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Le calcul des probabilités peut faire apprécier les avantages et les inconvéniens des méthodes employées dans les sciences conjecturales. Ainsi, pour reconnaître le meilleur des traitemens en usagé dans la guérison d'une maladie, il suffit d'éprouver chacun d'eux sur un même nombre de malades, en rendant toutes les cir constances parfaitement semblables. La supériorité du traitement le plus avantageux se manifestera de plus en plus, à mesure que ee nombre s'accroîtra; et le calcul fera connaître la probabilité correspondante de son avantage. Le même calcul s'étend encore aux objets de l'économie politique, pour laquelle les opérations des gouvernemens sont autant d'expériences en grand, propres à les éclairer sur la conduite qu'ils doivent tenir dans les cas semblables à ceux qui se sont déjà présentés. Tant de causes imprévues ou cachées ou inappréciables influent sur les institutions humaines, qu'il est impossible d'en juger à priori, les résultats. Une longue suite d'expériences développe les effets de ces causes, et indique les moyens de remédier à ceux qui sont nuisibles. On a souvent fait à cet égard, des lois sages; mais parce que l'on avait négligé d'en conserver les motifs, plusieurs ont été abrogées comme inutiles, et il a fallu pour les rétablir, que de fâcheuses expériences en aient fait de nouveau, sentir le besoin. Il est donc bien important de tenir dans chaque branche de l'administration publique, un registre exact des résultats qu'ont produits les divers moyens dont on a fait usage. Appliquons aux sciences politiques et morales, la méthode fondée sur l'observation et le calcul, méthode qui nous a si heureusement servi dans les sciences naturelles. Ne changeons qu'avec une circonspection extrême, nos anciennes institutions et les usages auxquels nos opinions et nos habitudes se sont depuis long-temps pliées. Nous connaissons bien par l'expérience du passé, les inconvéniens qu'ils présentent; mais nous ignorons quelle est l'étendue des maux que leur changement peut produire.

- La considération des probabilités, étendue à l'astronomie, péut servir à reconnaître la cause des anomalies observées dans les mouvemens célestes, et à démêler les petites inégalités enveloppées dans les erreurs dont les observations sont susceptibles. Ce fut en comparant entre elles, toutes ses observations; que Ticho-Brahé

reconnut la nécessité d'appliquer à la lune, une équation de temps, différente de celle que l'on appliquait au soleil et aux planètes. Ce fut encore dans le résultat d'observations nombreuses, que Mayer aperçut pour la lune, une diminution dans le coefficient de l'inégalité de la précession, relatif aux autres corps célestes. Mais comme cette diminution ne semblait pas résulter de la gravitation universelle; la plupart des astronomes la négligèrent dans leurs calculs. Ayant soumis à l'analyse des probabilités, un grand nombre d'observations lunaires choisies dans cette vue, et que Bouvard voulut bien calculer à ma prière; elle me parut indiquée avec une si forte probabilité, que je crus devoir en rechercher la cause. Je vis bientôt qu'elle ne pouvoit être que l'ellipticité du sphéroïde terrestre, négligée jusqu'alors dans la théorie du mouvement lunaire, comme ne devant y produire que des termes insensibles; j'en conclus que ces termes deviennent sensibles par les intégrations successives des équations différentielles. Je déterminai donc ces termes par une analyse particulière, et je découvris d'abord l'inégalité du mouvement lunaire en latitude, qui est proportionnelle au sinus de la longitude de la lune, et qu'aucun astronome n'avait encore aperçue; je reconnus ensuite au moyen de cette inégalité, que la théorie de la pesanteur donne en effet, la diminution indiquée par Mayer, dans l'équation de la précession, applicable à la lune. La quantité de cette diminution, et le coefficient de l'inégalité précédente en latitude, sont très-propres à fixer l'aplatissement de la terre. Ayant fait part de mes recherches, à Burg qui s'occupoit alors à perfectionner les tables de la lune par la comparaison de toutes les bonnes observations; je le priai de déterminer avec un soin particulier, ces deux quantités. Par un accord très-remarquable, les valeurs qu'il a trouvées, s'accordent à donner à la terre, l'aplatissement; aplatissement qui diffère peu du milieu conclu des mesures des degrés du méridien et du pendule; mais qui, vu l'influence des erreurs des observations et des causes perturbatrices, sur ces mesures, me paraît plus exactement déterminé par ces inégalités lunaires.

Le calcul des probabilités m'a conduit pareillement à la 'cause des grandes irrégularités de Jupiter et de Saturne. En comparant

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les observations modernes aux anciennes, Halley trouva une accélération dans le mouvement de Jupiter, et un ralentissement dans celui de Saturne. Pour concilier les observations, il assujétit ces mouvemens, à deux équations séculaires de signes contraires, et croissantes comme les carrés des temps écoulés depuis 1700. Euler et Lagrange soumirent à l'analyse, les altérations que devoit produire dans ces mouvemens, l'attraction mutuelle des deux planètes : ils y trouvèrent des équations séculaires. Mais leurs résultats étaient si différens, que l'un d'eux, au moins, devait être erroné. Je me déterminai donc à reprendre ce problème important de la mécanique céleste, et je reconnus l'invariabilité des moyens mouvemens planétaires; ce qui fit disparaître les équations séculaires introduites par Halley, dans les tables de Jupiter et de Saturne. Il ne restait ainsi, pour expliquer les grandes irrégularités de ces planètes, que les attractions des comètes auxquelles plusieurs astronomes eurent effectivement recours, ou l'existence d'une inégalité à longue période, produite dans les mouvemens des deux planètes par leur action réciproque, et affectée de signes contraires, pour chacune d'elles. Un théorème que je trouvai sur les inégalités de ce genre, me rendit cette inégalité, très-vraisemblable. Suivant ce théorème, si le mouvement de Jupiter s'accélère, celui de Saturne se ralentit, ce qui est déjà conforme à ce que Halley avait remarqué; mais de plus l'accélération de Jupiter, résultante du même théorème, est au ralentissement de Saturne, à très-peu près dans le rapport des équations séculaires proposées par Halley. En considérant les moyens mouvemens de Jupiter et de Saturne, il me fut aisé de reconnaître que deux fois celui de Jupiter, ne surpasse que d'une très-petite quantité, cinq fois celui de Saturne. La période d'une inégalité qui aurait cet argument serait d'environ neuf siècles. A la vérité, son coefficient serait de l'ordre des cubes des excentricités des orbites; mais je savais qu'en vertu des intégrations successives, il acquiert pour diviseur, le carré du très-petit multiplicateur du temps dans l'argument de cette inégalité, ce qui peut lui donner une grande valeur; il me parut donc très-probable que cette inégalité a lieu. La remarque suivante accrut encore cette probabilité. En sup

posant son argument nul, vers l'époque des observations de Ticho

Brahé; je vis que Halley avait dû trouver par la comparaison des observations modernes aux anciennes, les altérations qu'il avait indiquées; tandis que la comparaison des observations modernes entre elles, devait offrir des altérations contraires, et pareilles à celles que Lambert avait conclues de cette comparaison. L'existence de cette inégalité me parut donc extrêmement vraisemblable, et je n'hésitai point à entreprendre le calcul long et pénible, nécessaire pour m'en assurer. Elle fut entièrement confirmée par le résultat de ce calcul qui, de plus, me fit connaître un grand nombre d'autres inégalités dont l'ensemble a porté les tables de Jupiter et de Saturne, à la précision des observations mêmes.

Ce fut encore au moyen du calcul des probabilités, que je reconnus la loi remarquable des mouvemens moyens des trois premiers satellites de Jupiter, suivant laquelle la longitude moyenne du premier, moins trois fois celle du second, plus deux fois celle du troisième est rigoureusement égale à la demi- circonférence. L'approximation avec laquelle les moyens mouvemens de ces astres satisfont à cette loi depuis leur découverte, indiquait son existence avec une vraisemblance extrême; j'en cherchai donc la cause, dans l'action mutuelle de ces trois corps. L'examen approfondi de cette action, me fit voir qu'il a suffi qu'à l'origine, les rapports de leurs moyens mouvemens aient approché de cette loi, dans certaines limites, pour que leur action mutuelle l'ait établie et la maintienne en rigueur.

On voit par là, combien il faut être attentif aux indications de la nature, lorsqu'elles sont le résultat d'un grand nombre d'observations; quoique d'ailleurs, elles soient inexplicables par les moyens connus. L'extrême difficulté des problèmes relatifs au système du monde, a forcé les géomètres de recourir à des approximations qui laissent toujours à craindre que les quantités négligées n'aient une influence sensible. Lorsqu'ils ont été avertis de cette influence, par les observations; ils sont revenus sur leur analyse: en la rectifiant, ils ont toujours retrouvé la cause des anomalies observées; ils en ont déterminé les lois, et souvent, ils ont devancé l'observation, en découvrant des inégalités qu'elle n'avait pas encore indiquées. Ainsi l'on peut dire que la nature elle-même a concouru

à la perfection des théories fondées sur le principe de la pesanteur universelle; et c'est, à mon sens, une des plus fortes preuves de la vérité de ce principe admirable.

L'un des phénomènes les plus remarquables du système du monde, est celui de tous les mouvemens de rotation et de révolution des planètes et des satellites, dans le sens de la rotation du soleil, et à peu près dans le plan de son équateur. Un phénomène aussi remarquable n'est point l'effet du hasard : il indique une cause générale qui a déterminé tous ces mouvemens. Pour avoir la probabilité avec laquelle cette cause est indiquée; nous observerons que le système planétaire tel que nous le connaissons aujourd'hui, est composé d'onze planètes et de dix-huit satellites. On a reconnu les mouvemens de rotation du soleil, de six planètes, des satellites de Jupiter, de l'anneau de Saturne, et d'un de ses satellites. Ces mouvemens forment avec ceux de révolution, un ensemble de quarante-trois mouvemens dirigés dans le même sens; or on trouve par l'analyse des probabilités, qu'il y a plus de quatre mille milliards à parier contre un, que cette disposition n'est pas l'effet du hasard; ce qui forme une probabilité bien supérieure à celle des événemens historiques sur lesquels on ne se permet aucun doute. Nous devons donc croire, au moins avec la même confiance, qu'une cause primitive a dirigé les mouvemens planétaires; surtout si nous considérons que l'inclinaison du plus grand nombre de ces mouvemens à l'équateur solaire, est fort petite.

Un autre phénomène également remarquable du système solaire, est le peu d'excentricité des orbes des planètes et des satellites, tandis que ceux des comètes sont très-alongés : les orbes de ce système n'offrant point de nuances intermédiaires entre une grande et une petite excentricité. Nous sommes encore forcés de reconnaître ici l'effet d'une cause régulière : le hasard n'eût point donné une forme presque circulaire aux orbes de toutes les planètes et de leurs satellites; il est donc nécessaire que la cause qui a déterminé les mouvemens de ces corps, les ait rendus presque circulaires. Il faut encore que les grandes excentricités des orbes des comètes résultent de l'existence de cette cause, sans qu'elle ait influé sur les directions de leurs mouvemens; car on trouvé

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