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le nabab, qui périt en brave soldat, en défendant ses foyers; et cette importante place, qu'ils ont considérablement fortifiée, est depuis six ans entre leurs mains.

Cette conquête, faite en 1773, rendit les Anglais seuls propriétaires de tous les cotons et les bleds qu'on récolte avec abondance dans ces belles provinces; elle augmenta beaucoup leur commerce et leurs revenus. Barache et ses dépendances leur valent en outre, annuellement, cinq à six laks de roupies (le lak de roupies vaut 250,000 livres) en rétributions, et se trouvent réunis aux riches territoires qu'ils possèdent aux environs de Surate, dont la forteresse, depuis 1759, est à eux, par la loi du plus fort.

Un succès si continu et si beau ne les satisfaisoit

pas encore; il fallut y joindre l'île Salcette, proche Bombay. Leur ambition démesurée trouvoit à se repaître de belles espérances, en considérant que si, d'une manière ou d'autre, ils pouvoient s'approprier Tannah, place principale de Salcette, ils se trouveroient maîtres de tout le pays entre Bombay et Baroche, et possesseurs des revenus considérables que cette étendue de plus de cent lieues de pays paie annuellement aux Marates.

Outre ces avantages généraux pour la nation,

chaque Anglais de l'administration de Bombay, Surate et Baroche, se promettoit des richesses infinies, s'il parvenoit à installer Ragouba dans Ponnah, et à le faire remonter sur le trône des Marates.

Cette attrayante perspective leur ferma les yeux sur l'injustice des prétentions de Ragouba, En protégeant cet assassin de son propre neveu, ils ne voyoient que les trésors du Décan ouverts pour eux, puisque, pour une petite armée de quatre à cinq cents Européens qu'il leur demandoit, il leur abandonnoit en toute propriété des provinces immenses qui ne lui appartenoient pas. Mais cette question de droit inquiétoit peu les Anglais; la convenance de toutes ces provinces, et l'occasion, en se les appropriant, de s'enrichir et d'agrandir leurs possessions, étoient les seuls titres qu'il leur falloit.

Ainsi, en 1774, depuis Chaoul, quelques lieues au sud de Bombay, en remontant la côte, jusqu'à Baroche et Cambay, et partout dans le golfe, tout étoit en armes à plus de cent lieues dans les terres. Les Anglais et, Ragouba étoient occupés à envahir, à piller; et les différens partis marates, dont plusieurs étoient de soixante mille hommes, couroient d'une pro-vince à une autre, et brûloient tout ce qu'ils ne pouvoient pas garder.

Ce fut précisément dans ce temps de troubles que le vaisseau le Duras arriva à Surate. Cette place de commerce se trouvoit alors, par sa position, au centre de la dévastation générale.

En décembre 1774, c'est-à-dire, un mois après l'arrivée du Duras à Surate, les Anglais s'emparèrent de Tannah, forteresse principale de l'île de Salcette, qui, par cette nouvelle conquête, tomba toute entière entre leurs mains.

Cette île est réputée aujourd'hui le boulevard de Bombay contre les Marates, et de plus sa mère nourrice, parce qu'elle est la clef du continent pour tous les secours alimentaires, et autres provisions dont on a besoin à Bombay; elle est aussi un grand débouché pour toutes les marchandises d'Europe. La propriété de cette île, convoitée depuis plus de vingt ans par les Anglais, leur fut aussitôt ratifiée par Ragouba, qui la leur céda à perpétuité par un paravana bien en forme.

Quelques mois après cette conquête, cimentée par le massacre de toute la garnison de Tannah, la petite armée des Anglais vint rejoindre, à Surate, celle de Ragouba qui y arrivoit aussi lui-même, mais en déroute, en fuyant devant l'ennemi. Il n'étoit pas trop content des Anglais : c'étoient eux qui, par le long retard des troupes promises, avoient causé son dernier

échec. Il reprit courage cependant en les voyant arriver victorieux. Sans perdre de temps, il s'approvisionna de tout à Surate, ville essentielle pour fournir aux besoins de toute espèce en pareil cas, et se remit en marche, avec les Anglais, vers le mois de mars 1775.

Ceux-ci donnoient déjà à Ragouba le titre de peschonard, ou roi des Marates. Les deux armées quittèrent Surate, au bruit des fanfares, pour aller, disoient les Anglais, châtier les rebelles, marcher ensuite droit à Ponnah, y couronner leur protégé Ragouba: mais les Barabayes (nom qui signifie les douze frères, et consacré à l'Aréopage de Ponnah, composé de douze chefs marates) observoient toutes leurs démarches ; ils occupoient, par leurs différens corps de troupes, toutes les campagnes, et attendoient de pied ferme celles des nouveaux alliés, leurs ennemis.

Pertes qu'essuie le commerce en général, et en particulier celui du vaisseau le Duras.

(1775).

Il est aisé de concevoir, par ce court exposé de la guerre des Anglais avec les Marates, dont le champ de bataille étoit, en quelque sorte, Surate même et les environs, que le commerce

du vaisseau le Duras, qui y arriva dans ce temps de troubles et de confusion, ne pouvoit être bien florissant. Les meilleures spéculations du monde ne pouvoient tenir contre une telle révolution. Surate ressembloit plus alors à un camp rempli de soldats qu'à une ville de commerçans. Outre la puissance sans bornes que donnoit publiquement à l'Anglais l'asservissement du nabab, on pense bien que leur jalouse politique leur fournissoit mille moyens souterreins pour contrecarrer cette nouvelle tentative des Français à Surate, quoique faite d'après des priviléges incontestables.

Malgré tous ces obstacles, la voie de la conciliation m'avoit débarrassé de toutes les épines que j'avois trouvées dans ma route. Il est prouvé que les premières opérations du commerce du Duras ne furent pas mauvaises pour le temps; mais de grandes avaries qui se trouvèrent au déchargement, et la perspective ruineuse d'une carène entière qu'il falloit au vaisseau, me firent craindre, dès le premier mois, ainsi qu'au subrécargue, une grande balance au désavantage de l'armement.

Un nouveau malheur arrêta tout-à-coup les opérations du Duras: le subréçargue tomba malade au commencement de janvier 1775, et 17 du même mois il mourut.

le

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