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Lorsque les événemens sont en grand nombre, l'analyse donne encore une expression fort simple de la probabilité que le bénéfice réel sera compris dans des limites déterminées, expression qui rentre dans la loi générale de la probabilité, que nous avons donnée ci-dessus, en parlant des probabilités qui résultent de la multiplication indéfinie des événemens.

C'est de la vérité du théorème précédent, que dépend la stabilité des établissemens fondés sur les probabilités. Mais pour qu'il puisse leur être appliqué, il faut que ces établissemens, par de nombreuses affaires, multiplient les événemens avantageux.

On a fondé sur les probabilités de la vie humaine, divers établissemens, tels que les rentes viagères et les tontines. La méthode la plus générale et la plus simple de calculer les bénéfices et les charges de ces établissemens, consiste à les réduire en capitaux actuels, au moyen de ce principe.

Le capital actuel équivalent à une somme qui ne doit être probablement payée qu'après un certain nombre d'années, est égal à cette somme multipliée par la probabilité qu'elle sera payée à cette époque, et divisée par l'unité augmentée du taux de l'intérêt, élevée à une puissance égale au nombre de ces années : l'intérêt annuel de l'unité est ce que l'on nomme taux de l'intérêt.

Il est facile d'appliquer ce principe, aux rentes viagères sur une ou plusieurs têtes, et aux caisses d'épargne et d'assurance d'une nature quelconque. Supposons que l'on se propose de former une table de rentes viagères; d'après une table donnée de mortalité. Une rente viagère payable au bout de cinq ans, par exemple, et réduite en capital actuel, est par ce principe, égale au produit des deux quantités suivantes, savoir, la rente divisée par la cinquième puissance de l'unité augmentée du taux de l'intérêt, et la probabilité de la payer. Cette probabilité est le rapport inverse du nombre des individus inscrits dans la table, vis-à-vis de l'âge de celui qui constitue la rente, au nombre inscrit vis-à-vis de cet âge augmenté de cinq années. En formant donc une suite de fractions dont les dénominateurs soient les produits du nombre de personnes indiquées dans la table de mortalité, comme vivantes à l'âge de celui qui constitue la rente, par les puissances succes

sives de l'unité augmentée du taux de l'intérêt, et dont les numérateurs soient les produits de la rente, par le nombre de personnes vivantes au même âge augmenté successivement d'une année, de deux années, etc., la somme de ces fractions sera le capital requis pour la rente viagère à cet âge.

Supposons maintenant qu'une personne veuille, au moyen d'une rente viagère, assurer à ses héritiers, un capital payable à la fin de l'année de sa mort. Pour déterminer la valeur de cette rente, 'on peut imaginer que la personne emprunte en viager, ce capital divisé par l'unité augmentée du taux de l'intérêt, et qu'elle le place à intérêt perpétuel à la même caisse. Il est clair que ce capital sera dû par la caisse, à ses héritiers, à la fin de l'année de sa mort; mais elle n'aura payé, chaque année, que l'excès de l'intérêt viager sur l'intérêt perpétuel. La table des rentes viagères fait donc connaitre ce que la personne doit payer annuellement à la caisse, pour assurer ce capital après sa mort.

Les assurances maritimes, celles contre les incendies et les orages, et généralement tous les établissemens de ce genre, se calculent par les mêmes principes. Un négociant a des vaisseaux en mer, il veut assurer leur valeur et celle de leur cargaison, contre les dangers qu'ils peuvent courir-: pour cela il donne une somme à une compagnie, qui lui répond de la valeur estimée de ses cargaisons et de ses vaisseaux. Le rapport de cette valeur à la somme qui doit être donnée pour prix de l'assurance, dépend des dangers auxquels les vaisseaux sont exposés, et ne peut être apprécié que par des observations nombreuses sur le sort des vaisseaux partis du port pour la même destination.

Si l'assureur ne donnait à la compagnie d'assurance, que la somme indiquée par le calcul des probabilités, cette compagnie ne pourrait pas subvenir aux dépenses de son établissement; il faut donc qu'il paie d'une somme plus forte, le prix de son assurance. Mais alors quel est son avantage? C'est ici que la considération de l'espérance morale devient nécessaire. On conçoit que le jeu le plus égal devenant, comme on l'a vu précédemment, désavantageux, parce qu'il échange une mise certaine, contre un bénéfice incertain; l'assurance par laquelle on échange l'incertain contre le cer

tain, doit être avantageuse. C'est en effet, ce qui résulte de la règle que nous avons donnée ci-dessus pour déterminer l'espérance morale, et par laquelle on voit de plus jusqu'où peut s'étendre le sacrifice que l'on doit faire à la compagnie d'assurance, en conservant toujours un avantage moral. Cette compagnie peut donc en procurant cet avantage, faire elle-même un grand bénéfice, si le nombre des assureurs est très-considérable, condition nécessaire à son existence durable. Alors son bénéfice devient certain, et ses espérances mathématique et morale coïncident. Car l'analyse conduit à ce théorème général, savoir, que si les expectatives sont très-nombreuses, les deux espérances approchent sans cesse l'une de l'autre, et finissent par coïncider dans le cas d'un nombre infini d'expectatives.

Parmi les établissemens fondés sur les probabilités de la vie humaine, les plus utiles sont ceux dans lesquels, au moyen d'un léger sacrifice de son revenu, on assure l'existence de sa famille pour un temps où l'on doit craindre de ne plus suffire à ses besoins. Autant le jeu est immoral, autant ces établissemens sont avantageux aux mœurs, en favorisant les plus doux penchans de la nature. Le Gouvernement doit donc les encourager et les respecter dans ses vicissitudes; car les espérances qu'ils présentent, portant sur un avenir éloigné, ils ne peuvent prospérer qu'à l'abri de toute inquiétude sur leur durée.

Des choix et des décisions des assemblées.

La probabilité des décisions d'une assemblée dépend de la pluralité des voix, des lumières et de l'impartialité des membres qui la composent. Tant de passions et d'intérêts particuliers y mêlent souvent leur influence, qu'il est impossible de soumettre au calcul, cette probabilité. Il y a cependant quelques résultats généraux dictés par le simple bon sens, et que le calcul confirme. Si, par exemple, l'assemblée est très-peu éclairée sur l'objet soumis à sa décision; si cet objet exige des considérations délicates, ou si la vérité sur ce point est contraire à des préjugés reçus, ensorte qu'il y ait plus d'un contre un à parier que chaque votant s'en écar

tera; alors la décision de la majorité sera probablement mauvaise, et la crainte à cet égard sera d'autant plus juste, que l'assemblée sera plus nombreuse. Il importe donc à la chose publique, que les assemblées n'aient à prononcer que sur les objets à la portée du plus grand nombre : il lui importe que l'instruction soit généralement répandue, et que de bons ouvrages fondés sur la raison et l'expérience, éclairent ceux qui sont appelés à décider du sort de leurs semblables ou à les gouverner, et les prémunissent d'avance contre les faux aperçus et les préventions de l'ignorance. Les savans ont de fréquentes occasions de remarquer que les premiers aperçus trompent souvent, et que le vrai n'est pas toujours vraisemblable.

Il est difficile de connaître et même de définir le vœu d'une assemblée, au milieu de la variété des opinions de ses membres. Essayons de donner sur cela, quelques règles, en considérant les deux cas les plus ordinaires, l'élection entre plusieurs candidats, et celle entre plusieurs propositions relatives au même objet.

Lorsqu'une assemblée doit choisir entre plusieurs candidats qui se présentent pour une ou plusieurs places du même genre; ce qui paraît le plus simple est de faire écrire à chaque votant sur un billet, les noms de tous les candidats, suivant l'ordre du mérite qu'il leur attribue. En supposant qu'il les classe de bonne foi, l'inspection de ces billets fera connaître les résultats des élections, de quelque manière que les candidats soient comparés entre eux; ensorte que de nouvelles élections ne peuvent apprendre rien de plus à cet égard. Il s'agit présentement d'en conclure l'ordre de préférence que les billets établissent entre les candidats. Imaginons que l'on donne à chaque électeur, une urne qui contienne une infinité de boules au moyen desquelles il puisse nuancer tous les degrés de mérite des candidats: concevons encore qu'il tire de son urne, un nombre de boules proportionnel au mérite de chaque candidat, et supposons ce nombre écrit sur un billet, à côté du nom du candidat. Il est clair qu'en faisant une somme de tous les nombres relatifs à chaque candidat, sur chaque billet, celui de tous les candidats qui aura la plus grande somme, sera le candidat que l'assemblée préfère; et qu'en général, l'ordre de préférence des candidats,

sera celui des sommes relatives à chacun d'eux. Mais les billets ne marquent point le nombre des boules que chaque électeur donne aux candidats : ils indiquent seulement que le premier en a plus que le second, le second plus que le troisième, et ainsi de suite. En supposant donc au premier, sur un billet donné, un nombre quelconque de boules; toutes les combinaisons des nombres inférieurs, qui remplissent les conditions précédentes, sont également admissibles; et l'on aura le nombre de boules, relatif à chaque candidat, en faisant une somme de tous les nombres que chaque combinaison lui donne, et en la divisant par le nombre entier des combinaisons. Si ces nombres sont très-considérables, comme on doit le supposer pour qu'ils puissent exprimer toutes les nuances du mérite; une analyse fort simple fait voir que les nombres qu'il faut écrire sur chaque billet à côté du dernier nom, de l'avantdernier, etc., peuvent être représentés par la progression arithmétique 0, 1, 2, etc. En écrivant donc ainsi sur chaque billet les termes de cette progression, et ajoutant les termes relatifs à chaque candidat sur chaque billet; les diverses sommes indiqueront par leur grandeur, l'ordre de préférence qui doit être établi entre les candidats. Tel est le mode d'élection, qu'indique la Théorie des Probabilités. Sans doute, il serait le meilleur, si chaque électeur inscrivait sur son billet, les noms des candidats, dans l'ordre du mérite qu'il leur attribue. Mais les intérêts particuliers et beaucoup de considérations étrangères au mérite, doivent troubler cet ordre,. et faire placer quelquefois au dernier rang, le candidat le plus redoutable à celui que l'on préfère; ce qui donne trop d'avantage aux candidats d'un médiocre mérite. Aussi l'expérience l'a-t-elle fait abandonner dans les établissemens qui l'avaient adopté.

L'élection à la majorité absolue des suffrages réunit à la certitude de n'admettre aucun des candidats que cette majorité rejetterait, l'avantage d'exprimer le plus souvent, le vœu de l'assemblée. Elle coïncide toujours avec le mode précédent, lorsqu'il n'y a que deux candidats. A la vérité, elle expose à l'inconvénient de rendre les élections interminables. Mais l'expérience a fait voir que cet inconvénient est nul, et que le desir général de mettre fin aux élections, réunit bientôt la majorité des suffrages sur un des candidats.

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