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travaillé de mon mieux pour vous satisfaire, et ce que j'ai rassemblé ne va guère à moins de trente volumes: en tout je puis bien avoir deux cents manuscrits orientaux, dont la plupart sont historiques, et parmi ces ouvrages il y en a de très-considérables; telle est une Histoire d'Egypte, en sept volumes in-folio:l'auteur y est entré dans les plus grands détails et n'oublie aucune des singularités qui ont rendu ce royaume si fameux dans tous les temps: la traduction en seroit très-intéressante.

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La difficulté de voyager en ce pays - là a dérobé bien des choses à notre connoissance qui ne sont point échappées à l'historien en question; il étoit mahométan; il vivoit sous le règne des sultans, maîtres paisibles de l'Egypte, et par conséquent il pouvoit examiner à son aise les curiosités des diverses provinces soumises alors à cet empire. Je vous tiendrai àpeu-près le même langage sur une Histoire d'Abissinie et des royaumes voisins. Elle contient aussi sept volumes qui mériteroient bien de voir le jour. Mais où prendre des ouvriers? Bazou seul ne suffit pas, et je ne connois que lui en France qui puisse se bien acquitter de pareilles entreprises. Quant aux manuscrits d'astronomie, dont j'ai fait un assez beau recueil, il faudra les laisser tranquillement dans la bi

bliothèque; nos mathématiciens d'aujourd'hui ne sont pas gens à apprendre l'arabe et le per

san.

Il ne me reste plus qu'à vous entretenir de nos acquisitions arméniennes, qui consistent en quarante manuscrits, et presqu'autant d'imprimés. De tous ces manuscrits, le plus important est un volume d'une taille prodigieuse, et qu'àpeine un homme robuste pourroit lever; il contient une Histoire d'Arménie, une collection des conciles de cette église, et plusieurs ouvrages de leurs anciens docteurs: il seroit inutile de rien ajouter à cet exposé. Avec un discernement tel que le vôtre, on démêle, du premier coupd'œil, la valeur de certains morceaux; je me contenterai donc de vous dire que celui-ci est extrêmement rare je n'en sache que quatre dans tout l'Orient; et dans ces quatre, je prétends bien en avoir deux: un seul ne suffiroit pas. Les copistes, d'ordinaire, ne sont pas fort exacts; et comment redresser leurs fautes, sans le secours d'un autre manuscrit ?

Dites à présent que je vous traite en homme qui n'aime que les bagatelles. Le compte détaillé que je vous ai rendu de toutes choses, est une preuve certaine du contraire: je n'ai point appréhendé que par-là ma lettre devînt trop longue, en cela moins scrupuleux que vous soyez-le

moins désormais, je vous en supplie; car si la distance des lieux est absolument nécessaire pour vous rassurer sur cet article, imaginez-vous que l'amour des manuscrits m'a emporté jusque dans le sein de la Chine; j'y serai peut-être plus à mon aise que je ne le suis maintenant dans Constantinople. La peste, depuis six jours, a emporté cinq personnes dans la maison de notre voisin, et les portes du palais sont actuellement fermées. Ne vaudroit-il mieux rôder à mon aise les rues de Paris, vous aller rendre visite, et célébrer joyeusement la fête des Mercredis (1)? Il est vrai que je serois obligé d'entendre les vers de l'abbé le Gendre; mais ce malheur est moins à craindre que celui de la contagion. Honorezmoi de votre amitié, c'est un bien solide, et dont me rend digne en quelque façon l'attachement inviolable avec lequel je suis, etc.

pas

SEVIN.

L'ABBÉ Sevin n'écrivit, pendant són voyage, que ces quatre lettres au comte de Caylus; à côté de ces épîtres confidentielles, inconnues

(1) Les mercredis étoient consacrés à une réunion d'amis; j'ai parlé de cet usage dans mes notes sur le Voyage de Barthelemy en Italie.

jusqu'à présent, on verra sans doute avec plaisir un Précis de la Relation de ce Voyage, telle qu'on la trouve dans le tome VII des Mémoires de l'Académie royale des Inscriptions et BellesLettres.

« M. l'abbé Bignon reçut en 1727 une lettre de Zaïd - Aga, qui laissoit entrevoir quelques espérances de pénétrer dans la bibliothèque du grand-seigneur, ou plutôt dans celle des anciens empereurs grecs, qui, lors de la prise de Constantinople, fut soigneusement conservée par le commandement exprès de Mahomet II. On pouvoit se flatter d'y trouver plusieurs de ces ouvrages dont on regrette si justement la perte: la bonne volonté de Zaïd - Aga sembloit promettre des facilités pour réussir; et quoiqu'on eût de fortes raisons de croire que cette bibliothèque ne subsistoit plus, l'amour du bien public l'emportoit sur ces considérations, et on se détermina à faire des tentatives, qui, à tout prendre, ne devoient pas être entièrement infructueuses. Il étoit difficile que les Grecs n'eussent pas conservé quelques manuscrits; et dans le dessein de recouvrer au moins cette partie, le roi fit l'honneur à M. l'abbé Sevin de lui en confier l'exécution, et, quelques jours après, M. l'abbé Fourmont lui fut adjoint.

> Ils arrivèrent l'un et l'autre à Constantinople

au commencement de Décembre 1728. Le mois suivant, M. Fourmont passa en Morée, où ne trouvant point de manuscrits, non plus que dans l'Attique qu'il avoit parcourue ; il n'y eut sorte de peines, de fatigues et même de dangers qu'il n'essuyât pour rassembler un nombre prodigieux d'inscriptions et de médailles, et faire, en matière de géographie surtout, d'importantes découvertes. M. l'abbé Sevin, de son côté, songea à faire une étroite liaison avec le docteur Fonseca, dont l'amitié lui étoit absolument nécessaire. Des connoissances très-étendues en tout genre lui concilièrent les bonnes graces des principaux seigneurs de la Porte, et il se trouvoit par-là plus à portée que personne. de contribuer au succès que la cour attendoit de lui. Leurs premiers entretiens roulèrent sur différens articles qui, en faisant connoître par degré son dévouement au service de la France, le persuadèrent qu'il ne couroit aucun risque de lui expliquer les motifs de ce voyage, et il ne lui en fit plus un mystère.

» M. Fonseca apprit alors à M. Sevin que la bibliothèque des empereurs grecs avoit subsisté jusqu'au règne d'Amurat IV; que ce prince, quoique mahométan peu scrupuleux, étoit néanmoins sujet à de violens accès de dévotion, et dans un de ces accès, il avoit sacrifié les

que

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