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THÉORIE

ANALYTIQUE

DES PROBABILITÉS.

JE

Je me propose d'exposer dans cet ouvrage, l'analyse et les principes nécessaires pour résoudre les problèmes concernant les probabilités. Cette analyse se compose de deux théories que j'ai données, il y a trente ans, dans les Mémoires de l'Académie des Sciences. L'une d'elles est la Théorie des Fonctions génératrices : l'autre est la Théorie de l'approximation des Formules fonctions de très-grands nombres. Elles sont l'objet du premier Livre, dans lequel je les présente d'une manière encore plus générale que dans les Mémoires cités. Leur rapprochement montre avec évidence, que la seconde n'est qu'une extension de la première, et qu'elles peuvent être considérées comme deux branches d'un même calcul, que je désigne par le nom de Calcul des Fonctions génératrices. Ce calcul est le fondement de ma Théorie des Probabilités, qui fait l'objet du second Livre. Les questions relatives aux événemens dus au hasard, se ramènent le plus souvent avec facilité, à des équations linéaires aux différences simples ou partielles la première branche du calcul des fonctions génératrices donne la

méthode la plus générale pour intégrer ce genre d'équations. Mais quand les événemens que l'on considère, sont en grand nombre, les expressions auxquelles on est conduit, se composent d'une si grande multitude de termes et de facteurs, que leur calcul numérique devient impraticable; il est donc alors indispensable d'avoir une méthode qui les transforme en séries convergentes. C'est ce que la seconde branche du Calcul des Fonctions génératrices fait avec d'autant plus d'avantage, que la méthode devient plus nécessaire.

Mon objet étant de présenter ici les méthodes et les résultats généraux de la théorie des probabilités, je traite spécialement les questions les plus délicates, les plus difficiles, et en même tems les plus utiles de cette théorie. Je m'attache surtout, à déterminer lá probabilité des causes et des résultats indiqués par les événemens considérés en grand nombre, et à chercher les lois suivant lesquelles cette probabilité approche de ses limites, à mesure que les événemens se multiplient. Cette recherche mérite l'attention des Géomètres, par l'analyse qu'elle exige: c'est là principalement que la théorie de l'approximation des formules fonctions de grands nombres, trouve ses applications les plus importantes. Cette recherche intéresse les observateurs, en leur indiquant les milieux qu'ils doivent choisir entre les résultats de leurs observations et la probabilité des erreurs qu'ils ont encore à craindre. Enfin, elle mérite l'attention des philosophes, en faisant voir comment la régularité finit par s'établir dans les choses mêmes qui nous paraissent entièrement livrées au hasard, et en dévoilant les causes cachées, mais constantes, dont cette régularité dépend. C'est sur la régularité des résultats moyens des événemens considérés en grand nombre, que reposent divers établissemens, tels que les

rentes viagères, les tontines, les assurances, etc. Les questions qui leur sont relatives, ainsi qu'à l'inoculation de la vaccine, et aux décisions des assemblées électorales, n'offrent aucune difficulté d'après ma théorie. Je me borne ici à résoudre les plus générales; mais l'importance de ces objets dans la vie civile, les considérations morales dont ils se compliquent, et les observations nombreuses qu'ils supposent, exigent un ouvrage à part.

Si l'on considère les méthodes analytiques auxquelles la théorie des probabilités a déjà donné naissance, et celles qu'elle peut faire naître encore; la justesse des principes qui lui servent de base, la logique rigoureuse et délicate qu'exige leur emploi dans la solution des problèmes; les établissemens d'utilité publique qui s'appuient sur elle : si l'on observe ensuite que dans les choses même qui ne peuvent être soumises au calcul, cette théorie donne les aperçus les plus sûrs qui puissent nous guider dans nos jugemens, et qu'elle apprend à se garantir des illusions qui souvent nous égarent; on verra qu'il n'est point de science plus digne de nos méditations, et dont les résultats soient plus utiles. Elle doit la naissance à deux Géomètres français du dix-septième siècle, si fécond en grands hommes et en grandes découvertes, et peut-être de tous les siècles celui qui fait le plus d'honneur à l'esprit humain. Pascal et Fermat se proposèrent et résolurent quelques problèmes sur les probabilités. Huyghens réunit ces solutions, et les étendit dans un petit traité sur cette matière, qui ensuite a été considérée d'une manière plus générale par les Bernoulli, Montmort, Moivre, et par plusieurs Géomètres célèbres de ces derniers tems.

LIVRE PREMIER.

CALCUL DES FONCTIONS GÉNÉRATRICES.

1.

PREMIÈRE PARTIE

Des Fonctions génératrices.

CONCEVONS une suite de termes disposés sur une ligne horizontale, et tels que chacun d'eux dérive des précédens, suivant une loi donnée: supposons cette loi exprimée par une équation entre plusieurs termes consécutifs, et leur indice, ou le nombre qui indique le rang qu'ils occupent dans la série : cette équation est ce que je nomme équation aux différences finies à un seul indice variable. L'ordre ou le degré de cette équation, est la différence du rang de ses deux termes extrêmes. On peut, à son moyen, déterminer successivement les termes de la série, et la continuer indéfiniment; mais il faut pour cela, connaître un nombre de termes de la série, égal au degré de l'équation. Ces termes sont les constantes arbitraires de l'expression du terme général de la série, ou de l'intégrale de l'équation aux différences.

Concevons maintenant, au-dessus des termes de la série précédente, une seconde série de termes disposés horizontalement; concevons encore, au-dessus des termes de la seconde série, une troisième série horizontale, et ainsi de suite à l'infini, et supposons les termes de toutes ces séries, liés par une équation générale entre plusieurs termes consécutifs, pris tant dans le sens horizontal, que dans le sens vertical, et les nombres qui indiquent leur

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rang dans les deux sens. Cette équation est ce que je nomme équation aux différences finies partielles à deux indices variables. Concevons pareillement au-dessus du plan qui renferme les séries précédentes, un second plan renfermant des séries semblables, dont les termes soient placés respectivement au-dessus de ceux que contient le premier plan. Concevons ensuite au-dessus de ce second plan, un troisième plan renfermant des séries semblables, et ainsi à l'infini. Supposons tous les termes de ces séries, liés par une équation entre plusieurs termes consécutifs, pris tant dans le sens de la longueur, que dans les sens de la largeur et de la profondeur, et les trois nombres qui indiquent leur rang dans ces trois sens. Cette équation est ce que je nomme équation aux différences finies partielles à trois indices variables..

Enfin, en considérant la chose d'une manière abstraite et indépendante des dimensions de l'espace, concevons généralement un système de grandeurs qui soient fonctions d'un nombre quelconque d'indices variables, et supposons entre ces grandeurs, leurs différences relatives à ces indices et les indices eux-mêmes, autant d'équations qu'il y a de ces grandeurs; ces équations seront aux différences finies partielles à un nombre quelconque d'indices

variables.

On peut à leur moyen, déterminer successivement ces grandeurs. Mais de même que l'équation à un seul indice, exige que l'on connaisse un certain nombre de termes de la série; de même l'équation à deux indices exige que l'on connaisse une ou plusieurs lignes de séries, dont les termes généraux peuvent chacun être exprimés par une fonction arbitraire d'un des indices. Pareillement, l'équation à trois indices exige que l'on connaisse un ou plusieurs plans de séries, dont les termes généraux peuvent être exprimés chacun par une fonction arbitraire de deux indices, et ainsi de suite. Dans tous ces cas, on pourra, par des éliminations successives déterminer un terme quelconque des séries. Mais toutes les équations entre lesquelles on élimine, étant comprises dans un même système d'équations générales; toutes les expressions des termes successifs que l'on obtient par ces éliminations, doivent être comprises dans une expression générale, fonction des indices qui déterminent le rang du terme. Cette expression est l'intégrale de

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