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Considérons encore une urne qui renferme plusieurs boules blanches et noires. Supposons d'abord qu'il n'y ait qu'une boule blanche, et une noire. On peut alors parier avec égalité, d'extraire une boule blanche, dans un tirage. Mais si l'urne renferme trois boules dont deux soient noires; il semble que pour l'égalité du pari, on doit donner deux tirages à celui qui parie d'extraire la boule blanche on doit en donner trois, si l'urne renferme trois boules noires et une blanche, et ainsi du reste; ensorte que pour compenser par le nombre des tirages, l'inégalité des chances, il faut donner autant de tirages qu'il y a de chances contraires : on suppose toujours qu'après chaque tirage, la boule extraite est remise dans l'urne. Mais il est facile de se convaincre que ce premier aperçu est erroné. En effet, dans le cas de deux boules noires sur une blanche, la probabilité d'xxtraire de l'urne, deux boules noires en deux tirages, est la seconde puissance de ou; mais cette probabilité ajoutée à celle d'amener une boule blanche en deux tirages, est la certitude ou l'unité; puisqu'il est certain que l'on doit amener deux boules noires, ou au moins une boule blanche; la probabilité de ce dernier cas est donc & fraction plus grande que. Il y aurait plus d'avantage encore à parier d'amener une boule blanche en cinq tirages, lorsque l'urne contient cinq boules noires et une blanche; ce pari est même avantageux en quatre tirages: il revient alors à celui d'amener six en quatre coups, avec un seul dé.

Le chevalier de Meré, ami de Pascal, et qui fit naître le calcul des probabilités, en excitant ce grand géomètre à s'en occuper, lui disait << qu'il avait trouvé fausseté dans les nombres par cette >> raison. Si l'on entreprend de faire six avec un dé, il y a de l'avantage >> à l'entreprendre en quatre coups, comme de 671 à 625. Si l'on >> entreprend de faire sonnés avec deux dés, il y a désavantage » à l'entreprendre en 24 coups. Néanmoins 24 est à 36 nombre » des faces de deux dés, comme 4 est à 6 nombre des faces d'un » dé. Voilà, écrivait Pascal à Fermat, quel était son grand scan-` >> dale, qui lui faisait dire hautement, que les propositions n'étaient >> pas constantes et que l'arithmétique se démentait..... Il a très-bon >> esprit; mais il n'est pas géomètre: c'est, comme vous savez, un

>> grand défaut. » Le chevalier de Meré trompé par une fausse analogie, pensait que dans le cas de l'égalité des paris, le nombre des coups devait croître proportionnellement au nombre de toutes les chances possibles, ce qui n'est pas exact, mais ce qui approche d'autant plus de l'être, que ce nombre est plus grand.

Je mets encore au rang des illusions, l'application que Leibnitz et Daniel Bernoulli ont faite du calcul des probabilités, à la sommation des séries. Si l'on réduit la fraction dont le numérateur est l'unité, et dont le dénominateur est l'unité plus une variable, dans une suite ordonnée par rapport aux puissances de cette variable; il est facile de voir qu'en supposant la variable égale à l'unité, la fraction devient, et la suite devient

Plus un, moins un, plus un, moins un, etc.

En ajoutant les deux premiers termes, les deux suivans, et ainsi du reste, on transforme la suite dans une autre dont chaque terme est zéro. Grandi, jésuite italien, en avait conclu la possibilité de la création; parce que la suite étant toujours égale à, il voyait cette fraction naître d'une infinité de zéros, ou du néant. Ce fut ainsi que Leibnitz crut voir l'image de la création, dans son arithmétique binaire où il n'employait que les deux caractères zéro et l'unité. Il imagina que l'unité pouvait représenter Dieu, et zéro, le néant; et que l'Être Suprême avait tiré du néant, tous les êtres; comme l'unité avec le zéro, exprime tous les nombres dans ce système. Cette idée plut tellement à Leibnitz, qu'il en fit part au jésuite Grimaldi, président du tribunal des mathématiques à la Chine, dans l'espérance que cet emblème de la création convertirait au christianisme, l'empereur d'alors qui aimait particulièrement les sciences. Je ne rapporte ce trait, que pour montrer jusqu'à quel point les préjugés de l'enfance peuvent égarer les plus grands hommes.

Leibnitz toujours conduit par une métaphysique singulière et très-déliée, considéra que la suite, plus un, moins un, plus un, etc. devient l'unité ou zéro, suivant que l'on s'arrête à un nombre de termes, impair ou pair ; et comme dans l'infini, il n'y a aucune raison de préférer le nombre pair à l'impair, on doit, suivant les règles des probabilités, prendre la moitié des résultats relatifs à ces deux

espèces de nombres, et qui sont zéro et l'unité; ce qui donne pour la valeur de la série. Daniel Bernoulli a étendu depuis ce raisonnement, à la sommation des séries formées de termes périodiques. Mais toutes ces séries n'ont point, à proprement parler, de valeurs : elles n'en prennent que dans le cas où leurs termes sont multipliés par les puissances successives d'une variable moindre que l'unité. Alors, ces séries sont toujours convergentes, quelque petite que l'on suppose la différence de la variable à l'unité; et il est facile de démontrer que les valeurs assignées par Bernoulli, en vertu de la règle des probabilités, sont les valeurs mêmes des fractions géné→ ratrices des séries, lorsque l'on suppose dans ces fractions, la variable égale à l'unité. Ces valeurs sont encore les limites dont les séries approchent de plus en plus, à mesure que la variable approche de l'unité. Mais lorsque la variable est exactement égale à l'unité, les séries cessant d'être convergentes: elles n'ont de valeurs, qu'autant qu'on les arrête. La coïncidence remarquable de cette application du calcul des probabilités, avec les limites des valeurs des séries périodiques, suppose que les termes de ces séries sont multipliés par toutes les puissances consécutives de la variable. Mais ces séries peuvent résulter du développement d'une infinité de fractions différentes, dans lesquelles cela n'a pas lieu. Ainsi la série, plus un, moins un, plus un, etc. peut naître du développement d'une fraction dont le numérateur est l'unité plus la variable, et dont le dénominateur est ce numérateur augmenté du carré de la variable. En supposant la variable égale à l'unité, ce développement se change dans la série proposée, et la fraction génératrice devient égale à ; les règles des probabilités donneraient donc alors un faux résultat; ce qui prouve combien il serait dangereux d'employer de semblables raisonnemens, surtout dans les sciences mathématiques, que la rigueur de leurs procédés doit toujours distinguer.

Des divers moyens d'approcher de la certitude.

L'induction, l'analogie, des hypothèses fondées sur les faits et rectifiées sans cesse par de nouvelles observations, un tact heureux donné par la nature et fortifié par des comparaisons nombreuses

de ses indications avec l'expérience; tels sont les principaux moyens de parvenir à la vérité.

Si l'on considère avec attention, la série des objets de même nature; on aperçoit entre eux et dans leurs changemens, des rapports et des lois qui se manifestent de plus en plus, à mesure que la série se prolonge, et qui, en s'étendant et se généralisant sans cesse, conduisent enfin au principe dont ils dépendent. Mais souvent ces lois et ces rapports sont enveloppés de tant de circonstances étrangères, qu'il faut une grande sagacité pour les démêler, et pour remonter à ce principe: c'est en cela que consiste le véritable génie des sciences. L'analyse et la philosophie naturelle doivent leurs plus importantes découvertes, à ce moyen fécond que l'on nomme induction. Newton lui a été redevable de son théorème du binome, et du principe de la gravitation universelle. Il est difficile d'apprécier la probabilité de ses résultats. Elle se fonde sur ce que les rapports et les lois les plus simples, sont les plus communes: c'est ce qui se vérifie dans les formules de l'analyse, et ce que. l'on retrouve dans les phénomènes naturels, dans la cristallisation, et dans les combinaisons chimiques. Cette simplicité de lois et de rapports ne paraîtra point étonnante, si l'on considère que tous les effets de la nature, ne sont que les résultats mathématiques d'un petit nombre de lois immuables.

Cependant l'induction, en faisant découvrir les principes généraux des sciences, ne suffit pas pour les établir en rigueur. Il faut toujours les confirmer par des démonstrations, ou par des expériences décisives; car l'histoire des sciences nous montre que l'induction a quelquefois conduit à des résultats inexacts. Je citerai pour exemple, un théorème de Fermat sur les nombres premiers. Ce grand géomètre qui avait profondément médité sur leur théorie, cherchait une formule qui ne renfermant que des nombres premiers, donnât directement un nombre premier plus grand qu'aucun nombre assignable. L'induction le conduisit à penser que deux élevé à une puissance qui était elle-même une puissance de deux, formait avec l'unité, un nombre premier. Ainsi deux élevé au carré, plus un, forme le nombre premier cinq: deux élevé à la seconde puissance de deux, ou seize forme avec un, le nombre

premier dix-sept. Il trouva que cela était encore vrai pour la huitième et la seizième puissance de deux, augmentée de l'unité; et cette induction appuyée de plusieurs considérations arithmétiques, lui fit regarder ce résultat, comme général. Cependant il avoue qu'il ne l'avait pas encore démontré. En effet, Euler a reconnu que cela cesse d'avoir lieu pour la trente-deuxième puissance de deux, qui augmentée de l'unité, donne 4294967297, nombre divisible par 641.

Le chancelier Bacon, promoteur si éloquent de la vraie méthode philosophique, a fait de l'induction, un abus bien étrange, pour prouver l'immobilité de la terre. Voici comme il raisonne dans le Novum Organum, son plus bel ouvrage. Le mouvement des astres, d'orient en occident, est d'autant plus prompt, qu'ils sont plus éloignés de la terre. Ce mouvement est le plus rapide pour les étoiles il se ralentit un peu pour Saturne, un peu plus pour Jupiter, et ainsi de suite, jusqu'à la lune et aux comètes les moins élevées. Il est encore perceptible dans l'atmosphère, surtout entre les tropiques, à cause des grands cercles que les molécules de l'air y décrivent; enfin il est presqu'insensible pour l'Océan; il est donc nul pour la terre. Mais cette induction prouve seulement que les astres ont des mouvemens propres, contraires au mouvement réel ou apparent qui emporte toute la sphère céleste d'orient en occident, et que ces mouvemens paraissent plus lents pour les astres plus éloignés; ce qui est conforme aux lois de l'optique. Bacon aurait dû être frappé de l'inconcevable vitesse qu'il faut supposer aux astres pour accomplir leur révolution diurne dans l'hypothèse de la terre immobile, et de l'extrême simplicité avec laquelle sa rotation explique comment des corps aussi distans les uns des autres, que les étoiles et les planètes, semblent tous assujétis à cette révolution. Quant à l'Océan et à l'atmosphère, il ne devait point assimiler leur mouvement à celui des astres, qui sont détachés de la terre ; au lieu que l'air et la mer faisant partie du globe terrestre, ils doivent participer à son mouvement ou à son repos. Il est singulier que ce philosophe porté aux plus grandes vues, par son génie, n'ait point été entraîné par l'idée majestueuse que le système de Copernic offre de l'univers. Il pouvait cependant trouver en faveur de ce

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