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ANALYTIQUE

DES PROBABILITÉS;

PAR M. LE COMTE LAPLACE,

Chancelier du Sénat-Conservateur, Grand-Officier de la Légion d'Honneur; Membre de l'Institut impérial et du Bureau des Longitudes de France; des Sociétés royales de Londres et de Gottingue; des Académies des Sciences de Russie, de Danemarck, de Suède, de Prusse, de Hollande, d'Italie, etc.

SECONDE PARTIE.

PARIS,

MME VE COURCIER, Imprimeur-Libraire pour les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57.

1812.

LIVRE II.

THEORIE GÉNÉRALE DES PROBABILITÉS.

1.

TOUS

CHAPITRE PREMIER.

Principes généraux de cette théorie.

ous les événemens, ceux même qui par leur petitesse, semblent ne pas tenir aux grandes lois de la nature, en sont une suite aussi nécessaire que les révolutions célestes. Une intelligence qui pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la matière est animée, ainsi que la position et la vitesse de chacune de ses molécules; si d'ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse, embrasserait dans la même formule, les mouvemens des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome. Pour une semblable intelligence, rien ne serait irrégulier, et la courbe décrite par une simple molécule d'air ou de vapeurs, paraîtrait réglée d'une manière aussi certaine, que l'est pour nous l'orbe du soleil. Mais dans l'ignorance où nous sommes de l'immensité des données nécessaires à la solution de ce grand problème, et dans l'impossibilité, vu notre faiblesse, d'assujétir au calcul la plupart de celles qui nous sont connues, alors même que leur nombre est très-borné; nous attribuons les phénomènes qui nous paraissent arriver et se succéder sans aucun ordre, à des causes variables et cachées, dont l'action a été désignée par le mot hasard, mot qui n'est au fond que l'expression de notre ignorance.

La probabilité est relative, en partie, à cette ignorance, et en

partie, à nos connaissances. Nous savons que sur trois ou un plus grand nombre d'événemens, un seul doit exister; mais rien ne porte à croire que l'un d'eux arrivera plutôt que les autres. Dans cet état d'indécision, il est impossible de prononcer avec certitude sur leur existence. Il est cependant probable qu'un de ces événemens, pris à volonté, n'existera pas; parce que, sur divers cas pour nous également possibles, nous en voyons plusieurs qui excluent son existence, tandis qu'un seul la favorise.

La théorie des probabilités consiste à réduire tous les événemens qui peuvent avoir lieu dans une circonstance donnée, à un certain nombre de cas également possibles, c'est-à-dire tels que nous soyons également indécis sur leur existence, et à déterminer parmi ces cas, le nombre de ceux qui sont favorables à l'événement dont on cherche la probabilité. Le rapport de ce nombre à celui de tous les cas possibles, est la mesure de cette probabilité qui n'est donc qu'une fraction dont le numérateur est le nombre des cas favorables, et dont le dénominateur est celui de tous les cas possibles.

Tous nos jugemens sur les choses qui ne sont que vraisem-blables (et c'est le plus grand nombre), sont fondés sur un pareil rapport. La différence des données que chaque homme a sur elles, et la manière souvent erronée dont on apprécie ce rapport, donnent naissance à cette foule d'opinions que l'on voit exister sur les mêmes objets. Pour en donner un exemple, considérons trois urnes A B, C, dont une ne renferme que des boules noires, tandis que les deux autres ne contiennent que des boules blanches. On tire une boule de l'urne C, et l'on demande la probabilité que cette boule sera noire. Pour celui qui ignore laquelle des trois urnes ne renferme que des boules noires, et qui n'a pas de motifs de croire qu'elle est plutôt C que В ou A, ces trois hypothèses sont également possibles, et comme une boule noire ne peut être extraite que dans la première hypothèse, la probabilité de l'extraire est égale à un tiers. Pour celui qui sait d'avance que l'urne A ne contient que des boules blanches, l'indécision ne porte que sur les urnes B et C, et la probabilité d'extraire une boule noire de l'urne C, est. Enfin,

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