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N° 100.

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Le Conseiller privé de Staal au Secrétaire d'Etat de Giers. (Télégramme.)

Londres, le 13 (25) avril 1885. Ayant pris connaissance de vos deux télégrammes du 8 (1), lord Granville vient de m'adresser deux notes détaillées. La première contient un résumé des arguments sur les points de fait et de droit ayant trait au conflit d'Ak-Tépé. Dans sa seconde note, lord Granville exprime le profond regret du Gouvernement Anglais au sujet du refus du Gouvernement Impérial d'admettre l'examen proposé par l'Angleterre, et qui serait nécessaire pour concilier les rapports des deux Généraux. Le Gouvernement Britannique ne considère pas comme concluante notre objection puisée dans la contradiction de ces rapports, et croit qu'il ne serait pas impossible aux deux Gouvernements, en complétant les témoignages de part et d'autre, d'arriver à une appréciation juste de la question. Tout en nous reconnaissant le droit de veiller à notre diguité, comme il le réclame pour lui-même, le Gouvernement Anglais ne croit pas incompatible avec la dignité d'une grande Puissance de prendre en considération les plaintes d'une autre nation, présentées sous une forme légitime. Si pourtant le Gouvernement Russe pense que la confiance que chaque Puissance doit aux témoignages de ses propres officiers est un obstacle à une entente, le Gouvernement Britannique, vivement désireux de maintenir les relations amicales entre les deux pays, est prêt à en référer au jugement du Chef d'une Puissance amie, qui aurait à examiner si l'arrangement du 16 mars a été violé ou non, et à indiquer une solution compatible avec l'honneur des deux parties. Si le Cabinet Impérial accepte cette proposition, le Gouvernement Anglais, confiant dans nos assurances de ne nourrir aucune intention agressive contre Hérat ou n'importe quelle autre partie du territoire de l'Emir, est prêt à reprendre à Londres l'examen des principaux points de la ligne de délimitation, dont les détails seuls seraient fixés sur les lieux. Dans ce cas, l'Angleterre accepterait également notre proposition relative au déplacement des avant-postes à l'arrivée des Commissaires sur les lieux.

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STAAL.

Le Secrétaire d'Etat de Giers au Conseiller privé de Staal. (Télégramme.)

Saint-Pétersbourg, le 16 avril 1885.

Réponse à Votre télégramme du 13 (2). Ai pris ordre de l'Empereur. Sa Majesté partage sincèrement le désir du Cabinet Anglais de maintenir les relations amicales entre les deux pays, mais ne pense pas que ce soit en multipliant les témoignages sur un incident militaire suffisamment éclairci que l'on pourrait y parvenir. De plus, l'Empereur ne saurait admettre aucun semblant d'enquête sur les actes du général Komarow. Se considérant comme seul juge de leur conformité à ses ordres, tout nouvel examen de cet acte militaire devient dès lors oiseux et sans issue. Ce n'est donc qu'entre les deux Gouvernements qu'il peut y avoir malentendu dans l'interprétation de l'arrangement contracté. Nous croyons que les rapports

(1) Voir les documents sub nos 93 et 94.

(2) Voir le document no 100.

recueillis déjà, et les arguments exposés dans les pièces que Vous avez reçues dernièrement, suffisent pour rétablir l'exactitude des faits en démontrant l'entière fidélité du Gouvernement Russe à ses promesses. Il est certain que le Gouvernement Anglais pourrait y puiser tous les éclaircissements voulus pour clore cette discussion accidentelle, et pour reprendre les négociations de délimitation qui sembleraient sur le point d'aboutir. Mais, si un motif quelconque d'amour-propre l'empêchait encore de vider directement avec nous le différend, Sa Majesté se réserve d'examiner si la divergence d'interprétation qui sépare les deux Cabinets pourrait être réglée par les voies indiquées dans votre télégramme du 13. L'Empereur ne saurait d'ailleurs se prouoncer à ce sujet avant d'avoir pris connaissance des deux notes du Cabinet Anglais, qui ne nous sont pas encore parGIERS.

venues.

No 102.

Le Secrétaire d'Etat de Giers au Conseiller privé de Staal. Saint-Pétersbourg, le 17 avril 1885. Pour compléter le télégramme que je Vous ai expédié hier (1), je crois devoir attirer l'attention de Votre Excellence sur les considérations suivantes :

La divergence d'opinions entre le Gouvernement Anglais et nous, relativement au conflit sur le Kouschk, a été définie par la lettre que lord Granville vous a adressée le 19 (7) avril.

Elle établit une distinction entre la date où l'accord a été convenu entre les deux Gouvernements pour arrêter les mouvements ultérieurs des troupes des deux côtés, et là date où les ordres ont été reçus sur place par leurs autorités.

Dans notre opinion, l'accord, ayant été fait en vue d'une situation donnée, était obligatoire dans la position existante au moment où il a été conclu,

Cette position résultait de deux communications qui nous avaient été faites par Sir E. Thornton. L'une, du 20 février, nous informait que les Afghans avaient été invités par le Gouvernement de Sa Majesté Britannique à ne pas attaquer les points occupés par les troupes russes pour les déloger des points occupés par elles à cette époque, mais à résister à une marche en avant ultérieure de leur part.

L'autre communication, du 21 février, constatait que l'avant-poste russe se trouvait à Pouli-Khischti (Dasch-Keupri), et l'avant-poste afghan dans le Pendjdé, le Kouschk formant ainsi la limite entre les deux occupations. D'après cela, les ordres expédiés au général Komarow lui interdisaient tout mouvement agressif sur le Pendjdé. Ce qui contribue à démontrer que l'accord ne concernait que le Pendjdé, c'est la réserve que j'ai cru devoir formuler pour le cas où nos troupes se trouveraient dans la nécessité d'intervenir afin d'empêcher l'effusion du sang, si des troubles éclataient dans cette localité.

Lorsque le général Komarow a trouvé les Afghans retranchés dans un avant-poste sur la rive gauche du Kouschk, il en a naturellement conclu qu'ils avaient enfreint les ordres donnés ; il a dù les sommer d'évacuer, et, sur leur refus, il a dû les obliger à repasser sur la rive droite.

(1) Voir le document no 101.

Cela est d'autant plus évident que le Kouschk assurait leur défensive; qu'en franchissant cette rivière, ils opéraient un mouvement offensif, et qu'en se renforçant dans cette positioù ils menaçaient notre position de Pouli-Khischti.

Il nous est donc impossible de voir dans la marche du général Komarow rien qui soit contraire à l'accord établi.

Bien que ces faits Vous soient connus, j'ai cru devoir les résumer dans leur ensemble, afin de Vous guider dans Vos explications avec les Ministres de la Reine, en vue d'élucider cette question contestée.

Veuillez, etc.

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GIERS.

Le Conseiller privé de Staal au Secrétaire d'Etat de Giers. (Reçu le 17 avril 1885)

I ondres, le 14 (26) avril 1883.

J'ai l'honneur de transmettre ci-joint à Votre Excellence les copies des deux notes de lord Granville qui ont fait l'objet de mon télégramme d'hier (1). Veuillez, etc.

STAAL.

ANNEXE A AU N° 103.

Le Comte Granville au Conseiller privé de Staal.

Foreign-Office, 24 avril 1885. J'ai l'honneur d'accuser à Votre Excellence réception de sa note du 21 courant, qui m'envoyait les copies de deux télégrammes de M. de Giers (2) en réponse aux communications que je vous ai adressées le 19.

Dans l'un de ces télégrammes, M. de Giers déclare que, tout en partageant le désir du Gouvernement de Sa Majesté d'arriver à une conclusion amicale, le Gouvernement russe ne peut sacrifier les intérêts de sa dignité, et ne peut que s'en tenir à ses télégrammes des 16 et 18 avril.

Dans l'autre télégramme, M. de Giers se reporte aux conditions établies dans son télégramme du 16 courant, d'après lesquelles les avant-postes russes pourraient être écartés afin de faciliter les travaux de la Commission de délimitation. Son Excellence refuse d'examiner les faits relatifs à l'incident du 30 mars. Je dois exprimer à Votre Excellence le profond regret avec lequel le Gouvernement de Sa Majesté a appris, en lisant le dernier paragraphe du télégramme de M. de Giers, que le Gouvernement russe refuse de consentir à toute proposition d'examen des faits. Une telle façon d'agir est, selon nous, nécessaire pour concilier les déclarations faites par les agents respectifs des deux Gouvernements et les interprétations qu'il faut donner de ces déclarations.

M. de Giers déclare qu'il ne voit pas comment une enquête, telle que celle proposée par le Gouvernement de Sa Majesté, pourrait être faite, le Général Sir P. Lumsden n'étant pas sur les lieux, et se basant sur les rapports du capitaine Yate comme le Gouvernement russe sur ceux du Général Komaroff.

Le Gouvernement de Sa Majesté est prêt à donner toute sa valeur à cette objection que, cependant, il ne peut considérer comme concluante. 11 pense qu'il ne serait pas impossible aux deux Gouvernements, après un examen impartial des renseignements déjà obtenus et peut-être accrus de nouveaux détails, de formuler un jugement assuré sur la question.

Le Gouvernement de Sa Majesté reconnait le droit du Gouvernement russe de

(1) Voir le document n° 100.

(2) V. les documents 93 et 94.

considérer les intérêts de sa dignité aussi absolument qu'il réclame ce droit pour lui-même, mais il ne peut admettre qu'il soit incompatible avec la dignité de n'importe quelle grande nation d'entrer en communications pour examiner soigneusement les plaintes d'une autre nation présentées d'une façon légitime. Si, cependant, le Gouvernement russe pense que le penchant naturel que les deux Gouvernements doivent éprouver à avoir confiance dans les déclarations de leurs fonctionnaires respectifs est un obstacle inévitable à ce qu'on formule un jugement assuré, le Gouvernement anglais serait disposé, dans son désir de maintenir des relations amicales, à tourner la difficulté en soumettant à l'appréciation du chef d'un Etat ami la question de savoir si l'accord du 16 mars a été ou non violé soit par les Russes, soit par les Afghans, et en le laissant décider comment l'incident peut être clos d'une façon compatible avec l'honneur de la Grande-Bretagne et de la Russie.

Si le Gouvernement russe consent à la proposition que je viens de vous faire dans mon précédent paragraphe, le Gouvernement de Sa Majesté sera tout prêt en s'appuyant sur l'assurance donnée par M. de Giers dans son Memorandum du 18/30 mars que le Gouvernement russe n'a jamais formé et ne forme pas de projets d'agression contre Hérat ou contre une autre partie des territoires de l'Emir à examiner sur-le-champ avec Votre Excellence les grandes lignes de la frontière, dont les détails seulement seraient fixés sur place.

Dans ce cas il accepte la proposition faite par M. de Giers dans son télégramme du 4/16 courant, de déplacer les avant-postes russes à l'arrivée des Commissaires sur les lieux.

Je suis, etc.

ANNEXE B AU No 103.

GRANVILLE.

Le Comte Granville au Conseiller privé de Staal.

Foreign-Office, 24 avril 1885. Dans ma dernière dépêche, j'ai récapitulé le contenu des deux télégrammes que m'a communiqués Votre Excellence le 21 courant.

Dans le second de ces télégrammes, Son Excellence M. de Giers résume comme il suit les faits relatifs à l'incident du 30 mars : « L'existence d'avantpostes afghans sur la rive gauche du Kuskh n'avait pas été prévue quand le général Komaroff reçut l'ordre de ne pas passer les limites du Pendĵdé. Une communication de l'Ambassadeur anglais du 21 février/5 mars confirme ce point, et montre qu'un poste russe était déjà établi à Dash-Keupri, tandis que les avant-postes Afghans étaient à Pendjdé, c'est-à-dire sur la rive gauche. Dans ces circonstances, le Général Komaroff ne pouvait tolérer la présence des Afghans sur la rive gauche. Forcé de veiller à la sécurité du détachement, il ne pouvait perdre de vue le peu de confiance qu'on pouvait avoir dans l'esprit de discipline des troupes afghanes. »>

Je remarque que maintenant M. de Giers justifie l'attaque dirigée contre les Afghans par cette raison que les Afghans étaient présents sur la rive gauche du Kuskh, et que ce fait n'avait pas été prévu quand le Général Komaroff reçut l'ordre de ne pas passer les limites du Pendjdé.

Maintenant, en premier lieu, je dois faire observer, M. l'Ambassadeur, que si les instructions du Général Komaroff étaient conçues dans les termes ci-dessus, elles n'étaient pas conformes à l'accord intervenu entre les deux Gouvernements. L'assurance donnée par M. de Giers à Sir E. Thornton le 16 mars était que les forces russes ne s'avanceront pas hors des positions qu'elles occupent maintenant, pourvu que les Afghans, de leur côté, ne s'avancent ni n'attaquent, ou à moins qu'il n'y ait quelque raison extraordinaire pour avancer, telle que des troubles à Pendjdé » et que « les ordres les plus stricts avaient été envoyés d'éviter un conflit par tous les moyens possibles et de ne pas en soulever un. » Les officiers anglais déclarent positivement qu'un poste sur la rive gauche du

Kuskh, près du pont de Pul-i-Khisti, fut occupé par les Afghans avant la date de l'accord.

J'ai déjà envoyé à Votre Excellence un télégramme du 17 avril du Général Sir P. Lumsden qui répond en détail aux déclarations du télégramme du Général Komaroff du 1er avril.

Je n'ai donc pas besoin de récapituler ici le détail de ses réponses, mais j'établirai seulement les quatre points principaux sur lesquels s'appuie le Gouvernement de Sa Majesté, comme montrant bien que l'attaque de la position afghane était contraire aux termes de l'accord du 16 mars.

Ces points sont :

1. La marche en avant du Général Komaroff avec beaucoup de forces en face de la position occupée par les Afghans. Conformément aux informations fournies au Gouvernement de Sa Majesté et confirmées par le propre rapport du Général Komaroff, ces troupes s'avancèrent vers Brush-Doshan le 22 mars ou environ, et le 23 le principal corps prit ses positions à 5 verstes des avant-postes afghans, en ayant une de ses parties stationnée à Kizil-Tépé et des vedettes jetées en avant de cette dernière place.

2. L'envoi de reconnaissances à droite et à gauche de la position afghane, lesquelles eurent pour effet d'exciter les Afghans à un conflit en leur faisant redouter une allaque.

3. La nature défensive des mouvements des troupes afghanes, destinés à prévenir le renouvellement de la reconnaissance sur leur flanc.

4. L'ultimatum russe invitant les Afghans à se retirer du flanc gauche du Kuskh quand leurs avant-postes y curent stationné avant la date de l'accord du 16 mars. J'ai, etc.

GRANVILLE.

N° 104. Le Secrétaire d'Etat de Giers au Conseiller privé

de Staal.
(Télégramme)

Saint-Pétersbourg, le 18 avril 1885.

L'ordre de ne point occuper Pendjdé ayant été donné au Général Komarow, l'occupation de cette localité par des troupes afghanes ne manquerait pas de provoquer, dans les circonstances actuelles, de graves complications. Eu égard à cette considération, il serait urgent d'obtenir du Cabinet de Londres l'assentiment à la neutralisation du Pendjdé jusqu'au moment où aura été résolue la question de la frontière. GIERS.

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Le Conseiller privé de Staal au Secrétaire d'Etat
de Giers.
(Télégramme)

Londres, le 19 avril 1885.

Reçu Votre télégramme d'hier (1). Lord Granville m'informe que le Gouvernement Britannique est tout disposé à adhérer à Votre proposition au sujet de la neutralisation du Pendjdé, s'il est entendu que jusqu'à la solution de la question frontière les officiers et les soldats tant russes qu'afghans n'auraient le droit ni d'entrer ni de séjourner dans le territoire en question. Les limites de Pendjdé s'arrêteraient au nord de Méroutchak, au point où, selon notre projet de délimitation, la ligne frontière doit traverser la vallée. Le Cabinet de Londres s'engagerait à user de

(1) V. le document no 104.

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