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rendent innocentes ou plus ou moins répréhensibles.

Et que l'on ne dise pas que les nouveaux Codes criminels, ne faisant pas mention de la question intentionnelle, et n'exigeant plus qu'elle soit proposée aux jurés, on doit, dans l'état actuel de la législation, se dispenser d'y avoir égard? S'il ne fallait avoir aucun égard à l'intention des prévenus, il s'ensuivrait que l'auteur d'une action réputée criminelle, devrait être déclaré coupable, quoiqu'il l'eût commise involontairement et sans mauvaise intention; ou, ce qui est la même chose, qu'il faudrait le condamner, quoique évidemment innocent devant Dieu et les hommes. Et comment supposer que les lois nouvelles, qui renferment des mesures si favorables à l'innocence, eussent néanmoins admis une théorie qui conduirait à une conséquence aussi funeste? Il suffit de lire avec attention le Code pénal, notamment les dispositions des articles 114, . 116, 135, 136, 163, 190, 319, 320, 321, 322, 323, 325, 527,328 et 329, pour se convaincre les principes rétablis par les lois de 1791 sont conservés. Il résulte, en effet, de ces divers articles, qu'il n'y a ni crime, ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister; que ceux qui ont agi par ordres supérieurs; les ministres à qui on a surpris un ordre arbitraire ; - ceux qui, ayant reçu des pièces de monnaie contrefaites ou altérées, les ont remises en circulation, ou qui ont fait usage d'écrits ou pièces fausses dont ils ignoraient la fausseté, sont déclarés exempts de peines; que la peine portée contre le meurtre, les blessures et les mutilations ne doit point être appliquée, ou doit être

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du-moins considérablement réduite, lorsque ces actes ont été commis par maladresse, imprudence, inattention, négligence, involontairement; - ou par suite de provocations violentes, d'outrages violens à la pudeur;- en repoussant une escalade ou effraction de clôtures; - ou pour obéir à la loi et aux autorités légitimes;

ou dans la nécessité actuelle de la légitime défense; - ou enfin si le meurtre a été commis par l'époux sur son épouse et son complice surpris en flagrant délit dans la maison conjugale, etc. Plusieurs autres articles du même Code renferment des dispositions à-peu-près semblables, et prouvent que l'esprit de la législation n'est point changé. Un fait matériel ne suffit donc pas pour constituer le crime; il faut encore, près le nouveau Code, lorsque le fait est constant, examiner si celui qui l'a commis était en démence des ordres ou entraîné par une force majeure ou par supérieurs, etc.; en un mot, s'il a eu l'intention et la volonté de commettre le crime qui lui est im puté.

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La question intentionnelle ne doit plus être, à-lavérité, proposée isolément au juri, ou du-moins elle ne peut l'être que dans un très-petit nombre de cas; mais il ne s'ensuit pas que le juri ne doive pas avoir égard à l'intention. En changeant la forme des questions, le législateur n'a point dérogé aux principes élémentaires servant à caractériser les crimes; les dispositions du Code pénal, que nous venons de rappeler, le prouvent jusqu'à l'évidence. Ajoutons à cela que, suivant l'article 357 du Code d'Instruction, la question résultant de l'acte d'accusation doit être posée en ces termes : « L'accusé » est-il coupable d'avoir commis tel meurtre, tel

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>> vol ou tel autre crime avec toutes les circonstances >.comprises dans le résumé de l'acte d'accusation >>? Cette question complexe comprend implicitement l'intention et les circonstances de moralité exprimées dans le résumé de cet acte. Le seul mot coupable suppose l'intention du crime, puisque, sans cette intention, nul ne peut être coupable; il s'ensuit que lorsque l'intention du crime ne se trouve pas suffisamment établie, le juri doit déclarer que l'accusé n'est pas coupable. Rien de plus lumineux et de plus formel que l'explication donnée sur ce point par le rapporteur de la commission. «< Per> sonue, a-t-il dit, ne peut nier le principe qui >> fait introduire la question intentionnelle : il est » certain qu'il n'y a pas de crime, où il n'y a pas > eu intention de le commettre ; mais cette inten>tion se trouvant toujours positivement ou im» plicitement consignée dans l'acte d'accusation qui > servira de base aux questions, le juri s'en expli» quera, du-moins implicitement, en donnant l'af>>firmative ou la négative sur la question générale. > Il est donc inutile de l'interroger spécialement sur » l'intention. La position de la question intention» nelle n'étant plus nécessaire, on n'aura point à > redouter le dangereux effet d'une question isolée > sur cet objet (*) ». Cette explication précise achè

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(*) Voyez ce que j'ai dit sur cette question, dans le Manuel d'Instruction (note sur l'art. 345 du Code d'Instruction.) La question intentionnelle se trouve quelquefois tellement liée à la question principale. qu'on ne peut les diviser sans opérer une sorte de redondance. L'isolement de la question intentionnelle a souvent induit les jurés en erreur; et c'est pour faire cesser cet inconvénient, que l'on a substitué une question complexe à toutes celles qui devaient être posées suivant le Code du 3 brumaire an 4.

vera de dissiper tous les doutes et de faire connaître le véritable esprit de la loi.

En résumant ce qui précède, on voit que tout crime se compose de deux élémens, d'un fait défendu par la loi sous une peine afflictive ou infamante; et de la volonté ou intention de le commettre; que le fait, sans l'intention, ne peut donner lieu à aucune peine, et qu'il en est de même de l'intention qui n'est pas accompagnée du fait ou du-moins d'un commencement d'exécution portant les carac tères déterminés par l'article 2 du Code pénal: or, par le mot intention, il faut entendre les différentes questions de moralité qui peuvent effacer ou atténuer les crimes; c'est-à-dire, les questions relatives à la volonté, à la liberté, à l'imprudence, à l'erreur, à l'ignorance absolue, à l'accident, à la force majeure, etc. (*). Ces questions naissent ordinai rement des circonstances qui ont précédé ou accompagné le fait, de l'état et de la situation d'esprit et de corps où se trouvait alors le prévenu; elles sont de la compétence du juri, qui les décide, d'après son intime conviction, en décidant la tion principale.

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V. Mais il peut arriver qu'avec l'intention d'un simple délit, on commette, dans le fait, un grand crime auquel on ne songeait pas, et vice versá, en sorte qu'il y ait évidemment discordance entre le fait et l'intention; que l'un soit puuissable d'une peine plus grave que l'autre. Quelle est, en ce cas, la peine qui doit être appliquée ? -J'estime qu'en règle générale, c'est la peine du délit ou du crime

(*) Voyez le passage de Filangiery, ci-dessus cité p. xvj.

que l'on a eu l'intention de commettre, et non celle du crime ou délit qui a été réellement commis sans intention, parce qu'en matière pénale c'est l'intention et non l'événement qu'il faut principalement considérer: In maleficiis, voluntas spectatur, non exitus. L. 14, ff. ad 1. c. de sicar. (1).

La loi romaine où nous puisons ce principe a pris soin d'en faire l'application à divers cas. Elle décide, entre autres, que celui qui a blessé un homme, s'il avait l'intention de le tuer, doit être puni comme meurtrier; tandis que s'il a causé sa mort, en le frappant dans une rixe, n'ayant pas intention de le tuer, il ne doit être puni qu'à raison de la rixe et des mauvais traitemens auxquels il s'est livré. La même loi nous indique encore comment, en ce cas, on peut juger de l'intention; si le prévenu a frappé sa victime avec une épée ou un poignard, il n'est pas douteux qu'il a eu l'intention de le tuer: mais si, dans une rixe, il l'a frappé avec une clef, un soulier, un vase de terre, etc., il n'est pas censé avoir voulu lui donner la mort (2).

(1) Refert et in majoribus delictis, CONSULTO an aliquid admittitur an CASU, et sanè in omnibus criminibus distinctio hæc pœnam aut justam eligere debet, aut temperamentum admittere. L. 5, § 2, ff. de pænis.

(2) Divus Adrianus rescripsit eum qui hominem occidit, si non occidendi animo hoc admisit, absolvi posse; et qui hominem non occidit, sed vulneravit ut occidat, pro homicida damnandum, et ex re constituendum hoc. Nam si gladium strixerit et in eum percusserit, indubitaté occidendi animo in eum admisisse. Sed si clavi percussit aut cucumá, in rixâ, quamvis ferro percusserit, tamen non occidendi animo, Leniendam pœnam ejus qui in rica causa magis quam voluntate homicidium admisit. L. 1, §3, ff. ad l. c. de

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