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CONFÉRENCE INTERNATIONALE

Ayant our objet de remédier aux abus qu'engendre le trafic des Spiritueux dans la mer du Nord.

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La séance est ouverte à 10 heures 1/2.

11 juin 1886.

Sont présents MM. les Délégués qui assistaient à la premiere séance. Le procès-verbal de la première séance est lu et adopté provisoirement. M. le président, dans le but de compléter les renseignements déjà fournis. dans la séance précédente, donne la parole à M. Verkerk Pistorius pour communiquer une note explicative des dispositions fiscales en vigueur dans. les Pays-Bas concernant les spiritueux (annexe I) et à M. Trevor pour lire un extrait d'un rapport sur les pêcheries dans la mer du Nord, présenté à l'Amirauté anglaise par M. l'amiral Gordon Douglas et par M. Malan, extrait qui s'applique aux pratiques des cabarets flottants (annexe II).

M. le président ouvre la discussion sur la question de savoir s'il y a lieu. de mettre un terme à la vente des spiritueux aux bateaux pêcheurs dans la mer du Nord.

Il ne croit pas nécessaire de mettre en doute qu'il y a des abus. Les abus sont suffisamment constatés :

10 Par le rapport de M. Higgin;

20 Par l'enquête instituée par le Gouvernement des Pays-Bas;

3° Par le protocole de la Conférence de 1881;

4° Par l'annexe III de la première séance et par l'extrait dont M. Trevor vient de donner lecture;

50 Par les publications et les discours de Sir Edward Birkbeck, membre du Parlement anglais;

60 Par le fait de l'existence des bateaux envoyés par la « Mission to Deep Sea Fishermen de Londres, pour accompagner les flottes de pêche anglaises. Selon les informations des journaux, il y a à bord de ces bateaux un pasteur, un médecin et une collection de livres; ils emportent également du tabac affranchi de droits, et des boissons, mais pas de spiritueux. Ces bateaux doivent faire la concurrence aux cabarets flottants.

M. Ma cel. après avoir rappelé que la France n'a pas un intérêt direct dans la question, puisque ses nationaux n'arment pas de cabarets flottants et ne se livrent plus à des achats ou à des trocs de poisson dans la mer du Nord, déclare qu'il aurait désiré obtenir de ses collègues une définition plus exacte des cabarets flottants et notamment être instruit sur les objets du trafic en mer. Il a toute confiance dans les renseignements donnés à la

(1) V. Archives, 1887, IV, p. 291.

commission par M. M. Trevor et Verkerk Pistorius, mais avant d'établir des pénalités, il ne faut pas laisser de doute dans les esprits sur la nature exacte du délit à réprimer. Il semble utile à M. Mancel de distinguer très neltement ce qu'il sera permis de faire aux bateaux de pêche et ce qu'il sera interdit aux cabarets flottants, navires du commerce non assujettis aux mêmes règlements. Peut-être arrivera-t-on à ne frapper d'une peine que les cabarets flottants ayant à bord des spiritueux, alors que l'on pourrait être plus large en ce qui concerne les pêcheurs que l'on ne peut empêcher d'avoir à bord une certaine quantité d'eau-de-vie ou de genièvre réglementée suivant le genre de pêche. Il est encore possible d'interdire aux pêcheurs la vente ou le troc en mer du poisson, ce qui est une perte pour l'armateur, alors que pour les mêmes faits les capitaines des cabarets flottants ne seraient pas punissables. Dans les questions de droit pénal à appliquer en haute mer, la précision et les bonnes définitions sont d'autant plus nécessaires que l'intervention des autorités chargées d'assurer l'ordre est difficile.

M. Orban est d'avis qu'il est inutile de se perdre dans toutes les définitions réclamées par le Délégué de la France, la seule question à résoudre étant de savoir s'il sera permis de débiter des spiritueux dans la mer du Nord aux bateaux pêcheurs. Les cabarets flottants ne pouvant être atteints au port, vu qu'ils n'y exercent pas leur trafic, il faut bien les atteindre en pleine mer. Il rappelle qu'en Belgique existent déjà des règlements en vue de prévenir l'ivrognerie à bord des bateaux pêcheurs. La quantité de provisions de spiritueux y est limitée en raison de la durée du voyage et du nombre des personnes à bord. De semblables règlements existent en France (Voir la note de M. Mancel, consignée au procès-verbal de la sixième séance de la Conférence de 1881). M. Orban ne verrait aucune raison de ne pas faire un second pas dans cette même voie et de ne pas défendre la vente de spiritueux aux pêcheurs dans la mer du Nord (premier point du communiqué Néerlandais).

établit

M. Kennedy, tout en estimant l'échange d'idées très utile, ne croit pas devoir entrer dans toutes les distinctions demandées par M. Mancel. Il que, quoique le nombre des cabarets flottants paraisse être petit, il n'en résulte pas moins un mal très réel, auquel il faut remédier, que cela importe même beaucoup au maintien des bonnes relations entre les différents pays. Le Délégué de l'Angleterre se prononce donc formellement en faveur de la proposition de M. le délégué de la Belgique qui consiste à résoudre affirmativement le premier point du communiqué néerlandais.

Le premier Délégué de l'Allemagne, M. Weymann, déclare que son Gouvernement ne s'opposera pas à des mesures raisonnables, si le mal existe. Mais il demande si la Conférence a l'intention d'interdire tout débit de spiritueux en pleine mer, ce qui lui paraitrait une grave atteinte à la

liberté du commerce.

M. le Président répond qu'à son avis, l'interdiction absolue de la vente de boissons alcooliques aux pêcheurs est nécessaire, puisqu'autrement il sera impossible de constater la contravention à bord des bateaux pêcheurs. On peut bien admettre l'usage des provisions à bord, mais non le débit.

M. Kennedy dit que le fait constaté par la Délégation allemande, que ses nationaux possèdent des cabarets flottants, rend excessivement désirable la coopération de son Gouvernement aux mesures à prendre par la Conférence; il espère douc voir cette Délégation se rallier au premier point en discussion.

M. Veymann déclare ne pouvoir pas nier les abus, mais il n'est pas non plus à même de les affirmer, vu que son Gouvernement n'a pas été dans le cas d'en constater.

M. Orban fait ressortir l'existence incontestable des abus; de plus, la seule présence des Délégués allemands à la Conférence en est la preuve évidente. Il demande avec instance la coopération de MM. les Délégués de l'Allemagne, car, si l'Allemagne s'abstient, le nombre des cabarets flottants allemands augmentera alors que les autres disparaîtront; le mal ne sera donc que déplacé. Du reste, il ne faut pas perdre de vue que les membres de la Conférence ne sont pas réunis en qualité de plénipotentiaires; ils e sont que délégués de leurs Gouvernements; par conséquent, aucune résolution ne peut être prise qu'ad referendum.

M. Verkerk Pistorius, désirant résumer les opinions émises, propose à la Conférence une déclaration, laquelle après quelques nouvelles observations est adoptée en ces termes :

«

«La Conférence reconnait que, d'après les déclarations de MM. les « Délégués de la Belgique, du Danemark, de la Grande-Bretague et des Pays-Bas, le débit de spiritueux aux bateaux pêcheurs dans la mer du « Nord donne lieu à des abus qu'il est désirable de réprimer. »

MM. les Délégués d'Allemagne, en se référant à leur déclaration consignée au procès-verbal de la première séance, insistent de nouveau sur le fait que l'enquête instituée par leur Gouvernement n'a pas constaté d'abus

de cette sorte.

Le Délégué de la France, M. Mancel, reconnait qu'il y a, d'après les enquêtes faites par les soins des autres nations riveraines de la mer du Nord, de graves abus, occasionnés par la présence sur les lieux de pêche des bateaux, dits cabarets flottants; mais il croit devoir ajouter qu'il n'est pas à la connaissance de son Gouvernement, que des pêcheurs français fassent aucun trafic avec les cabarets flottants des autres nations. Les Français, pêcheurs de harengs, lorsqu'ils fréquentent la mer du Nord, sont approvisionnés d'eau-de-vie et de tabac, embarqués comme à l'exportation; se trouvant en conséquence affranchis des droits, ils n'out aucun motif pour acheter des spiritueux et du tabac en mer.

Des patrons chalûtiers, qui ne jouissent pas des mêmes avantages que les harenguiers, ont été également interrogés dans plusieurs poris de la République; ils ont été unanimes à déclarer qu'ils ne recevaient jamais la visite des bateaux en question; que du reste ils ne remontaient pas aussi au nord que les Anglais pour faire leur pêche et par suite ils ne se rencontraient pas avec la flottille anglaise.

Un patron chalûtier de Boulogne a cependant déclaré qu'ayant en 1884 remonté jusqu'au travers de Lowestoft, il avait vu parmi les bateaux

anglais un petit cutter naviguant sous pavillon belge, qui lui a paru faire le commerce de tabac et sans doute aussi celui d'eau-de-vie.

Il est donné acte à MM. les Délégués de l'Allemagne et de la France des réserves sous lesquelles ils ont adopté la déclaration formulée par M. Verkerk Pistorius.

M. le Président constate que, sauf les réserves faites par MM. les Délégués de l'Allemagne et de la France, la Conférence est d'accord sur l'existence des abus et la nécessité d'y mettre fin. Or, il s'agit de s'entendre sur les mesures législatives à prendre contre ces abus et d'en assurer l'exécution. La défense du débit de spiritueux aux pêcheurs dans la Mer du nord, est la première chose à décréter, comme du reste l'a déjà proposé M. le Délégué de la Belgique.

MM. les Délégués de la Grande Bretagne et du Danemarck se rallient à la mesure prohibitive proposée.

M. Weymann demande si la gravité du mal exige une mesure aussi radicale que la défense absolue de la vente de spiritueux à des pêcheurs en mer; ce à quoi M. le Président réplique que cette mesure est indispensable pour atteindre le but désiré.

M. Marcel est d'avis qu'il est fert désirable certainement d'empêcher toute vente entrainant des abus, mais il désire d'abord savoir de quelle manière on entend exécuter les mesures législatives à prendre.

M. Trevor ne voit aucun obstable à agir en cette circonstance comme on l'a fait en consacrant le principe de l'article 23 de la convention de 1882, qui interdit l'emploi du devil ».

M. le Président croit avant tout devoir constater que la défense s'appliquera seulement en dehors des eaux territoriales, vu qu'il appartient à chaque pays de prendre les mesures qu'il croit nécessaires dans ses propres

eaux.

M. Verkerk Pistorius dit qu'on pourrait peut-être insérer une stipulation par laquelle les Puissances se réserveraient la faculté de règlementer à leur gré les mesures à prendre pour les eaux territoriales.

D'après MM. les Délégués Anglais et Français, il ne convient pas d'introduire dans la convention une disposition particulière à cet égard, attendu que la règlementation dans les eaux territoriales ne relève que de la puissance riveraine et ne saurait faire l'objet d'aucune prescription dans un acte international.

Le Président propose de charger les coinmandants croiseurs de toutes les nations signataires de constater les infractions aux mesures à prendre, conformément aux articles 28 à 32 de la convention du 6 mai 1882.

MM. les Délégués de l'Allemagne sont d'avis, que l'exécution d'une

défense législative du débit de spiritueux aux bateaux pêcheurs dans la Mer du Nord sera inexécutable, parce que les croiseurs ne pourront que très difficilement constater les infractions, et que les diverses puissances n'accepteront pas l'intervention des croiseurs d'une autre puissance pour exercer le droit de visite et de recherche à bord de leurs bâtiments. Une telle intervention, pour être efficace, ne pourra pas se borner à une reconnaissance sommaire d'un navire soupçonné d'avoir à son bord un débit de spiritueux, mais elle devra comprendre une recherche complète, même à fond de cale; et dès lors la surveillance des croiseurs sera évidemment poussée plus loin que celle des mêmes bâtiments, lorsqu'il s'agit de l'exécution de la convention de 1882. En outre, la surveillance ne se bornera pas aux bateaux pêcheurs, mais il en résultera que désormais tout navire de commerce dans la Mer du Nord pourrait être visité, ce qui à leur avis est inadmissible.

Le Délégué de la France, M. Mancel, s'associe énergiquement aux appréciations exposées par ses collègues d'Allemagne. Il n'aurait pas d'objection à admettre une intervention des croiseurs, limitée purement et simplement à l'enquête du pavillon et même à la faculté de faire raisonner le navire, mais il repousse le droit de visite et de recherche, qui aboutira en dernière analyse à une surveillance intolérable des bâtiments du commerce. Il se borne aujourd'hui à demander l'insertion de sa déclaration au procès-verbal, se réservant de soumettre de nouvelles observations à ce sujet, lorsque le texte que préparera la commission de rédaction sera discuté ultérieurement.

Le Délégué du Danemarck exprime l'opinion, qu'il faut se borner aux stipulations de la convention de 1882, quant au droit de visite et de recherche, mais à son avis, il n'y a pas à craindre une intervention intolérable des bâtiments croiseurs. Les commandants de ces navires ont trop le sentiment de leur responsabilité pour se livrer à des mesures inutilement vexatoires.

M. Orban objecte en premier lieu à M. Weymann, que la difficulté de constater les délits en pleine mer existe également en d'autres cas, mais qu'il n'y a pas là un motif pour abandonner une mesure législative dont l'utilité a été reconnue. Cette difficulté n'est pas plus grande que lorsqu'il s'agit de constater une infraction aux dispositions de la convention, signée a Paris le 14 mars 1884 pour la protection des câbles sous-marins, à laquelle vingt-six puissances ont adhéré. Le seul fait que certains actes. sont érigés en délit, produit déjà un effet moral qui n'est pas à méconnaitre.

Le Président croit qu'on pourrait admettre l'intervention des croiseurs pour assurer l'exécution de la défense du débit de spiritueux.

M. Verkerk Pistorius ajoute que peut-être on pourrait à la rigueur abandonner le droit de visite et de recherche, qui parait être la pierre d'achoppement. Il resterait pour constater la vente, le moyen de surprendre les délinquants in flagranti et de rechercher dans les ports si la construction particulière des bateaux donne lieu de supposer, qu'ils se livrent au trafic interdit.

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