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gaison en retour du Duras pour Europe! Il est difficile de s'en former une idée bien nette.

La rentrée de toutes ces marchandises ne se faisoit encore à Surate que très-lentement, à grands risques, et à force d'argent : leur prix, lors de la livraison, n'étoit plus celui de la première commande. Il falloit en passer par les frais immenses occasionnés par la guerre, et dont les mémoires étoient chargés. Les tisserands étoient ceux qui avoient le plus souffert de ce terrible fléau; les métiers tout montés, avec les pièces dessus, avoient été, pour la plupart, brûlés, brisés ou enlevés.

Les soieries et toileries de Baroche, de Cambaie, de Brodra, d'Amdabatte, de Surate même, avoient été pillées ou rançonnées, ou même volées en route, d'un endroit à l'autre. Il n'y avoit aucune sûreté sur les grands chemins, qui étoient bouchés par les Marates, et infestés les brigands, qui ne faisoient par quartier. Les bateaux des marchandises n'étoient pas plus à l'abri dans tout le golfe de Cambaie; les coulis, petits voleurs de mer, se jetoient sur ce qui échappoit aux grands pirates.

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de

Au milieu de tant de désordres, de troubles et de confusion, je voyois comme une impossibilité à donner au Duras son chargement pour

Europe, aussi à propos et aussi avantageux que je le desirois pour le bien des armateurs. J'étois dans des transes continuelles; les fonds du Duras étoient dispersés chez les tisserands, à plus de soixante cosses à la ronde; et vingt jours avant le départ du vaisseau, il manquoit encore au complément de sa cargaison plus de cinquante mille roupies de marchandises d'Amdabatte et de Baroche.

J'avois beau en presser la rentrée, auprès du courtier, qui avoit fait lui même les commandes et distribué les fonds, rien n'arrivoit; et mes craintes redoubloient pour ces fonds des armateurs, qui étoient dans un danger évident. M. de Saint-Hilaire, capitaine du Duras, faisoit instance pour que le vaisseau fût expédié au plus tard vers le 21 du mois de décembre de cette même année 1776, afin, disoit-il, d'être en état de passer par le canal de Mozambique, la vétusté de son vaisseau, qui lui faisoit craindre les grosses mers dans les parages élevés du cap de Bonne - Espérance, ne lui permettant pas de prendre la grande route; et il ne pouvoit, ajoutoit-il, tarder davantage, à moins que je ne prisse sur moi les risques.

Je fis en sorte de ne point risquer ce retard, de ne point laisser partir le Duras avec le vide

des marchandises qui n'étoient pas encore rentrées, et en même temps de ne pas laisser sur la tête du courtier des fonds que j'aurois eu, après le départ du vaisseau, une peine infinie à ramasser. Pour remplir tous ces objets, je remplaçai les marchandises fines, que j'attendois, par celles qui étoient à Surate chez les marchands, et je les fis payer tout de suite, par le courtier, au prix de la place: ces marchandises fines, que je fischarger, étoient sur le modèle de celles que les Anglais, Portugais et Hollandais envoient ordinairement de Surate en Europe.

Le vaisseau partit le 30 décembre 1776, bien et richement chargé des marchandises qu'avoient procurées les fonds de M. Hornby, joints à ceux du produit de la cargaison d'Europe, qui n'avoient pas suffi. Il portoit aux armateurs les livres qui constatoient ces opérations, tenus en parties doubles. Je tombai alors malade de fatigue et d'épuisement, et fus réduit à l'extré mité. Ce fat pendant ma maladie que le restant des marchandises de toile et soieries rentrèrent : le courtier les reçut, et en fit la vente pour son comple.

Conduite mesurée du consul de France, aux approches de la guerre d'Europe. Arrivée de M. de Saint-Lubin à Ponnah. Ingratitude des armateurs du Duras.

( 1777 et 1778).

J'ÉTOIS à peine en convalescence, lorsque le vaisseau du roi, le Brillant, commandé par M. de Tronjoly, jeta l'ancre en rade de Surate, en mars 1777. Les Anglais, la guerre des Marates terminée,sembloient s'occuper des moyens de la recommencer, et de se mettre partout en défense. Ils nommèrent une commission pour visiter leurs différentes forteresses, et s'arrêtèrent surtout à Baroche, dont ils vouloient faire un boulevart contre les entreprises des Marates.

Mais ce qui les inquiétoit le plus étoit cette subite apparition du Brillant à Surate, l'arrivée à Bombay, dans le même temps, de la Consolante, frégate du roi, et surtout celle de M. de Saint-Lubin, un mois après, à Ponnah, où il fut reçu en qualité d'envoyé de la cour de France à celle des Marates.

Les Anglais ne virent pas sans inquiétude l'accueil favorable que M. de Saint-Lubin reçut de l'Aréopage marate; ils m'en témoignèrent

eux-mêmes leurs craintes : ils avoient d'autant plus raison alors d'appréhender ce nouvel envoyé, qu'ils le connoissoient pour être très en état de débrouiller leurs intrigues, et de contrecarrer toutes leurs négociations dans cette cour. La suite n'a que trop prouvé que leurs craintes étoient bien fondées.

En effet, les Anglais eurent beau dire du mal de lui, pour le détruire dans l'esprit de tout le monde, cela ne l'empêcha pas de consommer l'opération dont il étoit chargé. Le traité d'alliance entre la France et les Marates fut signé, malgré les Anglais, à Ponnah, le 26 mai et je dois cet aveu à la vérité: tout le temps que M. de Saint-Lubin resta à Ponnah, leurs projets sur cette capitale, et toutes les négociations de M. Mouston, leur agent, avortèrent, et tournèrent même au détriment de cette nation.

1777;

Je crus devoir aider, autant qu'il m'étoit possible, de fonds et de conseils, l'homme du roi auprès des Marates, sans cependant laisser prendre, en mon nom, aucun engagement, qu'on eût pu me reprocher ensuite, comme étant le représentant de la nation.

Je gardai les mêmes ménagemens à l'égard de M. Bolts, qui arriva à Surate en septembre de cette même année 1777, en qualité de lieute

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