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teur les a séparés avec beaucoup d'art; et l'ort distingue parfaitement, et sans le moindre doute les cheveux naturels d'avec les postiches qui les couvrent. Ainsi, cette statue apprend quelque chose, et par cela seul peut être rangée dans la classe des morceaux dont vous faites cas.

Ma soumission aux décisions de l'Académie, Monsieur, ne me permet plus de rien répliquer au dernier mémoire que vous m'avez fait la grace de m'adresser. Il ne me reste qu'à témoi gner la reconnoissance que je ressens de ce que quelques-uns des illustres personnages qui la composent ont daigné, pour m'instruire, s'abaisser jusqu'à moi, et entrer dans une aussi longue discussion; et quoique j'ignore à qui je suis redevable des lumières que j'ai reçues, ma gratitude n'en est pas moins vive et sincère. On a conclu de tout mon bavardage qu'Aïa Kiriani devoit être Polyrrhène, et non pas Phalasarna, comme Pococke et moi l'avions soupçonné. Je fais une abjuration formelle de mon hypothèse sur Aïa Kiriani et le Paleocastro de la Canée; et en conséquence de la décisision de l'Académie, je fixerai dans mon Histoire la place de Polyrrhène à Aja Kiriani, et ce Paleocastro de la Canée sera, comme l'a cru Pococke, la ville de Cydonie, que dans ce systême il est impossible de placer ailleurs. Je n'ai jamais prétendu

donner mes opinions pour des certitudes: j'ai osé proposer à cette illustre assemblée quelques doutes; il sera toujours glorieux pour moi qu'elle ait daigné les résoudre, et que mes observations, mes relations, mes erreurs même, aient contribué à fixer ce point de la géographie ancienne, et à découvrir la vérité.

J'ai terminé, Monsieur, mon premier volume de l'Histoire de Crète, dont j'ai eu l'honneur de vous communiquer le plan. J'aurois épargné beaucoup de peine, si j'avois eu deux ans plutôt le traité de Meursius sur cette île célèbre; mais son livre ne m'a pas extrêmement enrichi; et j'avois déjà ramassé, à la sueur de mon front, presque tous les matériaux que j'aurois trouvés tous prêts chez lui. Mon ouvrage sera beaucoup plus étendu et tout-à-fait différent, quoique le projet soit à-peu-près le même. J'espère, Monsieur, vous le porter dans le cours de l'année prochaine : j'ai demandé au ministre un congé de dix-huit mois pour aller faire un voyage en France; je tâcherai, d'ici à mon départ, d'avoir ma besogue ébauchée et dégrossie, pour pouvoir y mettre, sous vos yeux, da dernière main à Paris; et ce livre ne verra le jour que quand vous l'en aurez jugé digne.

Il me seroit bien difficile, Monsieur, de vous donner des éclaircissemens sur le monument de

Sardes, dont je vous ai communiqué le dessin! On n'y trouve aucune inscription, et par conséquent il est impossible de déterminer à quel temps on doit le rapporter. Je me bornerai à vous indiquer bien précisément sa place. Il se trouve au sud de la plaine de Sardes, dans un vallon formé par la partie du mont Tmolus sur Jaquelle étoit située la forteresse de Sardes, et par d'autres collines à l'occident, opposées au mont Tmolus qui forme le côté oriental du vallons Ce monument est directement sous la forteresse, à laquelle on monte, en grimpant vers le nord est, par un chemin extrêmement escarpé. M. Smith a parlé de ce morceau d'antiquité dans sa Notice des églises d'Asie, p. 28; mais il s'est contenté d'en donner une très-courte description, sans hasarder la plus légère conjecture sur la nature ni l'époque de cet édifice. Je pense qu'il doit avoir été bâti par les Romains, comme on peut en juger par les débris des autres monumens que l'on trouve parmi les ruines de cette ancienne ville, et où l'on ne voit guère que des inscriptions romaines en grec ou en latin..

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Sardes a été, suivant le rapport de Strabon et d'Hérodote, détruite et brûlée plusieurs fois par les Cimmériens, par les Perses, etc. On ne peut guère se flatter d'y trouver des vestigés

d'une antiquité plus reculée. Il me paroît que les monumens qui y restent doivent dater du temps de Tibère, qui rebâtit cette ville. Ceci me donnera peut-être occasion, Monsieur, d'envoyer à l'Académie une Relation de mon voyage à Sardes, et les dessins de plusieurs monumens antiques que j'y observai, et qui sont encore inconnus. J'ai négligé, jusqu'aujourd'hui, de mettre au net et de donner une forme à tous ces barbouillages, ou pour mieux dire, j'ai toujours mené une vie si agitée, qu'il m'a été in possible d'en trouver le temps.

Je vous supplie, Monsieur, quand vous daignerez m'honorer de vos lettres, de les faire passer par le courier de Vienne, sous le pli de M. l'ambassadeur à Constantinople; c'est le seul moyen de me les faire parvenir avec promptitude et sûreté : la voie de mer n'est pas praticable en temps de guerre; elle est lente et mal

sûre.

PEYSSONNEL.

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LETTRE XI V.

A la Canée, le 6 mars 1763.

Je suis impatient, Monsieur, de savoir ce que vous avez pensé de la statue mutilée dont je vous ai envoyé l'esquisse, en papier bleu ; je vous l'ai donnée pour une Julie Mammée, parce qu'en feuilletant le magnifique Recueil des Antiquités de Venise, j'ai trouvé un buste de cette princesse, dont la chevelure est parfaitement semblable, et auquel j'ai cru reconnoître le même air de visage que l'on découvre encore dans ma statue; on voit surtout dans l'une et dans l'autre, la distinction frappante et bien exprimée de la chevelure artificielle et de la naturelle; ce qui m'a fait soupçonner que les perruques des femmes ou les tours de che veux devoient être à la mode dans ce temps-là. Je serai charmé de recevoir vos ordres, au sujet de ce morceau d'antiquité; si vous daignez l'accepter, je prendrai les mesures nécessaires pour vous le faire parvenir; ce qui ne sera pas une petite affaire, parce que le commerce de cette Echelle étant entièrement ruiné, on ne doit guère espérer de voir venir ici des bâtimens en droiture; il faudra recourir à

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