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eux: je fais, en un mot, ce qu'un frère ne feroit peut-être pas pour son frère; et ils me paient de la plus noire ingratitude."

Ils provoquent contrę moi, à Surate, le choqui, dépouillent ma femme et ma fille de leurs joyaux, me causent une perte considérable dans le moment, et une plus grande encore pour la suite, par la ruine totale de mon crédit, et me forcent, lorsque les affaires générales me ramènent en Europe, de me mettre sous le lien d'une dette qui, si elle étoit réellement exigible, absorberoit ma fortune.

Enfin, les Anglais, rompant le lien sacré de la neutralité, observée de tout temps à Surate, m'enlèvent, comme prisonnier de guerre, du sein de ma propriété et du centre de mes affaires; ils m'en séparent, malgré moi, sans faire aucun inventaire des biens qu'ils me retiennent, ni me donner espérance de les recouvrer que par des fatigues et des frais immenses; et, non contens de me dépouiller de tout ce que je possède, ils poussent la barbarie jusqu'à traiter de même, et sans ménagement, ma femme et mes enfans. Tel est le précis des six dernières années que j'ai passées à Surate.

La justice est de tous les pays et de tous les temps. Un moment d'ivresse, causée par des succès multipliés, peut rendre les Anglais

sourds aux cris de l'honnête homme qu'ils ont dépouillé.

Les malheurs du Duras, compensés pourtant par les gains du Sévère, ont pu dicter aux armateurs des ordres dont ils n'ont pas envisagé les suites funestes.

propre

conscience:

Je les rappelle tous à leur voilà le tribunal où je les cite maintenant. Il me suffit d'avoir fidèlement présenté, dans ce journal, ma conduite et les raisons qui m'ont guidé dans mes opérations: mes vœux sont accomplis; mon travail est sous les yeux du ministre, protecteur déclaré d'un sujet fidèle, zélé et malheureux : c'étoit le bonheur auquel j'aspirois, sans oser y prétendre, lorsque les Anglais m'ont arraché au poste que le roi m'avoit confié à Surate.

VEXATIONS

Par ordres de dates , que le sieur ANQUETIL a essuyées de la part des Anglais à Surate en route pour Europe et en Angleterre, soit comme leur prétendu débiteur, les Anglais représentant les armateurs du Duras; soit comme étant, en qualité de Consul de France, leur prisonnier de guerre; depuis le 20 septembre 1778, jusqu'au 4 février 1780.

S. Ier.

Vexations comme débiteur prétendu des

armateurs.

(20 septembre 1778.)

A onze heures du soir, le nabab du Surate a envoyé cinq cents cypayes au Jardin français, pour y mettre le choqui, et emprisonner le consul, avec toute sa famille, dans sa propre maison, à la requisition du sieur Hornby, gou

verneur de Bombay, d'après les lettres que le sieur de Moncrif avoit apportées d'Europe, de la part des armateurs du Duras. Ces lettres mandoient au sieur Hornby que le sieur Anquetil avoit mal-à-propos tiré lettre de change sur eux, et que, faute de pouvoir de leur part audit sieur Anquetil, et faute de fonds entre leurs mains à lui appartenant, eux armateurs n'avoient point payé entièrement la lettre de change. Ainsi, c'est pour plus de la moitié de cette lettre de change restant à payer, que le nabab, par ordre du sieur Hornby, qui avoit avancé quatre cent mille livres au sieur Anquetil, avoit envoyé le choqui, ou garnison de cinq cents hommes armés, au Jardin français, où résidoit alors le consul avec toute sa famille.

(21 septembre.)

A deux heures du matin, le sieur Anquetil se plaint par lettre, au sieur Boddam, chef anglais de Surate, des violences que les gens du nabab font dans sa maison, sur lui, sur sa femme, ses enfans, sur le sieur Tanblet, officier du roi, et sur tous ses domestiques, après avoir mis le choqui partout. Le sieur Anquetil avoue au chef anglais qu'il ignore encore la raison de cet indigne et brutal procédé du nabab.

A neuf heures du matin, l'épouse du sieur

Anquetil écrit une lettre pathétique au chef anglais sur le pillage des gens du nabab, et les violences faites par eux dans sa maison.

A une heure après midi, autre lettre pathétique et plus pressante de l'épouse du sieur Anquetil au sieur Boddam, chef anglais de Surate.

A sept heures du soir, nouvelles plaintes par lettres du sieur Anquetil au chef anglais; il lui réitère ce qu'il lui avoit déjà mandé, que les gens du nabab lui avoient fait violence pour l'enlever des bras de sa femme et de ses enfans, et l'avoient maltraité au point de lui déchirer ses habits sur son corps.

par

(22 septembre.)

Le chef anglais répond à madame Anquetil par une lettre fort polie, s'excuse de son mieux sur son silence à l'occasion des violences du nabab, auxquelles il assure n'avoir aucune part, et rejette le choqui sur les plaintes faites au nabab les créanciers du Duras; qu'en conséquence son mari n'a d'autre moyen, pour congédier le choqui, que de s'exécuter luimême, en donnant en nantissement du restant de la lettre de change non payé, tous ses joyaux, et l'inventaire de tous ses meubles et effets ; que, quant à lui chef, anglais, il lui pro

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