promesse d'un examen impartial et réciproque de l'incident d'Ak-Tépé sur la base de l'arrangement du 16 (4) mars. Lord Granville ajoute » quant à la fixation de la frontière, si les Russes se retirent du territoire débatable (sic) à des points à fixer, et si les Afghans n'avancent pas, j'ai toute raison d'espérer que l'on arrivera à une solution satisfaisante ». Il m'est urgent d'obtenir sans retard des instructions sur ces questions qui me semblent décisives pour l'issue du différend. STAAL.

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Le Secrétaire d'Etat de Giers au Conseiller Privé de Staal. (Télégramme.)

Saint-Pétersbourg, le 8 avril 1885.

Recu vos deux télégrammes du 7. Par ma communication télégraphique en date du 4 (16) avril, j'ai exposé à Votre Excellence les conditions auxquelles un déplacement de nos avant-postes pourrait avoir lieu.

Quant à l'examen des faits relatifs à l'incident du 18 (50), nous ne pouvons en apprécier la portée, ne connaissant jusqu'ici aucune circonstance infirmant les rapports du généra! Komarow. Les faits se résument comme suit: l'existence d'avant-postes afghans sur la rive gauche du Kouschk n'avait pas été prévue lorsque le général Komarow reçut l'ordre de ne point dépasser les limites du Pendjdé. Une communication de l'Ambassadeur d'Angleterre du 21 février (1) nous le confirme. Il en résulte, de plus, que le poste russe était déjà établi à Dasch-Keupri, tandis que les avant-postes afghans se trouvaient dans le Pendjdé, c'est-à-dire sur la rive droite. Dans ces conditions le général Komarow n'a pas pu tolérer la présence des Afghans sur la rive gauche. Obligé de veiller à la sécurité de son détachement, il ne pouvait perdre de vue le peu de confiance qu'on pouvait placer dans l'esprit de discipline des troupes afghanes.

Quant à investigation ne voyons pas qui pourrait la faire. Le général Lumsden n'a pas été sur les lieux; il se fie aux rapports du capitaine

(1) V. le document no 55.

ARCHI

DIPL. 1888

2e SÉRIE, T. XXV (87)

4

Yate, comme nous à ceux du général Komarow. Nous n'avons du reste aucune connaissance des rapports du général Lumsden, et sommes dans l'attente de communications détaillées du général Komarow.

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GIERS.

No 94. Le Secrétaire d'Etat de Giers au Conseiller Privé de Staal. (Télégramme.)

Saint-Pétersbourg, le 8 avril 1885.

Nous nous rendons compte de la gravité des circonstances et partageons sincèrement le désir du gouvernement Anglais d'arriver à une entente amicale, mais ne saurions y sacrifier les intérêts de notre dignité. Ne pouvons donc que nous référer à nos télégrammes du 4 et 6 avril.

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GIERS.

Le Conseiller Privé de Staal au Secrétaire d'Etat de Giers. (Télégramme.)

Londres, le 9 avril 1885.

M. Gladstone à la Chambre des Communes et Lord Granville à la Chambre des Lords ont fait aujourd'hui déclaration que Cabinet se voyait contraint de proposer vote de crédit de onze millions livres sterling, dont quatre et demi seraient destinés en partie à liquider dépenses faites en Egypte, et en partie à mettre armée d'occupation en état d'ètre portée là où elle serait le plus nécessaire, tandis que les six et demi restants seraient exclusivement destinés à la défense des intérêts de l'Empire ailleurs qu'au Soudan. Ils ont ajouté que pour le moment toute action agressive serait suspendue en Egypte, et ont terminé par déclarer que, malgré ces mesures, l'intention du gouvernement resterait d'arriver, si possible, par des moyens pacifiques à l'arrangement honorable et équitable des différends existants ou pouvant surgir. STAAL.

No 96. Le Secrétaire d'Etat de Giers au Conseiller Privé de Staal. Saint-Pétersbourg, le 9 avril 1885.

Je me fais un devoir de transmettre ci-après à Votre Excellence les copies du memorandum qui m'a été remis par Sir Edward Thornton et de celui que j'ai cru devoir lui adresser de mon côté (1).

Ces deux pièces se rapportent au combat du 18 mars dernier.

Le contenu du télégramme du général Komarow du 20 mars le plaçant à l'abri du soupçon d'avoir cherché à provoquer un conflit armé, nous nous croyons en droit de considérer cet incident comme clos. Votre télégramme du 4 courant nous a fait entendre que ce point de vue n'est pas partagé par le gouvernement britannique, et que Lord Granville est d'avis que les informations parvenues au Cabinet de Londres sur l'engagement du 18 mars devraient d'abord être complétées et faire ensuite l'objet d'un

examen.

Nous ne voyons rien que de très naturel dans le désir du Principal Secrétaire d'Etat pour les Affaires Etrangères d'ètre mieux renseigné sur

(1) V. les documents sub nos 78 et 83.

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