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M. de Moncrif, chancelier du consulat, fit sur-le-champ l'inventaire de tous ses effets, et n'y trouva ni livres de magasin, ni bordereaux de vente, ni note des avaries reconnues au débarquement.

Je chargeai alors le courtier français de continuer, sous mes yeux, le commerce du Duras, selon le plan commencé par feu M. Dulaurens, subrécargue de l'armement, me conformant en cela aux intentions des armateurs. Je fis tout mon possible pour veiller à leurs intérêts, autant que le pouvoit permettre la dignité de mon poste. Je ne m'attendois pas alors, pour remercîment de toutes mes peines, au traitement inoui qu'ils m'ont fait éprouver.

La mort du subṛécargue du Duras me causa beaucoup de chagrin; elle me mit sur le corps une charge considérable. Comme les apprêts du voyage de Moka, où il falloit incessamment envoyer le vaisseau, demandoient beaucoup de soins, et que la saison avançoit, je n'eus pas le temps de constater les avaries: cet ouvrage demandoit un travail immense, qui pour lors n'étoit pas en mon pouvoir. Je tins registre de tous les achats que faisoit le courtier français, et j'ouvris des livres, que je tins en parties doubles pour le compte de l'armement.

Malgré les troubles qui empêchoient les mar

chandises d'entrer en ville, je fis tant accélérer la livraison de celles commandées pour Moka, que le vaisseau fut expédié pour cet endroit le 27 mars suivant, temps ordinaire de la mousson pour le départ des vaisseaux de Surate destinés pour la mer Rouge.

Les peines que je m'étois données pour expédier le Duras en temps convenable, furent inutiles : il manqua son voyage, et vint à Bombay, le 21 mai suivant, après avoir battu la mer pendant deux mois, sans pouvoir gagner la côte d'Afrique.

Tous les vaisseaux de Surate et de Bombay, qui partirent après le Duras, manquèrent aussi leur voyage, et furent obligés de relâcher, les uns à Bombay, et les autres à Mascate. Ces voyages manqués furent occasionnés par le trop prompt changement de mousson cette année, auquel on ne s'attendoit pas, et qu'éprouva aussi le Duras, quoiqu'il eût été expédié douze à quinze jours avant tous les autres vaisseaux. Ce fut donc un malheur général.

Autre malheur qui porta un coup funeste au commerce. Un ouragan furieux, à jamais mémorable dans cette contrée, acheva de ruiner ce que la guerre avoit épargné : la tempête dura trois jours dans toute sa force, et tous les vaisseaux qui se trouvèrent alors en mer

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long de la côte, en ressentirent les terribles effets. Ce fut le 16 mars de cette même année. Plusieurs périrent corps et biens, et tous furent fracassés ou échouèrent. Les pertes furent immenses, tant à Surate, Daman, Bombay, qu'aux autres places maritimes de la côte, d'où l'approche de l'hivernage venoit de faire expédier tous les vaisseaux.

J'avois chargé pour vingt mille roupies des marchandises du Duras sur l'Adriana, petit bâtiment hollandois: il se perdit, comme les autres vaisseaux, à une journée de Surate, le second jour de l'ouragan. Le fléau de la guerre avoit tellement ruiné le commerce de Surate, que j'avois cru bien faire d'envoyer à Batavia, pour le compte des armateurs, les marchandises de luxe du Duras, qui n'étoient plus de défaite dans cette ville maure, jadis si florissante. Je fus trompé, comme les autres négocians qui n'avoient pas plus prévu que moi cet ouragan terrible, dont il n'existe pas d'exemple dans cette ville depuis plus de cent ans : ils ont tous perdu leur mise dehors, sans avoir même eu le temps d'en chercher l'assurance.

Enfin, le vaisseau le Duras éprouva encore un nouveau malheur, mais par la faute des armateurs. Malgré les représentations du capitaine, M. de Saint-Hilaire, ils n'avoient pas

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voulu le faire radouber avant de partir de l'Orient, et il fallut le caréner à Bombay, où les Anglais firent payer très-cher les frais de carène; ce qui ajouta une somme considérable aux pertes que les avaries causées par le mauvais état du vaisseau avoient déjà occasionnées, et qu'on auroit dû prévoir avant son départ d'Europe.

Efforts des Anglais pour ruiner le commerce, du consul de France pour le soutenir. Affaire du pavillon. Arrivée tardive. du vaisseau le Sévère à Surate; ses opérations de commerce. Voyage de Chine assuré par les soins du consul de France.

( 1775 et 1776).

TANDIS que je faisois de mon mieux pour les armateurs, et que leur commerce alloit le moins mal qu'il étoit possible, pour les circonstances critiques dans lesquelles le Duras étoit venu à Surate, occupé de l'objet principal de ma mission, je négociois avec les Marates de Ponnah. Ils avoient été les premiers à m'écrire. Le but de mes négociations étoit d'en obtenir de bons paravanas pour la sûreté du commerce des vaisseaux français le long de la côte malabare, infestée jusqu'alors de grands et petits pirates, qui leur paient tribut.

Mais comme les demandes et les offres de ces Marates tenoient aux affaires politiques des Anglais, et que je ne voulois pas prendre parti dans la querelle de Ragouba, les opérations tirèrent en longueur. Si je n'y trouvai pas tout l'avantage que j'espérois, elles servirent au moins à me faire voir ce que la nation française pouvoit espérer de pareils alliés, si le ministère de France les agréoit pour tels; et en mai 1775, je rendis compte de tout au ministre.

Mon projet, en arrivant à Surate, avoit été d'y faire arborer le pavillon français, suivant le privilége qu'en avoit la nation, énoncé dans les paravanas du grand-mogol. Je l'aurois mis à exécution, si, à mon retour dans cette ville, j'avois trouvé M. Price vivant. Il étoit d'avance tombé d'accord avec moi des droits de la nation française à l'exercice de ce privilége.

Ce chef anglais m'avoit promis de m'aider à le mettre en vigueur dès que je serois de retour. Mahomet Odinkan, nabab de Surate, m'en avoit aussi donné sa parole par écrit, en décembre 1772, quelques jours avant mon départ pour l'Europe: il m'assuroit alors qu'il me laisseroit arborer le pavillon français, si je revenois avec un riche vaisseau de commerce. La mort de M. Price, ce même nabab plus que jamais sous le joug, la nouvelle guerre avec les Marates,

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